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Décisions

ART, 23 décembre 1998, n° 98−939

ART (DEVENUE L'ARCEP)

se prononçant sur un différend entre H3L et France Télécom

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hubert

ART n° 98−939

22 décembre 1998

L’Autorité de régulation des télécommunications,

Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 34−8, L. 36−8, R. 11−1, D. 97−4, D. 97−8, D.406−1, D. 406−1−2, D. 406−1−3, D. 406−2, D. 406−2−2 ;

Vu la loi n° 86−1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;

Vu l’arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu la décision n° 97−57 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 26 mars 1997 portant règlement intérieur modifiée par la décision n° 97−234 du 30 juillet 1997 ;

Vu la décision n° 97− 412 du 19 novembre 1997 établissant pour 1998 la liste des opérateurs prévue par le 7° de l’article L. 36−7 du code des postes et télécommunications ;

Vu la décision n° 98−75 du 3 février 1998 approuvant les règles de gestion du plan national de numérotation ;

Vu la demande de règlement d’un différend, enregistrée le 30 juin 1998, présentée par H3L, société à responsabilité limitée, dont le siège social est 101, avenue du général Leclerc 75014 Paris représentée par son gérant M.Olivier Hétru en application de l’article 14 de ses statuts ;

Vu les observations en défense, enregistrées le 28 août 1998, présentées par France Télécom, société anonyme dont le siège social est 6, place d’Alleray, à Paris (XVème), représentée par M. Gérard Moine, directeur des relations extérieures ayant reçu délégation à cet effet de M. Michel Bon, Président de France Télécom le 4 mai 1998;

Vu les observations en réplique, enregistrées le 24 septembre 1998, présentées par H3L ;

Vu la décision n° 98−825 portant à six mois le délai dans lequel l'Autorité doit se prononcer sur le différend opposant H3L à France Télécom ;

Vu les observations en réplique, enregistrées le 30 octobre 1998 présentées par France Télécom Vu la demande de renseignement complémentaire adressée le 2 décembre par l’Autorité

à H3L ;

Vu la réponse de H3L enregistrée à l’Autorité le 15 décembre 1998 ; Vu les autres pièces du dossier ;

Après en avoir délibéré le 23 décembre 1998 ;

Adopte la présente délibération fondée sur les faits et les motifs exposés ci−après :

I− Sur l’origine du litige

La société H3L a conclu avec France Télécom trois conventions d’accès à son réseau dénommées " contrat Audiotel à la durée ":

− une convention en date du 22 avril 1994, pour fournir un service " Femme mariée s’offre par 08 36 68 14 04 ", (accessible par le numéro 08 36 68 14 04) ;

− une convention en date du 12 juillet 1994, pour fournir un service " J.F libre ch H. seul au 08 36 68 47 57 ", (accessible par le numéro 08 36 68 47 57) ;

− enfin, une convention en date du 21 octobre 1994, pour fournir un service "Dialogues X en duo ", accessible par le numéro 08 36 68 64 74. Le contrat " Audiotel " à la durée, dans son article 5.1, autorise France Télécom à saisir directement le comité de la télématique anonyme, lorsque de la publicité fait apparaître que le service proposé est interdit sur l’accès télématique permettant d’y accéder. France Télécom a estimé que des publicités relevées dans la presse prouveraient que les services proposés par H3L étaient interdits sur l’accès télématique permettant d’y accéder.

Par lettres recommandées avec avis de réception en date du 7 mai 1998 et du 8 juillet 1998, après avis favorable du Comité de la télématique anonyme France Télécom a informé H3L de la résiliation des contrats " Audiotel " permettant respectivement la fourniture des services " Dialogue X en duo 08 36 68 64 74 " et celle du service "F. mariée s'offre par 08 36 68 14 04" ;

Par courrier en date du 20 mai 1998, France Télécom a informé H3L de son intention de saisir pour avis le comité de la télématique anonyme sur la décision de résiliation du contrat " Audiotel " relatif au service " J.F libre ch H. seul au 08 36 68 47 57 " ;

H3L a saisi l’Autorité de régulation des télécommunications, le 30 juin 1998, en invoquant l’article L.36−8 du code des postes et télécommunications. H3L demande à l’Autorité de dire que d’une part France Télécom a méconnu l’obligation de neutralité imposée par son autorisation d’exploitation, que d’autre part elle n’a pas respecté les dispositions de l’article L.34−8 de ce même code.

