ART, 13 novembre 1998, n° 98−940
ART (DEVENUE L'ARCEP)
se prononçant sur un différend entre Production Multimédia et France Télécom
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Hubert
Membre :
M. Chinaud, M. le Bars, M. Roux, M. Zuber
L'Autorité de régulation des télécommunications,
Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 34−8, L. 36−8, R. 11-1, D. 97−4, D. 97−8, D.406−1, D. 406−1−2, D. 406−1−3, D. 406−2, D. 406−2−2 ;
Vu la loi n° 86−1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;
Vu l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public.
Vu la décision n° 97−57 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 26 mars 1997 portant règlement intérieur modifiée par la décision n° 97−234 du 30 juillet 1997 ;
Vu la décision n° 97− 412 du 19 novembre 1997 établissant pour 1998 la liste des opérateurs prévue par le 7° de l'article L. 36−7 du code des postes et télécommunications ;
Vu la demande de règlement d'un différend, enregistrée le 17 août 1998, présentée par Production Multimédia, société à responsabilité limitée, dont le siège social est 1, Allée Roland Garros 93360 Neuilly Plaisance représentée par sa gérante Chantale Sonnerat en application de l'article 14 de ses statuts ;
Vu les observations en défense, enregistrées le 8 septembre 1998, présentées par France Télécom, société anonyme dont le siège social est 6, place d'Alleray, à Paris (XVème), représentée par M. Gérard Moine, directeur des relations extérieures ayant reçu délégation à cet effet de M. Michel Bon, Président de France Télécom le 4 mai 1998;
Vu les observations en réplique, enregistrées le 28 septembre 1998, présentées par Production Multimédia ; Vu les autres pièces du dossier ;
Après en avoir délibéré le 13 novembre 1998, lors d'une réunion du collège composé de M. Jean−Michel Hubert, président, de MM. Roger Chinaud, Yvon le Bars, Dominique Roux, Bernard Zuber, membres de l'Autorité, en présence de M. Pierre−Alain Jeanneney, directeur général, Mme Béatrice Cospérec, service juridique, M. Loïc Taillanter, service juridique ;
adopte la présente délibération fondée sur les faits et les motifs exposés ci−après :
I− Sur l'origine du litige
Le 19 mai 1998 Production Multimédia a conclu avec France Télécom une convention d'accès à son réseau dénommé "contrat Télétel" pour fournir un service "36 17 CLUB VIP ayant pour objet la mise à disposition du public au sens de la communication audiovisuelle d'un guide des réductions, échantillons, bons de réduction, banque de données, marketing et sélection d'adresses.
Le contrat " Télétel " dans son article 10−1 autorise France Télécom à suspendre ou résilier d'office le contrat, sans mise en demeure préalable du fournisseur de service, après avis du comité de la télématique anonyme, en cas de déloyauté manifeste constatée par France Télécom et s'il y a urgence à faire cesser les agissements concernés ou lorsqu'une publicité, de quelque nature qu'elle soit, fait apparaître clairement que le service proposé est interdit soit d'une façon générale, soit sur le palier tarifaire auquel il est offert ou par le code ou numéro télématique permettant d'y accéder.
En application de cet article, par lettre recommandée avec accusé de réception, en date du 27 juillet 1998, France Télécom a saisi le comité de la télématique anonyme, afin d'obtenir son avis sur la décision de résiliation du contrat " Télétel " sur le service " guide des réductions, échantillons, bons de réduction, banque de données, marketing et sélection d'adresses " au motif qu'il résultait de constatations faites par ses préposés, que derrière le code " 36 17 CLUB VIP " étaient accessibles par la touche " * " des informations permettant la commande de cassettes vidéo et de CD−ROM rémunérés en fonction du temps de connexion en contradiction avec les stipulations du contrat " Télétel ".. Ce service a été caractérisé par France Télécom comme particulièrement déloyal
Production Multimédia a saisi l'Autorité de régulation des télécommunications, le 17 août 1998, en invoquant l'article L.36−8 du code des postes et télécommunications, aux fins de voir dire que France Télécom n'a pas respecté les dispositions de l'article L 34−8 II de ce même code et qu'elle a méconnu l'obligation de neutralité imposée par son autorisation d'exploitation.
