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Décisions

CA Bordeaux, 5e ch. civ., 30 mars 2011, n° 10/7737

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

DV Construction (SA)

Défendeur :

M+W France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Miori

Conseillers :

M. Ors, Mme Sallaberry

Avoués :

SCP Casteja Clermontel et Jaubert, SCP Rivel-Combeaud

Avocats :

Me Delavoye, Me Jonglez Deligne

JEX TGI Bordeaux, du 28 déc. 2010, n° 10…

28 décembre 2010

OBJET DU LITIGE

Dans le cadre de la construction de l'École Nationale Supérieure des Ingénieurs des Arts Chimiques et Technologiques (ENSIACET) la société DV Construction en sa qualité d'entrepreneur général a sous-traité une partie des travaux à la société M+W France pour un montant de 11.731.954 €.

Un différend est survenu entre ces deux sociétés qui ont mis en oeuvre le processus d'arbitrage prévu au contrat.

C'est dans ces conditions que par une sentence du 1er juin 2010, le tribunal arbitral a condamné la société DV Construction à payer à la société M+W France la somme totale de 3.392.108,42 €.

Par ordonnance du 9 juin 2010 le président du tribunal de grande instance de Paris a revêtu la sentence de l'exequatur et le 30 septembre 2010, la société DV Construction a fait signifier cette dernière.

Par procès-verbaux d'huissier de justice en date du 18 novembre 2010, signifiées à la demande de la SARL M+W France deux saisies conservatoires ont été pratiquées sur des comptes bancaires de la SA DV Construction ouverts auprès de la banque Courtois et de la banque Natixis à Toulouse pour obtenir le paiement d'une somme totale de 3.400.684,48 € dont 2.836.211,05 € en principal.

Le 19 novembre 2010 la société M+W France a fait signifier la sentence et l'ordonnance d'exequatur à la société DV Construction.

Par deux procès-verbaux d'huissier de justice en date du 23 novembre 2010, la conversion des saisies conservatoires a été signifiée aux tiers saisis.

L'ensemble de ces actes a été signifié simultanément le 29 novembre 2010 à la SA DV Construction.

Par assignation du 7 décembre 2010, la SA DV Construction a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bordeaux pour contester les mesures d'exécution opérées à son encontre.

Par jugement en date du 17 décembre 2010, le juge de l'exécution a prononcé l'annulation de cette assignation pour irrégularité de forme et débouté la SA DV Construction de ses demandes.

Par assignation en date du 20 décembre 2010, la SA DV Construction a de nouveau saisi le juge de l'exécution aux fins de voir déclarer nulles les saisies pratiquées par la société M+W France.

Par jugement en date du 28 décembre 2010, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bordeaux a :

<< - déclaré irrecevable la contestation de la SA DV Construction ;

- condamné la SA DV Construction à payer à la SARL M+W France la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SA DV Construction aux dépens de l'instance >>.

La SA DV Construction a relevé appel de cette décision.

Agissant en vertu d'une ordonnance sur requête en date du 6 janvier 2011, la société DV Construction a par acte d'huissier en date du 10 janvier 2011 fait assigner à jour fixe à l'audience de la cour du 16 février 2011, la société M+W France en lui signifiant notamment ses conclusions du 31 décembre 2010 par lesquelles elle demande à la cour :

<< - de déclarer recevable l'assignation qu'elle a délivrée le 20 décembre 2010,

- de constater qu'à la date du 24 novembre 2010 à laquelle les saisies conservatoires ont été converties le délai de recours à la suite de l'ordonnance d'exequatur n'était pas arrivé à échéance et que les saisies doivent être annulées,

- de constater en outre qu'elle avait exécuté à la date du 18 novembre 2010, la sentence arbitrale en acquittant le règlement du solde du marché après déduction de la retenue de garantie, conformément aux dispositions de la loi du 16 juillet 1971, le solde correspondant pouvant être valablement séquestré dans l'attente des levées de réserves devant être opérées par la société M+W France,

- de lui donner acte de ce qu'elle offre de séquestrer sur le compte de M. Le Bâtonnier de l'Ordre des avocats du Barreau de Bordeaux, la somme correspondant à la retenue de garantie soit 701.570,85 €,

- d'ordonner la main levée immédiate des saisies pratiquées par la SCP Feres-Male et Raynaud-Senegas, Huissiers de justice à Toulouse, auprès de la Banque Natixis et de la Banque Courtois, les 23 et 24 novembre 2010,

- de condamner la société M+W France à lui verser une juste indemnité de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour abus de saisie sur le fondement de l'article 22 de la loi du 9 juillet 1991,

- de condamner la société M+W France à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile >>.