II− Sur les moyens et conclusions présentés par les parties

A)  Les moyens et conclusions présentés par H3L dans sa demande de règlement d’un différend enregistrée le 30 juin 1998.

H3L fait valoir que les saisines du comité de la télématique anonyme par France Télécom sont fondées sur une appréciation subjective du contenu des services concernés et procèdent d’une violation du paragraphe 3.1 du cahier des charges annexé à l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et à exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service télématique au public.

H3L considère que la procédure de résiliation ou de suspension mise en oeuvre par France Télécom repose sur des discriminations. Elle précise que la saisine du comité de la télématique anonyme par France Télécom, sur le fondement d’une publicité, résulte d’une appréciation manifestement partiale des publicités en cause.

H3L expose en outre, que les violations des recommandations déontologiques que France Télécom lui reproche peuvent seulement concerner des messages de nature audiovisuelle et non des correspondances privées.

H3L estime que les services "Audiotel" par nature intrinsèquement interactifs diffusent des messages audiovisuels et des correspondances privées et que les publicités relatives à ces services ne permettent pas de qualifier leur contenu d’audiovisuel, cette distinction étant en l’espèce " arbitraire, fictive, et sans aucun fondement ".

H3L précise que les services accessibles par les numéros 08 36 68 14 04, 08 36 68 47 57 et 08 36 68 64 74 doivent être considérés comme des services de télécommunications. En effet, elle estime que les services " Audiotel " utilisent un terminal actif, le combiné téléphonique, permettant ainsi aux utilisateurs, de recevoir, et d’envoyer des correspondances privées, via les messageries et systèmes de boîtes aux lettres.

H3L expose que ses services ont pour unique objet la fonctionnalité de " boîte aux lettres ", avec code d’accès confidentiels, comme l’a relevé l’avis de résiliation de l’accès 08 36 68 64 74 en date du 23 mars 1998.

H3L fait valoir de plus, que les saisines du comité de la télématique anonyme par France Télécom, pour faits de publicité, fondées sur l’article D. 406−1−2 du code des postes et télécommunications, contreviennent au paragraphe 3.1 du cahier des charges annexé à l’arrêté du 12 mars 1998 déjà mentioné, à raison de la discrimination ainsi opérée entre les messages transmis sur son réseau.

H3L considère que la mise en oeuvre de la procédure de l’article D. 406−1−2 du code des postes et télécommunications revient en fait à exclure par principe les contenus de télécommunications relatifs aux messages privés.

Enfin, H3L considère que la procédure de saisine devant le comité de la télématique anonyme n’offre aucune garantie sérieuse d’examen des arguments de celle−ci. En effet, au titre du règlement intérieur du comité, le dernier alinéa de ce règlement précise qu’aucun membre ne peut siéger dans les affaires pour lesquelles il peut être impliqué. Or, il s’avère que France Télécom apparaît en qualité de membre adhérent des principales organisations professionnelles qui délibèrent notamment les plus importantes telles que Geste et AFTEL. France Télécom , par personnes interposées participe donc aux délibérations de ses propres saisines.

En invoquant ces moyens, H3L demande à l’Autorité de :

− constater que la présente saisine est recevable et bien fondée ;

− constater que France Télécom, en procédant aux saisines pour avis du comité de la télématique anonyme, à l’encontre des accès de la société H3L, contrevient à son obligation d’égalité de traitement, et d’accès à son réseau, au sens de l’article L. 34−8 du code des postes et télécommunications ;

− contraindre France Télécom à mettre ses conventions d’accès télématiques en conformité avec les obligations contenues dans son autorisation d’exploiter;

− ordonner le maintien provisoire des accès de la société H3L, ou leur recâblage effectif, dans l’attente d’une décision de l’Autorité sur la conformité de la procédure de saisine du comité de la télématique anonyme, au regard de l’autorisation d’exploiter de France Télécom ;

− ordonner le recâblage de l’accès 08 36 68 64 74 à titre de mesure conservatoire.

