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Décisions

CA Paris, 14e ch. B, 27 mars 2009, n° 08/18387

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mme Eymeric, M. Mezrahi, Troyes dans L'aube Prod (SARL)

Défendeur :

YouTube LLC (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Schoendoerffer

Conseillers :

Mme Provost-Lopin, Mme Darbois

Avoués :

SCP Duboscq - Pellerin, SCP Fanet - Serra

Avocats :

Me de La Rochere, Me Neri

TGI Paris, du 9 janv. 2008, n° 07/58929

9 janvier 2008

Vu l'appel formé le 23 janvier 2008 par M. Raphaël MEZRAHI, la société TROYES DANS L'AUBE et Mme Christine EYMERIC de l'ordonnance rendue le 9 janvier 2008 par le président du tribunal de grande instance de Paris qui a, après avoir reçu Mme Christine EYMERIC en son intervention volontaire, a :

- déclaré irrecevables les demandes de Raphaël MEZRAHI, de Christine EYMERIC et de la société TROYES DANS L'AUBE,

- condamné Raphaël MEZRAHI, Christine EYMERIC et la société TROYES DANS L'AUBE aux dépens et à payer à la société YOUTUBE la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de retrait du rôle en date du 29 mai 2008 et le rétablissement de l'affaire à l'initiative des appelants le 26 septembre 2008 ;

Vu les dernières conclusions en date du 16 février 2009 par lesquelles les appelants demandent à la cour, au visa des articles 70, 565 et suivants, 808, 809 du code de procédure civile, L. 121-1 et suivants, L. 212-1 et suivants, L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, L. 331-1-3 et L. 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi du 29 octobre 2007, 1165, 1166 et 1382 du code civil et de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, de:

- dire recevables M. Raphaël MEZRAHI, Mme Christine EYMERIC et la société TROYES DANS L'AUBE dans leur action,

- dire que les reproduction et représentation de l'interview de Brigitte FONTAINE écrite et interprétée par M. Raphaël MEZRAHI et réalisée par Mme Christine EYMERIC sans leur autorisation et l'autorisation de la société TROYES DANS L'AUBE, titulaire des droits d'auteur, sur la page Internet [...], éditée par la société défenderesse telles que constatées par procès-verbaux des 24 juillet, 27 septembre, 12 novembre et 16 novembre 2007 portent atteinte aux droits d'auteur de la société TROYES DANS L'AUBE ainsi qu'aux droits voisins de Christine EYMERIC et Raphaël MEZRAHI et violent leur droit moral d'auteur et/ou d'interprète,

en conséquence,

- rejeter l'ensemble des moyens soulevés par la société YOUTUBE tendant au rejet des demandes formulées par les appelants,

- faire interdiction à la société YOUTUBE de reproduire et représenter les vidéos litigieuses régulièrement communiquées au débat (DVD Interviewes françaises, CD Interviewes Internationales et Micro-trottoirs) sous astreinte de 5 000 € par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société YOUTUBE à payer à la société TROYES DANS L'AUBE la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts provisionnels en réparation du préjudice patrimonial subi,

subsidiairement,

- condamner la société YOUTUBE à payer à M. Raphaël MEZRAHI la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts provisionnels en réparation du préjudice patrimonial subi,

très subsidiairement,

- nommer tout expert de son choix (assisté si nécessaire d'un sapiteur) aux fins de déterminer de manière précise l'étendue exacte de l'absence de perception de droits à recettes au détriment de la société TROYES DANS L'AUBE et/ou Raphaël MEZRAHI, qui aura notamment pour mission de :

° se faire communiquer tout contrat ou document comptable attestant des recettes - notamment, mais non exclusivement publicitaires - générées par les versions américaines et françaises du site YOUTUBE,

° évaluer la valeur des oeuvres des appelants au regard des contrats régulièrement communiqués, et de leur valeur commerciale intrinsèque,

° donner son avis sur la perte de valeur commerciale des oeuvres des appelants en raison de l'exploitation contrefaisante sur le site YOUTUBE,

en tout état de cause,

- condamner la société YOUTUBE à payer à M. Raphaël MEZRAHI la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts provisionnels en réparation de la violation de son droit moral d'auteur et d'artiste-interprète,

