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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 13 octobre 2010, n° 09/12236

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

M. Magdane, Matex Productions (SARL), M. Chaumar, M. Decout, M. Maine, M. Bergli

Défendeur :

Dailymotion (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Conseillers :

Mme Chokron, Mme Gaber

Avoués :

SCP Duboscq - Pellerin, SCP Ribaut

Avocats :

Me de La Rochere, Me Schuler

TGI Paris, du 29 avr. 2009, n° 07/12816

29 avril 2009

Vu l'appel interjeté le 2 juin 2009 par Roland MAGDANE, Luc CHAUMAR, Bob DECOUT, Didier MAINE, Serge BERGLI et la société MATEX PRODUCTIONS (SARL), du jugement rendu le 29 avril 2009 par le tribunal de grande instance de Paris statuant sur le litige les opposant à la société DAILY MOTION (SA) ;

Vu les dernières écritures des appelants, signifiées le 8 juin 2010 ;

Vu les ultimes conclusions de la société DAILY MOTION, intimée, signifiées le 14 juin 2010 ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 22 juin 2010 ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :

- Roland MAGDANE est l'auteur et l'interprète de sketches humoristiques qui ont pour titre le réveil électronique, co-écrit avec Bob DECOUT, Benoit, le barbecue, le père Duchêne, co-écrits avec Didier MAINE, le bonheur, la réincarnation, co-écrits avec Luc CHAUMAR, la revue de presse, le merdier, les questions, la foire , essayage de pantalon, les grandes surfaces, le dentiste, l'adolescent, les modes d'emploi,

- ces sketches ont été représentés au public à l'occasion des spectacles sur scène MAGDANE SHOW en 2001 et MAGDANE CRAQUE en 2006 produits par la société MATEX et ont fait l'objet d'une captation audiovisuelle réalisée par Serge BERGLI commercialisée sous format DVD,

- la société MATEX PRODUCTIONS est une société de production et d'édition gestionnaire du catalogue de Roland MAGDANE et titulaire des droits d'exploitation sur l'ensemble de l'oeuvre de l'artiste,

- la société de droit français DAILY MOTION, créée en mars 2005, met à la disposition du public à l'adresse [...] un service en ligne de stockage de contenus audiovisuels à titre gratuit, qui connaît un grand succès sur le marché désormais en pleine expansion des sites dits de 'partage de vidéos' ou de 'vidéos communautaires',

- ayant fait constater par huissier de justice, le 17 juin 2007, que la saisie du mot-clé 'MAGDANE' dans le moteur de recherche du service exploité par la société DAILY MOTION ouvrait l'accès à des séquences extraites des spectacles MAGDANE SHOW et MAGDANE CRAQUE, données à voir en 'streaming', c'est-à-dire par lecture en continu à mesure de la diffusion du flux audiovisuel sans acquisition de fichier, Roland MAGDANE a mis en demeure la société DAILY MOTION, par lettre recommandée du 22 juin 2007, de retirer les contenus contrefaisants ,

- il a ensuite, le 14 septembre 2007, avec la société MATEX, assigné la société DAILY MOTION devant le tribunal de grande instance de Paris, en réparation des préjudices résultant des atteintes aux droits patrimoniaux et moraux d'auteur, aux droits d'artiste-interprète, au droit à l'image, de la concurrence déloyale,

- Bob DECOUT, Didier MAINE, Luc CHAUMAR, Serge BERGLI sont intervenus volontairement à l'instance au côté des demandeurs sans émettre de demandes pour leur compte propre,

- le tribunal a déclaré Roland MAGDANE et la société MATEX recevables à agir sauf, à défaut de mise en cause des co-auteurs de ces oeuvres de collaboration, pour la défense des droits patrimoniaux relatifs aux sketches les questions , le réveil électronique , a admis, sur le fond, la société DAILY MOTION au régime spécial de responsabilité institué par la loi pour la confiance dans l'économie numérique au bénéfice des prestataires techniques, a estimé en l'espèce que cette responsabilité n'était pas engagée faute de notification rendant possible une identification précise des contenus signalés comme illicites de sorte que la société DAILY MOTION n'était pas mise en mesure de retirer promptement ces contenus ni d'empêcher leur remise en ligne et débouté, par voie de conséquence, les demandeurs de l'ensemble de leurs prétentions ;