B)  Les moyens et conclusions présentés par France Télécom le 28 août 1998 en réponse à la demande de H3L

Dans ses observations en défense enregistrées le 28 août 1998, France Télécom demande à l’Autorité de constater que la saisine présentée par la société H3L n’est pas recevable. France Télécom invoque deux exceptions d’irrecevabilité.

Première exception d’irrecevabilité :

France Télécom soutient que les contrats " Audiotel ", tels que ceux conclus avec H3L sont soumis aux dispositions des articles D. 406−1 et suivants du code des postes et télécommunications. Il s’agit de contrats types soumis pour avis au Conseil supérieur de la télématique (CST).

France Télécom considère qu’aux termes de l’article D. 406−1−2 du code des postes et télécommunications, le Conseil supérieur de la télématique est chargé " de formuler des recommandations de nature déontologique visant notamment à la protection de la jeunesse applicables aux services offerts par les accès télématiques anonymes écrits ou vocaux et à leurs conditions d’accès ". Ces recommandations sont incluses dans les contrats conclus par France Télécom avec les fournisseurs.

France Télécom indique qu’il a été institué auprès du Conseil supérieur de la télématique, un comité de la télématique anonyme (CTA) qui " veille au respect par les parties des recommandations visées à l’article D. 406−1−2 ". Il peut être saisi par l’une ou l’autre des parties en cas de différend relatif au respect de ces recommandations. Il doit par ailleurs être saisi par France Télécom avant toute décision de résiliation ou de suspension d’un contrat passé avec un fournisseur de services télématiques.

En outre, France Télécom précise, qu’en vertu de l’article 9 du contrat " Audiotel ", le contentieux relève exclusivement de la compétence du juge judiciaire. Cet article dispose " qu’à défaut d’accord amiable entre les parties concernant l’interprétation ou l’exécution du présent contrat, le Tribunal de Grande Instance de Paris est exclusivement compétent pour connaître d’éventuels litiges ".

Par ailleurs, France Télécom considère qu’elle s’est fondée sur l’avis favorable du comité de la télématique anonyme pour la résiliation des services " dialogue X en duo 08 36 68 64 74 " et " Femme mariée s’offre par 08 36 68 14 04 " au motif que " la publicité précitée est clairement faite pour la promotion d’un service susceptible de porter atteinte à l’image du service Audiotel et interdit, comme tel, sur les accès Audiotel à la durée ". France Télécom a décidé de suivre ces deux avis et a informé la société H3L, les 7 mai et 8 juin, qu’elle résiliait les contrats correspondants. Le comité de la télématique anonyme ne s’étant pas prononcé à ce jour concernant le service " J.F. libre cherche Homme seul au 08 36 68 47 57 ".

France Télécom tient à souligner que la jurisprudence judiciaire lui donne le droit de résilier sans mise en demeure et après avis favorable du Comité de la télématique, des contrats Audiotel à la durée en raison de publicités portant sur des services contractuellement interdits.

France Télécom ajoute que la société H3L s’est déjà rendue coupable de violation de règles déontologiques prévues par les contrats et qu’elle a déjà fait l’objet de quatre résiliations après avis favorable du comité de la télématique anonyme au cours de l’année 1995, résiliations qu’elle n’a pas contestées.

Deuxième exception d’irrecevabilité :

Conformément à la décision n° 98−506 rendue par l’Autorité le 24 juin 1998 se prononçant sur un différend entre Copper Communications et France Télécom, celle−ci considère que l’Autorité ne pourra que rejeter cette demande qui a trait à un différend qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article L.36−8 du code des postes et télécommunications.

