CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 24 juin 2011, n° 10/12848
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
M. Di Nella
Défendeur :
Image et Compagnie (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Girardet
Conseillers :
Mme Regniez, Mme Nerot
Avoués :
SCP Fanet Serra, Me Huyghe
Avocats :
Me Favaro, Me Baratelli
Durant l'automne et l'hiver 1998-1999, Monsieur Giorgio Di Nella a pris l'initiative de réaliser un film documentaire ayant pour thème la batellerie française confrontée, en particulier, à l'ouverture à la concurrence du service.
A la recherche de partenaires financiers, il s'est rapproché de la société de production Image et Compagnie, dirigée par Monsieur Serge Moati ; elle lui a adressé deux projets de contrats datés du 14 novembre 2001 intitulés 'contrat réalisateur documentaire' et 'convention de coproduction' qui n'ont pas été finalisés.
Ce film documentaire a été diffusé sur la chaîne de télévision La Cinquième, devenue France 5, le 21 janvier 2002 puis, sur trois autres chaînes, le 27 novembre 2004.
En dépit de leur échange de courriers au cours de l'année 2002, Monsieur Di Nella et la société Image et Compagnie n'ont pu parvenir à établir une convention portant sur leurs droits respectifs si bien que Monsieur Di Nella a saisi la juridiction des référés, obtenant en première instance la remise de divers documents ainsi qu'un master du film et, en appel, la désignation de Monsieur Gérard Mareuil en qualité d'expert.
Ce dernier, notamment chargé d'établir le compte justifié des dépenses et des recettes, a déposé son rapport le 29 janvier 2005.
Revendiquant l'attribution de sommes au titre des bénéfices réalisés ainsi qu'à titre de dommages-intérêts, Monsieur Di Nella a, par acte du 16 février 2006, assigné au fond la société Image et Compagnie.
Par jugement rendu le 16 avril 2010, le tribunal de grande instance de Paris, après échec d'une médiation, a, avec exécution provisoire :
- constaté que les droits d'auteur de réalisateur de Monsieur Di Nella ont été cédés à la société Image et Compagnie, coproducteur du film documentaire intitulé 'voie d'eau' sur la base du projet de contrat daté du 14 novembre 2001,
- déclaré, cependant, illicite la clause de rémunération proportionnelle pour 'l'exploitation secondaire dérivée' calculée sur les recettes nettes-part producteur et dit qu'elle devra être calculée sur une assiette prix public,
- dit que Monsieur Di Nella et la société Image et Compagnie sont coproducteurs de ce documentaire et fixé à 50 % la part de chacun, étant précisé que l'assiette de répartition des recettes prendra en considération l'ensemble des subventions obtenues pour ce film ainsi que le prix de vente versé par la Cinquième,
- homologué les conclusions du rapport d'expertise ayant fixé les recettes de production à la somme de 65.795,92 euros, les charges à 50.244,21 euros et le résultat à 15.551,71 euros,
- condamné la société Images et Compagnie à verser à Monsieur Di Nella :
* la somme de 7.775,85 euros correspondant à sa part producteur, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
* la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,
* la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens comprenant le coût de l'expertise et de la médiation,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par dernières conclusions signifiées le 28 avril 2011 , Monsieur Giorgio Di Nella, appelant, demande à la cour, au visa des articles L 131-2, L 131-3, L 122-4, L 335-3, L 132-23, L 215-1 et L 335-4 du code de la propriété intellectuelle :
- sur la cession des droits d'auteur : d'infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que les droits d'auteur de réalisateur avaient été cédés à la société Image et Compagnie ; de dire qu'il n'a pas cédé ses droits en qualité de scénariste et de réalisateur et que l'exploitation réalisée par la société Image et Compagnie est constitutive de contrefaçon dans la mesure où elle a été effectuée en violation de ses droits d'auteur ; d'interdire sous astreinte à l'intimée toute exploitation du documentaire et de la condamner à lui verser la somme de 150.000 euros en réparation de la violation de ses droits d'auteur,