Par ailleurs, Production Multimédia a également demandé à l'Autorité de prononcer à l'encontre de France Télécom une sanction en application des dispositions de l'article L. 36−11 du code des postes et télécommunications, au motif qu'elle aurait méconnu ses obligations relatives au respect de la confidentialité et de la neutralité du contenu des messages transmis sur son réseau.
Cette demande, qui relève d'un régime juridique différent, n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 36−8 du code des postes et télécommunications et n'est donc pas examinée dans le cadre de la présente décision.
II− Sur les moyens et conclusions présentés par les parties
A) Sur les moyens et conclusions présentés par Production Multimédia dans sa demande susvisée le 17 août 1998
Production Multimédia fait valoir les arguments suivants :
Elle considère que les griefs invoqués par France Télécom pour résilier la convention d'accès portent sur des communications privées.
Elle soutient qu'aucun reproche ne concernant la partie en libre accès du service "CLUB VIP", la procédure de recueil d'avis du comité de la télématique anonyme est inappropriée à ce différend. La procédure d'avis du comité de la télématique anonyme ne vise que les accès anonymes audiovisuels accessibles à tout public indifférencié.
Production Multimédia précise que la partie de service "36 17 CLUB VIP", dont l'accès est restreint à des personnes identifiées, à raison d'une déclaration de traitement de données nominatives faites à la CNIL ne peut relever d'une procédure de résiliation prévue à l'article D. 406 du code des postes et télécommunications.
Elle soutient qu'elle est bien fondée à saisir l'Autorité pour discrimination à son égard de la part de France Télécom contrevenant ainsi aux principes, obligations et contraintes contenus dans son autorisation d'exploitation.
Elle constate que France Télécom assure à son réseau les accès tout public, au sens de la communication audiovisuelle, des services de l'INPI et d'INFOGREFFE, lesquelles proposent contre rémunération au temps de connexion, au tarif de 9 F/mn des services de délivrance de copie de dépôt de marque, et de saisie de données pour envoi poste d'extraits kbis.
Ces accès sont hébergés sur des serveurs qui sont des sociétés filiales de l'opérateur France Télécom.
Il apparaît ainsi qu'un utilisateur de ces services expose entre 36 F et 54 F afin d'obtenir l'envoi par fax d'un dépôt de marque par l'INPI. Ces sommes correspondantes au temps de saisie des données et de traitement en cours visualisé sur écran de l'accès de l'INPI 08 3629 3630.
Il en est de même pour l'accès 08 36 29 1111 d'Infogreffe, pour l'envoi d'un extrait kbis d'une société par voie postale.
Le constat de France Télécom a montré qu'une commande sur l'accès CLUB VIP nécessitait pour son traitement un coût de 20,72 F.
En conséquence, Production Multimédia constate que France Télécom autorise la rémunération à la connexion sur des paliers tarifaires élevés. Production Multimédia considère qu'au regard de cet aspect l'accès CLUB VIP* présente un caractère peu onéreux.
En invoquant ces moyens, Production Multimédia demande à l'Autorité de :
− constater que la présente saisine est recevable et bien fondée ;
− constater que France Télécom, en procédant aux saisines pour avis du comité de la télématique anonyme, à l'encontre des accès de la société Production Multimédia, contrevient à son obligation d'égalité de traitement, et d'accès à son réseau, au sens de l'article L. 34−8 du code des postes et télécommunications ;
− contraindre France Télécom à mettre ses conventions d'accès télématiques en conformité avec les obligations contenues dans son autorisation d'exploiter ;
− ordonner le maintien provisoire des accès de la société Production Multimédia ou leur recâblage effectif, dans l'attente d'une décision de l'Autorité sur la conformité de la procédure de saisine du comité de la télématique anonyme, au regard de l'autorisation d'exploiter de France Télécom ;
B) Les moyens et conclusions présentés par France Télécom le 8 septembre 1998 en réponse à la demande de Production Multimédia
Dans ses observations en défense enregistrées le 8 septembre 1998, France Télécom demande à l'Autorité de constater que la saisine présentée par la société Production Multimédia n'est pas recevable. France Télécom invoque deux exceptions d'irrecevabilité.
