ART, 4 novembre 1998, n° 98−906
ART (DEVENUE L'ARCEP)
se prononçant sur un différend entre Agora International et France Télécom
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Hubert
Membre :
M. Chinaud, M. le Bars, M. Roux, M. Zuber
L'Autorité de régulation des télécommunications,
Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 34−8, L. 36−8, R. 11-1, D. 97−4, D. 97−8, D.406−1, D. 406−1−2, D. 406−1−3, D. 406−2, D. 406−2−2 ;
Vu la loi n° 86−1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;
Vu l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public.
Vu la décision n° 97−57 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 26 mars 1997 portant règlement intérieur modifiée par la décision n° 97−234 du 30 juillet 1997 ;
Vu la décision n° 97− 412 du 19 novembre 1997 établissant pour 1998 la liste des opérateurs prévue par le 7° de l'article L. 36−7 du code des postes et télécommunications ;
Vu la demande de règlement d'un différend, enregistrée le 10 août 1998, présentée par Agora International, société anonyme, dont le siège social est 105, rue de l'abbé Groult à Paris (XVème) représentée par son directeur général Gérard Moll.
Vu les observations en défense, enregistrées le 26 août 1998, présentées par France Télécom, société anonyme dont le siège social est 6, place d'Alleray, à Paris (XVème), représentée par M. Gérard Moine, directeur des relations extérieures ayant reçu délégation à cet effet de M. Michel Bon, Président de France Télécom le 4 mai 1998 ;
Vu les observations en réplique, enregistrées le 14 septembre 1998, présentées par Agora International ; Vu les autres pièces du dossier ;
Après en avoir délibéré le 4 novembre 1998, lors d'une réunion du collège composé de M. Jean−Michel Hubert, président, de MM Roger Chinaud, Yvon le Bars, Dominique Roux, Bernard Zuber, membres de l'Autorité, en présence de M. Pierre−Alain Jeanneney, directeur général, Mme Béatrice Cospérec, service juridique, M. Loïc Taillanter, service juridique ;
Adopte la présente délibération fondée sur les faits et les motifs exposés ci−après :
I− Sur l'origine du litige
Agora International a conclu avec France Télécom, le 17 juillet 1996, une convention dénommée " contrat Audiotel à la durée " permettant l'accès à son réseau par le n° 08 36 68 44 08 en vue de la fourniture d'un " service de messagerie vocale avec identification et validation préalable ".
Le contrat " Audiotel à la durée ", dans son article 5.1, autorise France Télécom à saisir directement le comité de la télématique anonyme, lorsque la publicité fait apparaître que le service proposé est interdit sur l'accès télématique permettant d'y accéder.
France Télécom estime qu'une publicité relevée dans la presse prouverait que le service proposé par Agora International était interdit sur l'accès télématique permettant d'y accéder.
Ainsi, par courrier, en date du 16 juin 1998, France Télécom a saisi le comité de la télématique anonyme afin d'obtenir son avis sur son intention de résilier ce " contrat Audiotel à la durée ".
Agora International a saisi l'Autorité de régulation des télécommunications, le 10 août 1998. En invoquant l'article L. 36−8 du code des postes et télécommunications, cette société demande, d'une part, de dire que France Télécom a méconnu l'obligation de neutralité imposée par son autorisation d'exploitation et, d'autre part, ordonner à France Télécom de poursuivre l'éxécution de sa convention d'accès au réseau dite " contrat Audiotel " relative aux services en cause et de mettre ces conventions en conformité avec les obligations contenus dans son autorisation d'exploiter.
II− Sur les moyens et conclusions présentés par les parties
A) Les moyens et conclusions présentés par Agora International dans sa demande de règlement d'un différend enregistrée le 10 août 1998.
Agora International fait valoir les arguments suivants :
Le service accessible par le numéro 08 36 68 44 08 doit être considéré comme un service de télécommunication. Elle estime que l'accès en cause a pour objet déclaré de permettre des communications par boîte aux lettres. Agora International considère qu'il s'agit notamment du dépôt de messages vocaux au sein de répondeurs identifiés par un numéro permettant ainsi à l'utilisateur de cette boîte aux lettres vocale d'écouter les messages qui lui sont destinés, en composant le numéro de sa boîte et un mot de passe qu'il s'est attribué.