- sur la qualité de producteur : d'infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la société Image et Compagnie et lui-même étaient coproducteurs à parts égales ; de dire qu'il est le seul producteur du film documentaire, que l'exploitation réalisée par la société Image et Compagnie est constitutive d'une violation de ses droits de producteur ; de lui interdire, sous astreinte, la poursuite de l'exploitation de ce documentaire et de lui ordonner, sous astreinte, de remettre l'ensemble du matériel y afférent ; de condamner l'intimée au paiement de la somme de 150.000 euros en réparation de la violation de ses droits voisins de producteur,
- en tout état de cause : de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Image et Compagnie de ses demandes reconventionnelles en condamnant cette dernière au paiement de la somme de 8.000 euros au titre de ses frais non répétibles et à supporter les entiers dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 24 février 2011 , la société anonyme Image et Compagnie demande à la cour, visant les articles 31, 32 et 564 du code de procédure civile, de déclarer irrecevables les demandes nouvelles de Monsieur Di Nella tendant à la voir condamnée des chefs de contrefaçon de droits d'auteur et des droits voisins de producteur, de confirmer purement et simplement le jugement en condamnant Monsieur Di Nella à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de médiation qu'elle a avancés.
SUR CE,
Sur les fins de non-recevoir opposées à l'appelant :
Sur la demande portant sur la contrefaçon de droits d'auteur :
Considérant que pour opposer à Monsieur Di Nella l'irrecevabilité de ses prétentions indemnitaires à ce titre la société Image et Compagnie fait valoir qu'en huit ans de procédure, celui-ci n'a jamais invoqué la prétendue contrefaçon dont il ne se prévaut qu'en cause d’appel ; que l'examen de son acte introductif d'instance, de ses dernières conclusions et du jugement déféré en attestent ;
Que, ce faisant, il contrevient aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile et bafoue le principe du double degré de juridiction ;
Mais considérant que, comme en première instance, la demande de Monsieur Di Nella tend à voir sanctionner les actes de la société Image et Compagnie qui, selon lui, constituent des atteintes à ses droits d'auteur ;
Qu'il suffit de se reporter au contenu de ses dernières conclusions de première instance signifiées le 16 février 2010 ; qu'en particulier, en page 14/28, il écrivait, s'agissant de l'atteinte à ses droits patrimoniaux :
'Contrairement aux dispositions de l'article L 131-2 du code de la propriété intellectuelle, aucun contrat écrit n'est intervenu entre la société Image et Compagnie et Monsieur Di Nella concernant les droits d'auteur de ce dernier. En conséquence, la société Image et Compagnie est sans droit à exploiter le film documentaire 'voies d'eau'. Par ailleurs, dans la mesure où ses droits patrimoniaux n'ont jamais été cédés ...' ;
Que le tribunal, dont l'intimée ne soutient pas qu'il ait statué ultra petita, y a d'ailleurs répondu, en jugeant que les droits d'auteur de réalisateur de Monsieur Di Nella ont été cédés ;
Que cette fin de non-recevoir ne saurait, dès lors, prospérer ;
Sur la demande relative à la violation des droits voisins de producteur :
Considérant que l'intimée, présentant une autre exception de demande nouvelle à ce titre, soutient que l'appelant n'a jamais élevé de prétentions indemnitaires de ce chef et qu'il écrivait même, dans ses dernières conclusions de première instance ' Monsieur Di Nella doit recouvrer la totalité des autres droits attachés au film documentaire cédés à la société Image et Cie, notamment les droits musicaux indissociables de l'oeuvre, et ce afin de commercialiser seul ...' ;