Première exception d'irrecevabilité :
France Télécom soutient que les contrats " Teletel ", tels que ceux conclus avec Production Multimédia sont soumis aux dispositions des articles D. 406−1 et suivants du code des postes et télécommunications. Il s'agit de contrats types soumis pour avis au Conseil supérieur de la télématique (CST).
France Télécom considère qu'aux termes de l'article D. 406−1−2 du code des postes et télécommunications, le Conseil supérieur de la télématique est chargé " de formuler des recommandations de nature déontologique visant notamment à la protection de la jeunesse applicables aux services offerts par les accès télématiques anonymes écrits ou vocaux et à leurs conditions d'accès ". Ces recommandations sont incluses dans les contrats conclus par France Télécom avec les fournisseurs.
France Télécom indique qu'il a été institué auprès du Conseil supérieur de la télématique, un comité de la télématique anonyme (CTA) qui " veille au respect par les parties des recommandations visées à l'article D. 406−1−2 ". Il peut être saisi par l'une ou l'autre des parties en cas de différend relatif au respect de ces recommandations. Il doit par ailleurs être saisi par France Télécom avant toute décision de résiliation ou de suspension d'un contrat passé avec un fournisseur de services télématiques.
France Télécom constate que la saisine de l'Autorité de régulation des télécommunications porte sur un service Télétel ayant pour code "3617 CLUBVIP". Ce service est particulièrement déloyal dans la mesure où derrière ce code sont accessibles, exclusivement par la touche "*", des informations clandestines permettant la commande de cassettes vidéo et de CD−ROM rémunérés en fonction du temps de connexion, ce qui est strictement interdit par les articles 5.1 et 2.4 du contrat Télétel ainsi que par l'article 3-F de son annexe 2. En effet, la prestation kiosque ne doit pas être utilisée comme moyen de paiement de biens.
Ainsi ce service est déloyal :
− vis à vis des utilisateurs, les commandes des cassettes vidéo et des CD−ROM sont rémunérées en fonction du temps de connexion (5,57 F la minute) ;
− vis à vis des autres fournisseurs, ce service porte atteinte à l'image de marque de la télématique car il contribue à répandre dans l'opinion une image négative des services Télétel.
De plus, l'objet du service décrit dans les conditions particulières ("Guide des réductions, échantillons, et bons de réductions. Banque de données marketing. Sélection d'adresses") n'est de ce fait pas respecté.
Ceci a amené France Télécom à saisir le comité de la télématique anonyme, sans mise en demeure préalable du fournisseur de service, dans la mesure où l'article 10−1 du contrat Télétel l'en dispense.
France Télécom constate que comité de la télématique anonyme n'a pas rendu d'avis à ce jour sur la résiliation de ce service. Le contrat liant France Télécom et la société Production Multimédia est donc toujours en vigueur et le service n'a pas été décâblé. On note cependant qu'à plusieurs reprises le comité de la télématique anonyme a rendu des avis favorables à la résiliation de contrats " Télétel " en des hypothèses similaires.
De plus, France Télécom précise que ce contentieux relève des juridictions judiciaires et expose que le Tribunal de Grande Instance de Paris dans une affaire K−Disk (T.G.I. Paris 8/4/1998) a ainsi débouté le fournisseur d'un service utilisant la fonction kiosque comme moyen de paiement de biens, de sa demande de recâblage de son service à la suite de la résiliation de son contrat (voir également ordonnance de référé rendue le 29/6/1998).
France Télécom estime que ce type de services fonctionne sur des accès coûteux pour le consommateur et fait l'objet de plaintes notamment des associations d'utilisateurs présentes au comité de la télématique anonyme ce dont témoigne l'intervention volontaire, aux côtés de France Télécom, de l'Union Fédérale des Consommateurs dans l'affaire K−Disk susvisée.
