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Décisions

Cass. com., 10 février 2021, n° 18-23.398

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme de Cabarrus

Avocat général :

M. Debacq

Avocat :

SCP Thouin-Palat et Boucard

Paris, du 7 juin 2018

7 juin 2018

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. W... Q... et à Mme V... J..., épouse Q... , (M. et Mme Q... ) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Société d'investissement et de participation parisienne (la société SIPP), M. P..., en son nom propre et en qualité d'ancien liquidateur de la société SIPP, et la SCP [...], en qualité de liquidateur de la société SIPP.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 juin 2018), M. et Mme Q... étaient associés, avec M. U... Q... et Mmes L..., H... et I... Q... (les consorts Q... ), de la société SIPP. M. U... Q... était gérant de cette société et président du conseil d'administration de la société Hôtel Royal Voltaire (la société HRV), détenue par la société SIPP et ses associés.

3. Le 1er mars 2002, la société HRV a été vendue à la société GAB, à Mme I... K..., à MM. M..., F... , D... et Y... K... et à M. N....

4. Soutenant que des assemblées générales de la société SIPP se seraient tenues à leur insu afin de procéder à une augmentation de capital conduisant à la dilution de leur participation et d'autoriser, ainsi sans leur accord, la cession des actions de la société HRV, M. et Mme Q... ont, par acte du 22 mai 2008, agi en annulation des assemblées générales de la SIPP tenues depuis le 22 juin 1993, puis, par acte du 9 mai 2009, en annulation de la cession de la société HRV datée du 1er mars 2002. Les consorts Q... leur ont opposé la prescription de leurs actions.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. M. et Mme Q... font grief à l'arrêt de dire prescrites et irrecevables les actions en annulation des assemblées générales de la société SIPP tenues avant le 23 mai 2005 et de celles tenues avant le 10 mai 2006 pour la vente des actions de la société HRV, de dire prescrites et irrecevables leurs demandes subsidiaires en paiement du prix de cession des actions de la société HRV et de rejeter leurs autres demandes, alors « que la preuve de l'existence et de la régularité d'une convocation à l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée incombe à son gérant ; qu'en retenant que faute pour eux de produire l'ensemble des convocations versées aux débats en première instance par M. U... Q... , gérant de la société SIPP, pour établir qu'ils avaient été convoqués aux assemblées générales litigieuses, les époux Q... n'établissaient pas l'irrégularité de ces convocations, et qu'ils ne démontraient pas que les convocations produites avaient été envoyées à une adresse erronée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 (devenu 1353) du code civil, ensemble les articles 1304 (devenu 1144) et 1844-14 du code civil, les articles 2241 et 2242 du code civil, et l'article L. 235-9 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

6. Selon ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

7. Pour dire irrecevables, comme prescrites, les actions en annulation des assemblées générales de la société SIPP tenues avant le 23 mai 2005 et de celles tenues avant le 10 mai 2006 pour la vente des actions de la société HRV, dire prescrites et irrecevables les demandes subsidiaires de M. et Mme Q... en paiement du prix de cession des actions de la société HRV et rejeter leurs autres demandes, l'arrêt retient que les premiers juges ont expressément constaté que toutes les convocations requises avaient été produites par M. U... Q... , que M. et Mme Q... ne les ont pas toutes produites en appel et ne démontrent pas qu'elles ne leur ont pas été valablement adressées. Il en déduit que le délai de prescription de trois ans de l'article 1844-14 du code civil a couru à compter de la tenue des assemblées, de sorte que les demandes en annulation sont irrecevables comme prescrites.

8. En statuant ainsi, alors que la preuve de l'existence et de la régularité d'une convocation à l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée incombe à son gérant et que celui-ci, non comparant en cause d'appel, n'avait pas produit devant les juges du second degré les éléments de preuve qu'il avait soumis au tribunal, comme l'article 132 du code de procédure civile lui en faisait obligation, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.

Et sur ce premier moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

9. M. et Mme Q... font le même grief à l'arrêt, alors « que lorsque l'écriture ou la signature d'un acte sous seing privé est déniée, il incombe au juge de vérifier l'écrit contesté, à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte ; qu'en l'espèce, les époux Q... contestaient avoir signé les pouvoirs, versés aux débats en première instance par M. U... Q... , par lesquels ils auraient donné mandat à ce dernier de vendre les actions qu'ils détenaient chacun dans le capital de la société HRV ; qu'en écartant ce moyen sans procéder à la vérification des signatures portées sur les pouvoirs, le cas échéant en sollicitant la production des originaux par les défendeurs, la cour d'appel a violé les articles 287 et 288 du code civil, ensemble l'article 1324 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 (nouvel article 1373 du code civil). »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1324 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et les articles 287 et 288 du code de procédure civile :

10. Il résulte de ces textes que la vérification d'écriture doit être faite au vu de l'original de l'écrit contesté.

11. Pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que M. et Mme Q... prétendent, sans l'établir, que les pouvoirs datés des 28 octobre 2001 et 10 février 2002 autorisant M. U... Q... à vendre les actions qu'ils détenaient dans la société HRV, et qu'ils produisent aujourd'hui en copie, seraient des faux. Il retient encore qu'ils n'apportent aucun élément tendant à établir que ces pouvoirs ne seraient pas signés de leur main, étant relevé la similitude des signatures figurant sur les pouvoirs incriminés et sur les pièces d'identité alors jointes, de sorte qu'ils ne peuvent se limiter à demander la production des originaux en vue d'une expertise graphologique sans verser un spécimen de leurs signatures qui tendraient à étayer leurs affirmations.

12. En statuant ainsi, en se fondant sur des copies des procurations litigieuses, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit prescrites et irrecevables les actions en nullité des assemblées générales de la SARL SIPP tenues avant le 23 mai 2005 et de celles tenues avant le 10 mai 2006 pour la vente des actions de la société Hôtel Royal Voltaire, rejette les autres demandes de M. W... Q... et Mme V... J..., épouse Q... , et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.