France Télécom estime que l’article L. 36−8 du code des postes et télécommunications donne compétence à l’Autorité pour statuer exclusivement sur les litiges relatifs à l’interconnexion, l’échec des négociations commerciales ou le désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès aux réseaux ouverts au public établis en application de l’article L. 33−1 du code des postes et télécommunication et non sur " la violation de contrats en cours d’exécution ".

En effet, France Télécom fait valoir que le litige qui l’oppose à H3L ne constitue en aucune façon " un refus d’accès (...) à un réseau de télécommunication " susceptible d’être soumis à l’Autorité mais la violation de contrats en cours d’exécution.

Ainsi, France Télécom demande à l’Autorité de se déclarer incompétente et de considérer comme ne tombant pas dans le champ d’application de l’article L.36−8 les demandes relatives à la mise en oeuvre par France Télécom des procédures de résiliation pour violation des obligations contractuelles liées aux recommandations de nature déontologique

C) Les moyens et conclusions présentés par H3L le 24 septembre 1998 en réplique au mémoire en défense de France Télécom

− sur le litige relatif aux conditions d’accès :

 H3L soutient que sa saisine ne concerne pas le respect des règles déontologiques mais porte sur un litige relatif à l’exécution d’une convention d’accès au sens des articles L.34−8− II dernier alinéa et L. 34−8−III du code des postes et télécommunications.

H3L observe que France Télécom lui a reproché d’avoir diffusé, dans la presse, des publicités démontrant que le contenu des services fournis n’était pas conforme aux conditions générales des conventions " Audiotel ".

− sur la compétence de l’Autorité en cas de manquement d’un opérateur à son autorisation d’exploitation :

 H3L rappelle que par un avis en date du 23 mars 1998, le comité de la télématique anonyme s’est déclaré incompétent pour se prononcer sur la politique des contrôles et des saisines par France Télécom, sur la réglementation des prix ou sur une éventuelle discrimination.

H3L soutient que la saisine par France Télécom du comité de la télématique anonyme préalable à la résiliation de ses conventions " Audiotel " concerne en réalité des aspects sur lesquels le comité de la télématique anonyme s’est déclaré incompétent.

H3L constate par ailleurs que les saisines du comité de la télématique anonyme par France Télécom, pour faits de publicité, contreviennent au paragraphe 3−1 du cahier des charges annexé de son autorisation d’exploitation, résultant de l’arrêté du 12 mars 1998, à raison de la discrimination ainsi opérée entre les messages transmis sur son réseau.

H3L fait valoir que l’exception d’irrecevabilité soulevée par France Télécom n’est pas fondée.

− sur l’inopposabilité à H3L des jurisprudences communiquées par France Télécom

H3L considère que les jurisprudences évoquées par France Télécom ne peuvent s’appliquer à sa demande car elles ne font pas référence à l’autorisation d’exploiter de France Télécom, publiée au Journal officiel du 19 mars 1998.

De plus, H3L fait valoir que la décision du Tribunal de Grande Instance de Paris, du 1er juillet 1998, n’est pas transposable à sa demande de règlement d’un différend, car cette décision a été prise au vu d’une publicité concernant des messages audiovisuels, alors que publicités reprochées à H3L concernent des communications privées échangées par boîtes aux lettres, avec code d’accès.

En conséquence, H3L demande à l’Autorité d’écarter des débats les décisions communiquées par France Télécom.

− sur les conditions techniques et financières de l’accès

H3L expose qu’en application de l’article D. 98−1 du code des postes et télécommunications, France Télécom doit garantir la neutralité de ses services quelle que soit la nature des messages transportés, et que cette dernière n’a fourni aucune réponse à son argumentation sur ce point.

Au vu de tous ces éléments, H3L estime qu’elle est bien fondée à demander à l’Autorité, le maintien et le recâblage de ses accès sur le réseau de France Télécom aux conditions de souscription de ces conventions.

