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Décisions

Cass. 1re civ., 1 mars 2023, n° 21-23.510

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

M. Ancel

Avocats :

SCP Le Griel, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés

Versailles, du 23 mars 2021

23 mars 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 mars 2021), le 9 novembre 2018, la société Bogdalex Import Export (la société Bogdalex) a signifié à Mme [M], prise en sa qualité d'administratrice de la société SC Biamos com, trois décisions rendues par le tribunal commercial de Cluj (Roumanie) les 22 janvier 2008, 11 février 2010 et 15 avril 2010 et le certificat (sic), délivré le 20 décembre 2016 par le greffier en chef d'un tribunal de grande instance, constatant le caractère exécutoire de ces décisions.

2. Mme [M] a formé un recours contre de ce certificat.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité de l'acte de signification du certificat délivré par le greffier en chef du tribunal de grande instance et des décisions juridictionnelles roumaines qui y étaient annexées, alors :

« 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que cette détermination porte, premièrement, sur l'ordre même des demandes présentées par les parties, en sorte que la cour d'appel, tenue d'examiner ces demandes dans l'ordre fixé par les parties, ne peut pas examiner une demande subsidiaire avant la demande principale ; qu'en l'espèce, Mme [M] avait clairement ordonné sa demande, dans le dispositif de ses conclusions, pour faire juger, "à titre principal", que l'action en recouvrement forcé dirigée contre elle par la société Bogdalex Import Export était prescrite et, "à titre subsidiaire", que l'acte de signification du 9 novembre 2018 était entaché de nullité ; qu'en inversant de son propre chef l'ordre ainsi fixé, pour examiner et juger en premier lieu la demande subsidiaire, la cour a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le juge ne peut dès lors attribuer à une partie une demande qu'elle ne lui a présentée, ni la débouter sur le fondement du rejet d'un moyen qu'elle n'a pas soutenu ; qu'en l'espèce, si, dans le dispositif de ses écritures, Mme [M] a bien visé "les dispositions du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale" et demandé l'annulation de l'acte de signification du 9 novembre 2018, ce n'est nullement en raison de l'application erronée des dispositions du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 aux lieu et place du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, puisqu'elle a fait application du premier de ces deux règlements pour saisir la cour d'appel de sa contestation du certificat du 20 décembre 2016 ; qu'en attribuant dès lors à Mme [M], pour justifier le débouté de sa demande de nullité de l'acte de signification, d'avoir soutenu, à l'appui de cette demande, l'inapplicabilité du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, la cour a derechef violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. C'est sans modifier l'objet du litige que la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche du moyen, a examiné successivement la demande subsidiaire d'annulation de l'acte de signification puis la demande principale tirée de la prescription de l'action en recouvrement, dès lors que ces demandes, indépendantes l'une de l'autre, ont été rejetées.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6.Mme [M] fait grief à l'arrêt de rejeter son recours à l'encontre du certificat délivré le 20 décembre 2016 par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Versailles, alors « que les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi ; que l'accueil d'un jugement étranger dans l'ordre juridique français est soumis à trois conditions essentielles, hors le cas d'une convention internationale particulière : le contrôle de la compétence internationale indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité de ce jugement à l'ordre public international de fond et de procédure et l'absence de fraude à la loi ; qu'ainsi, seule une partie "intéressée" peut faire constater que la décision doit être reconnue, dans des conditions qui ne soient pas contraires à l'ordre public français ; qu'en l'espèce, Mme [M] avait notamment contesté tout droit de la société Bogdalex Import Export à agir pour demander et obtenir l'exequatur des trois jugements roumains litigieux, dès lors que si une qualité de créancier inscrit avait pu lui être reconnue à l'occasion de la procédure collective roumaine, les jugements en question avaient été rendus en faveur du mandataire liquidateur de la société SC Biamos Com SRL, seul ou avec le représentant des créanciers, dans les droits desquels elle ne pouvait nullement prétendre se substituer ; qu'en se bornant dès lors, pour rejeter le recours de Mme [M] à l'encontre du certificat d'exequatur délivré le 20 décembre 2016, à retenir que l'intérêt de la société Bogdalex Import-Export résultait de sa seule admission à la procédure collective de la société SC Biamos Com SRL, quand cette circonstance ne lui conférait aucun droit de faire exécuter les jugements litigieux, la cour a violé l'article 509 du code de procédure civile, ensemble les articles 33.2 et 34.1 du règlement CE n° 44/2001. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 38 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit « Bruxelles I », les décisions rendues dans un Etat membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre Etat membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée.

8. L'exequatur d'un jugement étranger n'étant pas, en lui-même, un acte d'exécution, c'est à bon droit que la cour d'appel a jugé que la société Bogdalex, qui avait été admise en qualité de créancière à la procédure collective de la société SC Biamos com ouverte en Roumanie, était une partie intéressée à l'exequatur des jugements lui conférant cette qualité et condamnant Mme [M], ancienne administratrice de la société liquidée, à en supporter le passif.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.