- c'est le jugement déféré ;

Considérant que les appelants, qui concluent à la réformation du jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes, soutiennent que la diffusion sans autorisation des sketches litigieux, ( chacun de ces sketches constituant une oeuvre de l'esprit), sur le site de [...] , constitue une contrefaçon de leur droits d'auteur et une atteinte aux droits de l'artiste-interprète dont doit répondre la société DAILY MOTION, mal fondée à exciper du statut de prestataire technique au sens de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, ci-après LCEN, qu'à tout le moins, la société intimée doit voir sa responsabilité engagée au fondement de l'article 1382 du Code civil pour avoir manqué à son obligation de retirer promptement les contenus illicites après que ces derniers lui ont été dûment signalés et en rendre l'accès impossible ;

Que la société intimée persiste à contester à titre principal la qualité à agir des appelants, concluant en toute hypothèse, sur le fond, au rejet de toutes leurs prétentions faisant à cet égard valoir qu'elle relève, en ce qu'elle développe un service de stockage de contenus audiovisuels fournis par les destinataires de ce service, du régime de responsabilité conféré au prestataire technique par la LCEN, qu'à ce titre, sa responsabilité ne saurait être encourue sur le fondement de la contrefaçon, pas plus que sur celui de la concurrence déloyale, dès lors qu'il n'est pas justifié qu'elle ait manqué aux obligations lui incombant à savoir la mise en place de dispositifs d'information et d'alerte quant aux contenus illicites, le retrait des contenus litigieux dès connaissance de leur caractère attentatoire à des droits de propriété intellectuelle, la conservation des données de nature à permettre d'identifier l'auteur de la mise en ligne en cause ;

* sur la qualité à agir des appelants,

Considérant que la société MATEX PRODUCTIONS maintient ses demandes, telles que soutenues devant les premiers juges, en réparation du préjudice subi des suites de la violation des droits patrimoniaux d'auteur et d'artiste-interprète dont elle est titulaire, en vertu des dispositions des articles L.132-24 et L.212-4 du Code de la propriété intellectuelle, sur les quinze sketches invoqués dans le cadre du présent litige, objets des deux compilations sur support DVD respectivement intitulées MAGDANE SHOW et MAGDANE CRAQUE , dont elle a assuré la production ; que Roland MAGDANE, qui déclare expressément avoir cédé ses droits patrimoniaux d'auteur et d'artiste-interprète à la société MATEX, demande réparation de son préjudice personnel résultant d'une part, de l'atteinte portée à ses droits moraux d'auteur et d'artiste-interprète, d'autre part, de l'atteinte à son droit à l'image ; que Bob DECOUT, Didier MAINE, Luc CHAUMAR, Serge BERGLI interviennent, en qualité de co-auteur, à l'appui des prétentions de la société MATEX PRODUCTIONS et de Roland MAGDANE mais ne forment pas davantage devant la cour de demandes à titre personnel ;

Considérant que la société DAILY MOTION prétend en premier lieu que la société MATEX ne serait pas recevable à agir au titre des droits patrimoniaux, sa qualité de producteur n'étant pas justifiée ;

Mais considérant que les appelants sont fondés à faire valoir que la qualité de producteur de la société MATEX est justifiée au vu des mentions portées sur les jaquettes respectives des DVD MAGDANE SHOW et MAGDANE CRAQUE ;

Qu'en effet, la jaquette du DVD MAGDANE SHOW fait figurer en page de couverture l'en-tête 'MATEX PRODUCTIONS présente' et au verso l'indication 'production et édition: MATEX PRODUCTIONS', tandis que celle du DVD MAGDANE CRAQUE a pour en-tête 'CAMUS &CAMUS PRODUCTIONS et MATEX PRODUCTIONS présentent' , étant relevé que la société Jean-Claude CAMUS PRODUCTIONS, anciennement CAMUS & CAMUS PRODUCTIONS, fait connaître, par un courrier de son président en date du 24 octobre 2008 qu'elle soutient l'action engagée par Roland MAGDANE et la société MATEX PRODUCTIONS en contrefaçon des oeuvres représentées au spectacle MAGDANE CRAQUE dont elle a assuré la co-production ;