A titre subsidiaire, H3L demande une migration de ses accès aux conditions du palier tarifaire de la forme 08 36 65 MCDU " en application de la décision de l’Autorité n° 98−555 du 22 juillet 1998 ". De plus, H3L demande à l'Autorité que France Télécom fasse application à ces accès des modalités de restriction d'accès légalement prévues par l'article 43−1 de la loi du 30 septembre 1986.

− sur la référence à la décision n° 98−506 du 24 juin 1998 frappée d’appel

H3L soutient que l’exception d’irrecevabilité soulevée par France Télécom fondée sur la décision n° 98−506 rendue par l’Autorité le 24 juin 1998 se prononçant sur un différend entre Copper Communications et France Télécom n’est pas transposable en l’espèce.

H3L expose à nouveau que sa demande de règlement d’un différend déposée devant l’Autorité concernant l’exécution d’une convention d’accès et les manquements de France Télécom à ses contraintes d’exploitation.

De plus, H3L soutient que si l’Autorité se déclarait incompétente pour connaître de ses demandes, comme elle l’a fait dans sa décision n° 98−506 du 24 juin 1998, une telle décision constituerait un refus d’appliquer la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996, un refus d’examiner les conditions d’exécution d’une convention d’accès et un déni de justice.

D)  Les moyens et conclusions présentés par France Télécom le 30 octobre 1998 en réplique au mémoire en réplique de H3

France Télécom soutient que la société H3L a introduit une nouvelle demande, souhaitant voir l'Autorité "par application de l'avis de l'Autorité n° 98−555 du 22/07/1998, ordonner la migration des accès de l'exposant aux conditions du palier de la forme 08 3665 MCDU".

A titre préliminaire, France Télécom considère qu’il convient de souligner que jamais la société H3L n'a saisi France Télécom d'une telle demande d'accès sur ces paliers de type 08 36 65. La demande introduite par la société H3L dans le cadre d'une procédure de règlement de différend ouverte sur le fondement de l'article L. 36−8 du code des postes et télécommunications est donc totalement hors de la cause.

Par ailleurs, et à supposer qu'une telle demande ait jamais été formulée, il convient de souligner l'inadéquation de tels paliers avec la nature des services fournis par la société H3L. Les contrats Audiotel correspondants sont en effet dits au forfait en ce que l'utilisateur paie 3,71 F T.T.C., quelle que soit la durée de son appel, celle−ci n'étant pas limitée. Les reversements effectués aux fournisseurs du service proposé à partir d'un numéro de type 08 36 65 MCDU varient, quant à eux, en fonction de la durée de la communication. De sorte que, si la durée d'une communication atteint trois minutes, le reversement fait au fournisseur est nul.

France Télécom soutient que " l'Audiotel au forfait " est donc adapté aux seuls services ne nécessitant que peu d'interactivité et ne délivrant qu'une information rapide.

France Télécom constate que contrairement à ce qu'affirme la société H3L, les paliers en question ne peuvent être considérés comme les plus élevés, et ce du fait du coût unique supporté par l'utilisateur, quelle que soit la durée de sa connexion.

France Télécom souhaite rappeler que cette structure tarifaire distinguant " Audiotel au forfait " et " Audiotel à la durée " a été mise en place notamment pour permettre à l'utilisateur d'identifier facilement, au travers de préfixes, des niveaux tarifaires différents.

De plus, France Télécom ajoute que dans un avis du 9 février 1995 relatif à un accès intermédiaire 3669, le Conseil supérieur de la télématique soulignait l'importance de ne pas "induire en erreur les utilisateurs qui, sur " Audiotel ", associent un accès à un coût"

France Télécom soutient que cette distinction trouve notamment sa légitimité dans le plan de numérotation, qui a fait l'objet d'une large concertation et a été approuvé par une décision de l’Autorité n° 98−75 du 3 février 1998 approuvant les règles de gestion du plan national de numérotation.

France Télécom constate que l’annexe 1 de la décision précitée, prévoit en effet que certains blocs de numéros non géographiques non mobiles qui appartiennent à la tranche Z = 8 "font l'objet de conditions particulières en terme de type de service et de tarification".

