ART, 23 décembre 1998, n° 98−1045
ART (DEVENUE L'ARCEP)
se prononçant sur un différend entre Atlantel et France Télécom
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Hubert
L’Autorité de régulation des télécommunications,
Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 34−8, L. 36−8, R. 11−1, D. 97−4, D. 97−8, D.406−1, D. 406−1−2, D. 406−1−3, D. 406−2, D. 406−2−2 ;
Vu la loi n° 86−1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;
Vu l’arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public.
Vu la décision n° 97−57 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 26 mars 1997 portant règlement intérieur modifiée par la décision n° 97−234 du 30 juillet 1997 ;
Vu la décision n° 97− 412 du 19 novembre 1997 établissant pour 1998 la liste des opérateurs prévue par le 7° de l’article L. 36−7 du code des postes et télécommunications ;
Vu la demande de règlement d’un différend, enregistrée le 9 septembre 1998, présentée par Atlantel, société à responsabilité limitée, dont le siège social est 11, rue Condillac 33000 Bordeaux représentée par son gérant M.Jean−Pierre Cassagne en application de l’article 14 de ses statuts ;
Vu les observations en défense, enregistrées le 25 septembre 1998, présentées par France Télécom, société anonyme dont le siège social est 6, place d’Alleray, à Paris (XVème), représentée par M. Gérard Moine, directeur des relations extérieures ayant reçu délégation à cet effet de M. Michel Bon, Président de France Télécom le 4 mai 1998;
Vu les observations en réplique, enregistrées le 21 octobre 1998, présentées par Atlantel ; Vu les autres pièces du dossier ;
Après en avoir délibéré le 23 décembre 1998 ;
I− Sur l’origine du litige
Le 14 novembre 1992, la société Atlantel a conclu, dans un premier temps, avec France Télécom deux conventions d’accès à son réseau dénommé "contrat Télétel" pour fournir deux services " 36 17 Loc " et " 36 17 Loc Fac " et dans un second temps, le 17 décembre 1992, une troisième convention d’accès " Télétel " pour fournir un service " 3617 IMM " dont les objets sont respectivement les suivants : " service de consultation d’annonces de locations immobilières " et " annonces immobilières de professionnels, ventes et locations d’habitations (département 33, 64, 40), terrains à bâtir ".
Le contrat " Télétel " dans son article 10−1 autorise, en cas de manquement par le fournisseur de service à l’une des obligations souscrites au titre du présent contrat, France Télécom à résilier ou suspendre le contrat, après une mise en demeure restée sans effet.
En application de cet article, par lettre recommandée avec accusé de réception, en date du 9 juin 1997, France Télécom a saisi le comité de la télématique anonyme, afin d’obtenir son avis sur le projet de résiliation du contrat " Télétel " relatif aux services " de consultation d’annonces de locations immobilières " et " annonces immobilières de professionnels, ventes et locations d’habitations (département 33, 64, 40), terrains à bâtir " au motif qu’il résultait de constatations faites par ses préposés, que les codes " 36 17 LOC, 36 17 LOCFAC et 36 17 IMM " ne fournissaient aucune prestation. Ce service a été caractérisé par France Télécom comme particulièrement déloyal.
Ainsi, le CTA a rendu un avis favorable le 31 octobre 1997 à la résiliation de ces services au motif que le manquement à l’article 5.1 du contrat Télétel est démontré, dès lors que " la société [Atlantel] a persisté à diffuser sur les accès 3617 LOC, 3617 LOCFAC et 3617 IMM, au tarif T46, pour tout service, qu’un écran comportant la mention suivante : service interrompu momentanément à très bientôt ". France Télécom a décidé de suivre cet avis et a informé la société Atlantel, le 17 décembre 1997, qu’elle résiliait les contrats. Les services ont été décâblés le 23 décembre 1997.
Atlantel a saisi l’Autorité de régulation des télécommunications, le 9 septembre 1998, sur le fondement de l’article L.36−8 du code des postes et télécommunications, aux fins de voir dire que France Télécom n’a pas respecté les dispositions du II de l’article L 34−8 de ce code et qu’elle a méconnu l’obligation de neutralité imposée par son autorisation d’exploitation.
