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Décisions

Cass. 2e civ., 3 juin 1998, n° 95-18.772

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zakine

Rapporteur :

Mme Borra

Avocat général :

M. Monnet

Avocats :

SCP Boré et Xavier, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Orléans, ch. civ., sect. 2, du 4 avr. 19…

4 avril 1995

Sur les trois moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 4 avril 1995) que le 30 septembre 1991, la société Sovac a consenti un prêt à la société Perinet qui a été mise en redressement judiciaire le 16 décembre suivant, puis en liquidation judiciaire quelques mois plus tard;

que l'expert commis par le juge-commissaire ayant relevé des irrégularités comptables, la société Sovac a saisi un juge de l'exécution pour obtenir une sûreté sur un immeuble de M. Dumont, commissaire aux comptes de la société Perinet qui avait certifié sincère le bilan de l'exercice 1990, que le juge de l'exécution a autorisé une inscription hypothécaire et qu'il a ensuite rejeté la demande de mainlevée de M. Dumont qui a fait appel de cette décision ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de mainlevée de l'hypothèque, alors, selon le moyen, 1°) que nul ne peut être condamné avant d'avoir été déclaré coupable;

qu'en condamnant M. Dumont à voir grever son immeuble d'une hypothèque sur le fondement d'une prétendue créance de responsabilité, sans avoir relevé que la responsabilité de celui-ci était engagée, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme;

2°) que, d'une part, "l'expertise judiciaire" et le bilan économique et social invoqués par la cour d'appel n'avaient aucun caractère contradictoire;

que M. Dumont n'a pas pu faire valoir ses observations lors de la rédaction de ces documents;

qu'en se fondant néanmoins sur ceux-ci pour juger qu'il existait à sa charge une créance de réparation paraissant fondée en son principe, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile;

que, d'autre part, la responsabilité du commissaire aux comptes suppose, pour paraître fondée en son principe, à tout le moins que les charges relevées à son encontre concernent des faits susceptibles de lui être imputé;

qu'ainsi qu'il résulte des constatations des juges du fond, la société débitrice a été victime de procédés frauduleux consistant dans la remise à l'escompte de traites dont la provision avait fait l'objet d'une contre-lettre;

que de tels faits échappent par nature à la connaissance du commissaire aux comptes sauf circonstances fortuites;

qu'en omettant de vérifier notamment si et comment de tels agissements avaient pu parvenir à la connaissance du commissaire aux comptes qui les a d'ailleurs dénoncé lorsqu'il les a fortuitement découverts, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991;

3°) que la créance de la société Sovac s'élevait à 3 152 940 francs;

qu'il est constant que M. Dumont était titulaire d'une assurance de responsabilité professionnelle qui lui assurait une garantie de 4 millions de francs, et d'une assurance complémentaire lui assurant une garantie de 40 millions de francs, ce qui suffisait donc largement pour indemniser éventuellement la société Sovac ;

qu'en jugeant par un motif général et absolu qu'à partir du moment où la créance en cause est importante et que l'assurance de responsabilité professionnelle comporte des limitations de garantie, il existe des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de cette créance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991 ;

Mais attendu que le juge de l'exécution ayant seulement autorisé la société Sovac à pratiquer une mesure conservatoire, sans prononcer de condamnation à l'encontre de M. Dumont, le moyen pour partie manque en fait ;

Et attendu que c'est sans violer le principe de la contradiction, dès lors que les documents sur lesquels elle s'est fondée avaient été soumis à la libre discussion des parties, que la cour d'appel, a souverainement retenu, par une décision motivée, que la société Sovac justifiait d'une créance paraissant fondée en son principe et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ;

D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen est mal fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.