Par ailleurs, France Télécom soutient que ces conventions d'accès ont au demeurant fait l'objet d'une large concertation avec les professionnels et les consommateurs et leur modification doit être soumise au Conseil supérieur de la télématique pour avis (articles D. 406−1 et suivants du code des postes et télécommunications).

Ainsi, France Télécom considère qu’il fait dans ce cadre une utilisation des blocs de numéros qui lui ont été attribués, tout à fait conforme aux dispositions du code des postes et télécommunications et notamment de son article L. 34−10.

En conclusion, France Télécom soutient que la demande "par défaut" présentée par la société H3L et tendant à la migration de ses accès vers des conditions de palier de la forme 08 3665 MCDU devra donc être rejetée comme étant hors de la cause et à titre tout à fait subsidiaire comme visant à la remise en cause des paliers tarifaires légitimement mis en place, ce qui serait préjudiciable aux utilisateurs.

E) les observations complémentaires présentées par H3L le 15 décembre 1998

H3L souhaite la migration de ses accès 08 36 68 64 74, 08 36 14 04, 08 36 47 57 aux conditions du palier 08 36 65 MCDU.

H3L considère que suite à la décision n° 98−902 de l’Autorité de régulation en date du 30 octobre 1998 complétant la liste des services et fonctionnalités complémentaires et avancés (SFCA) devant figurer au catalogue d’interconnexion des opérateurs soumis aux articles D. 99−11 à D. 99−22 du code des postes et télécommunications, " la responsabilité de la fixation des prix des appels à destination d’un SFCA spécial devrait être du ressort de l’opérateur qui permet l’existence du service attributaire ".

H3L soutient qu’il n’existe donc aucun texte, ou avis de nature à contraindre un opérateur, dans son offre tarifaire d’accès, à maintenir un SFCA spécial sur un palier, tout en le rémunérant au tarif d’un palier différent, sauf à procéder en ce cas à un reroutage transparent pour le consommateur, si cette offre existe dans sa liste de services figurant à son catalogue d’interconnexion.

De plus, concernant les stipulations contractuelles, H3L constate que la décision n° 98−902 de l’Autorité du 30 octobre 1998 a fixé 5 principes directeurs, au nombre desquels figure celui des obligations et responsabilités respectives relatives à l’accessibilité au réseau d’un opérateur.

H3L soutient qu’il résulte à cet effet, de la décision précitée, que cette accessibilité ne diffère en rien de celles des numéros géographiques. A défaut d’avoir inclus le respect de stipulations contractuelles de nature déontologique, dans sa décision, l’Autorité a estimé qu’il ne pouvait y avoir d’obstacle à l’accès d’un SFCA spécial au réseau d’un opérateur, notamment par des restrictions juridiques d’accès particulières.

H3L considère que les stipulations contractuelles restrictives de nature déontologique ne peuvent lui être applicables en l’espèce, relativement aux contenus offerts.

III Sur la recevabilité de la demande présentée par H3L et sur la compétence de l’Autorité pour en connaître

Par les motifs suivants :

Sur les dispositions applicables :

Aux termes de l’article L. 34−8 du code des postes et télécommunications :

" I.− (...)

" II− Les exploitants de réseaux ouverts au public figurant sur la liste établie en application du 7° de l’article L.36−7 (...) doivent, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, assurer un accès à leur réseau aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, ainsi qu’aux services de communication audiovisuelle déclarés en application de l’article 43 de la loi n° 86−1067 du 30 septembre 1986 précitée. Ils doivent également répondre aux demandes justifiées d’accès spécial correspondant à des conditions techniques ou tarifaires non publiées, émanant de ces fournisseurs de service ou des utilisateurs.

" III− Les litiges relatifs aux refus d’interconnexion et aux conditions d’accès peuvent être soumis à l’Autorité de régulation des télécommunications conformément à l’article L. 36−8. "

Aux termes de l’article L. 36−8 du même code :

" I− En cas de refus d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau de télécommunications, l’Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l’une ou l’autre des parties.

