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Décisions

Cass. com., 19 décembre 1983, n° 82-12.179

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Baudoin

Rapporteur :

M. Fautz

Avocat général :

M. Cochard

Avocat :

Me Choucroy

Lyon, 1re ch. civ., du 4 févr. 1982

4 février 1982

SUR LES DEUX PREMIER MOYENS REUNIS, PRIS EN LEURS DIVERSES BRANCHES ET SUR LA PREMIERE BRANCHE DU TROISIEME MOYEN :

ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE (LYON, 4 FEVRIER 1982) QUE LE 10 FEVRIER 1977 EST INTERVENUE ENTRE LES EPOUX Y... ET X... UNE CONVENTION PAR LAQUELLE IL ETAIT PREVU QU'APRES TRANSFORMATION DE LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE " SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS Y..." EN SOCIETE ANONYME, X... BENEFICIERAIT DE LA CESSION, PAR LES EPOUX Y..., D'UN CERTAIN NOMBRE D'ACTIONS, DE TELLE SORTE QUE LE "GROUPE Y..." ET LE "GROUPE X..." POSSEDENT CHACUN LA MOITIE DU CAPITAL SOCIAL, LA CONVENTION PRECISANT EN OUTRE, QUE LE CONSEIL D'ADMINISTRATION SERAIT COMPOSE PAR MOITIE D'ADMINISTRATEURS DE CHACUN DES DEUX GROUPES ;

QU'EN VERTU DES ACCORDS PASSES Y... ET X... DEVINRENT RESPECTIVEMENT LE PREMIER, ADMINISTRATEUR ET PRESIDENT DE LA SOCIETE, LE SECOND, ADMINISTRATEUR ET DIRECTEUR GENERAL DE CELLE-CI ;

QUE LE 30 NOVEMBRE 1978 L'ASSEMBLEE DES ACTIONNAIRES REVOQUA X... DE SES FONCTIONS D'ADMINISTRATEUR, TANDIS QUE, LE MEME JOUR, LE CONSEIL D'ADMINISTRATION METTAIT FIN A SES FONCTIONS DE DIRECTEUR GENERAL ;

ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A L'ARRET D'AVOIR RETENU LA RESPONSABILITE DES EPOUX Y... EN RELEVANT QUE Y... AVAIT PROPOSE LA REVOCATION DE X..., ADMINISTRATEUR, SANS QUE LA QUESTION AIT ETE INSCRITE A L'ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLEE ET QUE "S'IL RESULTAIT (DE L'ARTICLE 160 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966) QUE LA REVOCATION D'UN ADMINISTRATEUR PEUT ETRE PROPOSEE A L'ASSEMBLEE SANS INSCRIPTION A L'ORDRE DU JOUR, LORSQUE SON COMPORTEMENT AU COURS DES DEBATS LA JUSTIFIE OU S'IL EST REVELE DES FAITS QUI LA RENDENT NECESSAIRE, IL NE SAURAIT EN ETRE DE MEME SI LES CAUSES DE REVOCATION PREEXISTENT", ALORS, SELON LE POURVOI, DE PREMIERE PART, QUE LE POUVOIR DE REVOCATION DES ADMINISTRATEURS AU SEIN DES SOCIETES ANONYMES APPARTIENT A LA SEULE ASSEMBLEE GENERALE DES ACTIONNAIRES QUE LA DELIBERATION PRISE PAR CELLE-CI S'IMPOSE A TOUS LES ACTIONNAIRES TANT QU'ELLE N'A PAS ETE ANNULEE EN JUSTICE ;

QUE, PAR SUITE, LA COUR D'APPEL NE POUVAIT RETENIR LA RESPONSABILITE D'ACTIONNAIRES POUR LA DELIBERATION PRISE PAR L'ASSEMBLEE GENERALE SANS QU'AIT ETE AU PREALABLE SOLLICITEE ET OBTENUE L'ANNULATION DE LA RESOLUTION ;

QU'ELLE A AINSI VIOLE LES ARTICLES 90 ET 160 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966, QUE, DE DEUXIEME PART, EST NULLE TOUTE CONVENTION TENDANT A PORTER ATTEINTE A LA LIBRE REVOCABILITE DES ADMINISTRATEURS DE SOCIETE ANONYME ;

QU'IL S'ENSUIT QU'EN RETENANT POUR FAUTE LA VIOLATION, PAR DES ACTIONNAIRES, D'UNE CONVENTION DONT LA COUR D'APPEL CONSTATE ELLE-MEME QUE SON EXECUTION INTERDISAIT AUX SIGNATAIRES DE PROPOSER A L'ASSEMBLEE GENERALE LA REVOCATION DE CERTAINS ADMINISTRATEURS, DONT LE DIRECTEUR GENERAL, LA COUR D'APPEL A VIOLE L'ARTICLE 90 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966, QUE, DE TROISIEME PART, EST NULLE TOUTE CONVENTION FAISANT ECHEC AU PRINCIPE DE LA LIBRE REVOCABILITE DES ADMINISTRATEURS OU DIRIGEANTS SOCIAUX ;