Mais considérant que Monsieur Di Nella réitère devant la cour sa contestation portant sur la part contributive de la société Image et Compagnie à la production de l'œuvre, seul différant la présentation, par l'appelant, de l'apport de cette dernière, et qu'il demande à nouveau à être indemnisé en raison du préjudice subi ;
Qu'il convient de relever que le moyen de l'intimée s'appuie sur une citation tronquée des conclusions de première instance de Monsieur Di Nella puisque la phrase entière est la suivante :
'Par ailleurs, dans la mesure où ses droits patrimoniaux n'ont jamais été cédés par Monsieur Di Nella et que l'expertise de Monsieur Mareuil a démontré que la société Image et Cie n'a pas investi un centime dans la production du film 'voie d'eau', Monsieur Di Nella demande au tribunal de recouvrer la totalité des autres droits attachés au film documentaire (...)' ;
Que la demande de Monsieur Di Nella ne soit, par conséquent, pas nouvelle en sorte qu'elle ne saurait être déclarée irrecevable ;
Sur l'intérêt et la qualité à agir de Monsieur di Nella :
Considérant que l'intimée soutient encore que Monsieur Di Nella est irrecevable à agir en raison de l'apport de des droits sur l'oeuvre 'voie d'eau' à la Société Civile des Auteurs Multimédia (SCAM) ; qu'elle vise, outre les articles 31 et 32 du code de procédure civile et 2 des statuts de la SCAM, l'article 24 de son règlement général par lequel tout associé reconnaît à cette dernière qualité pour ester en justice ;
Mais considérant qu'à bon droit, Monsieur Di Nella soutient que son adhésion à cette société de gestion collective ne le prive pas de l'exercice de ses droits sur l'oeuvre dont il peut demander la protection, notamment en agissant en contrefaçon ;
Que cet autre moyen d'irrecevabilité ne peut davantage prospérer ;
Sur la cession de droit d'auteur et de réalisateur :
Considérant que l'appelant, rappelant le formalisme attaché à la formation des contrats d'auteur et soutenant qu'un accord de principe de reproduction ne vaut en aucun cas contrat de cession de droits d'auteur, fait valoir qu'aucun contrat de cession des droits d'auteur sur le scénario n'a jamais été conclu et qu'en sa qualité d'auteur du scénario il n'a jamais été rémunéré en contrepartie de l'exploitation de son œuvre ;
Que s'il a perçu une rémunération en novembre et décembre 2001 à hauteur de 12.348,37 euros, c'est en rétribution du travail technique qu'il a fourni (deux jours de tournage et trois semaines de montage) au bénéfice de l'intimée ; que la somme de 4.573,47 euros par ailleurs perçue ne s'analyse pas en une avance sur redevance acceptée comme telle mais une prime de commande non remboursable ;
Que ce n'est donc point en contrepartie de la cession de ses droits d'auteur sur la réalisation, comme en a jugé le tribunal en considérant, selon lui de manière erronée, que le projet de cession qui lui a été adressé le 28 décembre 2001 avait reçu un commencement d'exécution et qu'il y avait consenti ;
Qu'il entend, à cet égard, mettre en exergue la mauvaise foi de l'intimée qui, consciente de ne pas disposer d'un contrat de cession de ses droits de réalisateur a, en janvier 2002 et afin d'obtenir une subvention, produit auprès du Centre National de la Cinématographie (CNC) un 'contrat réalisateur documentaire' daté du 14 novembre 2001 (pièce 61) comportant des parafes et une signature de lui apocryphes ;
Considérant que la société Image et Compagnie poursuit, quant à elle, la confirmation du jugement et rétorque, en particulier, que l'écrit n'est exigé en matière de droits d'auteur qu'à des fins probatoires et que, conformément au contrat du 14 novembre 2001, lui ont été intégralement payées les sommes dues au titre de la réalisation et de la cession de ses droits d'auteur, soit les sommes de 12.348,37 euros et celle de 4.573,47 euros représentant un à-valoir ;
Qu'en tout état de cause, elle déduit du comportement de Monsieur Di Nella, qui ne s'est jamais opposé à la diffusion du film, qui a déclaré l'oeuvre à la SCAM en percevant des droits et n'a que tardivement contesté cette cession, qu'il a tacitement cédé ses droits d'auteur ;