Le 10 février 2011 la société M+W France a fait déposer des conclusions par lesquelles elle sollicite à titre principal la confirmation du jugement et à titre subsidiaire :

- que les saisies soient déclarées valables et qu'il soit jugé qu'elles ne sont pas abusives ;

- que la société DV Construction soit débouté de ses demandes.

En tout état de cause, elle demande que son adversaire soit condamné à lui verser une indemnité de 7.500 € au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1 - Par jugement du 17 décembre 2010 le juge de l'exécution a déclaré irrecevable d'une part la contestation des saisies conservatoires et d'autre part la contestation des actes de conversion de celles-ci en raison de l'annulation de l'exploit introductif d'instance délivré le 7 décembre 2010.

Par une assignation délivré le 20 décembre 2010 dans les formes prévues par la loi la société DV Construction a de nouveau saisi le juge de l'exécution de la même demande. Celle-ci a été déclarée irrecevable comme tardive. Pour prendre cette décision. Le premier juge a retenu que le délai de 15 jours prévu par l'article 242 du décret du 31 juillet 1992 pour contester la saisie n'est pas un délai de prescription ni de forclusion, mais un délai de procédure au sens des articles 640 et suivants du code de procédure civile et que ce délai n'est pas susceptible de suspension ou d'interruption.

2 - La société DV construction fait valoir :

- que la jurisprudence, qui a considéré que les délais de procédure ne pouvaient être ni suspendus ni interrompus a été adoptée alors que l'article 2241 du code civil ne prévoyaient pas comme c'est le cas depuis la loi du 17 juin 2008 qu'une demande en justice y compris lorsque l'acte de saisine a été annulé interrompt le délai de prescription et le délai de forclusion et qu'un délai de procédure s'assimile à un délai de forclusion ;

- qu'il doit être jugé qu'un nouveau délai avait commencé à courir à compter de l'extinction de l'instance c'est-à-dire au plus tôt au jour du jugement du juge de l'exécution du 17 décembre 2010 qui avait déclaré nulle l'assignation délivrée le 7 décembre précédent et que l'assignation délivrée le 20 décembre 2010 se trouvait bien à l'intérieur du délai de 15 jours, ce qui rendait son action recevable.

3 - La société M+W France maintient que le délai de 15 jours prévu par l'article 242 du décret du 31 juillet 1992 pour contester l'acte de conversion de la saisie est un délai de procédure et non un délai de prescription ou de forclusion et qu'il n'y a donc pas lieu d'étendre à ces délais les dispositions de l'article 2241 du code civil.

4 - L'interruption des délais prévue par le texte sus mentionné n'est susceptible de trouver application que lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de forme.

Il s'avère que par arrêt rendu ce jour, la cour, statuant sur l'appel formé contre le jugement du 17 décembre 2010 qui avait annulé l'assignation délivrée le 7 décembre 2010 à la société M+W France a infirmé celui-ci en déclarant valable cette assignation.

La société DV Construction est donc irrecevable à invoquer une prorogation du délai de recours ouvert par l'article 242 du décret du 31 juillet 1992.

Le jugement attaqué qui a déclaré sa contestation irrecevable comme tardive sera en conséquence confirmé.

Il sera fait application à l'encontre de la société DV Construction des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Prononce la jonction des procédures inscrites sous les n° 10/07737 et 11/00230 du rôle de cette cour,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant

Condamne la société DV Construction à payer à la société M+W France une indemnité de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens ceux d'appel étant distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.