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Décisions

Cass. crim., 31 octobre 2017, n° 17-81.842

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

M. Ascensi

Avocat général :

M. Quintard

Avocat :

SCP Spinosi et Sureau

ch. instr. Bordeaux, du 28 févr. 2017

28 février 2017

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 23 juin 2017, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu les mémoires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 12 mai 2016 à 22 heures 20, des policiers de la circonscription de sécurité publique de Bordeaux patrouillant à Bègles (33) ont été requis par Mme Stefka Y..., se prostituant, qui leur a signalé qu'elle venait d'être victime de la tentative de vol de son sac, commise par un individu muni d'un couteau ; que la requérante a ajouté que ce dernier, une semaine auparavant, l'avait contrainte à avoir une relation sexuelle, également sous la menace d'un couteau ; que, le même jour à 22 heures 40, les policiers agissant dans le cadre d'une enquête de flagrance ont interpellé M. X..., correspondant au signalement, dans le secteur géographique où les faits leur avaient été dénoncés ; que six prostituées se sont spontanément manifestées pour dénoncer les faits de vols et de tentatives de vols aggravés, ainsi que de viols et de tentatives de viols aggravés qu'elles déclaraient avoir subis et qu'elles imputaient à M. X... ; que les policiers ont notifié à M. X... qu'il était placé en garde à vue à compter de 22 heures 40 pour des faits de tentative de vol aggravé, commise à Bègle, le 12 mai 2016 ; que le gardé à vue a été entendu le 13 mai 2016 par les enquêteurs ; qu'après avoir été informé par les policiers du résultat de leurs investigations, le procureur de la République leur a donné pour instruction de notifier à M. X... qu'il était également placé en garde à vue pour des faits de viols aggravés, violences aggravées et vols aggravés commis entre le mois d'août 2015 et le 13 mai 2016, ce qui a été fait par les enquêteurs le 13 mai 2016 à 13 heures 25 ; que le gardé à vue a été à nouveau entendu le 13 mai 2016 ; que les enquêteurs ont joint à l'enquête de flagrance la procédure diligentée sur la plainte de M. Z..., se prostituant, qui avait porté plainte pour des faits de viol aggravé et de tentative de vol qualifié ; que, le 13 mai 2016, les policiers ont confronté le demandeur aux plaignants ; que, le 14 mai 2016, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire des chefs de viols aggravés et tentatives et de vols aggravés et tentatives ; que M. X... a été mis en examen de ces chefs au terme d'un interrogatoire de première comparution au cours duquel il s'est borné à faire des déclarations ; que, le 19 octobre 2016, M. X... a été interrogé par le magistrat instructeur qui s'est référé, s'agissant de certaines questions, aux auditions du mis en examen réalisées au cours de sa garde à vue ; que, le 10 novembre 2016, le conseil de M. X... a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité d'actes de la procédure ;

En cet état ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 54, 62, 66, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité du procès-verbal de compte-rendu initial contenant la retranscription des déclarations de six prostituées recueillies sur les lieux de l'interpellation ;