" L’Autorité se prononce, dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations. Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès spécial doivent être assurés.

" En cas d’atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des télécommunications, l’Autorité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner les mesures conservatoires en vue notamment d’assurer la continuité du fonctionnement des réseaux.

" L’Autorité rend publique ses décisions, sous réserve des secrets protégés par la loi. Elle les notifie aux parties. "

" (...) ".

Par ailleurs, aux termes de l’article D. 406−1 du code des postes et télécommunications :

" Il est créé auprès du ministre chargé des télécommunications un conseil consultatif appelé Conseil supérieur de la télématique ".

Aux termes de l’article D. 406−1−2 de ce même code :

" Le Conseil supérieur de la télématique est chargé de formuler des recommandations de nature déontologique, visant notamment à la protection de la jeunesse, applicables aux services offerts par les accès télématiques anonymes écrits ou vocaux et à leurs conditions d’accès ; ces recommandations prennent en particulier la forme de propositions concernant les contrats types souscrits entre l’exploitant public, le fournisseur de service et, éventuellement, le fournisseur de moyens télématiques.

" Le Conseil supérieur de la télématique est saisi pour avis par France Télécom de ces projets de contrats types ainsi que de leurs projets de modification. Il peut être saisi par chacun de ses membres de propositions de modification de ces mêmes contrats. Les avis rendus par le Conseil supérieur de la télématique à cette occasion sont publics ( ...) ".

Ces recommandations prennent la forme de propositions concernant les contrats types souscrits entre l’opérateur et le fournisseur de service. Dans ce cadre, par avis du 12 avril 1995, le Conseil supérieur de la télématique a recommandé à France Télécom de modifier les stipulations des contrats télématiques de telle sorte que le comité de la télématique anonyme puisse être saisi, directement par l’exploitant public et sans mise en demeure préalable du fournisseur concerné, de toute publicité faisant apparaître clairement que le service proposé est interdit soit d’une façon générale, soit sur le palier tarifaire auquel il est offert ou par le numéro permettant d’y accéder. Cette modification a été introduite dans les conditions générales des contrats Audiotel à la durée par l’avenant du 15 mai 1995.

En outre, aux termes de l’article D. 406−2 du code des postes et télécommunications:

"Il est institué auprès du Conseil supérieur de la télématique, un comité consultatif appelé comité de la télématique anonyme ".

Enfin, aux termes de l’article D. 406−2−2 du code des postes et télécommunications :

"Le comité de la télématique anonyme veille au respect par les parties des recommandations visées à l’article D. 406−1−2 et des clauses non strictement commerciales des contrats conclus entre elles.

"Le comité peut être saisi par l’une ou l’autre des parties au contrat en cas de différend relatif au respect des recommandations de nature déontologique applicables aux services offerts sur les accès télématique anonymes, écrits ou vocaux et à leurs conditions d’accès.

"Il est consulté par l’exploitant public avant toute décision de résiliation ou de suspension d’un contrat passé avec un fournisseur de services télématiques, et éventuellement, un centre serveur, sauf dans le cas où cette décision est prise à la requête de l’Autorité judiciaire ou dans le cas de non−exécution de clauses strictement commerciales.

"Il peut être consulté par l’exploitant public sur le raccordement d’un service à une catégorie d’accès télématique anonyme. Il peut être saisi, pour avis, par un fournisseur de services auquel il a été refusé le bénéfice d’un accès télématique anonyme, écrit ou vocal, professionnel ou grand public.

"Après en avoir recueilli les observations écrites des parties, le comité de la télématique anonyme émet un avis dans un délai de deux mois à compter de la saisine. En cas d’urgence, ce délai est ramené à 15 jours.

"Lorsqu’il est constaté une violation des recommandations visées à l’article D. 406−1−2, le comité recommande les mesures de nature à y mettre fin, notamment la suspension ou la résiliation du contrat. Ces avis sont motivés et notifiés au fournisseur de service télématique intéressé, à l’exploitant public ainsi qu’au président du Conseil supérieur de la télématique. Ils sont publics, à l’exception de toute mention relative à l’identité du fournisseur de service".