France Télécom ajoute qu'ont également été déboutés de leurs demandes de recâblage de lignes, les fournisseurs de services cachés derrière une touche "*", dont les contrats Télétel avaient été résiliés après avis favorable du comité de la télématique anonyme, du fait de la déloyauté manifeste constatée (ordonnance de référé rendue le 21/7/1998).
France Télécom indique quesi le comité de la télématique anonyme rend un avis favorable, elle sera fondée à résilier, sans mise en demeure, ce contrat " Télétel " du fait du constat, établi grâce à des pièces justificatives recueillies, notamment, par des agents de France Télécom, de la déloyauté manifeste dont a fait preuve le fournisseur.
Deuxième exception d'irrecevabilité :
Conformément à la décision n° 98−506 rendue par l'Autorité le 24 juin 1998 se prononçant sur un différend entre Copper Communications et France Télécom, celle−ci considère que l'Autorité ne pourra que rejeter cette demande qui a trait à un différend qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article L.36−8 du code des postes et télécommunications.
France Télécom estime que l'article L. 36−8 du code des postes et télécommunications donne compétence à l'Autorité pour statuer exclusivement sur les litiges relatifs à l'interconnexion, l'échec des négociations commerciales ou le désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès aux réseaux ouverts au public établis en application de l'article L. 33−1 du code des postes et télécommunication et non sur " la violation de contrats en cours d'exécution ".
En effet, France Télécom fait valoir que le litige qui l'oppose à Production Multimédia ne constitue en aucune façon " un refus d'accès (...) à un réseau de télécommunication " susceptible d'être soumis à l'Autorité mais la violation de contrats en cours d'exécution.
Ainsi, France Télécom demande à l'Autorité de se déclarer incompétente et de considérer comme ne tombant pas dans le champ d'application de l'article L.36−8 les demandes relatives à la mise en oeuvre par France Télécom des procédures de résiliation pour violation des obligations contractuelles liées aux recommandations de nature déontologique
C) Les moyens et conclusions présentés par Production Multimédia le 28 septembre 1998 en réplique au mémoire en défense de France Télécom
− sur l'irrecevabilité de l'argument du contentieux déontologique
Production Multimédia rappelle que France Télécom lui fait grief d'avoir donné accès à des fonctionnalités de "communication privée avec identification certaine des utilisateurs" via la fonction "*" sur l'adresse " 3617 CLUBVIP ".
Or, Production Multimédia considère que la loi n° 96−659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, reconnaît aux justiciables le droit de saisir l'Autorité en cas de manquement d'un opérateur aux dispositions législatives et réglementaires du code des postes et télécommunications qui lui sont applicables.
En conséquence, Production Multimédia soutient que par application du principe de la hiérarchie des normes, on ne pourrait substituer à ces dispositions législatives les dispositions réglementaires relatives à la procédure d'avis du comité de la télématique anonyme.
De plus, Production Multimédia constate que le comité de la télématque anonyme dans un avis du 23 mars 1998, s'est déclaré incompétent pour connaitre la réglementation des prix et la politique des contrôles.
Cet avis précise que " Considérant que dans le cadre ci−dessus rappelé il n'appartient pas au comité de se prononcer sur la politique ds contrôles et des saisines de l'opérateur, sur la réglementation des prix ou sur une éventuelle discrimination ".
Enfin, Production Multimédia soutient que France Télécom a manqué à l'obligation de neutralité, ainsi qu'à l'obligation de confidentialité définies dans son autorisation d'exploitation.
Production Multimédia considère donc que la demande d'irrecevabilité de France Télécom motivée par un objet litigieux, relevant du contentieux de la déontologie, est infondée.
Production Multimédia considère que France Télécom n'a fait état d'aucun manquement déontologique à son encontre, au sens de la jurisprudence qu'elle a communiquée, ou au sens d'une atteinte à la protection de la jeunesse
− sur l'inopposabilité des jurisprudences
Production Multimédia constate que France Télécom a fourni à l'appui de ses observations plusieurs jurisprudences qu'elle estime transposables à la demande de Production Multimédia.
