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Décisions

Cass. 2e civ., 12 janvier 2023, n° 21-15.161

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

M. Cardini

Avocat général :

M. Adida-Canac

Avocat :

Me Brouchot

Orléans, du 2 déc. 2020

2 décembre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 2 décembre 2020), le groupement d'établissements ([3]) Sud-Aquitaine a fait pratiquer, sur le fondement d'un état exécutoire en date du 30 juin 2016 et du jugement d'un tribunal administratif du 7 février 2019, une saisie-attribution au préjudice de la Société de maintenance pétrolière (la société SMP) qui l'a assigné devant un juge de l'exécution.

2. Le Lycée général et technologique [N] [V] « exerçant sous l'enseigne [3]-CFA Aquitaine venant aux droits du groupement [3] Sud-Aquitaine » (l'établissement scolaire public d'enseignement) a interjeté appel du jugement ayant dit que la saisie était nulle.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société SMP fait grief à l'arrêt de déclarer bonne et recevable la saisie-attribution réalisée par le Lycée général et technologique [N] [V] exerçant sous l'enseigne [3]-CFA Aquitaine venant aux droits du groupement [3] Sud-Aquitaine le 12 novembre 2019, alors « que les groupements d'établissements publics locaux d'enseignement créés en application des articles L. 423-1 et D. 423-1 à D. 423-12 du code de l'éducation ([3]) n'ont pas la personnalité juridique ; qu'ils sont créés par une convention conclue entre les établissements regroupés et approuvée par le recteur d'académie, cette convention devant désigner l'un des établissements parties en qualité d'établissement support, lequel est doté d'un budget annexe et d'une comptabilité distincte relatifs à la gestion du [3] ; qu'ainsi, le [3] Sud-Aquitaine, constituant un groupement dénué de personnalité juridique, était insusceptible de procéder valablement par lui-même à une saisie attribution ; qu'en décidant cependant que la saisie attribution effectuée par le [3] Sud-Aquitaine était valable, la cour d'appel a violé les articles L. 211-2, L. 211-3, R. 211-1, R. 211-5 et R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles L. 423-1 et D. 423-1 à D. 423-12 du code de l'éducation. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. L'établissement scolaire public d'enseignement conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen, mélange de fait et de droit, est nouveau.

5. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt attaqué, est recevable comme étant de pur droit.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 111-9 et R. 121-5 du code des procédures civiles d'exécution, 117 du code de procédure civile, L. 423-1, D. 423-1, D. 423-2, D. 423-6, D. 423-9 et D. 423-10 du code de l'éducation :

6. Aux termes du quatrième de ces textes, pour la mise en oeuvre de leur mission de formation continue ainsi que de formation et d'insertion professionnelles, les établissements scolaires publics s'associent en groupement d'établissements dans des conditions définies par décret. Selon les sixième et septième, les groupements d'établissements ([3]) mentionnés à l'article L. 423-1 du code de l'éducation sont créés par une convention conclue entre les établissements, laquelle doit préciser, notamment, l'établissement support du groupement. Aux termes du dernier de ces textes, le groupement est géré sous forme de budget annexe au budget de l'établissement support du groupement. Il est doté d'une comptabilité distincte. Selon les huitième et neuvième de ces textes, le chef de l'établissement support du groupement est ordonnateur des recettes et des dépenses du groupement et l'agent comptable de l'établissement support est agent comptable du groupement.

7. Il résulte de la combinaison de ce textes que les [3], constitués entre les établissements scolaires publics d'enseignement relevant de l'éducation nationale pour exercer leur mission de formation continue dans le cadre de l'éducation permanente, n'ont pas de personnalité juridique et dépendent pour l'ensemble de leurs activités et de leur gestion administrative, financière et comptable du service public administratif de l'éducation nationale.

8. L'arrêt attaqué déclare bonne et valable la saisie-attribution « réalisée par le Lycée général et technologique [N] [V] exerçant sous l'enseigne [3]-CFA Aquitaine venant aux droits du groupement [3] Sud Aquitaine » le 12 novembre 2019.

9. En statuant ainsi, alors que la saisie-attribution pratiquée par un groupement d'établissements, organisme dépourvu de personnalité juridique, est affectée d'une irrégularité de fond ne pouvant pas être couverte, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

12. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe 9 qu'il convient de confirmer le jugement entrepris.

13. Les demandes en paiement formées par la société SMP à l'encontre du [3]-CFA Aquitaine, venant aux droits du [3] Sud-Aquitaine, d'une part, pour poursuite et procédure abusives, d'autre part, au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie devant la cour d'appel d'Orléans sont, en ce qu'elles sont dirigées contre un groupement dépourvu de personnalité juridique, irrecevables.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONFIRME le jugement rendu le 7 mai 2020 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Montargis ;

DECLARE irrecevables les demandes en paiement de la Société de maintenance pétrolière pour poursuite et procédure abusives ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie devant la cour d'appel d'Orléans.