Considérant, ceci exposé, que l'argumentation telle que présentée par la société Image et Compagnie (qui laisse sans réponse l'incrimination de faux qui lui est opposée) tend à démontrer qu'elle ne se prévaut pas de la signature du contrat du 14 novembre 2001, resté à l'état de projet de contrat en l'absence de signature de Monsieur Di Nella ;
Qu'il ne puisse être déduit de la perception non dénuée d'équivoque, par Monsieur Di Nella, des sommes que lui a versées la société Image et Compagnie (en établissant des feuilles de paie comptabilisant des heures de travail outre un document 'selon contrat du 14 novembre 2001") qu'il ait accepté les termes de ce projet de contrat ou se soit considéré comme rempli de ses droits ;
Que l'acquiescement tacite de Monsieur Di Nella ne soit que prétendu dans la mesure où il s'est refusé à signer le projet de contrat litigieux et que, dès le 26 juillet 2002 et par le truchement de son conseil (pièce 4), il écrivait : ' Il apparaît qu'à ce jour aucun contrat, pas plus de réalisation que de coproduction n'a été régularisé entre votre société et Monsieur Di Nella' ;
Que le jugement soit, par conséquent, infirmé en ce qu'il a constaté que les droits d'auteur de réalisateur ont été cédés sur la base du projet de contrat daté du 14 novembre 2001 ;
Sur le contrat de production :
Considérant qu'alors que l'intimée poursuit la confirmation du jugement partageant par parts égales les bénéfices en lui reconnaissant un apport personnel, Monsieur Di Nella critique le tribunal qui a, selon lui, par fausse appréciation de l'économie générale de la relation entre la société Image et Compagnie et lui-même ainsi que du travail accompli, reconnu à cette dernière la qualité de coproducteur à 50 % et demande à la cour de juger que cette société ne peut se prévaloir d'aucun droit sur le documentaire litigieux ;
Qu'il soutient qu'il ne suffit pas d'avoir participé au financement du film, seuls l'initiative, la responsabilité de la réalisation et le contrôle permanent sur l'œuvre caractérisant le producteur, et que, s'agissant de l'apport de l'intimée, tel n'est pas le cas ;
Considérant, ceci rappelé, qu'il convient, faute de convention liant les parties mais à la lumière des dispositions de l'article L 132-23 du code de la propriété intellectuelle qui définit le producteur de l'oeuvre audiovisuelle comme 'la personne physique ou morale qui prend l'initiative et la responsabilité de la réalisation de l'oeuvre' de rechercher le rôle d'impulsion, de direction et de coordination de la production qu'a pu tenir la société Image et Compagnie ;
Qu'il convient liminairement de relever qu'alors, que, dans son courrier à Monsieur Moati du 04 avril 2002, Monsieur Di Nella indiquait que la réalité de la collaboration 'se situerait plutôt du côté des 70/30 à mon avantage' (pièce 22 de l'intimée) et que, dans son acte introductif d'instance du 16 février 2006 (pièce 31), il reconnaissait l'apport, quoique modeste, de la société Image et Compagnie écrivant qu'il n'a consisté qu'en deux jours de tournage et demandait que soit fixée 10 % la part de bénéfices revenant à cette dernière, il ne produit aucun élément nouveau justifiant la position qu'il adopte désormais et qui consiste à dénier purement et simplement à l'intimée sa qualité de producteur ;
Que le tribunal, analysant de manière circonstanciée chacune des pièces soumises à son appréciation et qui sont à nouveau produites devant la cour, a, de manière pertinente et à la faveur de développements auxquels la cour se réfère, considéré que si Monsieur Di Nella pouvait se prévaloir de l'initiative de ce documentaire, de son montage et d'un important travail de recherche de financement au cours de l'année 2001, l'apport de la société Image et Compagnie à laquelle il a lui-même jugé nécessaire de s'adresser pour pouvoir obtenir la diffusion de l'oeuvre sur une chaîne de télévision lui a permis de donner à ce documentaire une tonalité nouvelle et concouru à son financement et à sa diffusion ;