Production Multimédia précise que ces jurisprudences ne comportent aucune référence à l'autorisation d'exploiter de l'opérateur, publiée au Journal officiel du 19 mars 1998. Aucune des demandes formulées à l'encontre de France Télécom, devant le Tribunal de grande instance ou la Cour ne fait état des contraintes d'exploitation résultant de la loi de réglementation des télécommunications et des décrets pris pour son application.
Dès lors, Production Multimédia estime qu'aucune des contraintes définies dans l'autorisation d'exploitation de France Télécom n'a été soumise à l'appréciation du juge.
En conséquence, la requérante demande à l'Autorité d'écarter des débats les décisions communiquées par France Télécom.
− sur le câblage actuel de l'accès du requérant
Production Multimédia considère que France Télécom tire profit de l'argument selon lequel l'accès de celle−ci est encore câblé, pour alléguer de l'incompétence de l'Autorité sur le fondement de l'article L. 36−8 du code des postes et télécommunications. Il s'agit d'un argument dilatoire et fallacieux.
Production Multimédia estime que les parties sont bien en situation de refus d'accès et que l'article L. 36−8 du code des postes et télécommunications leur est bien applicable.
− sur les conditions techniques et financières de l'accès
Production Multimédia soutient que France Télécom n'a fourni aucune réponse, ni proposition relative à l'acheminement des messages ou correspondances de nature privée, soulevé par la requérante dans sa saisine.
Production Multimédia considère que France Télécom doit garantir la neutralité de ses services quelles que soient les circonstances dans lesquelles il a connaissance des messages transportés.
− sur la référence à la décision de l'Autorité n° 98−506 du 24 juin 1998 frappée d'appel :
Production Multimédia soutient que l'exception d'irrecevabilité soulevée par France Télécom en se fondant sur la décision n ° 98−506 rendue par l'Autorité le 24 juin 1998 se prononçant sur un différend entre Copper Communications et France Télécom n'est pas transposable en l'espèce. En effet, l'Autorité s'est déclarée incompétente aux seuls motifs que le différend ne concernait pas les conditions techniques et financières d'exécution des conventions d'accès de Copper Communications.
Or, Production Multimédia considère que sa saisine est fondée sur les conditions d'accès au titre de l'article L. 34−8 du code des postes et télécommunications et sur les manquements de France Télécom à son autorisation d'exploitation.
− sur la compétence de l'Autorité en cas de manquement d'un opérateur à son autorisation d'exploitation :
Production Multimédia rappelle que par un avis en date du 23 mars 1998, le comité de la télématique anonyme s'est déclaré incompétent pour se prononcer sur la politique des contrôles et des saisines par France Télécom, sur la réglementation des prix ou sur une éventuelle discrimination.
Production Multimédia soutient que la saisine par France Télécom du comité de la télématique anonyme préalable à la résiliation de ses conventions " Audiotel " concerne en réalité des aspects sur lesquels le comité de la télématique anonyme s'est déclaré incompétent.
De plus, Production Multimédia considère qu'une décision d'incompétence de l'Autorité à la présente saisine serait un pur déni de justice.
III − Sur la recevabilité de la demande présentée par Production Multimédia et sur la compétence de l'Autorité pour en connaître
Par les motifs suivants :
Sur les dispositions applicables :
Aux termes de l'article L. 34−8 du code des postes et télécommunications :
" I.− (...)
" II− Les exploitants de réseaux ouverts au public figurant sur la liste établie en application du 7° de l'article L.36−7 (...) doivent, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, assurer un accès à leur réseau aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, ainsi qu'aux services de communication audiovisuelle déclarés en application de l'article 43 de la loi n° 86−1067 du 30 septembre 1986 précitée. Ils doivent également répondre aux demandes justifiées d'accès spécial correspondant à des conditions techniques ou tarifaires non publiées, émanant de ces fournisseurs de service ou des utilisateurs.
" III− Les litiges relatifs aux refus d'interconnexion et aux conditions d'accès peuvent être soumis à l'Autorité de régulation des télécommunications conformément à l'article L. 36-8. "
Aux termes de l'article L. 36−8 du même code :
" I− En cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties.
