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Décisions

Cass. com., 4 avril 1995, n° 92-22.020

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Poullain

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

Me Choucroy, SCP Ancel et Couturier-Heller

Grenoble, ch. urg., du 6 oct. 1992

6 octobre 1992

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 octobre 1992), que M. X... a constitué avec la société Kis photo speed, aux droits de qui est la société Kis industrie (Kis), la société à responsabilité limtée CDP Champagne diffusion photo (la société CDP) et qu'il en a été nommé gérant ; que la société Kis a concédé à la société CDP la distribution exclusive des produits de sa marque et que M. X... a promis à la société Kis de lui céder ses parts ; que la société CDP a résilié le contrat de concession des produits Kis et que, le 3 août 1988, la société Kis a levé son option d'achat des parts de M. X... ; qu'un expert désigné en référé par le président du tribunal de commerce a évalué les parts et que M. X... a assigné la société Kis en paiement du prix ; que la société Kis a formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Kis reproche à l'arrêt d'avoir été rendu après que les débats aient eu lieu en séance non publique, alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'article 433 du nouveau Code de procédure civile, les débats sont publics sauf les cas où la loi exige qu'ils aient lieu en chambre du conseil, ce qui est prévu à cet égard en première instance doit être observé en cause d'appel, sauf s'il en est autrement disposé ; qu'ainsi en entendant les parties en audience non publique alors qu'il s'agissait d'un litige portant sur la valeur des parts d'une société à responsabilité limitée, matière dans laquelle la loi n'exige pas que les débats aient lieu en chambre du conseil, la cour d'appel a violé l'article 433 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, par application de l'article 446 du nouveau Code de procédure civile, la nullité relative à la publicité des débats doit être invoquée avant leur clôture ; que, n'étant pas allégué qu'il ait été procédé ainsi, le moyen n'est pas recevable ;

Sur le deuxième moyen pris en ses deux branches :

Attendu que la société Kis reproche à l'arrêt d'avoir évalué l'actif de la société en retenant la valeur d'une clientèle, alors, selon le pourvoi, d'une part, que du fait de sa dépendance vis-à -vis du concédant, le concessionnaire ne peut être propriétaire de la clientèle ; que ce n'est donc qu'au prix de la violation du contrat de concession, et par conséquent de l'article 1134 du Code civil, que la cour d'appel a pu juger que le fait d'être concessionnaire n'était pas exclusif de l'existence d'une clientèle à son profit ; alors, d'autre part, que le simple visa des pièces du dossier, sans autre précision sur leur nature et sans analyse de leur contenu, ne saurait satisfaire aux dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; qu'ainsi en se contentant d'énoncer que les pièces du dossier démontrent que les contrats entre les parties avaient été signés parce que l'intimé possédait déjà une clientèle, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient, en se référant au rapport de l'expert, qui les évalue, que la société CDP disposait d'une clientèle propre pour la vente de produits consommables ; qu'ayant fondé son appréciation de la situation commerciale de la société CDP durant l'exécution du contrat de concession sur ce fait concret, relaté par un document qu'elle a cité, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Kis reproche à l'arrêt de n'avoir pas déduit l'impôt sur les sociétés de la valeur d'actif de la société CDP, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la convention des parties ne fixe aucun mode d'évaluation des parts sociales, la seule précision qu'elle apporte à cet égard étant que le prix de cession serait déterminé par un cabinet d'audit externe aux parties et agréé par elles, et, à défaut d'accord, désigné par le président du tribunal de commerce de Châlons-sur-Marne ; que ce n'est donc qu'au prix de la dénaturation des termes de la convention des parties et de la violation de l'article 1134 du Code civil que la cour d'appel a pu énoncer que, selon la convention des parties, l'évaluation devait être faite sur l'actif net ; alors, d'autre part, que les premiers juges avaient, à juste titre, reconnu que l'actif net d'une société commerciale était diminué chaque année du montant de l'impôt qui, en la présente espèce, avait d'ailleurs été réservé au bilan ; qu'ainsi, en refusant de prendre en considération le montant de l'impôt sur les sociétés pour déterminer l'actif net de la société CDP, sans même répondre au motif des premiers juges et en se contentant d'affirmer que le paiement de l'impôt était indifférent dans le cadre des cessions de parts sociales, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt apprécie la valeur commerciale de la société d'après ses résultats nets au jour de la cession en retenant qu'il n'y a pas lieu, pour évaluer des parts sociales en vue d'une cession, de diminuer ces résultats du montant de l'impôt sur les sociétés ; qu'en l'absence de toute indication donnée par la convention des parties sur la méthode qui devait être appliquée, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé cette convention et qui a suivi les conclusions de l'expert en écartant le grief d'une grossière erreur de méthode, a suffisamment motivé sa décision d'infirmation ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Sur le quatrième moyen pris en ses trois branches :

Attendu que la société Kis reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans son courrier du 4 août 1988, elle ne demandait à son cocontractant que de différer la cessation du contrat au mois de septembre et que, par lettre du 3 octobre 1988, régulièrement versée aux débats et que l'intimé avait refusé de recevoir, elle mettait ce dernier en demeure de convoquer, en sa qualité de gérant, l'assemblée générale de la société pour qu'il soit statué sur la révocation du gérant statutaire ; qu'ainsi en énonçant qu'elle avait demandé à son contractant de rester en place et n'avait demandé une assemblée générale que par courrier du 8 septembre 1991, la cour d'appel a dénaturé les pièces versées aux débats, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que, aux termes de l'article 57, alinéa 2 de la loi du 24 juillet 1966, les assemblées générales des sociétés à responsabilité limitée sont convoquées par le gérant ou, à défaut, le commissaire aux comptes s'il en existe un ; que, dans ces conditions, bien que titulaire de la totalité des actions, elle n'avait pas, en présence d'un gérant statutaire, la possibilité de convoquer une assemblée générale ; qu'en jugeant autrement la cour d'appel a violé l'article 57, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1966 ; alors, enfin, qu'elle faisait valoir, dans ses écritures d'appel, que le maintien de M. X... à son poste de gérant lui avait causé un préjudice dans la mesure où ce dernier avait continué à s'octroyer généreusement les émoluments attachés à cette fonction ; qu'ainsi, en énonçant sans s'expliquer sur ce point que la preuve d'un préjudice n'était pas rapportée, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé, à juste titre au regard des dispositions des alinéas 3 et 4 de l'article 57 de la loi du 24 juillet 1966, que la société Kis était habilitée à saisir le Tribunal pour faire convoquer l'assemblée générale en demandant qu'elle statue sur la révocation du gérant, la cour d'appel a pu considérer que le maintien prolongé de M. X... dans ses fonctions de gérant n'a été possible que parce qu'elle ne s'y est pas opposée ; que par ce seul motif, la cour d'appel a justifié le rejet de la demande en dommages intérêts formée par la société Kis ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que M. X... sollicite sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 11 860 francs ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.