- condamner la société YOUTUBE à payer à Mme Christine EYMERIC la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts provisionnels en réparation de la violation de son droit moral d'auteur,

- condamner, en tout état de cause, la société YOUTUBE à payer à la société TROYES DANS L'AUBE la somme de 15 000 € à titre provisionnel en raison du préjudice subi du fait du défaut de collecte des informations permettant aux appelants de trouver l'identité des personnes ayant mis en ligne les 56 vidéos objets des constats régulièrement versés au débat et du retard injustifié à fournir aux appelants les quelques données insuffisantes collectées,

- ordonner la publication de manière visible, claire et sans commentaire du dispositif de l'arrêt à intervenir sur la page d'accueil du site Internet YOUTUBE accessible à l'adresse URL [...] pendant une période ininterrompue de trente jours dans un délai de trente jours à compter de sa signification, et ce, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard,

- condamner la société YOUTUBE aux dépens et à verser à chacun des appelants la somme de 12 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions en date du 18 février 2009 par lesquelles la société YOUTUBE LLC venant aux droits de la société YOUTUBE Inc, intimée, demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté que la société TROYES DANS L'AUBE, M. Raphaël MEZRAHI et Mme Christine EYMERIC n'avaient pas respecté les prescriptions de l'article 6-I-5 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, applicable en l'espèce, en ne mettant pas valablement la société YOUTUBE en connaissance des contenus litigieux et les a déboutés de leurs demandes à son encontre,

y ajoutant,

* sur le champ des demandes,

- constater, au vu de leurs conclusions du 13 janvier 2009, que la responsabilité de la société YOUTUBE en qualité d'hébergeur n'est recherchée par les appelants qu'en relation avec une vidéo intitulée 'Raphael Mezrahi - Interview de Brigitte Fontaine' mise en ligne le 8 novembre 2007 et constatée dans les procès-verbaux des 12 et 16 novembre 2007,

- constater, au vu de leurs conclusions du 13 janvier 2009, que les appelants ont abandonné les demandes d'indemnisation provisionnelle qu'ils avaient précédemment formées en relation avec la mise en ligne de vidéos susceptibles de reproduire des interviews de M. Raphaël MEZRAHI autres que celle de Mme Brigitte FONTAINE et/ou avec les oeuvres intitulées 'Micros-trottoirs', dire que les appelants seront présumés s'être désistés des demandes susvisées,

- constater en conséquence, le caractère définitif de l'ordonnance du 9 janvier 2008 en ce qu'elle statue sur les demandes d'indemnisation provisionnelle relatives aux interviews françaises et aux interviews internationales autres que l'interview de Mme Brigitte FONTAINE,

- condamner la société TROYES DANS L'AUBE, M. Raphaël MEZRAHI et Mme Christine EYMERIC, sur le fondement de l'article 399 du code de procédure civile, à supporter les frais relatifs aux demandes abandonnées qui ne sont pas liées à l'interview de Mme Brigitte FONTAINE, ceci incluant les dépens, ainsi que les frais irrépétibles supportés par YOUTUBE pour assurer sa défense, qu'il convient d'estimer à 30 000 €,

* sur la recevabilité des demandes,

- constater que les demandes relatives aux oeuvres intitulées 'Micros-trottoirs' formées dans les premières conclusions d'appel de la société TROYES DANS L'AUBE, de M. Raphaël MEZRAHI et de Mme Christine EYMERIC, puis abandonnées dans leurs écritures postérieures, étaient au demeurant nouvelles et par conséquent, irrecevables,

- dire que la société TROYES DANS L'AUBE ne démontre pas être titulaire des droits patrimoniaux d'auteur dont elle se prétend cessionnaire et par conséquent la déclarer irrecevable à agir sur ce fondement,

- dire que M. MEZRAHI a apporté à la SACEM les droits patrimoniaux d'auteur qu'il prétend avoir ensuite cédés à la société TROYES DANS L'AUBE, le déclarer irrecevable à agir, même à titre subsidiaire, sur ce fondement, alors qu'au surplus, les demandes qu'il forme à ce titre sont nouvelles et contraires au principe de loyauté procédurale,

* sur les moyens de preuve,

- constater que le contenu des vidéos litigieuses n'est pas rapporté par les procès-verbaux de constat produits par les appelants,