Que la contestation de Monsieur Di Nella sur la qualité de producteur de la société Image et Compagnie ne saurait, par conséquent, être accueillie ;
Que même si celui-ci ne poursuit plus, comme en première instance, l'attribution de sa part de bénéfices, ainsi que le souligne l'intimée, il inclut dans sa demande indemnitaire venant réparer le préjudice subi en sa qualité de producteur la somme allouée par le CNC au titre du soutien automatique généré par la diffusion du film et en demande l'attribution intégrale ;
Que la demande ainsi formulée conduit à se prononcer sur la participation de chacun à la coproduction ;
Qu'il y a lieu de considérer sur ce point que le tribunal, en dépit d'une analyse pertinente de chacun des documents produits, n'en a pas tiré les conséquences qui s'imposaient en sous-estimant la participation de Monsieur Di Nella à la coproduction ;
Qu'eu égard à la part prépondérante que ce dernier a prise en prenant l'initiative du projet, en participant, avec l'aide et sous l'impulsion de la société Image et Compagnie, à sa finalisation et en recherchant des financements, sa collaboration à la coproduction sera plus justement fixée à 70 % ;
Sur les préjudices subis par Monsieur Di Nella :
Considérant que pour solliciter la réparation du préjudice qu'il a subi en sa qualité d'auteur, Monsieur Di Nella qui poursuit le versement d'une somme globale de 150.000 euros à ce titre, fait valoir qu'il a subi un préjudice à la fois moral, patrimonial et lié à la perte de chance d'exploiter son œuvre ;
Que pour affirmer qu'il n'a subi aucun préjudice, l'intimée rétorque que les difficultés professionnelles dont il fait état ne lui sont pas imputables, que l'exploitation du film documentaire 'voie d'eau' a été empêchée par le refus de Monsieur Di Nella de signer le contrat de coproduction qu'elle lui a soumis et qu'il a été rémunéré à hauteur de la somme de 16.922 euros en sa qualité d'auteur et de réalisateur du film ;
Considérant, ceci rappelé, que Monsieur Di Nella est fondé à se prévaloir du préjudice moral résultant du comportement de la société Image et Compagnie qui, se présentant comme unique producteur, a signé, sans recueillir son accord ni même le consulter, avec la société La Cinquième, le 05 novembre 2001, un 'contrat d'achats de droits-commande' portant sur la cession à titre exclusif et pour trois années des droits de diffusion du documentaire litigieux au prix de 31.000 euros (pièce 37) et qui, de plus, a communiqué au CNC dans les conditions sus-évoquées un contrat de réalisation portant sa signature imitée ;
Qu'eu égard au caractère équivoque des deux versements effectués par la société Image et Compagnie, le premier à l'occasion du supplément de tournage et des trois semaines de montage réalisés par Monsieur Di Nella à la fin de l'année 2001, le second en vertu d'un 'contrat du 14 novembre 2001" jamais signé, l'intimée ne peut prétendre qu'il a été pleinement rempli de ses droits patrimoniaux à ce titre ;
Qu'en revanche, Monsieur Di Nella qui a sollicité la collaboration de la société Image et Compagnie afin de pouvoir exploiter son oeuvre et qui ne conteste pas que son documentaire a été programmé en 2002 puis diffusé sur trois chaînes en 2004 à l'initiative de cette dernière, n'étaye par aucune pièce le grief selon lequel la violation de ses droits patrimoniaux d'auteur par la société Image et Compagnie l'aurait empêché, comme il l'affirme et alors qu'il disposait du master depuis juin 2003, de démarcher d'autres sociétés lui permettant d'assurer une exploitation permanente et suivie de son oeuvre ;
Qu'il ne peut davantage valablement imputer à faute à la société Image et Compagnie, au titre du préjudice professionnel qu'il invoque, le fait que les documentaires qu'il a ultérieurement réalisés ont été refusés par les diffuseurs auxquels il s'est adressé en prétendant que ces refus ont pour cause le conflit qui l'opposait à la société Image et Compagnie ;
