Cass. 2e civ., 4 novembre 2021, n° 20-15.486
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
M. Cardini
Avocat général :
M. Aparisi
Avocats :
SCP Foussard et Froger, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 2 mars 2020) et les productions, agissant sur le fondement d'un jugement ayant condamné M. et Mme [X] à lui payer une certaine somme, le comptable du Trésor public de [Localité 4] (le comptable public) a, d'une part, procédé à la saisie des droits d'associé et de valeurs mobilières détenus par ceux-ci dans la société Sunny Side (la société) et, d'autre part, pratiqué à l'encontre de cette dernière, après la vente par celle-ci d'un immeuble, une saisie-attribution entre les mains d'une SCP notariale.
2. A la suite du rejet de sa réclamation préalable déposée auprès de l'administration, la société a saisi un juge de l'exécution à fin de contester la saisie-attribution.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de ses contestations et de valider la saisie-attribution pratiquée à la demande du comptable de la direction départementale des finances publiques des Vosges entre les mains de la SCP Louis-Dasse-Peiffer-Ollier pour un montant de 257 487 euros à l'encontre de la société représentée par son gérant, M. [X], alors « que toute exécution forcée implique que le créancier soit muni d'un titre exécutoire à l'égard de la personne même qui doit exécuter ; que la saisie-attribution permet de saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur et non celles des éventuels débiteurs de ce dernier ; qu'en déclarant valable la saisie attribution exercée entre les mains de la Scp Louis-Dasse-Peiffer-Ollier, tiers détenteur, pour un montant de 257 487 euros à l'encontre de la société Sunny Side, débiteur saisi, quand il résultait de ses propres constatations que le titre exécutoire servant de fondement aux poursuites était relatif aux recouvrement des impôts à l'encontre des seuls de M. et Mme [X], associés de la société Sunny Side, et non à l'encontre de cette dernière, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution :
4. Aux termes de ce texte, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.
5. Pour confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, l'arrêt retient qu'il ressort de l'examen des actes de saisie que le comptable public pouvait procéder par voie d'exécution à l'encontre de droits éventuellement détenus par M. et Mme [X] dans la société alors qu'il résulte des pièces produites que M. [X] est gérant et associé et Mme [X], son épouse, associée de la société, dans laquelle ils détiennent en conséquence des parts et retient que le comptable public, titulaire d'un titre exécutoire à leur encontre, était en conséquence fondé à procéder à des mesures d'exécution sur les parts ou valeurs mobilières dont M. et Mme [X] sont titulaires au sein de cette société.
6. Il retient ,ensuite, que la chronologie établie par l'administration fiscale fait apparaître que M. et Mme [X] ont cherché à échapper au paiement de leurs dettes fiscales, que par acte du 29 avril 2010, M. [X] avait garanti sa dette auprès du SIP de [Localité 4] par le nantissement de ses parts de la SC Patrifonds, parts qu'il avait pourtant vendues le 28 janvier 2011 à la SAS Biotop, devenue la SAS Cardinal, dont il devenait le dirigeant, que, par la suite, M. et Mme [X], propriétaires de la totalité des parts de la société Sunny Side, dont l'actif était composé de biens immobiliers valorisés au 31 décembre 2009 à 335 224 euros, procédaient à la vente de leurs parts à une société Wide Peak limited, domiciliée à Hong Kong, pour la somme de 1 euro, que par jugement en date du 15 décembre 2016, un tribunal de grande instance a révoqué la cession de parts sociales de la société Sunny Side à la société de droit chinois, domiciliée à Hong Kong, par M. et Mme [X], rendant cette cession inopposable au SIP de [Localité 4], seul créancier pouvant s'en prévaloir.
7. Il relève que les pièces versées à la procédure confirment également que la société a procédé à la vente le 15 novembre 2016 d'un bien immobilier pour le prix de 149 000 euros et de deux lots sur quatre le 14 novembre 2017 pour le prix de 110 000 euros et qu'il restait, en conséquence, dans le patrimoine de la société deux autres lots qui ont été vendus le 30 novembre 2018 et dont le produit de la vente a fait l'objet de la saisie-attribution contestée.
8. Il retient, en réponse à l'argumentation de la société réfutant que le produit de cette vente puisse être saisi dès lors que l'assemblée générale n'avait pas décidé d'une distribution de dividendes aux associés, que M. et Mme [X] ne sont pas fondés à revendiquer désormais la qualité d'associés au regard de la cession de leurs parts à une société « fantôme » chinoise, le caractère fictif de cette cession ne pouvant être revendiquée que par le créancier poursuivant.
9. Il ajoute, enfin, que l'intimé justifie de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance liée au comportement des débiteurs permettant au comptable public d'exercer des mesures conservatoires sur le produit de la vente d'un bien immobilier entre les mains de la société correspondant aux droits pécuniaires attachées aux parts sociales rendues indisponibles par la saisie des droits d'associés.
10. En statuant ainsi, alors que le titre exécutoire fondant la saisie-attribution ne permettait au comptable public de saisir que les créances de M. et Mme [X], et non celles de la débitrice de ces derniers, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.