" aux motifs que s'agissant de la nullité alléguée du procès-verbal de compte rendu initial (D3) et de la nullité subséquente alléguée de l'ensemble des auditions des prostituées ; que la défense du mis en examen excipe de ce que les dispositions de l'article 62 du code de procédure pénale qui exige, selon elle, qu'une personne déposant devant les services de police puisse être à même de relire sa déclaration et de la signer, dans le cadre d'un " procès-verbal ad hoc ", ont été violées ; que l'article 62 du code procédure pénale est relatif à l'audition par les enquêteurs des personnes hors toute mesure de contrainte ; qu'afin d'éviter toute espèce de confusion, il convient de distinguer expressément le procès-verbal de " compte rendu d'infraction initial " au moyen duquel l'OPJ relate ses constatations liminaires sous sa seule signature, du procès-verbal d'audition soumis à relecture de la personne entendue, au besoin avec le concours d'un interprète, à sa signature conjointe à celle de l'OPJ et, s'il y a lieu, de l'interprète ; qu'au cas d'espèce, l'OPJ a consigné dans un unique procès-verbal de " compte rendu d'infraction initial " 2016/ 27982/ 1 coté en D3, en premier lieu, dans quelles circonstances, alors qu'il avait été requis par une prostituée et tandis qu'il procédait à l'interpellation d'un suspect sur ses indications, plusieurs autres prostituées s'étaient fait connaître, en deuxième lieu, leurs identités respectives, en troisième lieu, l'objet sommairement résumé de leurs doléances et en quatrième et dernier lieu, comment deux d'entre elles avaient été conduites au service de police sans désemparer, tandis que les cinq autres prenaient l'engagement de s'y présenter par leurs propres moyens le lendemain afin d'y déposer, ce qui fût fait (procès-verbaux 2016/ 27982/ 4 en D6, 2016/ 27982/ 5 en D8, 2016/ 27982/ 13 en DIS, 2016/ 27982/ 14 en DI6, 2016/ 27982/ 15 en 017, 2016/ 27982/ 17 en DI9 et 2016/ 27982/ 20 en D22) ; qu'en limitant son rapport aux données essentielles utiles aux dépositions ultérieures (états-civils, nationalités, adresses et doléances), l'OPJ a satisfait aux exigences posées par l'article 54 du code de procédure pénale relatif à l'enquête flagrante qui lui faisait obligation de veiller à la conservation des indices susceptibles de disparaître et de tout ce qui pouvait servir à la manifestation de la vérité, tout CU ayant soin de n'éluder aucun des droits qui s'attachaient au procès équitable, à ce stade débutant de la procédure, à la fois pour le mis en cause et pour les plaignantes ; qu'il n'a pas outrepassé la collecte des indices qu'il lui appartenait de réunir ; que le fait que l'OPJ n'ait pas précisé par quelle entremise il a pu établir, avec les prostituées qui se sont présentées à lui, le contact linguistique basique nécessaire à cette collecte d'indices, ne saurait en affecter la régularité ; que tout au plus, sa fiabilité intrinsèque eut pu s'en trouver pondérée, au cas de discordance avec le contenu des auditions ultérieurement réalisées dans les conditions idoines ; que, force est de constater à ce titre, qu'excepté deux erreurs d'orthographe sur les états-civils de deux des plaignantes, la comparaison des données du procès-verbal critiqué, pourtant recueillies in situ et dans un contexte de tensions, avec le contenu des auditions ultérieurement réalisées, ne met en évidence aucune différence de nature à en entacher la fiabilité ; qu'en procédant de la sorte, l'OPJ a accompli sa mission en conformité avec les devoirs de sa charge et le procès-verbal 2016/ 27982/ 1 qu'il a établi pour transcrire de manière objective la genèse et les fondements de l'enquête, satisfait aux conditions de forme et de fond qui garantissent sa régularité ; qu'il s'ensuit que le moyen tenant à la nullité du procès-verbal de compte rendu initial (D3) et subséquemment de l'ensemble des auditions des prostituées, sera rejeté ;

" 1°) alors que le recueil de déclarations de témoins ne saurait être assimilé à la conservation d'indices ; qu'en l'espèce, au moment de l'interpellation, les policiers ont recueilli et retranscrit les déclarations de six prostituées sous la forme d'un compte-rendu d'infraction initial et non dans les conditions d'une audition de témoin ; qu'en considérant que le compte-rendu d'infraction initial transcrivant les déclarations des prostituées respectait les dispositions de l'article 54 du code de procédure pénale en ce qu'il avait vocation à la conservation d'indices, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;

" 2°) alors qu'il découle du droit à un procès équitable que les personnes mises en cause doivent bénéficier de garanties quant aux conditions de recueil des déclarations des témoins, notamment lorsque celles-ci sont à charges ; que la compréhension de la langue par le témoin est nécessaire au caractère équitable de la procédure ; qu'en l'espèce, la transcription des déclarations des six prostituées dans le compte-rendu d'infraction initial ne permet pas de s'assurer du respect de cette garantie et partant, méconnaît le droit au procès équitable ;

" 3°) alors qu'il résulte des articles 62 et 66 du code de procédure pénale que l'audition d'un témoin doit donner lieu à la rédaction immédiate d'un procès-verbal, signé, sur chacun de ses feuillets, par son rédacteur et la personne entendue, après relecture ; qu'en l'espèce, la retranscription par les policiers des déclarations des six prostituées dans le compte-rendu d'infraction initial ne remplit pas ces conditions ; qu'en rejetant la nullité dudit compte-rendu, la chambre de l'instruction a méconnu les dispositions susvisées " ;

