Cass. com., 17 juillet 2001, n° 98-22.722
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Collomp
Avocat général :
M. Lafortune
Avocat :
Me Cossa
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que se prétendant porteur légitime de billets à ordre émis par la société Antunes à l'ordre de la société ACJI, dont elle n'avait pas obtenu le paiement, la société Banque Delubac et Compagnie (la banque) a successivement fait pratiquer sans autorisation préalable, le 2 septembre 1997, plusieurs saisies conservatoires au préjudice de la société Antunes, sollicité contre celle-ci, le 23 septembre 1997 une ordonnance d'injonction de payer qu'elle a obtenue le 29 septembre 1997 mais n'a pas fait signifier, engagé contre la même, par acte du 24 septembre 1997, une action devant le juge du fond qui a statué le 28 septembre 1998 ; que dans le même temps, la société Antunes a saisi le juge de l'exécution pour obtenir la mainlevée des saisies en faisant valoir d'abord, que ces saisies étaient caduques, la banque n'ayant pas saisi le juge du fond dans le délai prévu par l'article 215 du décret du 31 juillet 1992, et ensuite que la banque ne justifiait pas de sa qualité de porteur légitime des billets à ordre litigieux ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Antunes reproche à l'arrêt d'avoir rejeté son exception de caducité des saisies conservatoires pratiquées par la Banque Delubac et Cie, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 215 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 que, dans le cas où une saisie conservatoire a été pratiquée sans titre exécutoire, le créancier doit, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire, mais que, toutefois, en cas de rejet d'une requête en injonction de payer présentée dans ce délai, le juge du fond peut encore être valablement saisi dans le mois qui suit l'ordonnance de rejet ; qu'en l'espèce, pour rejeter l'exception de caducité, la cour d'appel a assimilé à une ordonnance de rejet au sens de l'article 1409 du nouveau Code de procédure civile, propre à permettre la saisine du juge du fond, une ordonnance non signifiée dans le délai légal, portant injonction de payer, qui avait accueilli non seulement la demande principale mais encore celle en paiement des frais exposés et des frais de rejet bancaire, outre les dépens, et n'avait rejeté que la demande incidente en paiement d'une somme au titre de l'article 700 du même Code ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 4 et 1409 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 215 du décret précité du 31 juillet 1992 ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la banque avait présenté sa requête en injonction de payer le 23 septembre 1997, dans le mois des saisies pratiquées le 2 septembre précédent, et que l'ordonnance du 29 septembre 1997 qui s'en était suivie, ne lui avait pas accordé l'indemnité qu'elle réclamait sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que la cour d'appel, qui n'a pas violé les textes susvisés, en a déduit exactement que cette requête ayant été rejetée pour partie, le juge du fond, saisi le 24 septembre 1997, l'avait été dans le délai prescrit par l'article 215 du décret du 31 juillet 1992 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Sur la recevabilité du moyen contesté par la défense :
Attendu que selon la banque, ce deuxième moyen serait irrecevable, comme contraire à la chose irrévocablement jugée par le jugement du 28 septembre 1998 qui a décidé que l'endossement figurant sur les effets était régulier et que la banque justifiait de sa qualité de porteur légitime des billets litigieux ;
Mais attendu que le jugement du 28 septembre 1998 statuait sur une demande de paiement des billets litigieux, alors que la cour d'appel était saisie d'une demande de mainlevée des saisies litigieuses ; qu'en l'absence d'identité des choses demandées, le moyen est recevable ;
Et sur le moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 185 et 117 du Code de commerce devenus les articles L. 512-3 et L. 511-8 du même Code ;
Attendu que pour décider que la banque était porteur légitime des billets litigieux, l'arrêt retient, par motifs propres, que celle-ci détient les effets, que sa signature figure sous forme de tampon au dos des deux billets, que la preuve que la société ACJI ne les lui aurait remis qu'à seule fin de les faire escompter n'est pas rapportée et par motifs adoptés, que les billets à ordre sont signés de l'endosseur, la SARL ACJI et que la mention "payer à l'ordre de la société Delubac" y figure" ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi par des motifs impropres à établir que la signature, contestée par la société Antunes, figurant au verso des billets litigieux, était bien la signature d'endossement imputable à la société ACJI, dont la banque prétendait tenir ses droits d'endossataire et sa qualité de porteur légitime, ce qu'il lui appartenait de démontrer pour justifier la régularité des saisies pratiquées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes précités ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.