- dire que 'DVD audiovisuel' constituant prétendument l'annexe du procès-verbal de constat de Me ALBOU en date du 12 novembre 2007 est dépourvu de force probante dans la mesure où Me ALBOU (i) n'a pas clairement précisé la manière dont il avait procédé au téléchargement puis à l'enregistrement des vidéos gravées sur ce DVD, (ii) ne l'a pas placé sous scellés,

- dire que le 'DVD audiovisuel' constituant prétendument l'annexe du procès-verbal de constater que de Me ALBOU en date du 12 novembre 2007 a été établi illicitement (i) sans respecter la procédure obligatoire de saisie prévue par l'article L. 332-1 2° du code de la propriété intellectuelle, (ii) en contournant l'interdiction de téléchargement des vidéos hébergées par la société YOUTUBE,

* sur la qualité d'hébergeur de YOUTUBE,

- constater que l'activité de la société YOUTUBE dans le cadre de l'exploitation du site accessible à l'adresse [...] constitue une activité de stockage pour mise à disposition du public au sens de l'article 6-I-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique,

- constater que la société YOUTUBE LLC n'a pas été mise en connaissance de l'existence de vidéos suffisamment identifiées et localisées dont le caractère illicite serait manifeste,

- constater cependant qu'elle a dûment et rapidement déréférencé certaines vidéos énumérées spécifiquement et suffisamment identifiables dans les différents procès-verbaux qui lui ont été communiqués, au fur et à mesure que ceux-ci lui ont été communiqués,

- constater qu'il en va ainsi, sans que cela soit contesté par les appelants, de la vidéo intitulée 'Brigitte Fontaine et Raphaël Mezrahi' qui est mentionnée dans les procès-verbaux du 24 juillet 2007 et du 27 septembre 2007,

- constater que la vidéo intitulée 'Raphael Mezrahi - Interview de Brigitte Fontaine', qui est mentionnée dans les procès-verbaux du 12 et du 16 novembre 2007 n'était déjà plus en ligne au moment où YOUTUBE LLC en a eu connaissance,

- dire en tout état de cause que la charge de démontrer un manquement de YOUTUBE à son obligation de prompt retrait pèse sur les appelants, demandeurs à l'action,

- dire par conséquent que la responsabilité civile de YOUTUBE LLC n'est pas engagée,

- constater qu'il existe une contestation sérieuse s'opposant à l'attribution d'une provision au profit des appelants et qu'une mesure d'expertise est en l'espèce inutile,

- dire qu'en qualité d'hébergeur, YOUTUBE ne saurait être la débitrice d'une mesure d'interdiction,

- donner acte à la société YOUTUBE qu'elle est prête à mettre en oeuvre une mesure de surveillance temporaire et ciblée, au sens de l'article 6-I-7 § 2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, en maintenant les mesures de filtrage par empreintes digitales qu'elle a déjà mises en place et (ii) en donnant aux appelants, dans les conditions contractuelles habituelles, un accès à l'interface «Video II» permettant à ces derniers de lui fournir des empreintes des vidéos dont ils attesteront détenir les droits,

* sur les demandes relatives aux données permettant l'identification des utilisateurs de YOUTUBE,

- dire que YOUTUBE satisfait à ses obligations de collecte et de conservation prévues par l'article 6-II de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique en conservant de manière systématique les adresses de courrier électronique, pseudonymes et adresses IP de ses utilisateurs et seulement de manière facultative, leurs noms, prénoms, adresses postales et numéros de téléphone, lorsque ceux-ci les lui fournissent spontanément,

- constater que les appelants ont engagé tardivement les procédures utiles en vue d'autoriser la société YOUTUBE à leur communiquer les données en sa possession susceptibles de permettre l'identification de ces utilisateurs,

- débouter les appelants de leur demande de dommages-intérêts provisionnels en raison du préjudice prétendument subi du fait du défaut de collecte par YOUTUBE et/ou de communication des noms, prénoms, adresses et numéros de téléphone des internautes qui sont à l'origine des vidéos litigieuses,

* en tout état de cause,

- dire qu'il n'existe pas de trouble manifestement illicite justifiant le prononcé d'une mesure de publication sur la page d'accueil du site de la société YOUTUBE et débouter la société TROYES DANS L'AUBE, Raphaël MEZRAHI et Christine EYMERIC de leur demande de ce chef,

