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Décisions

CA Paris, 1re ch. D, 5 avril 1995, n° 94/17798

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Recofi (SA)

Défendeur :

Secil Maritima (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Conseillers :

Mme Cahen-Fouque, M. Linden

Avocats :

Me Ducharne, Me de Richemont

T. com. Paris, 3e ch., du 29 juin 1994

29 juin 1994

Se fondant sur une ordonnance de référé rendue le 13 octobre 1992 par le président du tribunal de commerce de Paris condamnant l’ORGANISME CENTRAL ANGOLANA DE IMPORTACAO "IMPORTANG UEE" à lui payer une somme de 777.169,05 francs, la Société RECOFI a fait procéder à la saisie conservatoire du navire SECIL ANGOLA amarré au port de Rouen.

Le président du tribunal de commerce de Rouen, saisi en référé par la Société SECIL MARITIMA, armateur de ce navire, ayant ordonné la mainlevée pure et simple de cette saisie, la Société SECIL MARITIMA a assigné le 21 décembre 1993 devant le tribunal de commerce de Paris la Société RECOFI afin qu’il soit jugé qu’elle avait procédé à la saisie abusive et irrégulière du navire SECIL ANGOLA, et qu’elle soit condamnée à lui payer, en réparation du préjudice résultant pour SECIL MARITIMA de cette saisie :

- une somme de 53.022,09 USD correspondant au cout d’immobilisation du navire du fait de la saisie,

- une somme de 400.000,00 francs à titre de dommages-intérêts pour préjudice commercial.

La Société RECOFI, se fondant sur les dispositions de l’article L. 311-12-1 du code de I’organisation judiciaire, a soulevé une exception d’incompétence au profit du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 29 juin 1994, le tribunal de commerce de Paris a déclaré cette exception mal fondée et s’est déclaré compétent.

La Société RECOFI a formé contredit à cette décision.

Au soutien de son recours, la Société RECOFI fait valoir, pour I'essentiel, que la loi du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer et le décret du 27 octobre 1967 pris pour son application, textes spéciaux qui certes n’ont pas été abrogés par la loi du 9 juillet 1991 et le décret du 31 juillet 1992 portant réforme des procédures d’exécution, ne prévoient aucune compétence particulière pour trancher du différend qui l’oppose à la Société SECIL MARITIMA.

Elle allègue que dès lors les dispositions du droit commun, telles qu’elles résultent des textes susdits réformant les procédures civiles d’exécution, doivent recevoir application, et conduisent à déclarer compétent le juge de I’exécution du tribunal de grande instance de Paris.

Elle sollicite une somme de 10.000,00 francs au titre de I’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La Société SECIL MARITIMA soutient au contraire que les textes portant réforme des procédures civiles d’exécution n’ayant pas abrogé les textes spécifiques relatifs à la saisie des navires, ceux-ci restent en conséquence applicables, et que leur caractère il est vrai succinct ne justifie pas pour autant le recours au régime du droit commun des procédures d’exécution institué par la loi du 9 juillet 1991 d’interprétation stricte.

Elle demande à la Cour de confirmer la décision déférée, de lui allouer la somme de 30.000,00 francs au titre de I’article 700 du nouveau Code de procédure civile et d’évoquer l’affaire au fond.

MOTIVATION

II est constant que ni la loi du 3 janvier 1967 ni le décret du 27 octobre 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer ne figurent au nombre des dispositions abrogées par l’article 94 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution ou par l’article 305 du décret du 31 juillet 1992 pris pour l’application de cette loi.

La loi du 3 janvier 1967, en son article 70, se borne à renvoyer la saisie des navires à des dispositions réglementaires particulières.

Quant au décret du 27 octobre 1967, si son article 29 prévoit la compétence du tribunal de commerce pour autoriser la saisie conservatoire des navires dès lors qu’il est justifié d’une créance paraissant fondée dans son principe, aucune autre disposition de ce texte spécial n’édicte de règles de compétence d’attribution ou territoriale relatives aux litiges nés de l’exécution dommageable d’une mesure conservatoire.

Tel est bien l’objet du présent litige, par lequel la Société SECIL MARITIMA poursuit à l’encontre de la Société RECOFI I’indemnisation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de la saisie qu’elle qualifie d’abusive et d’irrégulière du navire SECIL ANGOLA.

En conséquence, il convient d’appliquer, en complément ou à défaut de dispositions particulières du droit maritime, les règles de détermination de compétence du droit commun.

L’article L. 311-12-1 du code de l'organisation judiciaire, inséré dans ce code par l’article 8 de la loi du 9 juillet 1991, dispose que le juge de I’exécution connait des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou I’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires, tout autre juge devant relever d’office son incompétence.

L’article 9 du décret du 31 juillet 1992 prévoit que le juge de l’exécution territorialement compétent, au choix du demandeur, est celui du lieu où demeure le débiteur ou celui du lieu d’exécution de la mesure.

La branche de cette option désignant le lieu où demeure "le débiteur", et non "le défendeur", est sans portée dans un litige opposant non pas un créancier et un débiteur, mais, comme en l’espèce, opposant au créancier ayant fait pratiquer une saisie celui qui s’en prétend victime.

Dès lors, est seule applicable la deuxième branche de l’option, qui attribue compétence au juge de I’exécution du lieu d’exécution de la mesure litigieuse, en l’espèce Rouen.

En conséquence, la Cour, conformément à ces dispositions, déclarera compétent pour connaitre du présent litige le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Rouen, et renverra la cause et les parties devant ce juge, sans qu’il y ait lieu d’examiner la demande d’évocation, les conditions posées par l’article 89 du nouveau Code de procédure civile n’étant pas remplies.

La Société SECIL MARTTIMA devra verser à la Société RECOFI la somme de 6.000,00 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile et, succombant, sera déboutée de sa demande formée au même titre.

PAR CES MOTIFS

Déclare le contredit partiellement fondé ;

Dit compétent pour connaitre du présent litige le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Rouen ;

Renvoie en conséquence la cause et les parties devant ce juge ;

Condamne la Société SECIL MARTTIMA à verser à la Société RECOFI une somme de 6.000,00 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes;

Met les frais afférents au présent contredit à la charge de la Société SECIL MARITIMA.