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Décisions

Cass. 1re civ., 19 mai 1992, n° 90-19.995

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Viennois

Rapporteur :

Mme Lescure

Avocat général :

M. Gaunet

Avocats :

SCP Defrénois et Levis, Me Hennuyer, SCP Rouvière, Lepître et Boutet

Versailles, du 22 juin 1990

22 juin 1990

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Mme X..., hospitalisée à la clinique Sainte-Marie (la clinique), pour y subir, sous anesthésie totale l'extraction de dents de sagesse, a constaté à son retour de la salle d'opération, la disparition de la bague qu'elle portait en y entrant ; qu'elle a assigné en réparation de son préjudice la clinique et son assureur, le Groupe Drouot ;

Attendu que ceux-ci font grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 22 juin 1990) de les avoir condamnés à réparer le préjudice de Mme X..., alors, selon le moyen, de première part, que l'obligation de prudence et de surveillance susceptible d'incomber à une clinique en ce qui concerne les objets appartenant à un patient est subordonnée à l'existence d'un dépôt, lequel suppose la tradition de la chose ; qu'en retenant la responsabilité de la clinique sur le fondement de cette obligation du fait de la disparition d'un bijou que Mme X... avait conservé à son doigt, la cour d'appel a violé les articles 1147, 1919 et 1920 du Code civil ; alors, de deuxième part, qu'une obligation de prudence et de surveillance ne constitue qu'une obligation de moyens, laquelle implique la preuve d'une faute pour retenir la responsabilité de son débiteur ; qu'en l'espèce, le retrait de la bague litigieuse n'étant pas nécessaire, eu égard au type d'intervention pratiquée ; que la patiente, après avoir choisi de confier au personnel de la clinique d'autres bijoux, avait décidé de garder cette bague à son doigt ; qu'en retenant, néanmoins, la responsabilité de la clinique du fait de la disparition de ce bijou, intervenue dans des circonstances mal élucidées, au motif qu'à travers ses préposés, celle-ci n'aurait pas strictement respecté les consignes habituelles, la cour d'appel n'a pas caractérisé la faute contractuelle et a privé sa décision de base légale ; alors, de troisième part, qu'est opposable au patient hébergé dans une clinique la clause limitative de responsabilité qui a fait l'objet d'un affichage apparent ; qu'en ne recherchant pas si l'apposition sur un panneau placé dans le hall d'entrée de l'établissement d'une clause avertissant les usagers que la clinique déclinait toute responsabilité pour la perte ou le vol des objets de valeur non déposés au coffre ne constituait pas un affichage suffisamment apparent pour que Mme X... n'ait pu l'ignorer, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a décidé, à juste titre, qu'à l'occasion du contrat d'hébergement et de soins conclu avec sa cliente, la clinique avait contracté une obligation de prudence et de surveillance s'étendant notamment aux bijoux conservés par cette patiente pendant la durée d'une anesthésie totale ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui n'a pas retenu, comme le soutient le moyen, que Mme X..., après avoir remis certains bijoux au personnel de la clinique, avait décidé de conserver sa bague, a, au contraire, relevé que la stricte application par ce personnel des consignes habituelles, relatives au dépôt, dans le coffre de la direction, des objets de valeur détenus par les clients, à laquelle il n'était pas établi que Mme X... se fût opposée, aurait conduit à mettre le bijou litigieux en lieu sûr avant l'intervention ; qu'elle a ainsi caractérisé le manquement de cet établissement à son obligation de prudence et de surveillance ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel a justement décidé que n'était pas opposable à Mme X... la clause limitative de responsabilité figurant sur un panneau placé dans le " hall d'entrée ", dès lors que, dans l'exercice de son pouvoir souverain, elle a estimé que la preuve n'était pas rapportée, que l'attention de cette cliente avait été attirée sur la consultation de cet avis public " dont la lecture était toujours susceptible d'échapper " ;

Que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision sans encourir les griefs du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.