Le fondement de la saisine de France Télécom au comité de la télématique anonyme, procède d'une appréciation partielle du contenu offert par Agora International, basé sur l'examen d'une publicité dans le journal gratuit " 33 Carillon "dans son édition du 27 avril au 4 mai 1998.
La publicité incriminée concerne exclusivement les communications privées échangées sur les boites aux lettres.
France Télécom a considéré que le service présentait dans sa totalité un caractère audiovisuel alors que la publicité incriminée portait sur des communications privées échangées sur les boîtes à lettres.
Agora International soutient que la mise en oeuvre par France Télécom de l'avis du comité de la télématique anonyme, contrevient à l'article 3.1 de son autorisation d'exploiter.
En effet, la résiliation de la convention " Audiotel " concernée par cet avis reviendrait en l'espèce à exclure certains messages, à raison de leur contenu, alors que France Télécom est tenue de transporter tous les messages, sans aucune discrimination sur son réseau, quelle que soit leur nature.
Agora International considère en conséquence, que les saisines du comité de la télématique anonyme par France Télécom, pour faits de publicité, fondées sur l'article D. 406−1−2 du code des postes et télécommunications, contreviennent à l'article 3.1 de son autorisation d'exploitation résultant de l'arrêté du 12 mars 1998, à raison de la discrimination ainsi opérée entre les messages transmis sur son réseau.
Par ailleurs, Agora International considère que la procédure de saisine devant le comité de la télématique anonyme n'offre aucune garantie sérieuse d'examen des arguments de celle−ci. En effet, bien que le dernier alinéa de ce règlement intérieur du comité, précise qu'aucun membre ne peut siéger dans les affaires pour lesquelles il peut être impliqué, il s'avère que France Télécom apparaît en qualité de membre adhérent des principales organisations professionnelles qui délibèrent, notamment les plus importantes telles que le Geste et AFTEL. France Télécom, par personnes interposées participe donc aux délibérations de ses propres saisines.
Sur la base de ces moyens, Agora International demande à l'Autorité de :
− constater que la présente saisine est recevable et bien fondée ;
− constater que France Télécom, par sa saisine pour avis du comité de la télématique anonyme, à son encontre et par son refus d'acheminer des communications privées ;contrevient à son obligation de neutralité, d'égalité de traitement et d'accès à son réseau, au sens de l'article L. 34−8 du code des postes et télécommunications ;
− contraindre France Télécom à mettre ses conventions d'accès télématiques en conformité avec les obligations contenues dans son autorisation d'exploiter;
− ordonner le maintien provisoire de l'accès 08 36 68 44 08 à titre de mesures conservatoires.
B) Les moyens et conclusions présentés par France Télécom le 26 août 1998 en réponse à la demande d'Agora International
Dans ses observations en défense enregistrées le 26 août 1998, France Télécom demande à l'Autorité de constater que la saisine présentée par la société Agora International n'est pas recevable. France Télécom invoque deux exceptions d'irrecevabilité.
Première exception d'irrecevabilité :
France Télécom soutient que les contrats " Audiotel ", tels que ceux conclus avec Agora International sont soumis aux dispositions des articles D. 406−1 et suivants du code des postes et télécommunications. Il s'agit de contrats types soumis pour avis au Conseil supérieur de la télématique (CST).
France Télécom considère qu'aux termes de l'article D. 406−1−2 du code des postes et télécommunications, le Conseil supérieur de la télématique est chargé " de formuler des recommandations de nature déontologique visant notamment à la protection de la jeunesse applicables aux services offerts par les accès télématiques anonymes écrits ou vocaux et à leurs conditions d'accès ". Ces recommandations sont incluses dans les contrats conclus par France Télécom avec les fournisseurs.