Que la mention 'TF1 vidéo' apparaissant sur ces jaquettes n'est pas de nature, contrairement à ce que soutient la DAILY MOTION, à entretenir un doute quant à la qualité de producteur de la société MATEX PRODUCTIONS, dès lors que TF1 vidéo est cité sous la qualité de distributeur ;

Considérant que la société intimée prétend encore que les sketches litigieux figurent au catalogue de la SACEM impliquant l'adhésion des auteurs aux statuts de la société d'auteurs et, en conséquence, l'apport à celle-ci des droits patrimoniaux d'auteur ;

Qu'il lui est justement répliqué que l'adhésion à la société d'auteurs n'est pas un acte de disposition susceptible de priver de ses droits celui qui y consent mais un acte d'administration par lequel la société de gestion collective se voit conférer, dans le seul intérêt de l'auteur, la perception et la répartition des droits produits par l'exploitation de l'oeuvre ; qu'elle n'exclut pas, en conséquence, la possibilité pour Roland MAGDANE et pour la société MATEX, cessionnaire des droits d'exploitation sur les oeuvres en cause, d'agir pour la défense de leurs droits ;

Considérant que la société DAILY MOTION soutient enfin, cette fois sans soulever d'objection de la part des appelants, que les demandes formées au titre des droits patrimoniaux d'auteur sur les sketches les questions, le réveil électronique sont irrecevables à défaut de mise en cause des co-auteurs Pierre LEGARRE et Pierre LABELLE ;

Et considérant qu'en application des dispositions de l'article L.113-3 du Code de la propriété intellectuelle selon lesquelles les co-auteurs doivent exercer leurs droits d'un commun accord, la recevabilité de l'action en justice engagée pour la défense des droits patrimoniaux d'auteur est subordonnée à la mise en cause des co-auteurs de l'oeuvre ;

Que, par voie de conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu la recevabilité de Roland MAGDANE et de la société MATEX à agir pour la défense de leurs droits exception faite pour les droits patrimoniaux attachés aux sketches les questions et le réveil électronique, sauf à préciser que le sketch la vie au cinéma visé pareillement retenu par les premiers juges au nombre des oeuvres relevant de cette exception n'est pas revendiqué en cause d'appel ;

*sur le fond,

Sur la nature du service offert par la société DAILY MOTION,

Considérant que la société DAILY MOTION expose en substance que le service en cause permet à quiconque préalablement inscrit, (l'Utilisateur),

- de créer un espace personnel au sein duquel il a la faculté de mettre en ligne et de stocker ses vidéogrammes personnels,

- d'autoriser l'accessibilité à cet espace personnel, soit par l'ensemble de la communauté des internautes, soit par un cercle plus ou moins large en fonction de critères qu'il aura déterminés, ou au contraire de l'interdire pour se le réserver à titre exclusif,

- d'attribuer à chacun de ses contenus un élément d'identification notamment au regard d'un classement par rubrique (Animaux - Extrême - Amusant - News - etc..) et de créer les mots- clés permettant de le référencer au sein du moteur de recherche du service,

- d'accéder, dans les limites de l'autorisation qu'ils auront accordée, aux espaces personnels des autres Utilisateurs et de visionner leurs contenus,

- de poster des commentaires,

- de modifier à tout moment les modalités de l'accessibilité à son espace personnel,

- de retirer à tout moment l'un quelconque de ses contenus voire tous ses contenus ;

Qu'elle précise que les espaces personnels sont rendus accessibles aux autres Utilisateurs au moyen d'une interface de visualisation dénommée 'player' mais en aucun cas par téléchargement sur le disque dur de ces Utilisateurs en sorte que doit être regardé comme un détournement de la finalité du service un téléchargement qui serait effectué au moyen des fonctionnalités d'un site tiers ;