II− Sur les moyens et conclusions présentés par les parties
A) Sur les moyens et conclusions présentés par Atlantel dans sa demande susvisée le 9 septembre 1998
Atlantel fait valoir les arguments suivants :
Elle estime que France Télécom, via sa filiale Intelmatique, diffusait au public une offre d’accès à un " service de prostitution " " 3615 ALINE ", contre la rémunération de 450 Francs, malgré la suspension de la consultation technique de cet accès à son réseau, après un avis favorable du comité de la télématique anonyme au décablage de ce service en date du 26 septembre 1997.
Atlantel constate que cette offre de consultation, postérieure de plusieurs mois à l’avis de suspension de cet accès, était encore effective en avril 1998, sur l’accès Minitel−Internet de France Télécom.
Atlantel soutient, qu’en procédant au transfert des accès à des services d’annonces immobilières, elle avait informé le public par un message technique de leur inaccessibilité temporaire, contrairement aux agissements de France Télécom concernant son service " Aline " qui, malgré la suspension de ce service avait continué à proposer une offre d’accès.
Atlantel considère que France Télécom aurait aussi trompé le public, en réclamant le versement d’une provision préalable de 450 Francs sur un compte bancaire pour l’accès à un service inaccessible alors que France Télécom facturait 2, 19 francs la minute, pour la consultation du message d’indisponibilité " service momentanément interrompu à très bientôt " concernant les services de la société Atlantel.
Par ailleurs, Atlantel considère que la procédure de saisine devant le comité de la télématique anonyme n’offre aucune garantie sérieuse d’examen des arguments de celle−ci. En effet, bien que le dernier alinéa de ce règlement intérieur du comité, précise qu’aucun membre ne peut siéger dans les affaires pour lesquelles il peut être impliqué, il s’avère que France Télécom apparaît en qualité de membre adhérent des principales organisations professionnelles qui délibèrent, notamment les plus importantes telles que le Geste et Aftel.
France Télécom, par personnes interposées participe donc aux délibérations de ses propres saisines. Atlantel considère que cela constitue un vice fondamental de procédure qui bafoue un des droits essentiels du fournisseur : celui de faire entendre et examiner sa défense en toute impartialité.
De plus, Atlantel soutient que les avis du comité de la télématique anonyme sont irréguliers : Atlantel considère que l'avis résultant du comité de la télématique anonyme doit comporter en visa une mention des textes législatifs et réglementaires en vigueur. Or elle constate qu'à la lecture de l'avis émis par ce comité sur ces services accessibles par le " 36 17 Loc ", le " 3617 Locfac " et le " 3617 IMM " fournis par la société Atlantel font défaut les mentions relatives :
− à la loi sur la communication audiovisuelle ;
− aux articles L. 33−1, L. 34−1, L. 34−8 du code des postes et télécommunications ;
− aux dispositions applicables du code de la consommation. Sur la base de ces moyens, Atlantel demande à l’Autorité de :
− se prononcer sur le recâblage de ses accès " 36 17 Loc, 36 17 Locfac et 36 17 IMM " en raison de l’atteinte à ses intérêts économiques et de la raison de cette atteinte, à savoir les conditions inéquitables d’ordres technique et financier dans lesquelles la résiliation desdits codes est intervenue.
− demander à l’Autorité de se prononcer sur la compatibilité du monopole de France Télécom de mise en oeuvre de la procédure de saisine de l’article D. 406 et suivants du code des postes et télécommunications avec, d’une part, son autorisation d’exploiter et d’autre part, sa qualité de concurrent direct.
B) Les moyens et conclusions présentés par France Télécom le 25 septembre 1998 en réponse à la demande de Atlantel
Dans ses observations en défense enregistrées le 25 septembre 1998, France Télécom demande à l’Autorité de constater que la saisine présentée par la société Atlantel n’est pas recevable. France Télécom invoque deux exceptions d’irrecevabilité.
Première exception d’irrecevabilité :
France Télécom soutient que les contrats " Télétel ", tels que ceux conclus avec Atlantel sont soumis aux dispositions des articles D. 406−1 et suivants du code des postes et télécommunications. Il s’agit de contrats types soumis pour avis au Conseil supérieur de la télématique (CST).
France Télécom considère qu’aux termes de l’article D. 406−1−2 du code des postes et télécommunications, le Conseil supérieur de la télématique est chargé " de formuler des recommandations de nature déontologique visant notamment à la protection de la jeunesse applicables aux services offerts par les accès télématiques anonymes écrits ou vocaux et à leurs conditions d’accès ". Ces recommandations sont incluses dans les contrats conclus par France Télécom avec les fournisseurs.