Attendu que pour rejeter le moyen pris de la nullité du procès-verbal de compte-rendu d'infraction initial, tiré de ce que ce procès-verbal relate les déclarations de prostituées recueillies sans que n'aient été respectées les exigences de l'article 62 du code de procédure pénale, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, dès lors qu'aucune disposition législative non plus que réglementaire ne fait obstacle à ce que, en application de l'article 54 du code de procédure pénale, l'officier de police judiciaire présent sur les lieux d'une infraction flagrante recueille les déclarations sommaires qui lui sont spontanément faites par les personnes qui se présentent à lui, préalablement à leur audition ultérieure, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 53, 203, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité du recueil des plaintes consécutif à l'interpellation sur des faits incompatibles avec l'infraction flagrante ;

" aux motifs que la procédure de flagrance prévue et organisée par les articles 53 à 74-2 du code de procédure pénale, a pour effet d'octroyer aux enquêteurs des pouvoirs spécifiques d'enquête et de coercition, propres au crime ou au délit « qui se commet actuellement, qui vient de se commettre », ou lorsque « dans le temps très voisin de l'action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique » ; que la caractérisation de la flagrance est une condition de validité de la mise en oeuvre de la procédure suivie à ce titre ; que pour autant rien n'interdit que dans ce même cadre procédural, les enquêteurs étendent leurs investigations à des faits connexes de nature à caractériser des infractions pénales, qui quoiqu'antérieurs aux faits flagrants, sont révélés concomitamment ou subséquemment à ceux-ci pendant l'enquête ; qu'au cas d'espèce, il ressort sans ambiguïté du procès-verbal de compte rendu d'infraction initial (D3) que des fonctionnaires de police en patrouille portée assurant une mission de sécurisation, de passage boulevard Jean Jacques Bosc à Begles, étaient requis le 12 mai 2016 à 22 heures 20 par une prostituée, Mme Stefka Y..., au motif qu'elle venait d'être victime de faits susceptibles de caractériser une tentative de vol avec arme (d'un sac à main sous la menace d'un couteau) ; qu'il ressort de ce même procès-verbal que la requérante imputait ces faits à un homme dissimulé un peu plus loin, qu'elle désignait sous le vocable « le kurde » et que, concomitamment, elle portait à la connaissances des fonctionnaires de polie que ce même homme avait commis à ses dépens une semaine plus tôt des faits susceptibles de caractériser un viol (relation sexuelle imposée sous la menace d'un couteau) ; que les circonstances de la saisine, ci-dessus rapportées, caractérisent amplement la flagrance qui a été retenue pour définir le cadre juridique des investigations initiées par la plainte de Mme Y... ; que la concomitance de la découverte et de l'identification de M. Mazlum X... par la requérante « quelques minutes plus tard », avec la révélation « dans le même temps » par six autres prostituées venues se présenter spontanément aux fonctionnaires requis, de faits de nature similaire qu'elles se plaignaient d'avoir subis de la part de cet individu, le jour-même, durant les dernières semaines ou les cinq mois écoulés, n'est pas contestable ; que cette concomitance justifiait sans conteste possible que les constatations initiales, le recueil des dépositions et les investigations subséquentes relatives à l'ensemble des plaintes susceptibles de présenter un lien de connexité avec les premiers faits (y compris la plainte distinctement déposée le 23 mai précédent), soient réalisés dans le cadre procédural de la flagrance, justement et opportunément choisi pour les premiers faits à raison des circonstances dans lesquelles la patrouille de police avait été requise ; qu'il s'ensuit que le moyen tenant à la nullité de la procédure résultant de ce que les plaintes recueillies tout de suite après l'interpellation seraient relatives à des faits jugés à tort comme incompatibles avec l'infraction flagrante par la défense de l'appelant, sera rejeté ;

" alors qu'il résulte de l'article 53 du code de procédure pénale qu'est qualifié de crime ou de délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre ou lorsque dans un temps très voisin de l'action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a participé au crime ou au délit ; que la notion de connexité prévue par l'article 203 du code de procédure pénale ne peut servir à justifier l'extension du régime de la flagrance à d'autres infractions ; qu'en l'espèce, constatant la commission de faits de tentative de vol avec arme à l'encontre d'une prostituée, les enquêteurs ont consigné dans un procès-verbal une autre déposition de celle-ci ainsi que des témoignages de six autres prostituées disant avoir subi des faits de viols ou des tentatives de viols durant les semaines ou les mois précédents ; que n'a pas justifié sa décision et violé les articles précités la chambre de l'instruction qui s'est fondée sur un prétendu lien de connexité entre le vol qui venait d'être dénoncé et les viols qui auraient été commis bien antérieurement pour justifier ces investigations menées en flagrance " ;