Qu'elle entende souligner ainsi que le partage réalisé par l'intermédiaire de sa plate-forme s'inscrit dans les limites d'une visualisation des contenus de telle manière que toute décision de retrait visant un contenu donné emporte son inaccessibilité totale dès lors que la constitution d'une copie n'est pas rendue possible eu égard aux fonctionnalités d'interfaçage mises en oeuvres ;

Qu'elle fasse observer que dans un tel contexte opérationnel, l'Utilisateur conserve la maîtrise complète de ses choix et qu'elle ne dispose pour sa part d'aucun pouvoir de contrôle ni d'intervention sur les espaces personnels qui relèvent de la liberté éditoriale de leur titulaire ;

Qu'elle soutient répondre en conséquence à la définition du fournisseur d'hébergement au sens de l'article 6- I-2 de la LCEN qui regarde comme tel les personnes physiques ou morales qui assurent , même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services et conteste en tout état de cause, dès lors qu'elle n'a pas le pouvoir de déterminer les contenus devant être mis à la disposition du public, relever du statut de l'éditeur que les appelants entendent lui attribuer pour la voir supporter la responsabilité qui en résulte ;

Considérant que sans opposer de démenti au mode opérationnel du service tel que ci-dessus décrit, qui sera dès lors tenu pour constant, les appelants font grief à la société DAILY MOTION de se prévaloir indûment de la qualité de prestataire technique en ce qu'elle déploie une activité qui relève en réalité de l'édition de contenus ;

Qu'ils entendent faire valoir à cet égard :

- qu'elle développe une stratégie de violation des droits d'auteur dès lors que son succès repose non pas sur le stockage de vidéos d'amateurs mais sur la diffusion d'oeuvres protégées et par là-même sur la contrefaçon,

- qu'elle se livre à une exploitation commerciale des contenus par la vente d'espaces publicitaires dont le produit est directement corrélé à l'audience du site,

- qu'elle fait des choix éditoriaux en confectionnant l'architecture du site, en le structurant et en l'organisant de manière à le rendre attrayant et convivial,

- qu'elle opère, dans le cadre du programme 'motiomaker', une sélection des contenus qui seront mis en ligne mais aussi de ceux qui seront mis en exergue en page d'accueil du site ;

Qu'il importe toutefois de relever, à titre liminaire, que l'affirmation soutenue d'emblée par les intimés selon laquelle le litige doit être apprécié en tenant compte du fait que la société DAILY MOTION a bâti son succès commercial sur le piratage massif de contenus protégés, paraît devoir être tempérée au regard d'éléments de la procédure qui permettent d'établir :

- que l'opérateur prend des mesures de mise en garde et d'alerte visant précisément à prévenir les atteintes aux droits d'auteur d'abord, en soumettant l'inscription au service à l'adhésion par l'utilisateur aux Conditions d'Utilisation qui affichent notamment sous le titre Votre responsabilité d'utilisateur les mentions suivantes Vous êtes tenu au respect des dispositions légales et réglementaires en vigueur. Il vous appartient en conséquence de vous assurer que le stockage et la diffusion via le site ne constitue pas (i) une violation des droits de propriété intellectuelle de tiers (notamment, clips, émissions de télévision, courts, moyens et/ou longs métrages, animés ou non, publicités que vous n'avez pas réalisés personnellement ou pour lesquels vous ne disposez pas des autorisations nécessaires des tiers titulaires de droits sur ceux-ci , ensuite en soumettant pareillement chaque mise en ligne à l'acceptation préalable par l'utilisateur des Conditions d'Utilisation expressément rappelées dans les termes suivants Il est de votre responsabilité exclusive de vous assurer que votre contenu est conforme aux Conditions d'Utilisation et notamment (...) ne constitue ni une violation des lois et réglementations, ni une violation des droits des tiers (...) Liste non exhaustive :(...) - Respecter les droits d'auteur) , en facilitant enfin le signalement des contenus contrefaisants par l'insertion dans chaque page de visionnage du lien Signaler cette vidéo dont la mise en oeuvre donne accès à un court formulaire dans lequel tout titulaire de droits privatifs peut s'identifier et exposer ses griefs,