France Télécom indique qu’il a été institué auprès du Conseil supérieur de la télématique, un comité de la télématique anonyme (CTA) qui " veille au respect par les parties des recommandations visées à l’article D. 406−1−2 ". Il peut être saisi par l’une ou l’autre des parties en cas de différend relatif au respect de ces recommandations. Il doit par ailleurs être saisi par France Télécom avant toute décision de résiliation ou de suspension d’un contrat passé avec un fournisseur de services télématiques.
France Télécom constate que la saisine de l'Autorité de régulation des télécommunications porte sur des services " Télétel " ayant pour codes d’accès "3617 LOC", " 3617 LOCFAC ", et " 3617 IMM ". Suite à la plainte d’un utilisateur, France Télécom a constaté le 4 mars 1997 qu’aucune prestation effective n’est fournie à partir de ces services, qu’ils sont particulièrement déloyaux à l’égard des utilisateurs et qu’ils induisent en erreur sur leurs contenus et leurs possibilités, ce qui est strictement interdit par les articles 5.1 et 5.6 du contrat " Télétel " et l’article 2 A de son annexe 2. France Télécom a ainsi établi que certaines offres immobilières présentes sur les dits services sont incomplètes, que les quelques annonces datées sont périmées, que les dates de mise à jour des annonces ne paraissent pas, et enfin que certaines rubriques de ces services ne sont pas renseignées. France Télécom a donc mis en demeure la société Atlantel, par courrier du 11 mars 1997, de se conformer aux dispositions susvisées.
Constatant le 15 mai 1997 l’absence de fourniture effective de prestation sur ces services et donc le maintien de leur caractère déloyal, France Télécom saisit le comité de la télématique anonyme, conformément à l’article 10 du contrat " Télétel ".
Ainsi le 9 juin 1997, le comité de la télématique anonyme a rendu un avis favorable à la résiliation de ces services au motif que le manquement à l’article 5. 1 du contrat (le service doit conduire à la fourniture effective d'une prestation) est démontré, dès lors que la société Atlantel a persisté à diffuser sur les accès "36 17 LOC ", " 36 17 LOC FAC " et " 36 17 IMM" au tarif T46, pour tout service, qu'un écran comportant la mention suivante : "service ininterrompu momentanément à très bientôt". France Télécom a décidé de suivre cet avis et a informé la société Atlantel le 17 décembre 1997, qu'elle résiliait les contrats. Les services ont été décâblés le 23 décembre 1997.
Deuxième exception d’irrecevabilité :
Conformément à la décision n° 98−506 rendue par l’Autorité le 24 juin 1998 se prononçant sur un différend entre Copper Communications et France Télécom, celle−ci considère que l’Autorité ne pourra que rejeter cette demande qui a trait à un différend qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article L.36−8 du code des postes et télécommunications.
France Télécom estime que l’article L. 36−8 du code des postes et télécommunications donne compétence à l’Autorité pour statuer exclusivement sur les litiges relatifs à l’interconnexion, l’échec des négociations commerciales ou le désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès aux réseaux ouverts au public établis en application de l’article L. 33−1 du code des postes et télécommunication et non sur " la violation de contrats en cours d’exécution ".
Ainsi, France Télécom demande à l’Autorité de se déclarer incompétente et de considérer comme ne tombant pas dans le champ d’application de l’article L.36−8 les demandes relatives à la mise en oeuvre par France Télécom des procédures de résiliation pour violation des obligations contractuelles liées aux recommandations de nature déontologique.
Enfin et bien qu'il ne soit pas nécessaire d'engager le débat sur le fond France Télécom tient à démentir les allégations de la société Atlantel selon lesquelles France Télécom aurait maintenu via sa filiale "Intelmatique", un service de "prostitution" dénommé 36 15 "Aline". Ce service a en effet été suspendu dès le 10 octobre 1997.
C) Les moyens et conclusions présentés par Atlantel le 21 octobre 1998 en réplique au mémoire en défense de France Télécom
− sur l'irrecevabilité de l'argument du contentieux déontologique
Atlantel considère que la démarche de France Télécom vise à détourner l'attention de l'Autorité de régulation des télécommunications de la demande réelle exposée par celle−ci : le rétablissement des droits économiques sachant qu'il y aura bientôt un an qu'elle est évincée du marché.