- débouter la société TROYES DANS L'AUBE, M. Raphaël MEZRAHI et Mme Christine EYMERIC de toutes leurs demandes,

- condamner la société TROYES DANS L'AUBE, M. Raphaël MEZRAHI et Mme Christine EYMERIC aux dépens et à payer à la société YOUTUBE la somme de 30 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que M. Raphaël MEZRAHI est l'interprète unique et coauteur avec Mme Christine EYMERIC d'une série d'oeuvres communément dénommées 'les interviewes', lesquelles font l'objet d'une exploitation, notamment sous forme vidéographique ;

Que M. Raphaël MEZRAHI est en outre l'auteur d'une série de scènes humoristiques qu'il a écrites et interprétées pour l'édition 2007 du Festival de Cannes, communément appelées 'les Micro trottoirs' ;

Que la société TROYES DANS L'AUBE est une société de production audiovisuelle dont M. MEZRAHI est gérant ;

Que la société de droit américain YOUTUBE a développé un service consistant en une plate-forme d'hébergement de vidéos en ligne permettant aux internautes de mettre en ligne des vidéos et de les rendre ainsi accessibles à l'ensemble des utilisateurs ;

Qu'ayant fait constater par huissier les 24 juillet et 27 septembre 2007 la mise en ligne sur le site Internet accessible à l'adresse [...] de trente-trois de leurs oeuvres sans leur autorisation, la société TROYES DANS L'AUBE et M. Raphaël MEZRAHI ont, le 16 octobre 2007, fait assigner la société YOUTUBE Inc. en référé d'heure à heure devant le président du tribunal de grande instance de PARIS afin d'obtenir la suppression des vidéos litigieuses sous astreinte, l'indemnisation provisionnelle des préjudices subis et la publication de la décision à intervenir sur le site en cause ; que Mme Christine EYMERIC est intervenue volontairement à l'instance ;

Que c'est dans ces conditions qu'a été rendue l'ordonnance entreprise, le premier juge, pour déclarer les demandes irrecevables, ayant, avant d'examiner les fins de non-recevoir relatives à la titularité des droits sur les oeuvres en litige, retenu qu'il ne pouvait connaître avec précision les vidéos contestées mises en ligne puisque les demandeurs n'ont pas pris le soin de les 'lister dans leurs demandes' et 'se sont contentés (...) d'affirmer que certaines oeuvres étaient plagiées et de verser au débat des DVD produits par la société TROYES DANS L'AUBE, laissant au juge le soin de faire seul le travail de comparaison entre les vidéos qu'il aurait connues en lisant les procès-verbaux de constat et les oeuvres visionnées en cabinet, privant ainsi les parties et notamment la société défenderesse du principe essentiel du contradictoire' ;

Considérant que le fait que les prétentions non reprises dans les dernières conclusions sont réputées abandonnées en application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile n'équivaut pas à un désistement d'instance ou d'action, en sorte que les moyens développés de ce chef par l'intimée sous l'intitulé 'sur le champ des demandes' sont inopérants et qu'il n'y a pas lieu de statuer séparément sur les demandes au titre des frais et dépens qui en seraient prétendument l'accessoire, observation faite que les dernières écritures des appelants ont été signifiées le 16 février 2009 ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus et non pas le 13 janvier ;

Considérant qu'il convient au préalable d'examiner les fins de non-recevoir soulevées par la société YOUTUBE, tirées du défaut de qualité à agir ;

Considérant que, du fait de leur adhésion à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (ci-après SACEM) et de l'apport à cette dernière de l'ensemble de leurs droits d'auteur, M. MEZRAHI et Mme EYMERIC ne peuvent agir personnellement au titre de l'atteinte aux droits patrimoniaux d'auteur, sauf à démontrer la carence de celle-là, ce qu'ils n'allèguent pas ;

Qu'ils demeurent cependant recevables à agir pour la défense de leurs droits moraux d'auteurs et, s'agissant de M. MEZRAHI, d'artiste-interprète ;