Attendu qu'en retenant que les enquêteurs étaient fondés, dans le cadre de l'enquête de flagrance, a étendre leurs investigations à des faits de nature similaire aux faits flagrants, imputés au même individu et qui leur avaient été révélés concomitamment ou subséquemment à ceux-ci pendant l'enquête, quoique commis antérieurement aux faits flagrants, la chambre de l'instruction a prononcé par des motifs insuffisants ;

Qu'en effet, si à la suite de la constatation d'un crime ou délit flagrant, l'enquête de flagrance peut être étendue à l'ensemble des infractions connexes à celui-ci, c'est à la condition qu'il existe entre les faits objet des investigations des rapports étroits, analogues à ceux que la loi a spécialement prévus ;

Que toutefois l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que le recueil des plaintes et l'audition consécutive des plaignants relativement aux faits non flagrants ne présentaient aucun caractère coercitif de nature à porter atteinte aux intérêts du demandeur et auraient pu être accomplis en enquête préliminaire ;

D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 20, 54, 62-2, 62-3, 63-1, 63-4-3, 63-4-5, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité de la garde à vue, pendant laquelle a été organisée une confrontation collective entre le demandeur et les sept victimes alléguées ;

" aux motifs qu'il résulte du procès-verbal 2016/ 27982/ 28 (033) qu'informé de l'état d'avancement de l'enquête à 17 heures 30, le vendredi 13 mai 2016, le procureur de la République a donné pour instruction à l'OPJ « de procéder à une confrontation des différents protagonistes » et de « lui déférer le sieur X... pour le samedi 14 mai 2016 à 09 heures 00 » avec la procédure ; que le procès-verbal 2016/ 27982/ 34 (D 39) intitulé " Confrontation entre victimes et M. X... rapporte qu'à 19 heures 30 M. X..., assisté de son avocate, a été invité à réagir une nouvelle fois aux accusations portées contre lui, en présence des plaignants Mmes Klaudia A..., Nevena B..., Zorka C..., Fidanka D..., Zaprinka E..., Asya F..., Raina G...et Z..., qu'il a pu observer et désigner physiquement à l'invitation de l'enquêteur chacun de ceux qui étaient concernés par ses explications ou, au contraire, qu'il ne reconnaissait pas, et qu'ensuite, les plaignants, assistés de deux interprètes, en langue bulgare et albanaise ont été invités à s'exprimer à tour de rôle sur les faits dénoncés et à indiquer si ils reconnaissaient leur agresseur en la personne du gardé à vue ; que la confrontation, prescrite par un magistrat, le procureur de la République, et non réalisée d'initiative par les enquêteurs, a consisté en une mise en présence physique réciproque du gardé à vue et des plaignants assortie de déclarations unilatérales sans échange ni débat, telle qu'elle eut pu être réalisée derrière une glace sans tain, s'il n'avait pas été établi avec certitude qu'ils s'étaient déjà trouvés en présence les uns des autres, ne serait-ce qu'au moment de l'intervention de la patrouille sur les lieux la veille au soir ainsi que cela résulte des mentions en D3, ce qui rendait une telle précaution d'usage en l'occurrence parfaitement inutile ; qu'au regard des divergences de versions enregistrées, cette mise en présence avait le mérite, à charge comme à décharge, après que toutes les dépositions aient été recueillies et avant que soit mis un terme à la garde à vue, de lever toute incertitude susceptible dc s'attacher à la reconnaissance du gardé à vue par ses détracteurs, mais aussi de ceux-ci par le gardé à vue, et de fixer au cas par cas les versions en présence ; que la circonstance que les plaignants aient tous réitéré à cette occasion leurs accusations antérieures et qu'ils aient répondu positivement à la question de savoir si M. X... qui leur était représenté était bien leur agresseur, ne saurait suffire à discréditer cet acte d'enquête qui n'est entaché, dans sa conception comme dans son exécution d'aucune espèce d'irrégularité ; qu'en tout état de cause, les dispositions de l'article 120-1 du code procédure pénale au terme desquelles le mis en examen peut demander à être confronté individuellement avec chacune des personnes le mettant en cause ne sont applicables qu'aux confrontations diligentées dans le cadre d'une information judiciaire ; qu'elles ne sont pas prévues à peine de nullité ; que nonobstant, par application des dispositions susvisées, conjuguées à l'article 82-1 du code de procédure pénale, le mis en examen est recevable à solliciter une confrontation " duelle " avec chacune des plaignantes et/ ou parties, de sorte que la mise en présence opérée au cours de la garde à vue n'a pas eu pour effet d'obérer les droits qui lui sont ménagés en conformité avec les dispositions de l'article 6 de la CEDH et de l'article préliminaire du code de procédure pénale, une fois l'information judiciaire ouverte ; qu'il s'ensuit que le moyen tenant à la nullité de la procédure de garde à vue alléguée sur le fondement de l'atteinte au procès équitable qui serait, selon la défense du mis en examen, résultée de l'émergence et du recueil à la procédure de flagrance des plaintes pour viols et tentative de viols lors de la confrontation, sera rejetée ;