Elle soutient que France Télécom s'est rendue coupable de manquement à ses obligations en termes de contraintes d'exploitation. En effet, elle considère que France Télécom compte tenu des dispositions du II et du III de l’article L. 34−8 a l'obligation d'assurer un accès à son réseau dans des conditions objectives transparentes et non discriminatoires.
− Sur le litige relatif aux conditions d'exécution des conventions Télétel pour les services " 36 17 LOC ", " 36 17 LOCFAC ", et " 36 17 IMM "
Atlantel a saisi l'Autorité d’un différend motivé par des raisons juridiques, techniques et économiques :
− sur le plan juridique
Atlantel considère que le présent recours est fondé sur le dernier alinéa du II et sur le III de l’article L. 34−8 du code des postes et télécommunications en ce qu'ils régissent les conditions d'exécution des conventions d'accès au réseau des télécommunications.
Atlantel soutient que le présent contentieux s'analyse en un désaccord sur l'exécution d'une convention d'accès.
Par ailleurs, Atlantel considère que France Télécom en décidant et en appliquant la mesure critiquée s'est fait justice à elle−même, ce qui heurte un principe fondamental de justice qui veut que l'application de sanctions soit assortie de garanties.
Atlantel soutient aussi que les conséquences du décâblage de ces accès constituent pour elle une atteinte aux droits d'exploitation des marques "LOC, IMM et LOC FAC" et au risque de déchéance du droit de propriété sur ces marques si durant, une période de cinq ans leur exploitation n'a fait l'objet d'aucun acte matériel effectif conformément à l’article L. 714−5 du code de propriété intellectuelle.
− sur le plan technique
Atlantel considère que l'Autorité doit veiller au respect de conditions techniques équitables d'accès au réseau.
Elle estime que la déconnexion de ses trois services par France Télécom démontre de sa part un comportement abusif et discriminatoire du seul fait de l'appartenance de France Télécom à un marché pertinent des réseaux et services de télécommunications et du fait de sa position dominante sur ledit marché et spécialement sur le créneau de la télématique.
Atlantel soutient que cette déconnexion et l'empêchement d'accéder au réseau de France Télécom pendant deux ans lui font subir un préjudice financier et économique très important et que les conséquences de cette déconnexion doivent interpeller l'Autorité qui est chargée de veiller à la régulation et à la transparence du marché des télécommunications.
− sur le plan économique
Atlantel considère que l'Autorité doit apprécier eu égard à des conditions équitables de traitement des prestataires de services ne disposant d'infrastructures propres si le décâblage décidé par France Télécom dans un but de sanctions ne constitue pas une distorsion de concurrence se traduisant par l'empêchement technique d'accéder au réseau.
Cette mesure de France Télécom prive Atlantel, acteur économique de poids en télématique, de son droit à intervenir sur un marché et sur des services qui ne peuvent que subir d'une imitation de concurrence.
Atlantel considère que le préjudice subi en terme financier est très important.
Par ailleurs, Atlantel estime qu'il entre dans le droit de la concurrence de respecter soi−même des préceptes que l'on applique aux cocontractants, sous peine d'encourir les griefs de comportement discriminatoire.
En effet, France Télécom ne fait nullement référence aux autres accès par lesquels le service "Aline" était consultable mais se limite seulement au code Minitel 36 15.
− Compétence de l'Autorité de régulation des télécommunications
Atlantel considère que l'Autorité a pour mission de connaître des conditions d'exécution d'une convention d'accès à un réseau et de contrôler et de garantir au sens du dernier alinéa du II et du III de l’article L. 34−8 et du I de l’article L. 36−8 du code des postes et télécommunications que lesdites conditions satisfont la transparence, l'égalité de traitement, l'équilibre des relations, le respect de ladite concurrence.
Atlantel soutient que la situation décrite constitue un trouble d'ordre public économique en ce qu'elle évince arbitrairement du marché télématique un de ces acteurs traditionnels ; ce trouble relève de l'arbitrage technique et économique de l'Autorité et, au−delà du concept même de régulation qui vise à garantir l'égalité des chances face à l'accès au réseau de France Télécom.
III − Sur la recevabilité de la demande présentée par Atlantel et sur la compétence de l’Autorité pour en connaître
Par les motifs suivants :
Sur les dispositions applicables :
Aux termes de l’article L. 34−8 du code des postes et télécommunications : " I − (...)
