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Décisions

Cass. crim., 12 mai 2009, n° 09-81.434

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Joly

Rapporteur :

M. Guérin

Avocat général :

M. Finielz

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 30 janv. 2009

30 janvier 2009

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'une surveillance policière effectuée au cours d'une enquête préliminaire portant sur un trafic de stupéfiants a abouti, le 24 juin 2008, à l'interpellation en flagrant délit d'une personne détenant de l'héroïne ; que celle-ci a été présentée le jour même à un magistrat du parquet en vue d'une injonction thérapeutique ; que, sur instruction du procureur de la République, les enquêteurs, agissant en enquête de flagrance, ont poursuivi leurs investigations et ont interpellé le lendemain, outre diverses personnes, Hakim X... et procédé à une perquisition chez ce dernier ;

Attendu que celui-ci, mis en examen le 28 juin 2008, a saisi la chambre de l'instruction d'une demande d'annulation d'actes de la procédure en application de l'article 173 du code de procédure pénale ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 14, 40, 53, 76 du code de procédure pénale, 593 du même code, excès de pouvoir ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de nullité de la perquisition effectuée le 25 juin 2008 au domicile d'Hakim X..., sans son assentiment, ainsi que de tous les actes subséquents ;

" aux motifs qu'une enquête préliminaire avait été ouverte le 3 janvier 2008 ; qu'au cours de cette enquête, les surveillances mises en place avaient permis d'interpeller en six mois une trentaine de toxicomanes, chaque interpellation ayant donné lieu à des actes d'enquêtes en flagrant délit, l'enquête s'étant poursuivie sous la forme préliminaire ; que la surveillance avait permis de constater la reprise du trafic le 23 juin 2008, que Youssef Y... a été interpellé en flagrant délit le 24 juin 2008 à 10 heures, qu'il faisait l'objet le 24 juin 2008 à 15 heures d'une injonction thérapeutique à l'issue de sa garde à vue ; que les instructions données par le procureur de la République dans le cours d'une enquête ne peuvent pas avoir obligatoirement pour effet de modifier le statut de cette enquête ; que spécialement la décision du parquet sur le sort d'une personne gardée à vue dans le cadre d'une enquête de flagrance ne pouvait avoir par elle-même pour effet de mettre un terme à l'enquête de flagrance ; que les enquêteurs – qui ont reçu pour instruction du parquet de poursuivre leurs investigations – étaient fondés à continuer celle-ci en flagrant délit ;

" 1) alors que le parquet est maître de la qualification et du cadre des enquêtes menées sous son égide ; que, nonobstant la circonstance que la durée maximale prévue par la loi pour une enquête de flagrance ne soit pas écoulée, le ministère public peut décider de mettre fin au cadre juridique de la flagrance et imposer aux enquêteurs de revenir au cadre d'une enquête préliminaire ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué, qu'après avoir réglé le sort de Youssef Y..., arrêté en flagrance le 24 juin 2008, le procureur de la République a donné comme seules instructions aux enquêteurs de « poursuivre leurs investigations » sans parler de flagrance, et dans le cadre d'une enquête préliminaire générale menée depuis le 3 janvier 2008 ; qu'en estimant que les enquêteurs auraient eu le pouvoir de passer outre ces ordres, la chambre de l'instruction a validé l'excès de pouvoir commis par eux et violé les textes précités ;

" 2) alors que l'état de flagrance n'est en l'espèce légalement caractérisé qu'à l'égard de Youssef Y... ; qu'aucun des éléments retenus par la chambre de l'instruction ne caractérise le moindre délit flagrant à l'encontre des autres personnes interpellées le lendemain, et notamment d'Hakim X..., dont l'arrêt attaqué retient au contraire, qu'il n'avait commis aucun acte délictueux depuis plusieurs semaines ; qu'en l'absence de toute flagrance concernant Hakim X..., de tout lien constaté entre le délit flagrant commis le 24 juin par Youssef Y... et Hakim X..., et de la moindre autorisation avérée du procureur de la République de poursuivre l'enquête en flagrance, les enquêteurs ont commis un excès de pouvoir que la chambre de l'instruction devait censurer ; que l'arrêt sera lui-même annulé " ;

Attendu que, pour rejeter la requête en nullité de la procédure par laquelle le mis en examen soutenait qu'après la présentation au procureur de la République de la personne interpellée en flagrant délit, la procédure devait être poursuivie selon les règles de l'enquête préliminaire et qu'en conséquence la perquisition effectuée à son domicile sans son assentiment exprès était nulle, l'arrêt énonce que la décision du parquet sur le sort de la personne gardée à vue à l'occasion d'une enquête de flagrant délit ne mettait pas un terme à cette enquête ; que les juges ajoutent que les enquêteurs étaient fondés, après avoir poursuivi une enquête préliminaire pendant plusieurs mois et dès lors qu'un nouveau délit flagrant avait été régulièrement constaté, à continuer leurs investigations en enquête de flagrance pour procéder à tous les actes d'enquête ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision au regard de l'article 53, alinéa 2, du code de procédure pénale qui prévoit qu'à la suite de la constatation d'un flagrant délit, l'enquête de flagrance menée sous le contrôle du procureur de la République peut se poursuivre sans discontinuer pendant huit jours ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 14, 20, 53, 56, 57, 75 et 76 du code de procédure pénale, 593 du même code, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de nullité de la perquisition effectuée le 25 juin 2008 au domicile d'Hakim X..., par des agents de police judiciaire ayant excédé leur compétence, ainsi que de tous actes subséquents ;

" aux motifs que, selon le procès-verbal D. 778 d'interpellation du requérant, non argué de faux, le moyen selon lequel une perquisition irrégulière aurait eu lieu apparaît être une simple allégation ; qu'au surplus les fonctionnaires de police intervenaient sous les ordres et en présence du capitaine de police Stéphane Z..., officier de police judiciaire ;

" 1) alors qu'un procès-verbal de police ne vaut que jusqu'à preuve contraire ; qu'en exigeant qu'il soit argué de faux par le mis en examen, la chambre de l'instruction a méconnu les règles relatives à la valeur probante de tels procès-verbaux, ainsi qu'à la charge et à l'étendue de la preuve ;

" 2) alors que le mis en examen peut prouver librement outre le contenu d'un procès-verbal qui ne comporte pas de mention relative à une perquisition irrégulièrement menée ; que la seule circonstance que le procès-verbal d'interpellation n'ait pas mentionné l'existence d'une perquisition immédiatement menée par les agents de police judiciaire sans attendre les directives de leur supérieur hiérarchique, opération pudiquement baptisée par eux de « sécurisation de l'appartement » n'était pas de nature à exclure la réalité de cette opération effectuée par les agents de police judiciaire en excédant leur pouvoir ; que la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;

" 3) alors qu'en s'abstenant, à la faveur de ces motifs insuffisants, de rechercher si effectivement une perquisition irrégulière n'avait pas été menée par les agents de police judiciaire avant qu'ils en reçoivent l'ordre, et en excédant le cadre de leurs pouvoirs, la chambre de l'instruction n'a pas vidé le litige qui lui était soumis, et a privé sa décision de tout fondement légal " ;

Attendu que le moyen, qui fait valoir que la perquisition aurait été effectuée par des agents de police judiciaire avant l'arrivée de l'officier de police judiciaire demeure à l'état de pure allégation et ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.