" L'Autorité se prononce, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations. Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès spécial doivent être assurés.
" En cas d'atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des télécommunications, l'Autorité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner les mesures conservatoires en vue notamment d'assurer la continuité du fonctionnement des réseaux.
" L'Autorité rend publique ses décisions, sous réserve des secrets protégés par la loi. Elle les notifie aux parties. "
" (...) ".
Par ailleurs, aux termes de l'article D. 406−1 du code des postes et télécommunications :
" Il est créé auprès du ministre chargé des télécommunications un conseil consultatif appelé Conseil supérieur de la télématique ".
Aux termes de l'article D. 406−1−2 de ce même code :
" Le Conseil supérieur de la télématique est chargé de formuler des recommandations de nature déontologique, visant notamment à la protection de la jeunesse, applicables aux services offerts par les accès télématiques anonymes écrits ou vocaux et à leurs conditions d'accès ; ces recommandations prennent en particulier la forme de propositions concernant les contrats types souscrits entre l'exploitant public, le fournisseur de service et, éventuellement, le fournisseur de moyens télématiques.
" Le Conseil supérieur de la télématique est saisi pour avis par France Télécom de ces projets de contrats types ainsi que de leurs projets de modification. Il peut être saisi par chacun de ses membres de propositions de modification de ces mêmes contrats. Les avis rendus par le Conseil supérieur de la télématique à cette occasion sont publics (...) ".
Ces recommandations prennent la forme de propositions concernant les contrats types souscrits entre l'opérateur et le fournisseur de service. Dans ce cadre, par avis du 12 avril 1995, le Conseil supérieur de la télématique a recommandé à France Télécom de modifier les stipulations des contrats télématiques de telle sorte que le comité de la télématique anonyme puisse être saisi, directement par l'exploitant public et sans mise en demeure préalable du fournisseur concerné, de toute publicité faisant apparaître clairement que le service proposé est interdit soit d'une façon générale, soit sur le palier tarifaire auquel il est offert ou par le numéro permettant d'y accéder. Cette modification a été introduite dans les conditions générales des contrats Audiotel à la durée par l'avenant du 15 mai 1995.
En outre, aux termes de l'article D. 406−2. du code des postes et télécommunications:
" Il est institué auprès du Conseil supérieur de la télématique, un comité consultatif appelé comité de la télématique anonyme ".
Enfin, aux termes de l'article D. 406−2−2.du code des postes et télécommunications :
" Le comité de la télématique anonyme veille au respect par les parties des recommandations visées à l'article D. 406−1−2 et des clauses non strictement commerciales des contrats conclus entre elles.
" Le comité peut être saisi par l'une ou l'autre des parties au contrat en cas de différend relatif au respect des recommandations de nature déontologique applicables aux services offerts sur les accès télématique anonymes, écrits ou vocaux et à leurs conditions d'accès.
" Il est consulté par l'exploitant public avant toute décision de résiliation ou de suspension d'un contrat passé avec un fournisseur de services télématiques, et éventuellement, un centre serveur, sauf dans le cas où cette décision est prise à la requête de l'Autorité judiciaire ou dans le cas de non−exécution de clauses strictement commerciales.
" Il peut être consulté par l'exploitant public sur le raccordement d'un service à une catégorie d'accès télématique anonyme. Il peut être saisi, pour avis, par un fournisseur de services auquel il a été refusé le bénéfice d'un accès télématique anonyme, écrit ou vocal, professionnel ou grand public.
" Après en avoir recueilli les observations écrites des parties, le comité de la télématique anonyme émet un avis dans un délai de deux mois à compter de la saisine. En cas d'urgence, ce délai est ramené à 15 jours.
" Lorsqu'il est constaté une violation des recommandations visées à l'article D. 406-1−2, le comité recommande les mesures de nature à y mettre fin, notamment la suspension ou la résiliation du contrat. Ces avis sont motivés et notifiés au fournisseur de service télématique intéressé, à l'exploitant public ainsi qu'au président du Conseil supérieur de la télématique. Ils sont publics, à l'exception de toute mention relative à l'identité du fournisseur de service. "
- Sur la qualification juridique d la convention " Teletel " passée entre France Télécom et Production Multimédia et du différend soumis à l'Autorité :
Il résulte de l'instruction que la société Production Multimédia doit être regardée comme un fournisseur ou un utilisateur de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, ou de services de communication audiovisuelle déclarés en application de l'article 43 de la loi n°86−1067 du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication susvisée.