" II− Les exploitants de réseaux ouverts au public figurant sur la liste établie en application du 7° de l’article L.36−7 (...) doivent, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, assurer un accès à leur réseau aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, ainsi qu’aux services de communication audiovisuelle déclarés en application de l’article 43 de la loi n° 86−1067 du 30 septembre 1986 précitée. Ils doivent également répondre aux demandes justifiées d’accès spécial correspondant à des conditions techniques ou tarifaires non publiées, émanant de ces fournisseurs de service ou des utilisateurs.
" III− Les litiges relatifs aux refus d’interconnexion et aux conditions d’accès peuvent être soumis à l’Autorité de régulation des télécommunications conformément à l’article L. 36−8. "
Aux termes de l’article L. 36−8 du même code :
" I− En cas de refus d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau de télécommunications, l’Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l’une ou l’autre des parties.
" L’Autorité se prononce, dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations. Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès spécial doivent être assurés.
" En cas d’atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des télécommunications, l’Autorité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner les mesures conservatoires en vue notamment d’assurer la continuité du fonctionnement des réseaux.
" L’Autorité rend publique ses décisions, sous réserve des secrets protégés par la loi. Elle les notifie aux parties.
(...) ".
Par ailleurs, aux termes de l’article D. 406−1 du code des postes et télécommunications :
" Il est créé auprès du ministre chargé des télécommunications un conseil consultatif appelé Conseil supérieur de la télématique ".
Aux termes de l’article D. 406−1−2 de ce même code :
" Le Conseil supérieur de la télématique est chargé de formuler des recommandations de nature déontologique, visant notamment à la protection de la jeunesse, applicables aux services offerts par les accès télématiques anonymes écrits ou vocaux et à leurs conditions d’accès ; ces recommandations prennent en particulier la forme de propositions concernant les contrats types souscrits entre l’exploitant public, le fournisseur de service et, éventuellement, le fournisseur de moyens télématiques.
" Le Conseil supérieur de la télématique est saisi pour avis par France Télécom de ces projets de contrats types ainsi que de leurs projets de modification. Il peut être saisi par chacun de ses membres de propositions de modification de ces mêmes contrats. Les avis rendus par le Conseil supérieur de la télématique à cette occasion sont publics ( ...) ".
Ces recommandations prennent la forme de propositions concernant les contrats types souscrits entre l’opérateur et le fournisseur de service. Dans ce cadre, par avis du 12 avril 1995, le Conseil supérieur de la télématique a recommandé à France Télécom de modifier les stipulations des contrats télématiques de telle sorte que le comité de la télématique anonyme puisse être saisi, directement par l’exploitant public et sans mise en demeure préalable du fournisseur concerné, de toute publicité faisant apparaître clairement que le service proposé est interdit soit d’une façon générale, soit sur le palier tarifaire auquel il est offert ou par le numéro permettant d’y accéder.
En outre, aux termes de l’article D. 406−2. du code des postes et télécommunications:
" Il est institué auprès du Conseil supérieur de la télématique, un comité consultatif appelé comité de la télématique anonyme ".
Enfin, aux termes de l’article D. 406−2−2.du code des postes et télécommunications :
" Le comité de la télématique anonyme veille au respect par les parties des recommandations visées à l’article D. 406−1−2 et des clauses non strictement commerciales des contrats conclus entre elles.
" Le comité peut être saisi par l’une ou l’autre des parties au contrat en cas de différend relatif au respect des recommandations de nature déontologique applicables aux services offerts sur les accès télématique anonymes, écrits ou vocaux et à leurs conditions d’accès.
" Il est consulté par l’exploitant public avant toute décision de résiliation ou de suspension d’un contrat passé avec un fournisseur de services télématiques, et éventuellement, un centre serveur, sauf dans le cas où cette décision est prise à la requête de l’Autorité judiciaire ou dans le cas de non−exécution de clauses strictement commerciales.
" Il peut être consulté par l’exploitant public sur le raccordement d’un service à une catégorie d’accès télématique anonyme. Il peut être saisi, pour avis, par un fournisseur de services auquel il a été refusé le bénéfice d’un accès télématique anonyme, écrit ou vocal, professionnel ou grand public.
" Après en avoir recueilli les observations écrites des parties, le comité de la télématique anonyme émet un avis dans un délai de deux mois à compter de la saisine. En cas d’urgence, ce délai est ramené à 15 jours.