QU'EN L'ESPECE, LA COUR D'APPEL RAPPELLE ELLE-MEME QUE LA CONVENTION, DONT CHAQUE ELEMENT ETAIT INDISSOCIABLE DE L'ENSEMBLE, PREVOYAIT UNE EGALITE PARFAITE ENTRE LES DEUX GROUPES, TANT DANS LA REPARTITION DU CAPITAL QUE DANS L'ADMINISTRATION DE LA SOCIETE, M Y... DEVANT EN ETRE LE PRESIDENT ET M X... LE DIRECTEUR GENERAL, ET QUE L'ETABLISSEMENT ET LE MAINTIEN DE CETTE PARITE ABSOLUE CORRESPONDAIT A LA COMMUNE INTENTION DES PARTIES ;

QU'IL S'ENSUIT QUE LA COUR D'APPEL QUI CONSTATE ELLE-MEME QUE LA CONVENTION AVAIT POUR BUT DE PREVOIR LE MAINTIEN D'UNE PARITE ABSOLUE FAISANT NECESSAIREMENT OBSTACLE A LA REVOCATION DES DIRIGEANTS SOCIAUX, NE POUVAIT CONSIDERER COMME VALIDE CETTE CONVENTION ET RETENIR, POUR MANQUEMENT A CELLE-CI, LA RESPONSABILITE DES EPOUX Y..., QU'ELLE A AINSI OMIS DE TIRER LES CONSEQUENCES LEGALES DE SES PROPRES CONSTATATIONS ET ENTACHE SA DECISION DE MANQUE DE BASE LEGALE AU REGARD DE L'ARTICLE 90 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966, QU'ENFIN, L'ARTICLE 160 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966 DISPOSE QUE L'ASSEMBLEE GENERALE PEUT "EN TOUTES CIRCONSTANCES" REVOQUER UN OU PLUSIEURS ADMINISTRATEURS ET PROCEDER A LEUR REMPLACEMENT ;

QU'EN AJOUTANT A CE TEXTE LA CONDITION QUE LA CAUSE DE REVOCATION NE SOIT PAS PREEXISTANTE A L'ASSEMBLEE, LA COUR D'APPEL L'A VIOLE;

MAIS ATTENDU, EN PREMIER LIEU, QUE LA COUR D'APPEL, EN RETENANT LES AGISSEMENTS DE Y... PRIS, NON COMME ACTIONNAIRE OU DIRIGEANT SOCIAL, MAIS COMME PARTIE A UNE CONVENTION DONT LA VIOLATION ETAIT INVOQUEE, A, PAR APPLICATION DE CETTE CONVENTION, EXACTEMENT DECIDE QUE CELLE-CI, QUI PREVOYAIT D'UN COTE LA REPARTITION EGALE DU CAPITAL SOCIAL ENTRE DEUX GROUPES D'ACTIONNAIRES ET DE L'AUTRE, UNE COMPOSITION PARITAIRE DU CONSEIL D'ADMINISTRATION NE CONSTITUAIT PAS UN CONTRAT FAISANT OBSTACLE A LA REVOCATION A TOUT MOMENT D'UN ADMINISTRATEUR PAR L'ASSEMBLEE DES ACTIONNAIRES;

ATTENDU, EN SECOND LIEU, QUE LA COUR D'APPEL A RELEVE QUE Y... N'AVAIT PAS FAIT INSCRIRE LA REVOCATION DE X... A L'ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLEE ALORS QU'IL L'AVAIT "LARGEMENT PREMEDITEE" ET QU'AINSI IL AVAIT COMMIS "UN ABUS DE DROIT CARACTERISE" ;

QU'EN L'ETAT DE CES ENONCIATIONS, ABSTRACTION DU MOTIF VISE A LA PREMIERE BRANCHE DU TROISIEME MOYEN, LA COUR D'APPEL A PU RETENIR LA RESPONSABILITE DE Y... ;

QUE LES PREMIER ET DEUXIEME MOYENS PRIS EN LEURS DIVERSES BRANCHES ET LE TROISIEME MOYEN PRIS EN SA PREMIERE BRANCHE NE SONT DONC PAS FONDES ;

SUR LE TROISIEME MOYEN, PRIS EN SES DEUXIEME ET TROISIEME BRANCHES :