Que, de même, si par la mention '© TROYES DANS L'AUBE PROD' figurant sur la jaquette des DVD produits à titre d'exemple au débat, la société TROYES DANS L'AUBE justifie, contrairement à ce que prétend l'intimée, de sa qualité de producteur des vidéogrammes dont M. MEZRAHI et Mme EYMERIC sont les auteurs et M. MEZRAHI l'interprète, il reste que, du fait de l'apport à la SACEM par M. MEZRAHI des oeuvres dont il est l'auteur, la société TROYES DANS L'AUBE n'est pas recevable à agir, par application de l'article L. 132-24 du code de la propriété intellectuelle, sur le fondement de l'atteinte aux droits patrimoniaux d'auteur, quand bien même elle serait cessionnaire d'une partie de ces derniers en vertu des contrats de cession conclus avec M. MEZRAHI ;

Considérant, par ailleurs, que ne sont pas nouvelles en cause d'appel les demandes relatives aux oeuvres dénommées ‘Micros-trottoirs’ dont la contrefaçon avait déjà été alléguée devant le premier juge ainsi qu'il ressort des conclusions déposées devant celui-ci le 4 décembre 2007 et communiquées la veille à la société YOUTUBE (pièce 37 des appelants) ;

Considérant que les termes du litige sont, en application de l'article 4 du code de procédure civile, déterminés par les prétentions respectives des parties, prétentions qui sont elles-mêmes fixées par les conclusions de celles-ci ;

Qu'il s'ensuit que les termes du litige ne sauraient résulter des pièces versées aux débats et qu'il ne peut de ce fait être renvoyé aux procès-verbaux de constat, notamment, aux captures d'écran faites par l'huissier instrumentaire, à l'énumération des vidéos et au Cd-rom joint à son constat pour déterminer précisément la liste des oeuvres dont la contrefaçon par leur mise en ligne sur le site exploité par la société YOUTUBE est alléguée ;

Que seule l'oeuvre intitulée 'Raphael Mezrahi - Interview de Brigitte Fontaine' est expressément visée dans les écritures des appelants, ceux-ci n'ayant apporté aucune autre précision sur les atteintes qu'ils dénoncent ni décrit les '56 vidéos' qui auraient été mises en ligne sans leur autorisation ;

Qu'ainsi, à l'exception de l'oeuvre 'Raphael Mezrahi - Interview de Brigitte Fontaine', c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que, pour le surplus, le premier juge a déclaré les demandes formées par M. MEZRAHI et Mme EYMERIC irrecevables ; qu'en revanche, en raison de son défaut de qualité à agir au titre des droits patrimoniaux d'auteur, la question de l'irrecevabilité à agir de la société TROYES DANS L'AUBE pour défaut d'identification des oeuvres ne se posait plus ;

Considérant, dans ces conditions, que, sans qu'il soit nécessaire de répondre aux moyens surabondants, il convient, sauf en ce qui concerne l'oeuvre 'Raphael Mezrahi - Interview de Brigitte Fontaine' et sous la réserve ci-dessus concernant la société TROYES DANS L'AUBE, de confirmer l'ordonnance entreprise de ce chef ;

Considérant, concernant l'oeuvre dénommée 'Raphael Mezrahi - Interview de Brigitte Fontaine' , qu'il n'est pas contesté que la société YOUTUBE ne doit répondre que des obligations résultant de sa qualité d'hébergeur dans les conditions prévues par les articles 6 et 7 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique et que, s'agissant en l'espèce de sa mise en cause pour des actes de contrefaçon, elle ne peut être tenue pour responsable que pour autant qu'elle a eu une connaissance effective du caractère manifestement illicite des vidéos stockées ou de faits faisant apparaître ce caractère ;

Considérant qu'il appartient aux victimes de la contrefaçon de porter à la connaissance de la société qui héberge les sites des internautes les droits qu'elles estiment bafoués, dans les conditions prévues à l'article 6-5 de la loi précitée ;

Que ce texte prévoit que l'internaute désireux de faire cesser une mise en ligne qu'il estime constituer une atteinte à ses droits, doit adresser à l'hébergeur une demande qui identifie clairement les vidéos litigieuses de façon à permettre à la société qui n'a pour objet que de stocker et mettre en ligne ces oeuvres, de les reconnaître dans la masse des documents mis en ligne et de les retirer ; que l'internaute se prétendant victime doit faire la description des faits litigieux et donner leur localisation précise ainsi que les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré comprenant la mention des dispositions légales et des justifications des faits ;