- qu'il intègre depuis 2007 les technologies développées respectivement par les banques de données de la société AUDIBLE MAGIC et de l'Institut National de l'Audiovisuel qui reposent sur une reconnaissance d'empreintes numériques et permettent la détection, entraînant le rejet automatique avant la mise en ligne, de tout contenu préalablement signer dans les banques précitées,

- qu'il initie par ailleurs un programme de partenariats avec les utilisateurs qu'ils soient non-professionnels ou professionnels (sociétés de production, sociétés de télédiffusion) destinés à promouvoir les créations originales des premiers et à favoriser l'exploitation des catalogues des seconds dans le cadre desquels, il bénéficie de droits de cession ou de licence sur les contenus concernés et admet expressément agir en qualité d'éditeur dès lors qu'il a tout pouvoir de décision quant à la mise en ligne de ces contenus ;

Considérant, ceci étant posé, que les appelants conviennent expressément (page 12 de leurs écritures) que la LCEN distingue au sein des services de communication au public en ligne entre le service hébergeur, qui répond à la définition précitée de l'article 6-I-2 d'où il résulte que sera tenu comme tel le prestataire qui met à la disposition du public le stockage de contenus fournis par les destinataires de ce service et le service éditeur, qui a le pouvoir de déterminer et de sélectionner les contenus destinés à être mis à la disposition du public en sorte que, le critère du partage ainsi opéré réside dans la capacité de contrôle du service sur les contenus mis en ligne ;

Or considérant qu'au regard du critère précité, l'exploitation du site par la commercialisation d'espaces publicitaires, dès lors qu'elle n'induit pas une capacité d'action du service sur les contenus mis en ligne, n'est pas de nature à justifier de la qualification d'éditeur du service en cause ;

Qu'il importe d'observer en effet que la LCEN prévoit expressément que le service hébergeur puisse être assuré même à titre gratuit, auquel cas il est nécessairement financé par des recettes publicitaires et qu'elle n'édicte, en tout état de cause, aucune interdiction de principe à l'exploitation commerciale d'un service hébergeur au moyen de la publicité ;

Qu'il doit être par ailleurs relevé que n'est pas démontrée en l'espèce une relation entre le mode de rémunération par la publicité et la détermination des contenus mis en ligne dès lors qu'il est constaté que sont ouverts aux annonceurs les pages d'accueil et les cadres standards d'affichage du site à l'exclusion des espaces personnels des utilisateurs ; qu'ainsi, le service n'est pas en mesure d'opérer sur les contenus mis en ligne un quelconque ciblage publicitaire de manière à tirer un profit d'un contenu donné et à procéder par là-même à une sélection de ces contenus qui serait commandée par des impératifs commerciaux ;

Qu'en vertu de ce même critère, sont pareillement dénuées de pertinence les objections des appelants selon lesquelles la société intimée ferait oeuvre d'éditeur en dotant le site d'une architecture au moyen de laquelle elle s'approprierait les contenus mis en ligne en les soumettant à des opérations de réencodage et de formatage ;

Qu'il doit être à cet égard observé que le réencodage de nature à assurer la compatibilité de la vidéo à l'interface de visualisation, de même que le formatage destiné à optimiser la capacité d'intégration du serveur en imposant une limite à la taille des fichiers postés sont des opérations techniques qui participent de l'essence du prestataire d'hébergement et qui n'induisent en rien une sélection par ce dernier des contenus mis en ligne, que par ailleurs, la mise en place de cadres de présentation et la mise à disposition d'outils de classification des contenus sont justifiées par la seule nécessité, encore en cohérence avec la fonction de prestataire technique, de rationaliser l'organisation du service et d'en faciliter l'accès à l'utilisateur sans pour autant lui commander un quelconque choix quant au contenu qu'il entend mettre en ligne ;