ATTENDU QU'IL EST ENCORE FAIT GRIEF A L'ARRET D'AVOIR, POUR RETENIR LA RESPONSABILITE DE Y..., DECLARE QUE CELUI-CI, EN VOTANT LA REVOCATION DE X..., AVAIT FAIT UN USAGE ABUSIF D'UN POUVOIR A LUI DONNE ET QUE X... ETAIT EN DROIT DE SE PLAINDRE DE L'INOBSERVATION DU DELAI DE CONVOCATION D'UN ACTIONNAIRE APPARTENANT A SON GROUPE ALORS, SELON LE POURVOI, D'UNE PART, QUE LA COUR D'APPEL NE POUVAIT LEGALEMENT RETENIR UN ABUS DE POUVOIR DU MANDATAIRE, SANS CONSTATER QUE LE MANDANT AIT EFFECTIVEMENT CONTESTE L'UTILISATION QUI AVAIT ETE FAITE DE LA PROCURATION QU'IL AVAIT CONSENTIE ;

QU'ELLE A AINSI VIOLE L'ARTICLE 1984 DU CODE CIVIL, ALORS, D'AUTRE PART, QUE L'INOBSERVATION DU DELAI DE CONVOCATION DE L'ASSEMBLEE GENERALE, QUI INCOMBE AU CONSEIL D'ADMINISTRATION, EST IMPUTABLE A TOUS LES ORGANES EXECUTIFS DE LA SOCIETE QUE, PAR SUITE, LA COUR D'APPEL NE POUVAIT LEGALEMENT FAIRE PESER SUR LE PRESIDENT PRIS PERSONNELLEMENT, UNE RESPONSABILITE A CE TITRE A L'EGARD DU DIRECTEUR GENERAL, A QUI, PAR SES FONCTIONS, INCOMBAIT LA MEME OBLIGATION ;

QUE LA COUR D'APPEL A, AINSI, VIOLE L'ARTICLE 158 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966 ;

MAIS ATTENDU, D'UNE PART, QUE LA COUR D'APPEL A RELEVE QUE LE MANDANT AVAIT RECONNU, PEU APRES LA TENUE DE L'ASSEMBLEE, MAIS EN SE RETRACTANT PAR LA SUITE, QUE LE MANDAT DONNE A Y... NE PORTAIT QUE SUR LES SEULES QUESTIONS FIGURANT A L'ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLEE ;

QUE C'EST PAR UNE APPRECIATION SOUVERAINE DES ELEMENTS DE PREUVE SOUMIS A SON EXAMEN QU'ELLE A RETENU DES DEUX AFFIRMATIONS CONTRAIRES DU MANDANT CELLE QUE CES ELEMENTS LUI FAISAIENT APPARAITRE COMME LA PLUS EXACTE ;

ATTENDU, D'AUTRE PART, QUE LA COUR D'APPEL A RETENU QUE L'INOBSERVATION D'UN DELAI DE CONVOCATION DEVAIT ETRE CONSIDERE, NON EN LUI-MEME MAIS COMME CONSTITUANT PAR SES EFFETS, UN ELEMENT DE L'ENSEMBLE DES AGISSEMENTS FAUTIFS RELEVES A L'EGARD DE Y... PRIS COMME PARTIE A LA CONVENTION LE LIANT A X... ;

QUE LA COUR D'APPEL A LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION ;

QUE LE MOYEN N'EST DONC FONDE EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;

SUR LE QUATRIEME MOYEN :

ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A L'ARRET CONFIRMATIF, D'AVOIR DECLARE QUE LES SOMMES ALLOUEES A X..., REPRESENTANT LES REMUNERATIONS QU'IL AURAIT DU PERCEVOIR S'IL N'AVAIT PAS ETE REVOQUE DE SES FONCTIONS, DEVAIENT PRODUIRE DES INTERETS A COMPTER DU JOUR OU LA SOCIETE LES AVAIENT DUES, ALORS, SELON LE POURVOI, QU'UNE CREANCE INDEMNITAIRE NE PEUT PORTER INTERETS QU'A COMPTER DU JOUR OU ELLE EST JUDICIAIREMENT CONSTATEE ;

QUE LES JUGES NE PEUVENT REPORTER A UNE DATE ANTERIEURE LE POINT DE DEPART DES INTERETS SANS MOTIVER LEUR DECISION ;

QUE LA COUR, QUI NE DONNE AUCUN MOTIF A SA DECISION, A AINSI ENTACHE CELLE-CI D'UN MANQUE DE BASE LEGALE ET VIOLE L'ARTICLE 455 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE ;

MAIS ATTENDU QU'IL NE RESULTE NI DES CONCLUSIONS NI DE L'ARRET QUE LE MOYEN AIT ETE SOULEVE DEVANT LES JUGES DU FOND ;

QUE NOUVEAU ET MELANGE DE FAIT ET DE DROIT LE MOYEN EST IRRECEVABLE ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 4 FEVRIER 1982 PAR LA COUR D'APPEL DE LYON.