France Télécom a été inscrite par la décision n° 97− 412 susvisée du 19 novembre 1997 sur la liste, établie en application des dispositions du 7° de l'article L. 36−7 du code des postes et télécommunications, des opérateurs qui exercent une influence significative sur un marché pertinent du secteur des télécommunications, et à ce titre devant assurer un accès à leur réseau. Ainsi, le contrat " Télétel " conclu le 19 mai 1998 entre Production Multimédia et France Télécom doit être regardé comme constituant notamment des conventions d'accès à un réseau de télécommunications.
L'Autorité constate que France Télécom reproche à Production Multimédia d'offrir un service non conforme aux stipulations de l'article 5.1 du contrat " Teletel " et de l'article 3 F de son annexe 2.
En effet l'article 5.1 du contrat " Télétel " stipule que " le fournisseur de service s'engage à fournir aux utilisateurs un service conforme aux stipulations du contrat pour le type de service tel que défini à l'article 3 et aux conditions particulières du présent contrat ". Les conditions particulières de la convention signée par France Télécom et Production Multimédia définissent le service " 3617 CLUB VIP " comme un service de type " E ".
L'article 3.5 des conditions générales du contrat " Télétel " dispose que est considéré comme un service de type E un service Télétel ne comportant pas de messagerie conviviale, d'histoires pour adultes, d'annonce de rencontres entre personnes, de services de jeux, de services d'astrologie, de voyance, d'arts divinatoires, de biorythme et des services dont le contenu est destiné à avoir une audience exclusivement grand public.
L'article 3 F de l'annexe 2 du contrat " Télétel "conclu entre Production Multimédia et France Télécom stipule que " la prestation kiosque ne doit pas être, en tant que telle, utilisée comme moyen de paiement de biens. En particulier, toute bonification, sous quelque forme que ce soit (par exemple lot ou bon d'achat ) et liée directement en tout ou partie à la durée de connexion est interdite ".
L'Autorité relève que France Télécom reproche d'offrir un service qui ne respecte pas les recommandations déontologiques précitées.,
L'Autorité estime en conséquence que le litige qui oppose Production Multimédia et France Télécom concernant cette convention ne porte pas sur les conditions d'ordre technique et financier de son exécution au sens des dispositions de l'article L. 36−8 précité, mais sur le respect des recommandations de nature déontologique applicables aux services offerts sur les services télématiques, formulées par le Conseil supérieur de la télématique en application de l'article D. 406−1−2 précité, et sur le respect des clauses non strictement commerciales figurant à l'article 5−1 des conditions générales du contrat " Télétel " et à l'article 3 F de son annexe 2.
De plus l'Autorité constate que France Télécom n'a pas violé son obligation de neutralité et de confidentialité vis à vis des messages qu'elle transporte sur son réseau.
En effet, un préposé de France Télécom s'est connecté à ce service " Télétel ", a imprimé les pages d'écrans de ce service en se plaçant dans la situation d'un utilisateur.
L'Autorité note que France Télécom n'a pas intercepté des messages exclusivement destinés à une ou plusieurs personnes physiques ou morales déterminées et individualisées.
Ainsi, le différend qui oppose Production Multimédia à France Télécom, eu égard à son objet, n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 36−8 précité. Par suite, les demandes formulées dans les conclusions sus rappelées présentées par Production Multimédia y compris les demandes de mesures conservatoires doivent être rejetées.
Décide :
Article 1− La demande présentée par Production Multimédia est rejetée comme portée devant une autorité incompétente pour en connaître.
Article 2− Le directeur général de l'Autorité de régulation des télécommunications est chargé de notifier la présente décision à Production Multimédia et à France Télécom. La présente décision sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.