" alors que violent le droit à un procès équitable, l'égalité des armes et les droits de la défense les enquêteurs qui, sur instruction du parquet, organisent une confrontation de sept plaignants avec la personne gardée à vue en les invitant « à s'exprimer à tour de rôle sur les faits dénoncés et à indiquer s'ils reconnaissent leur agresseur en la personne du gardé à vue » ; que la chambre de l'instruction ne pouvait valider une telle mesure au motif qu'elle aurait seulement « consisté en une mise en présence physique réciproque du gardé à vue et des plaignants assortie de déclarations unilatérales sans échange ni débat, telle qu'elle eut pu être réalisée derrière une glace sans tain " ;

Attendu que pour rejeter le moyen pris de la nullité du procès-verbal de la confrontation réalisée entre le demandeur et les plaignants, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que la confrontation d'une personne gardée à vue à plusieurs personnes la mettant en cause ne méconnaît à elle seule aucune des dispositions légales et conventionnelles visées au moyen, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 63-1, 174, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la chambre de l'instruction a fait droit au moyen tiré de la nullité de la garde à vue en raison du défaut d'information sur la nature des infractions reprochées mais s'est bornée à annuler les cotes D13 et D25 et à ordonner la cancellation des cotes D1, D39 et D68 ;

" aux motifs que l'article 63 du code de procédure pénale prévoit la possibilité de placer en garde à vue une personne sur la base d'une simple raison plausible de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ; que ce placement en garde à vue ne nécessite pas que cette raison plausible soit étayée par d'autres éléments et notamment un début d'aveu ; que l'article 63-1 alinéa 1-2 du code de procédure pénale (issu de la loi 2014-535 du 27 mai 2014 en vigueur au moment des faits) dispose que la personne gardée à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature, de la date et du lieu présumés de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ; que les droits et l'information prévus par l'article 63-1 du code de procédure pénale constituent en réalité le corollaire et la garantie devant entourer le recours à une telle mesure de contrainte ; qu'aux termes de l'article 64-1 alinéa 1 du même code, s'il s'agit d'un crime, les auditions réalisées dans les locaux d'un service ou d'une unité de police ou de gendarmerie exerçant une mission de police judiciaire font l'objet d'un enregistrement audiovisuel ; qu'au cas d'espèce, il résulte des procès-verbaux de la procédure 2016/ 27982, particulièrement du procès-verbal de « compte rendu d'infraction initial » en D3, que dès l'interpellation de M. X..., les fonctionnaires de police étaient dépositaires d'une plainte verbale de Mme Stefka Y... susceptibles de caractériser une tentative de vol avec une arme, mais également pour toutes deux ainsi que pour Mme D..., sur des faits susceptibles de caractériser des viols avec usage ou sous la menace d'une arme et pour Mme Zorka C... sur des faits susceptibles de caractériser une tentative de viol avec usage ou sous la menace d'une arme, commis dans les semaines précédentes ; que par ailleurs, Nevena B... et Stefka Y..., conduites au commissariat, y confirmaient, respectivement à 23 heures 30 et à 23 heures 45, concomitamment au placement en garde à vue de M. X..., leurs accusations initiales ; qu'enfin, il résulte des procès-verbaux de la procédure 2016/ 11089, » que le service d'enquête était déjà saisi depuis février 2016 d'une enquête préliminaire concernant une série d'agressions avec arme (vols, viols, violences) commises sur le même secteur à l'encontre de prostituées par un individu dont le signalement pouvait correspondre à M. X... et particulièrement de la plainte pour viol sous la menace d'un couteau déposée par un travesti, Z..., le 23 février 2016 ; que ces accusations précises, réitérées et convergentes constituaient dès lors une raison plausible, telle que définie à l'article 63 du code de procédure pénale, de soupçonner que M. X... avait pu commettre ou tenté de commettre une infraction commandant que l'OPJ lui notifie qu'il était également soupçonné de viols et tentative de viol commis avec usage ou sous la menace d'une arme ; que pourtant, il résulte du procès-verbal 2016/ 27982/ 3 de « notification de début de garde à vue de