  • Sur la qualification juridique des conventions " Audiotel " passées entre France Télécom et H3L et du différend soumis à l’Autorité :

Il résulte de l’instruction que la société H3L doit être regardée comme un fournisseur ou un utilisateur de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, ou de services de communication audiovisuelle déclarés en application de l’article 43 de la loi n°86−1067 du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication susvisée.

France Télécom a été inscrite par la décision n° 97− 412 susvisée du 19 novembre 1997 sur la liste, établie en application des dispositions du 7° de l’article L. 36−7 du code des postes et télécommunications, des opérateurs qui exercent une influence significative sur un marché pertinent du secteur des télécommunications, et à ce titre devant assurer un accès à leur réseau. Ainsi, les contrats Audiotel conclus les 22 avril 1994, les 12 juillet 1994, et le 21 octobre 1994 entre H3L et France Télécom doivent être regardés comme constituant notamment des conventions d’accès à un réseau de télécommunications.

  • Sur la demande principale formée par H3L

Le litige qui oppose H3L et France Télécom concernant ces conventions ne porte pas sur les conditions d’ordre technique et financier de leur exécution au sens des dispositions de l’article L. 36−8 précité, mais sur le respect des recommandations de nature déontologique applicables aux services offerts sur les services télématiques, formulées par le Conseil supérieur de la télématique en application de l’article D. 406−1−2 précité et sur le respect des clauses non strictement commerciales figurant à l’article 1 des conditions générales des contrats " Audiotel à la durée " et à leur annexe 2.

Dans un arrêt du 15 décembre 1998 Copper Communication c/ France Télécom, la Cour d’appel de Paris considère que l’Autorité n’a été investie ni du pouvoir d’interprétation des lois et règlements ni de celui de contrôler la légalité d’un règlement dont l’objet a été précisément d’instituer un mécanisme de contrôle du contenu des services Télétel et services offerts sur les kiosques télématiques ou téléphoniques.

La Cour en déduit que l’ Autorité n’a dès lors pas vocation à apprécier les clauses insérées dans des contrats en application du régime juridique d’exception prévu pour les services Audiotel.

De plus, l’existence invoquée par H3L du mécanisme de sélection d’accès prévu par l’article 43−1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée et proposé par France Télécom qui permet à l’abonné de restreindre à partir de son poste téléphonique l’accès à certains services, ne saurait se substituer au dispositif de contrôle déontologique instauré par les dispositions précitées; au surplus, ce mécanisme concerne les relations entre l’abonné et l’opérateur et non celles entre le fournisseur de service et l’opérateur, objet du présent différend.

Ainsi, le différend qui oppose H3L à France Télécom, eu égard à son objet, n’entre pas dans le champ d’application de l’article L. 36−8 précité.

Par suite, les conclusions sus rappelées présentées par H3L y compris les demandes de mesures conservatoires doivent être rejetées.

  • Sur la demande subsidiaire d’attribution de numéros

Enfin, il n’appartient pas à l’Autorité d’examiner, dans le cadre de la présente procédure, la demande d’attribution des numéros 08 36 65 64 74, 08 36 65 14 04, 08 36 65 47 57, formulée par H3L subsidiairement à sa demande principale tendant à obtenir le maintien de ses accès au réseau de France Télécom par les numéros 08 36 68 64 74, 08 36 68 14 04 et 08 36 68 47 57.

Cette demande porte en effet sur les nouvelles conventions d’accès que H3L et France Télécom pourraient éventuellement conclure à la suite de la résiliation des trois conventions d’accès concernées par la présente décision, et ne saurait en l’état, être regardée comme faisant l’objet d’un différend au sens de l’article L.36−8 du code des postes et télécommunications.

Décide:

Article 1− La demande présentée par la société H3L est rejetée.

Article 2− Le directeur général de l’Autorité de régulation des télécommunications est chargé de notifier la présente décision à H3L et à France Télécom. La présente décision sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.