France Télécom indique qu'il a été institué auprès du Conseil supérieur de la télématique, un comité de la télématique anonyme (CTA) qui " veille au respect par les parties des recommandations visées à l'article D. 406−1−2 ". Il peut être saisi par l'une ou l'autre des parties en cas de différend relatif au respect de ces recommandations. Il doit par ailleurs être saisi par France Télécom avant toute décision de résiliation ou de suspension d'un contrat passé avec un fournisseur de services télématiques.
En outre, France Télécom précise, qu'en vertu de l'article 9 du contrat " Audiotel ", le contentieux relève exclusivement de la compétence du juge judiciaire. Cet article dispose " qu'à défaut d'accord amiable entre les parties concernant l'interprétation ou l'exécution du présent contrat, le Tribunal de Grande Instance de Paris est exclusivement compétent pour connaître d'éventuels litiges ".
France Télécom constate que le comité de la télématique anonyme n'a pas rendu d'avis à ce jour sur la résiliation de ce service. Le contrat liant France Télécom et la société Agora International est donc toujours en vigueur.
France Télécom fait observer par ailleurs que la société Agora International s'est déjà rendue coupable de violation des règles déontologiques prévues par les contrats et qu'elle a déjà fait l'objet d'une résiliation après avis favorable du comité de la télématique anonyme du 12 novembre 1997 pour un autre service, résiliation qu'elle n'a pas à ce jour contesté.
Deuxième exception d'irrecevabilité :
Conformément à la décision n° 98−506 rendue par l'Autorité le 24 juin 1998 se prononçant sur un différend entre Copper Communication et France Télécom, celle−ci considère que l'Autorité ne pourra que rejeter cette demande qui a trait à un différend qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article L.36−8 du code des postes et télécommunications.
France Télécom estime que l'article L. 36−8 du code des postes et télécommunications donne compétence à l'Autorité pour statuer exclusivement sur les litiges relatifs à l'interconnexion, l'échec des négociations commerciales ou le désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès aux réseaux ouverts au public établis en application de l'article L. 33−1 du code des postes et télécommunication et non sur " la violation de contrats en cours d'exécution ".
En effet, France Télécom fait valoir que le litige qui l'oppose à Agora International ne porte pas, comme voudrait le faire croire ce fournisseur de services télématiques, sur les conditions d'ordre technique et financier de l'exécution d'une convention d'accès qui au demeurant est toujours en vigueur− mais uniquement sur le respect des recommandations, de nature déontologique, applicables aux services offerts sur les services télématiques et sur le respect de clauses non strictement commerciales figurant dans les contrats Audiotel.
Ainsi, France Télécom demande à l'Autorité de se déclarer incompétente et de considérer la demande relative à la mise en oeuvre par France Télécom des procédures de résiliation pour violation des obligations contractuelles liées aux recommandations de nature déontologique.comme ne tombant pas dans le champ d'application de l'article L.36−8
C) La réplique de la société Agora International au mémoire en défense de France Télécom présentée le 14 septembre1998
− sur l'irrecevabilité de l'argument du contentieux déontologique
Agora International observe que son mémoire de saisine ne contenait aucune demande de nature déontologique, qui aurait pu avoir pour effet de soumettre à avis de l'ART la résiliation de son accès Audiotel.
Agora International soutient qu'elle n'a jamais considéré que l'Autorité avait qualité pour intervenir, en infirmant, ou confirmant, un avis de résiliation d'accès, au titre d'une voie de recours. En conséquence, elle considère que les observations de France Télécom, selon lesquelles le différend aurait pour effet de statuer sur un contentieux relatif aux manquements déontologiques, sont infondés et ne répondent en rien au motif de la saisine.
De plus, Agora International estime que la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 ayant démantelé le monopole et consacré le principe de la concurrence dans le secteur des télécommunications, a modifié et précisé les conditions dans lesquelles les activités des opérateurs doivent désormais s'exercer.
Agora International considère que résulte de ces textes ainsi que du cahier des charges de France Télécom et de son autorisation d'exploiter, l'obligation d'assurer la confidentialité et la neutralité au regard des messages transmis quels qu'ils soient vis−à−vis des informations liées aux communications.
