Livv
Décisions

Cass. 2e civ., 8 décembre 2022, n° 21-10.590

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Jollec

Avocat général :

Mme Trassoudaine-Verger

Avocats :

SCP Boullez, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés

Versailles, du 15 oct. 2020

15 octobre 2020

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-10.590 et 21-10.623 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 octobre 2020), la société Caixabank CGIB, aux droits de laquelle vient la société Caixabank France puis la société Boursorama, a, par acte notarié du 25 juillet 1989, consenti un prêt à la société Paris Ouest santé, devenue la société Centre chirurgical de [Localité 3].

3. En garantie de la créance de la banque, M. [F], selon le cas, seul ou avec Mme [F], son épouse, a consenti des cautionnements hypothécaires et un cautionnement solidaire pour le remboursement de ce prêt.

4. La société Centre chirurgical de [Localité 3] ayant été mise en redressement judiciaire, un arrêt irrévocable du 22 mars 2007 a admis la créance de la banque au passif de la procédure collective.

5. Le 19 octobre 2011, la société Boursorama a fait délivrer à M. [F] un commandement de payer valant saisie des biens immobiliers lui appartenant en vertu de la sûreté qu'il avait consentie dans l'acte de prêt.

6. Cette procédure de saisie immobilière a fait l'objet de plusieurs arrêts irrévocables, dont l'un en date du 21 novembre 2013, sur appel d'un jugement d'orientation du 28 février 2013, qui a déclaré irrecevables les demandes de M. [F] relatives au défaut de qualité à agir de la société Boursorama et a confirmé le jugement d'orientation en toutes ses dispositions.

7. Le 25 août 2016, la société Boursorama a fait procéder à une saisie-attribution sur les comptes ouverts par M. [F] dans les livres de la banque BNP Paribas.

8. M. [F] a saisi un juge de l'exécution en mainlevée de cette mesure.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

9. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution :

10. Selon ce texte, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.

11. Lorsque les fins de non-recevoir soulevées à l'occasion d'une procédure de saisie immobilière ont été déclarées irrecevables sur le fondement de ce texte, cette irrecevabilité ne fait pas obstacle à ce que les mêmes fins de non-recevoir soient invoquées dans le cadre d'une autre instance.

12. Pour déclarer M. [F] irrecevable en toutes ses demandes tendant à juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, l'arrêt retient que M. [F] a déjà contesté la qualité à agir de la société Boursorama en vertu de l'acte de prêt notarié du 25 juillet 1989 à l'occasion de la procédure de saisie immobilière et que ces contestations ont été irrévocablement déclarées irrecevables, en application de l'article 122 du code de procédure civile et des articles 1354, 1355 du code civil, comme se « heurtant à la force de chose jugée » attachée aux arrêts des 21 novembre 2013 et 23 juillet 2015 par la cour d'appel de Versailles, à l'arrêt du 15 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris et à l'arrêt rendu le 13 février 2020 par la Cour de cassation, qui ont tous les quatre confirmé la qualité à agir de la société Boursorama en vertu de l'acte de prêt notarié du 25 juillet 1989.

13. L'arrêt en déduit que les prétentions de M. [F] tendant à contester la qualité et l'intérêt à agir de la société Boursorama en vertu de l'acte de prêt notarié du 25 juillet 1989 dans le cadre de la saisie-attribution sont irrecevables, comme « se heurtant à la force de chose jugée. »

14. En statuant ainsi, alors que la demande tendant à juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à l'encontre de M. [F], en vertu de la créance de la banque au titre du prêt notarié du 25 juillet 1989, avait été déclarée irrecevable à l'occasion de la procédure de saisie immobilière au motif qu'elle avait été invoquée postérieurement à l'audience d'orientation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déclarant M. [F] irrecevable ou mal fondé en toutes ses demandes tendant à juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, entraîne par voie de conséquence la cassation des autres dispositions, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare admis aux débats les conclusions en réponse de la société Boursorama du 26 février 2020 et l'arrêt de la Cour de cassation du 13 février 2020, déclare recevables les « conclusions d'intimé n° 1 aux fins de confirmation comportant demande additionnelle » signifiées par M. et Mme [F] le 28 février 2019, et par voie de conséquence celles « d'intimé n° 2 aux fins de confirmation comportant demande additionnelle »,signifiées en février 2020, confirme le jugement entrepris en ce qu'il déclare Mme [F] irrecevable pour défaut de qualité à agir en ses prétentions concernant la régularité et le bien-fondé de la saisie-attribution pratiquée le 25 août 2016 au préjudice du seul M. [F], l'arrêt rendu le 15 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.