M. X... », qu'à 23 heures 30, le 12 mai 206, l'OPJ n'en a pas moins notifié à l'intéressé, au commissariat de Bordeaux, son placement en garde à vue, à compter de 22 heures 40 au seul visa « d'une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre (...) l'infraction de tentative de vol aggravé sur la commune de Bègles le 12 mai 2016 » ; que le lendemain matin, lorsqu'il a été interrogé à compter de 10 heures 36 pour la première fois sous le régime de la garde à vue, il n'en a pas moins été questionné sur le point de savoir s'il se rendait fréquemment sur le secteur, s'il y fréquentait les prostituées, s'il avait eu des rapports sexuels avec elles et s'il les avait payées ; que son audition n'a pas été filmée (procès-verbal 2016/ 27982/ 5- D13) ; qu'il se déduit de ce qui précède que l'information délivrée au gardé à vue sur la nature des infractions qui lui étaient dès l'abord reprochées, ne comportait pas les plus graves d'entre elles, de nature criminelle, de sorte qu'il a été privé de la garantie d'un enregistrement audio-visuel de l'intégralité de ses déclarations et d'un élément d'information essentiel à l'appréciation qu'il était susceptible d'avoir de l'exercice de ses droits, notamment celui de bénéficier de l'assistance d'un avocat qu'il n'a pas exercé au début de sa garde à vue ; que la Cour de cassation a jugé que le défaut d'information portant sur la nature de l'infraction de viol, en présence d'une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que la personne faisant l'objet de la mesure de garde à vue (témoignages de la victime) avait commis l'infraction, avait porté atteinte aux intérêts de la personne concernée (Crim., 16 juin 2015) ; que cette atteinte aux droits de la défense justifie que soit annulée l'intégralité de la première audition de garde à vue de M. X... (Cote D13) ; qu'à 13 heures 25, le 13 mai 2016, sur instructions du procureur de la République l'OPJ a notifié à M. X... son placement en garde à vue à compter du 12 mai 2016 à 22 heures 40 " au vu d'une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, en l'espèce l'infraction de tentative de vol aggravé sur la commune de Begles le 12 mai 2016 et viols aggravés, violences aggravées, vols aggravés commis entre le 01 août 2015 et le 12 mai 2016 à Bordeaux et Begles " ; que le gardé à vue a sollicité l'assistance d'un avocat et s'est entretenu avec lui de 15 heures 30 à 15 heures 40 préalablement à son second interrogatoire de 15 heures 40 à 17 heures 10 (procès-verbal 2016/ 27982/ 23- D25) et à la confrontation réalisée à 19 heures 30 (procès-verbal 2016/ 27982/ 34- D 39) qui ont fait l'objet d'un enregistrement audio-visuel ; que pour autant, dès le début de la seconde audition, après que M. X... ait été questionné comme cela avait été le cas au début de sa première audition, sur sa compréhension des motifs de sa garde à vue et après qu'il ait répondu qu'il ne les comprenait toujours pas, les enquêteurs ont mentionné lui avoir énoncé les faits reprochés " à savoir des faits de tentatives de vols avec arme, un couteau, sur deux prostituées du secteur boulevard JJ Bosc à Bègles ", énonciation qui, une nouvelle fois, n'incluait pas les faits de viols et de tentatives de viols avec arme, ni davantage l'ensemble des plaignants ; que, quoique M. X... ait, à la différence du premier interrogatoire, exercé lors de sa seconde audition son droit à être assisté par un avocat et qu'il ait bénéficié d'un enregistrement, pour autant l'information tronquée qui lui a une nouvelle fois été délivrée sur la nature de l'infraction de viol et de tentative de viol, en présence d'une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il avait pu commettre ces crimes, a nécessairement eu pour effet de porter à ses droits, une nouvelle atteinte qui justifie que soit également annulée l'intégralité de la seconde audition de garde à vue de M. X... (D 25) ; que s'agissant de la première partie de la confrontation, quoique M. X... ait, à la différence du premier interrogatoire, également exercé son droit à être assisté par un avocat et qu'il ait bénéficié d'un enregistrement, pour autant, le recueil liminaire de ses déclarations qui correspondent de fait à une troisième audition avant laquelle il n'a pas davantage que précédemment reçu de précision sur les faits reprochés et qui débute par une invitation à préciser s'il avait des modifications à apporter à ses déclarations antérieures, a nécessairement eu