Considérant enfin que les appelants visent manifestement à introduire la confusion en évoquant le programme 'motionmaker', à l'évidence étranger au service objet du présent litige, force étant de relever que ce programme est issu du partenariat (évoqué plus haut) contracté par la société DAILY MOTION avec des utilisateurs non professionnels dans le but de promouvoir les créations originales de ces derniers et que, dans un tel cadre, la société DAILY MOTION reconnaît formellement agir en qualité d'éditeur et non plus d'hébergeur dès lors que lui revient effectivement l'initiative de la mise en ligne de ces contenus ;

Considérant que force est de conclure au terme de ces développements que c'est à raison que la société DAILY MOTION entend bénéficier en la cause du statut d'intermédiaire technique au sens de l'article 6-I-2 de la LCEN ;

Que le jugement entrepris mérite confirmation en ce qu'il a accédé à cette prétention ;

Sur les responsabilités encourues par la société DAILY MOTION,

Considérant que les appelants reprochent à la société DAILY MOTION d'avoir manqué en toute hypothèse aux obligations attachées à ce statut faute d'avoir retiré promptement les contenus illicites portés à sa connaissance et d'avoir mis en oeuvre les moyens nécessaires pour rendre impossible leur remise en ligne, qu'ils abandonnent toutefois le grief précédemment soumis aux premiers juges , tiré du défaut de conservation des données personnelles de nature à permettre d'identifier les auteurs des mises en ligne illicites ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6-I-2 de la LCEN Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ;

Et qu'au sens de l'article 6-I-5, La connaissance des faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu'il leur est notifié les éléments suivants :

- la date de la notification ;

- si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ;

- les nom et domicile du destinataire ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social ;

- la description des faits litigieux et leur localisation précise ;

- les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;

- la copie de la correspondance adressée à l'auteur ou à l'éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l'auteur ou l'éditeur n'a pu être contacté ;

Qu'enfin, en vertu de l'article 6-I-7, Les personnes visées aux 1 et 2 c'est-à-dire tant les fournisseurs d'accès que les fournisseurs d'hébergement ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ;

Considérant que par ces dispositions, la LCEN a entendu, sous réserve de mesures particulières édictées en considération de l'intérêt général attaché à la répression de l'apologie des crimes contre l'humanité, de l'incitation à la haine raciale, de la pornographie enfantine, de l'incitation à la violence et des atteintes à la dignité humaine, conférer à l'hébergeur un régime spécial de responsabilité qui repose sur le principe selon lequel il ne saurait être réputé avoir a priori connaissance du caractère illicite des contenus fournis par les utilisateurs ni soumis à une obligation générale de contrôle préalable de ces contenus en sorte que sa responsabilité ne sera engagée que dans l'hypothèse où, ayant eu effectivement connaissance de la présence d'un contenu illicite sur la plate-forme d'hébergement, il n'aurait pas agi promptement aux fins de le retirer ou d'en interdire l'accès ;

Considérant qu'il résulte en l'espèce des pièces versées aux débats que Roland MAGDANE, par l'intermédiaire de son conseil, a adressé à la société DAILY MOTION une lettre recommandée en date du 22 juin 2007 par laquelle il se plaignait de la diffusion sur le site [...] de nombreux sketches de Roland MAGDANE , lui demandait de justifier des autorisations dont elle disposait et, dans l'hypothèse où elle n'aurait acquis aucun droit, de cesser toute diffusion ; que la société DAILY MOTION a répondu dans les mêmes formes le 26 juin 2007 qu'elle avait procédé à la suppression des contenus qu'elle avait pu identifier que toutefois, eu égard au volume chargé quotidiennement, le retrait total des contenus incriminés n'était pas garanti à défaut d'avoir eu communication de l'adresse URL des pages Player concernées et proposait à cet effet de recourir à la procédure de traitement rapide des signalements de contenus illicites qui met en oeuvre le lien Signaler cette vidéo ;