" Lorsqu’il est constaté une violation des recommandations visées à l’article D. 406−1−2, le comité recommande les mesures de nature à y mettre fin, notamment la suspension ou la résiliation du contrat. Ces avis sont motivés et notifiés au fournisseur de service télématique intéressé, à l’exploitant public ainsi qu’au président du Conseil supérieur de la télématique. Ils sont publics, à l’exception de toute mention relative à l’identité du fournisseur de service. "
− Sur la qualification juridique des conventions " Teletel " passées entre France Télécom et Atlantel et du différend soumis à l’Autorité :
Il résulte de l’instruction que la société Atlantel doit être regardée comme un fournisseur ou un utilisateur de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, ou de services de communication audiovisuelle déclarés en application de l’article 43 de la loi n°86−1067 du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication susvisée.
France Télécom a été inscrite par la décision n° 97− 412 susvisée du 19 novembre 1997 sur la liste, établie en application des dispositions du 7° de l’article L. 36−7 du code des postes et télécommunications, des opérateurs qui exercent une influence significative sur un marché pertinent du secteur des télécommunications, et à ce titre devant assurer un accès à leur réseau. Ainsi, les contrats " Télétel " conclus le 14 octobre 1992 et le 17 décembre 1992 entre Atlantel et France Télécom doivent être regardés comme constituant notamment des conventions d’accès à un réseau de télécommunications.
L’Autorité constate que France Télécom reproche à Atlantel d’offrir un service non conforme aux stipulations de l’article 5.1 et 5.6 du contrat " Teletel " et de l’article 2 de son annexe 2.
En effet, l’article 5. 1 du contrat " Télétel " stipule que " (...) ce service doit conduire à la fourniture effective d’une prestation "
De plus, l’article 5.6 du contrat " Télétel " stipule que " le fournisseur de service s’engage tout particulièrement à respecter les stipulations et les dispositions définies en annexe 2 du présent contrat et à ne porter préjudice à l’image de Télétel et de France Télécom ni par la nature ni par la promotion de son service, conformément aux stipulations de l’annexe 2 du présent contrat "
Or, l’article 2 de l’annexe 2 du contrat " Télétel " conclu entre Atlantel et France Télécom stipule que "le fournisseur de service s’engage à offrir un service loyal. A cet effet, l’utilisateur ne devra pas être induit en erreur sur le contenu et les possibilités des produits et services proposés par quelque moyen que ce soit ";
" que le fournisseur diffusant des annonces... s’engage à vérifier la réalité de ces annonces et à supprimer immédiatement celles qui sont périmées ou qui n’ont plus d’objet ".
L’Autorité relève que France Télécom reproche à Atlantel d’offrir un service qui ne respecte pas les recommandations déontologiques précitées.
L’Autorité estime en conséquence que le litige qui oppose Atlantel et France Télécom concernant ces conventions ne porte pas sur les conditions d’ordre technique et financier de son exécution au sens des dispositions de l’article L. 36−8 précité, mais sur le respect des recommandations de nature déontologique applicables aux services offerts sur les services télématiques, formulées par le Conseil supérieur de la télématique en application de l’article D. 406−1−2 précité, et sur le respect des clauses non strictement commerciales figurant à l’article 5−1 et 5−6 des conditions générales du contrat " Télétel " et à l’article 2 de son annexe 2.
De plus, dans son arrêt du 15 décembre 1998 Copper Communications c/ France Télécom, la Cour d’appel de Paris considère que l’Autorité n’a pas été investie ni du pouvoir d’interprétation des lois et règlements ni de celui de contrôler la légalité d’un règlement dont l’objet a été précisément d’instituer un mécanisme de contrôle du contenu des services Télétel et services offerts sur les kiosques télématiques ou téléphoniques.
La Cour en déduit que l’Autorité n’a dès lors pas vocation à apprécier les clauses insérées dans des contrats en application du régime juridique d’exception prévu pour les services Audiotel.
Ainsi, le différend qui oppose Atlantel à France Télécom, eu égard à son objet, n’entre pas dans le champ d’application de l’article L. 36−8 précité. Par suite, les demandes formulées dans les conclusions sus rappelées présentées par Atlantel y compris les demandes de mesures conservatoires doivent être rejetées.
Décide:
Article 1− La demande présentée par Atlantel est rejetée comme portée devant une autorité incompétente pour en connaître.
Article 2− Le directeur général de l’Autorité de régulation des télécommunications est chargé de notifier la présente décision à Atlantel et à France Télécom. La présente décision sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.