pour effet de porter atteinte à ses droits ; qu'en revanche, la seconde partie de la confrontation qui consiste en une mise en présence et qui comporte les seules dépositions de Klaudia A..., Nevena B..., Zorka C..., Fidanka D..., Zaprinka E..., Asya F..., Raina G...et Z... sans aucune interaction avec le gardé à vue, aurait pu être diligentée indépendamment des auditions annulées auxquelles elle ne se réfère pas, de sorte qu'elle n'encourt pas l'annulation ; qu'en conséquence, seuls les feuillets 1 et 2 de la cote D 39 seront cancellés depuis la question " Avez-vous des modifications à apporter (...) des éléments à ajouter ? " figurant juste après la mention " sur les faits " en page 1, incluse, jusqu'à la dernière ligne de la page 2, incluse, selon les modalités ci-dessous spécifiées au dispositif ; que s'agissant des autres effets susceptibles d'être induits par ces annulations, il est de jurisprudence établie que l'annulation d'une pièce de procédure n'entraîne l'annulation que des seules pièces dont elle constitue le support nécessaire et exclusif ; que par ailleurs, il est également de jurisprudence établie que les irrégularités affectant la mesure coercitive de garde à vue ne s'étendent pas automatiquement aux actes de poursuites qui présentent le caractère d'actes distincts ; qu'il apparaît à cet égard que la validité du placement en garde à vue de M. X... du chef de tentatives de vols aggravés, consécutif à une plainte déposée en flagrance par plusieurs prostituées, motivé par des raisons plausibles de soupçonner qu'il avait commis ces infractions, ne saurait être affectée en son principe par les irrégularités postérieures qui entachent ses auditions en D 13, D 29 et D 35 uniquement à raison du défaut de notification de l'infraction la plus grave qu'il était soupçonné d'avoir commise ou tenté de commettre ; que de même, la perquisition effectuée au domicile familial,... (D18), durant laquelle aucune question sur le fond n'a été posée à M. X... et qui aurait pu être diligentée indépendamment des auditions de garde à vue sur l'unique fondement des plaintes, n'apparaît pas affectée par les annulations susvisées ; qu'en revanche, le procès-verbal de synthèse de la procédure 2016/ 27982 figurant en Cote D1 comporte en sa page 2 un paragraphe débutant par la mention " Auditionné, M. X... Mazlum... " et se terminant par " de temps en temps avoir des relations sexuelles tarifiées " qui rapportent explicitement le contenu de procès-verbaux d'audition du gardé à vue frappés de nullité, en sorte qu'il sera cancellé selon les modalités ci-dessous spécifiées au dispositif ; que le réquisitoire introductif, indépendamment des auditions irrégulières, trouve son fondement dans les actes d'enquête ainsi que dans les témoignages multiples et détaillés imputant à M. X... la commission des infractions pour lesquelles il a été mis en examen, extrinsèques à ses propres déclarations ; qu'en première comparution, M. X... s'est borné à faire des déclarations spontanées que le juge a écoutées après avoir porté à sa connaissance ab initio et de manière exhaustive les faits de la saisine et les chefs de mise en examen envisagés ; qu'il ne s'est pas référé à ses déclarations de garde à vue ; qu'au terme de la première comparution, le juge d'instruction lui a notifié sa mise en examen des chefs de viol et tentative de viol sous la menace d'une arme, vol et tentative de vol avec violence n'ayant pas entraîné d'ITT ; que la mise en examen de M. X... repose sur des témoignages dont le cumul, la réitération et les similitudes quant à la description donnée du mode opératoire de l'agresseur, ajoutés à la provenance distincte et antérieure de celui de Z..., concourent à conférer aux indices qui en résultent un caractère de gravité ou de concordance suffisant à la justifier indépendamment de ses propres déclarations qui n'en constituent pas le support nécessaire exclusif ; qu'en revanche, le procès-verbal d'interrogatoire de M. X... du 19 octobre 2016 coté D 68, qui trouve pas son support nécessaire exclusif dans les actes frappés de nullité, n'en comporte pas moins plusieurs références du magistrat instructeur aux déclarations antérieurement faites par le mis en examen sous le régime de la garde à vue entachées de nullité, de sorte que ces mentions devront être cancellées au même titre que les réponses du mis en examen qu'elles ont suscitées, selon les modalités ci-dessous spécifiées au dispositif ;