En conséquence, la présente saisine ne relève en aucune manière du contentieux de la déontologie, mais de la conformité de la mise en œuvre d'une demande de recueil d'avis au Comité de la télématique anonyme, lors d'une procédure de résiliation d'accès, avec les nouveaux textes en vigueur.
Agora International estime que France Télécom est légalement tenue de prendre des mesures pour garantir la neutralité de ses services vis−à−vis du contenu des messages transmis sur son réseau ne peut pas produire des publicités de contenu pour refuser d'acheminer ses messages, afin d'obtenir un avis de résiliation du comité de la télématique anonyme.
− sur l'inopposabilité des jurisprudences
Agora International constate que les jurisprudences communiquées par France Télécom sont antérieures à la publication de son autorisation d'exploitation. Aucune des demandes formulées à l'encontre de France Télécom devant le Tribunal de grande instance de Paris, ne fait état des contraintes d'exploitation résultant de la loi de réglementation des télécommunications et des décrets pris pour son application.
En conséquence, Agora International demande à l'Autorité d'écarter des débats les décisions communiquées par France Télécom.
− sur le maintien du câblage actuel de l'accès 08 36 68 44 08 d'Agora International
Agora International considère que France Télécom tire profit de l'argument selon lequel l'accès de celle−ci est encore câblé, pour alléguer de l'incompétence de l'Autorité sur le fondement de l'article L.36−8 du code des postes et télécommunications. Il s'agit d'un argument dilatoire et fallacieux.
Agora International estime que les parties sont bien en situation de refus d'accès et que l'article L. 36−8 du code des postes et télécommunications leur est bien applicable.
− sur les conditions techniques et financières de l'accès
Agora International soutient que France Télécom n'a fourni aucune réponse, ni proposition relatives à l'acheminement des messages ou correspondances de nature privée soulevées par la requérante dans sa saisine.
Agora International considère que France Télécom doit garantir la neutralité de ses services quelque soient les circonstances dans lesquelles il a connaissance des messages transportés.
En conséquence, Agora International s'estime fondé à demander à l'Autorité le maintien de son accès " Audiotel " au réseau de France Télécom au besoin par le mécanisme de sélection d'accès prévu à l'article 43−1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée sur la liberté de communication issu de la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications.
En effet, il apparaît que France Télécom a techniquement et financièrement mis en place un mécanisme de sélection d'accès.
− sur le manque de considération exprimé à l'égard du requérant
Agora International estime que France Télécom a porté atteinte à sa considération en informant l'Autorité de ce qu'elle " s'était déjà rendue coupable de violation de règles déontologiques ".
− sur la référence à la décision de l'Autorité n° 98−506 du 24 juin 1998 frappée d'appel
Agora International soutient que l'exception d'irrecevabilité soulevée par France Télécom en se fondant sur la décision n° 98−506 rendue par l'Autorité le 24 juin 1998 se prononçant sur un différend entre Copper Communications et France Télécom n'est pas transposable en l'espèce. En effet, l'Autorité s'est déclarée incompétente aux seuls motifs que le différend ne concernait pas les conditions techniques et financières d'exécution des conventions d'accès de Copper Communications.
Or, Agora International considère que sa saisine est fondée sur des atteintes graves aux conditions objectives, transparentes et non discriminatoires d'accès des fournisseurs de services de télécommunications et de services déclarés de communication audiovisuelle.
Agora International considère donc qu'elle est autorisée conformément à l'article L. 34-8−II du code des postes et télécommunications de saisir l'Autorité selon les modalités prévues à l'article L. 36−8.
Agora International estime, en conséquence, que l'argument de France Télécom, selon lequel la mise en oeuvre des procédures de résiliation échappe à la compétence de l'Autorité, doit être rejeté.
De plus, Agora International considère que dans l'éventualité d'une décision de rejet de l'Autorité, compte tenu de l'incompétence du comité de la télématique anonyme pour statuer sur les discriminations afférentes au contentieux de la déontologie, il n'existerait donc aucune juridiction pour trancher le différend.
