Livv
Décisions

Cass. com., 7 décembre 2010, n° 09-17.351

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

M. Petit

Avocat général :

Mme Bonhomme

Avocats :

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Piwnica et Molinié

Bordeaux, du 22 sept. 2009

22 septembre 2009

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les parts représentant le capital du groupement foncier agricole Le Thil (le GFA) étaient réparties entre treize associés parmi lesquels M. Dominique de X... et ses enfants, qui détenaient ensemble 600 parts sur 2 000, et M. Gérard de X..., détenteur de 457 parts ; que le 25 novembre 2006, le gérant du GFA, M. Michel de X..., a convoqué pour le 15 décembre suivant une assemblée générale des associés dont l'ordre du jour portait notamment sur la modification de l'article 9 des statuts, relatif aux cessions entre vifs des parts sociales ; que le 28 novembre 2006, M. Dominique de X... a signé en son nom et pour le compte de ses enfants une promesse de cession à M. Y... des 600 parts leur appartenant ; que par courrier recommandé du 1er décembre 2006, M. Gérard de X..., se référant aux stipulations actuelles des statuts, a proposé à M. Dominique de X... de lui racheter lesdites parts ; que le 15 décembre 2006, l'assemblée des associés du GFA a adopté la résolution modifiant l'article 9 des statuts et précisant que chaque associé pourrait se porter acquéreur des parts "en cas de refus d'agrément" ; que M. Dominique de X... ayant ultérieurement sollicité l'agrément de la cession de parts consentie à M. Y... et le gérant du GFA ayant, le 3 janvier 2007, consulté les associés par écrit, la résolution concernant l'agrément a été adoptée suivant procès-verbal du 2 février 2007 ; que M. Gérard de X..., soutenant qu'il avait exercé son droit de préférence conformément aux dispositions statutaires applicables et qu'il devait être considéré comme cessionnaire des parts, a demandé l'annulation de la cession de parts intervenue au profit de M. Y... ainsi que celles de la décision de modification des statuts du 15 décembre 2006 et de la consultation écrite du 3 janvier 2007 sur l'agrément de M. Y... ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 1861 et 1862 du code civil ;

Attendu que, sous réserve des dérogations ou aménagements qu'il prévoit ou autorise, le premier de ces textes soumet la cession des parts d'une société civile à l'agrément de tous les associés ; que le second se borne, dans le cas où cet agrément n'a pas été obtenu, à conférer à l'associé cédant la faculté d'obtenir le rachat des parts dont la cession était projetée et ne confère aux autres associés aucun droit de préemption, le cédant ayant toujours le droit de conserver ses parts ;

Attendu que pour accueillir les demandes de M. Gérard de X..., l'arrêt retient, par motifs adoptés, qu'il ne résulte pas de l'article 1862 du code civil que le droit de préemption des associés qu'il édicte ne puisse s'exercer qu'en cas de refus d'agrément et que le droit de préemption des associés n'est limité que lorsque les statuts laissent la possibilité au gérant, conformément à l'article 1861, alinéa 2, du code civil, d'agréer la cession, les associés n'étant alors consultés sur le projet de cession qu'au cas où le gérant refuse son agrément ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt relève encore, par motifs propres et adoptés, que dans sa rédaction antérieure à la résolution du 15 décembre 2006, l'article 9 des statuts du GFA stipulait que les cessions de parts au profit de tiers étrangers au groupement étaient soumises à l'agrément des associés statuant à la majorité qualifiée des deux tiers, que le projet de cession était notifié avec demande d'agrément à la société et aux associés, que lorsque plusieurs associés exprimaient leur volonté d'acquérir, ils étaient réputés acquéreurs à proportion du nombre de parts qu'ils détenaient antérieurement et que si aucun associé ne se portait acquéreur, la société pouvait faire acquérir les parts par un tiers désigné dans les conditions prévues pour les cessions à des tiers étrangers au groupement ; que l'arrêt en déduit qu'il existait donc clairement pour les associés la possibilité de se porter acquéreurs des parts mises en vente et que la cession à un tiers ne pouvait intervenir que si aucun associé ne s'était porté acquéreur, de sorte que l'exercice régulier du droit de préférence par M. Gérard de X... avait rendu indisponibles à la vente à un tiers les parts appartenant à M. Dominique de X... et ses enfants ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, sauf en ce qui concerne les conditions de l'agrément, l'article 9 des statuts du GFA se bornait à reproduire la substance des dispositions des articles 1861 et 1862 du code civil, lesquelles ne confèrent aucun droit de préférence ou de préemption, la cour d'appel a dénaturé cette stipulation, en violation du texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu les articles 1861 et 1862 du code civil ;

Attendu que pour prononcer l'annulation de la résolution du 15 décembre 2006, ayant modifié l'article 9 des statuts du GFA, et de la résolution constatée par procès-verbal du 2 février 2007, ayant statué sur l'agrément de la cession consentie à M. Y..., l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que ces décisions sont entachées d'abus de majorité dès lors que la modification des statuts ayant consisté à limiter le droit de préemption au cas de refus d'agrément a été adoptée dans l'unique dessein d'écarter M. Gérard de X... qui avait fait connaître son intention d'acquérir les parts mises en vente, qu'en posant cette condition à l'exercice du droit de préemption et en donnant ensuite son agrément à M. Y..., l'assemblée des associés a empêché M. Gérard de X... de racheter les parts et favorisé l'entrée d'un tiers acquéreur et qu'il s'ensuit que ces résolutions ont été adoptées par les associés majoritaires au mépris des intérêts de M. Gérard de X... et contrairement aux intérêts de la société, dont le caractère familial est prononcé ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la modification apportée à l'article 9 des statuts n'avait pu priver M. Gérard de X... d'un droit de préemption dont il ne bénéficiait pas, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.