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Décisions

Cass. crim., 29 mars 1994, n° 93-84.995

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

Mme Batut

Avocat général :

M. Monestié

Douai, ch. d'acc., du 20 oct. 1993

20 octobre 1993

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des dispositions des articles 56, 57, 96 et 171 du Code de procédure pénale, 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que dans l'arrêt attaqué, la chambre d'accusation a considéré que les constatations ci-dessus évoquées constituaient des perquisitions illégalement pratiquées au regard des dispositions des articles 56, 57 et 96 du Code de procédure pénale, " qui ont eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense des personnes concernées, et au principe énoncé à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, suivant lequel toute personne a droit notamment au respect de sa vie privée et de son domicile ", et qu'elle a en conséquence prononcé l'annulation des pièces cotées D. 21, D. 29 et D. 37 dans la procédure, rapportant ou relatant lesdites constatations ;

" alors qu'une perquisition, dont les modalités sont strictement réglementées par le Code de procédure pénale, est une opération de recherche en un lieu normalement clos d'objets ou documents susceptibles de constituer le corps d'un délit ou d'apporter la preuve d'une culpabilité, et qu'on ne saurait sans dénaturation lui assimiler des constatations effectuées depuis l'extérieur d'un local dont l'intérieur est rendu visible par le fait d'un tiers et non par un acte matériel accompli par le ou les enquêteurs ;

" et alors que, dans une telle situation, l'établissement par les enquêteurs d'un procès-verbal de constatations et la prise de photographies depuis l'extérieur des locaux ne constituent pas une ingérence illégitime dans l'exercice des droits garantis par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales mais sont, quant aux nouvelles infractions décelées, des mesures relevant de la mission générale de la police judiciaire telle que définie à l'article 14 du Code de procédure pénale " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que toute perquisition implique la recherche, à l'intérieur d'un lieu normalement clos, notamment au domicile d'un particulier, d'indices permettant d'établir l'existence d'une infraction ou d'en déterminer l'auteur ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'agissant en vertu d'une commission rogatoire du juge d'instruction, dans une information ouverte contre personne non dénommée des chefs de vol, tentative de vol par effraction, défaut de maîtrise et délit de fuite, les militaires de la gendarmerie ont identifié les locataires de deux garages comme pouvant être impliqués dans la commission des infractions précitées ; qu'ils ont accompagné sur les lieux l'agent immobilier chargé de la location, qui désirait vérifier l'état de ces garages dont il possédait une clef ; qu'une fois les portes ouvertes par celui-ci, les gendarmes, sans y pénétrer, ont constaté la présence dans les locaux de divers objets et de plusieurs véhicules, dont l'identification a révélé qu'ils avaient été volés ; qu'après avoir pris des photographies des véhicules, de l'extérieur des garages, les gendarmes ont relaté leurs constatations dans un procès-verbal qu'ils ont joint à ceux concernant leurs autres investigations et ont fait retour de la commission rogatoire au juge mandant ;

Attendu que, saisie en application de l'article 173 du Code de procédure pénale, la chambre d'accusation, pour faire droit à la requête et prononcer l'annulation de trois pièces de la procédure, énonce qu'un box fermé destiné à abriter des véhicules est assimilé au domicile et bénéficie en tant que tel des mesures de protection légale résultant des articles 56, 57 et 96 du Code précité, selon lesquels les perquisitions doivent être effectuées en présence de la personne chez qui elles ont lieu ou, en cas d'impossibilité et à défaut de représentant désigné par elle, en présence de deux témoins requis par l'officier de police judiciaire ;

Qu'elle relève qu'en l'espèce, en dépit de l'appellation " constatations " utilisée par les enquêteurs, les opérations relatées par ces derniers, ayant consisté à rechercher en un lieu normalement fermé au public le corps d'un délit ou la preuve d'une culpabilité, et conduit à la découverte des véhicules volés, sont parvenues au même résultat qu'une perquisition, sans en respecter les règles et à l'insu des deux intéressés ;

Que les juges en déduisent que ces opérations ont eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense des personnes concernées et au principe du droit au respect de la vie privée et du domicile énoncé à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les enquêteurs n'avaient effectué aucune recherche à l'intérieur des garages, dans lesquels ils n'étaient pas entrés, la chambre d'accusation a méconnu les textes susvisés et le principe sus-énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai, en date du 20 octobre 1993 ;

Et vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;

DIT n'y avoir lieu à annulation des pièces cotées D. 21, D. 29 et D. 37 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.