Cette décision de rejet de l'Autorité contreviendrait à la volonté expresse du législateur, lequel a conféré à l'Autorité la compétence nécessaire à cette fin quelque soit la répugnance qu'elle manifeste, selon toute apparence pour appliquer le droit au justiciable qui la requiert à cette fin.
La société Agora International considère que par application combinée des articles L. 34−8 et L. 36−8 du code des postes et télécommunications l'Autorité doit se prononcer , en raison de sa compétence expresse d'attribution sur les conditions d'accès au réseau de France Télécom au regard des discriminations exposées ci−dessus.
III − Sur la recevabilité de la demande présentée par Agora International et sur la compétence de l'Autorité pour en connaître
Par les motifs suivants :
Sur les dispositions applicables :
Aux termes de l'article L. 34−8 du code des postes et télécommunications :
" I.− (...)
" II− Les exploitants de réseaux ouverts au public figurant sur la liste établie en application du 7° de l'article L.36−7 (...) doivent, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, assurer un accès à leur réseau aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, ainsi qu'aux services de communication audiovisuelle déclarés en application de l'article 43 de la loi n° 86−1067 du 30 septembre 1986 précitée. Ils doivent également répondre aux demandes justifiées d'accès spécial correspondant à des conditions techniques ou tarifaires non publiées, émanant de ces fournisseurs de service ou des utilisateurs.
" III− Les litiges relatifs aux refus d'interconnexion et aux conditions d'accès peuvent être soumis à l'Autorité de régulation des télécommunications conformément à l'article L. 36-8. "
Aux termes de l'article L. 36−8 du même code :
" I− En cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties.
" L'Autorité se prononce, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations. Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès spécial doivent être assurés.
" En cas d'atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des télécommunications, l'Autorité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner les mesures conservatoires en vue notamment d'assurer la continuité du fonctionnement des réseaux.
" L'Autorité rend publique ses décisions, sous réserve des secrets protégés par la loi. Elle les notifie aux parties. "
" (...) ".
Par ailleurs, aux termes de l'article D. 406−1 du code des postes et télécommunications :
" Il est créé auprès du ministre chargé des télécommunications un conseil consultatif appelé Conseil supérieur de la télématique ".
Aux termes de l'article D. 406−1−2 de ce même code :
" Le Conseil supérieur de la télématique est chargé de formuler des recommandations de nature déontologique, visant notamment à la protection de la jeunesse, applicables aux services offerts par les accès télématiques anonymes écrits ou vocaux et à leurs conditions d'accès ; ces recommandations prennent en particulier la forme de propositions concernant les contrats types souscrits entre l'exploitant public, le fournisseur de service et, éventuellement, le fournisseur de moyens télématiques.
" Le Conseil supérieur de la télématique est saisi pour avis par France Télécom de ces projets de contrats types ainsi que de leurs projets de modification. Il peut être saisi par chacun de ses membres de propositions de modification de ces mêmes contrats. Les avis rendus par le Conseil supérieur de la télématique à cette occasion sont publics ( ...) ".
Ces recommandations prennent la forme de propositions concernant les contrats types souscrits entre l'opérateur et le fournisseur de service. Dans ce cadre, par avis du 12 avril 1995, le Conseil supérieur de la télématique a recommandé à France Télécom de modifier les stipulations des contrats télématiques de telle sorte que le comité de la télématique anonyme puisse être saisi, directement par l'exploitant public et sans mise en demeure préalable du fournisseur concerné, de toute publicité faisant apparaître clairement que le service proposé est interdit soit d'une façon générale, soit sur le palier tarifaire auquel il est offert ou par le numéro permettant d'y accéder. Cette modification a été introduite dans les conditions générales des contrats Audiotel à la durée par l'avenant du 15 mai 1995.
En outre, aux termes de l'article D. 406−2 du code des postes et télécommunications :
" Il est institué auprès du Conseil supérieur de la télématique, un comité consultatif appelé comité de la télématique anonyme ".
Enfin, aux termes de l'article D. 406−2−2 du code des postes et télécommunications :
" Le comité de la télématique anonyme veille au respect par les parties des recommandations visées à l'article D. 406−1−2 et des clauses non strictement commerciales des contrats conclus entre elles.