Or considérant que le courrier recommandé du 22 juin 2007 ne renseigne aucunement, ni sur les oeuvres, précisément individualisées, revendiquées au titre des droits d'auteur, ni sur les contenus, clairement identifiés, querellés pour atteinte à ces droits et ne saurait, par voie de conséquence, être regardé comme valant notification au sens des dispositions précitées de la LCEN qui requièrent du notifiant une description et une localisation précises des faits litigieux de manière à permettre au service d'hébergement de reconnaître, dans la masse des documents stockés, les contenus contestés ; que Roland MAGDANE s'est gardé de joindre à son envoi recommandé le constat d'huissier qu'il avait fait établir le 17 juin 2007 qui aurait permis à l'opérateur de disposer d'éléments plus précis pour identifier ces contenus mais qui ne lui a été communiqué qu'avec l'assignation introductive d'instance du 14 septembre 2007 ;

Que force est de relever qu'aux termes de cette assignation Roland MAGDANE et la société MATEX invoquaient la diffusion illicite de séquences vidéo issues du seul DVD MAGDANE CRAQUE et qu'au vu du tableau comparatif versé aux débats par les appelants en pièce 13 , le seul sketch extrait de ce DVD dont la présence sur le site est incriminée au titre du manquement de l'hébergeur à l'obligation de prompt retrait, l'adolescent , a fait l'objet d'un procès-verbal de constat du 18 septembre 2007 ;

Or considérant que le délai écoulé entre l'assignation du 14 septembre 2007 visant expressément l'atteinte portée aux droits de propriété intellectuelle sur les sketches compilés sur le DVD MAGDANE CRAQUE et le 18 septembre 2007 date à laquelle a été constatée la présence en ligne d'une séquence de ce DVD n'est pas de nature à caractériser à la charge de la société DAILY MOTION un manquement à son obligation de retirer promptement les contenus signalés comme illicites ;

Que les appelants n'ont pu relever au demeurant, postérieurement à la date du 18 septembre 2007, aucune présence en ligne d'un quelconque contenu issu du DVD MAGDANE CRAQUE, objet selon les écritures de la société DAILY MOTION de la mise en application du procédé d'empreintes précédemment évoqué destiné à faire obstacle à sa remise en ligne ;

Considérant que les premiers juges ont exactement relevé que le DVD MAGDANE SHOW n'a été invoqué dans le présent litige que le 29 janvier 2008 avec les conclusions signifiées ce même jour par Roland MAGDANE et la société MATEX PRODUCTIONS et la communication, visée en annexe de ces conclusions, du DVD en cause ;

Que les appelants fassent grief à la société DAILY MOTION, à l'appui d'un procès-verbal de constat du 14 mars 2008 d'avoir maintenu en ligne un extrait du sketch Benoit issu du DVD MAGDANE SHOW dont la présence sur le site avait été constatée le 17 septembre 2007 ;

Mais considérant que force est de constater que le contenu litigieux n'a pu faire l'objet d'une notification que le 20 mai 2008 avec la production aux débats du procès-verbal de constat du 14 mars 2008 à compter de laquelle la société DAILY MOTION a été mise en mesure de corréler précisément l'oeuvre revendiquée au titre des droits d'auteur, soit l'ensemble des sketches compilés dans le DVD MAGDANE SHOW , et le contenu contesté comme pour atteinte à ces droits et que n'est pas établie le maintien ou la remise en ligne, postérieurement à cette notification, du sketch Benoit ;

Qu'il s'ensuit de ces éléments que faute par les intimés d'administrer la preuve d'un manquement par la société DAILY MOTION à l'obligation qui lui incombe en qualité de prestataire technique de retirer promptement tout contenu illicite dûment notifié et d'en interdire l'accès, sa responsabilité civile ne saurait être engagée en sorte que, les demandes des appelants doivent être rejetées comme dépourvues de fondement ;

PAR CES MOTIFS,

Confirmes-en celles de ses dispositions soumises à la cour le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne in solidum Roland MAGDANE et la société MATEX PRODUCTIONS aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et à verser à la société DAILY MOTION une indemnité de 20 000 euros au fondement des dispositions de l'article 700 de ce même Code.