Qu'en l'espèce, après avoir fait dresser un procès-verbal de constat le 24 juillet 2007, M. MEZRAHI et la société TROYES DANS L'AUBE ont envoyé le 6 septembre 2007 à la société YOUTUBE une mise en demeure de cesser la mise en ligne des vidéos représentant les 'oeuvres de M. Raphaël MEZRAHI', faisant référence à de 'nombreux sketches' sans autre précision ;

Qu'il a été rappelé que la présente action a été engagée le 16 octobre 2007 sans que les oeuvres en cause ne soient davantage identifiées et que ce n'est que devant la cour qu'une oeuvre,'Raphael Mezrahi - Interview de Brigitte Fontaine', a été clairement visée ;

Que de son côté, l'intimée démontre que c'est par la société GOOGLE France qu'elle a été informée, le 21 octobre 2007, du procès-verbal de constat dressé le 27 septembre 2007 mentionnant sept vidéos dont l'une relative à l'interview de Brigitte FONTAINE, également produit au soutien de l'action ; qu'elle justifie par un constat dressé le 30 octobre 2007 qu'elle n'hébergeait plus à cette date les sept vidéos en question ;

Que, par ailleurs, les deux autres constats dressés les 12 et 16 novembre 2007 montrant l'hébergement d'une nouvelle série de vidéos dont celle relative à l'interview de Brigitte FONTAINE sur lesquels les demandeurs ont élargi leur action en première instance n'ont été communiqués à la société YOUTUBE que le 3 décembre 2007 ; qu'elle a ainsi eu connaissance de la réitération des faits à cette date-là alors même, qu'ainsi qu'elle le démontre, l'utilisateur avait directement retiré lesdites oeuvres dès le 24 novembre 2007 et, à nouveau, sans une identification des oeuvres autre que celle résultant de la lecture du procès-verbal ainsi qu'il a ci-dessus été relevé ;

Considérant dans ces conditions qu'abstraction faite de tout moyen surabondant, il y a lieu, à défaut pour les appelants de démontrer les manquements de la société YOUTUBE à ses obligations d'hébergeur, de rejeter les demandes formées au titre des atteintes portées aux droits moraux d'auteur et aux droits d'artiste-interprète de l'oeuvre 'Raphael Mezrahi - Interview de Brigitte Fontaine' ;

Considérant que la demande relative au prétendu défaut de collecte des informations permettant d'identifier les personnes ayant mis en ligne les oeuvres doit être rejetée, une telle demande ne pouvant qu'être subordonnée à la reconnaissance du bien-fondé de l'action en contrefaçon ;

Considérant que les appelants qui succombent seront condamnés aux dépens d'appel et, pour des motifs tirés de l'équité, à verser une indemnité de procédure à l'intimée pour les frais qu'ils l'ont contrainte à exposer devant la cour ;

PAR CES MOTIFS,

Déclare M. Raphaël MEZRAHI, Mme Christine EYMERIC et la société TROYES DANS L'AUBE irrecevables à agir sur le fondement des droits patrimoniaux d'auteurs ;

Rejette pour le surplus les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir soulevées par la société YOUTUBE LLC ;

Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré M. Raphaël MEZRAHI et Mme Christine EYMERIC irrecevables en leurs demandes, sauf s'agissant des demandes relatives à de l'oeuvre intitulée 'Raphael Mezrahi - Interview de Brigitte Fontaine' ;

Infirmant l'ordonnance du chef de cette oeuvre et statuant à nouveau,

Déclare M. Raphaël MEZRAHI et Mme Christine EYMERIC recevables en leurs demandes concernant l'oeuvre intitulée 'Raphael Mezrahi - Interview de Brigitte Fontaine' ;

Déboute M. Raphaël MEZRAHI et Mme Christine EYMERIC de l'ensemble de leurs demandes relatives à l'oeuvre intitulée 'Raphael Mezrahi - Interview de Brigitte Fontaine' ;

Condamne M. Raphaël MEZRAHI, Mme Christine EYMERIC et la société TROYES DANS L'AUBE à payer à la société YOUTUBE LLC la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance devant la cour ;

Condamne M. Raphaël MEZRAHI, Mme Christine EYMERIC et la société TROYES DANS L'AUBE aux dépens d'appel dont recouvrement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.