" Le comité peut être saisi par l'une ou l'autre des parties au contrat en cas de différend relatif au respect des recommandations de nature déontologique applicables aux services offerts sur les accès télématique anonymes, écrits ou vocaux et à leurs conditions d'accès.
" Il est consulté par l'exploitant public avant toute décision de résiliation ou de suspension d'un contrat passé avec un fournisseur de services télématiques, et éventuellement, un centre serveur, sauf dans le cas où cette décision est prise à la requête de l'Autorité judiciaire ou dans le cas de non−exécution de clauses strictement commerciales.
" Il peut être consulté par l'exploitant public sur le raccordement d'un service à une catégorie d'accès télématique anonyme. Il peut être saisi, pour avis, par un fournisseur de services auquel il a été refusé le bénéfice d'un accès télématique anonyme, écrit ou vocal, professionnel ou grand public.
" Après en avoir recueilli les observations écrites des parties, le comité de la télématique anonyme émet un avis dans un délai de deux mois à compter de la saisine. En cas d'urgence, ce délai est ramené à 15 jours.
" Lorsqu'il est constaté une violation des recommandations visées à l'article D. 406-1−2, le comité recommande les mesures de nature à y mettre fin, notamment la suspension ou la résiliation du contrat. Ces avis sont motivés et notifiés au fournisseur de service télématique intéressé, à l'exploitant public ainsi qu'au président du Conseil supérieur de la télématique. Ils sont publics, à l'exception de toute mention relative à l'identité du fournisseur de service. "
- Sur la qualification juridique des conventions " Audiotel " passées entre France Télécom et Agora International et du différend soumis à l'Autorité :
Il résulte de l'instruction que la société Agora International doit être regardée comme un fournisseur ou un utilisateur de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, ou de services de communication audiovisuelle déclarés en application de l'article 43 de la loi n° 86−1067 du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication susvisée.
France Télécom a été inscrite par la décision n° 97−412 susvisée du 19 novembre 1997 sur la liste, établie en application des dispositions du 7° de l'article L. 36−7 du code des postes et télécommunications, des opérateurs qui exercent une influence significative sur un marché pertinent du secteur des télécommunications, et à ce titre devant assurer un accès à leur réseau. Ainsi, le contrat Audiotel conclu le 17 juillet 1996 pour fournir un service accessible par le numéro 08 36 68 44 08 doit être regardé comme constituant notamment une convention d'accès à un réseau de télécommunications.
Toutefois, le litige qui oppose Agora International à France Télécom concernant cette convention ne porte pas sur les conditions d'ordre technique et financier de son exécution au sens des dispositions de l'article L. 36−8 précité, mais sur le respect des recommandations de nature déontologique applicables aux services offerts sur les services télématiques, formulées par le Conseil supérieur de la télématique en application de l'article D. 406−1−2 précité et sur le respect des clauses non strictement commerciales figurant à l'article 1 des conditions générales des contrats " Audiotel à la durée " et à leur annexe 2.
Enfin l'existence invoquée par Agora International du mécanisme de sélection d'accès prévu par l'article 43−1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée et proposé par France Télécom qui permet à l'abonné de restreindre à partir de son poste téléphonique l'accès à certains services, ne saurait se substituer au dispositif de contrôle déontologique instauré par les dispositions précitées; au surplus, ce mécanisme concerne les relations entre l'abonné et l'opérateur et non celles entre le fournisseur de service et l'opérateur, objet du présent différend.
Ainsi, le différend qui oppose Agora International à France Télécom, eu égard à son objet, n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 36−8 précité. Par suite, les conclusions sus−rappelées présentées par Agora International, y compris la demande de mesures conservatoires, doivent être rejetées.
Décide :
Article 1− La demande présentée par la société Agora International est rejetée comme portée devant une autorité incompétente pour en connaître.
Article 2− Le directeur général de l'Autorité de régulation des télécommunications est chargé de notifier la présente décision à Agora International et à France Télécom. La présente décision sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.