" 1°) alors que l'absence de notification des faits criminels au titre desquels la personne est entendue en garde à vue affecte la validité du placement en garde à vue lui-même ; que c'est à tort que la chambre de l'instruction a considéré, après avoir constaté que seuls des faits de vols avaient été notifiés à M. X..., à l'exception des faits de viols et tentatives de viols qui venaient d'être dénoncés, qu'il s'agissait seulement d'irrégularités postérieures ne viciant pas la garde à vue mais seulement les procès-verbaux d'audition ;

" 2°) alors que la chambre de l'instruction ne pouvait plus considérer que la confrontation collective réalisée dans ce cadre pouvait faire l'objet d'une annulation partielle, au motif que le gardé à vue n'aurait pas eu d'interactions avec les plaignants ;

" 3°) alors que tout acte trouvant son support nécessaire dans un acte annulé doit être écarté de la procédure ; qu'en se fondant, pour refuser d'annuler l'interrogatoire de première comparution de M. X... et son interrogatoire du 19 octobre 2016, sur un critère tiré du « support nécessaire exclusif », la chambre de l'instruction s'est prononcée par des motifs erronés et a privé sa décision de base légale " ;

Sur le moyen, pris en sa première branche ;

Attendu que pour rejeter le moyen pris de la nullité du procès-verbal de placement en garde à vue, tiré de ce que l'officier de police judiciaire n'avait pas notifié à M. X... certains des faits dont les enquêteurs étaient saisis, la chambre de l'instruction relève que la validité du placement en garde à vue ne pouvait être affectée par les irrégularités postérieures affectant les auditions de l'intéressé ;


Attendu qu'en statuant ainsi, dès lors que, quand une personne a été placée en garde à vue du chef d'une infraction, l'omission, dans la notification prévue à l'article 63-1 du code de procédure pénale, d'autres infractions qu'elle est soupçonnée d'avoir commises ou tenté de commettre, emporte l'annulation des seules auditions effectuées pendant la garde à vue lorsqu'il en est résulté pour elle une atteinte effective à ses intérêts, et des actes dont elles sont le support nécessaire, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le grief doit être écarté ;

Sur le moyen, pris en ses autres branches ;

Attendu que pour refuser d'étendre l'annulation à l'ensemble du procès-verbal de confrontation au cours de l'enquête et des interrogatoires du juge d'instruction, l'arrêt relève que le surplus du procès-verbal de confrontation rapporte seulement la mise en présence de M. X... avec les plaignants, ainsi que les déclarations de ces derniers, sans aucune interaction avec l'intéressé, et que ces actes auraient pu être effectués indépendamment des auditions annulées auxquelles ils ne se référaient pas ; que les juges énoncent par ailleurs que le juge d'instruction s'est borné à écouter les déclarations spontanées faites par M. X... lors de l'interrogatoire de première comparution après avoir porté à la connaissance de ce dernier, de manière exhaustive, les faits objet de la saisine et les chefs de mise en examen envisagés, sans se référer aux déclarations faites par l'intéressé au cours de sa garde à vue ; qu'ils ajoutent que la mise en examen de M. X... est fondée sur des indices graves ou concordants suffisant à la justifier indépendamment des déclarations faites au cours de la garde à vue qui n'en constituaient donc pas le support nécessaire exclusif ; qu'enfin, pour seulement canceller certains passages du procès-verbal d'interrogatoire du 19 octobre 2016, les juges retiennent que cet acte ne trouve pas dans sa totalité son support nécessaire exclusif dans les actes frappés de nullité ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, abstraction faite de la référence surabondante à la notion de support nécessaire exclusif, et dès lors que seules doivent être annulées par voie de conséquence les pièces qui ont pour support nécessaire l'acte entaché de nullité, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.