Qu'en effet, ses difficultés sont antérieures au partenariat litigieux, ainsi que le révèlent ses propres pièces ; que les sociétés tierces à la présente procédure qu'il a démarchées ont motivé leur refus en considération du contenu des documentaires proposés ; qu'enfin, la société Image et Compagnie établit qu'en dépit du conflit qui les oppose depuis janvier 2002, elle a soumis à France 5 un nouveau documentaire de Monsieur Di Nella intitulé 'le Musée des promesses' en avril 2002, lequel, à l'instar d'autres documentaires étrangers au présent litige, a été refusé ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'atteinte portée aux droits moral et patrimonial d'auteur dont est titulaire Monsieur Di Nella sera réparé par l'allocation d'une somme de 12.000 euros ;
Considérant, s'agissant de la violation de ses droits de producteur, que Monsieur Di Nella en poursuit la réparation en sollicitant une autre somme de 150.000 euros qu'il s'abstient de ventiler ;
Qu'il fait cumulativement état des sommes retenues par l'expert, des conditions dans lesquelles la société a négocié la diffusion, sans son accord de coproducteur, de ce documentaire, et du fait que la société Image et Compagnie s'est abstenue d'entreprendre une action de promotion permettant une exploitation normale de l'oeuvre en ne l'inscrivant pas dans des festivals et marchés y attenant ;
Considérant, ceci rappelé, que le tribunal, sur la base du rapport d'expertise de Monsieur Mareuil établissant le compte justifié des dépenses et des recettes de production du documentaire pour parvenir à un résultat positif de 15.551,71 euros et en considération d'une part contributive de moitié de chacune des parties, a condamné la société Image et Compagnie à verser la moitié de cette somme à Monsieur Di Nella ;
Qu'eu égard à ce qui précède, la somme lui revenant à ce titre sera portée à 70 % du résultat obtenu par l'expert, soit à la somme de 10.886,20 euros ;
Qu'il est, par ailleurs, fondé à prétendre que la société Image et Compagnie a abusivement agi à l'égard des tiers comme unique producteur bénéficiant, comme tel, de la cession des droits exclusifs d'exploitation sur l'oeuvre et ne lui adressé spontanément ni comptes ni contrats ressortant de l'activité de production ;
Qu'en revanche, il ne démontre pas que celle-ci, à l'initiative de laquelle une première diffusion du documentaire a été assurée sur la Cinquième en janvier 2002 puis trois autres en novembre 2004, n'ait pas assuré une exploitation conforme aux usages de la profession, compte tenu de la masse des oeuvres disponibles, du volume des productions nouvelles et de la capacité de diffusion des chaînes, ni qu'elle ait entravé, comme il le prétend, l'exploitation qu'en qualité de coproducteur, il aurait pu lui-même assurer ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le préjudice de Monsieur Di Nella résultant de la violation de ses droits de producteur sera réparé par l'allocation d'une somme de 16.000 euros à ce titre ;
Considérant, enfin, que si Monsieur Di Nella demande que lui soit remis 'l'ensemble du matériel afférent au film documentaire', il est constant que le master lui a été remis le 05 juin 2003 et que, pour le surplus, sa demande est indéterminée en sorte qu'il ne peut y être fait droit, ainsi qu'en a jugé le tribunal ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à Monsieur Di Nella une somme complémentaire de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que, déboutée de ce dernier chef de prétentions, l'intimée supportera les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement à l'exception de ses dispositions portant sur la cession des droits d'auteur, sur la participation de chacune des parties à la production et relatives au montant de l'indemnisation des préjudices subis et, statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;
Rejette les fins de non-recevoir opposées à Monsieur Giorgio Di Nella ;
Dit que Monsieur Di Nella est fondé à se prévaloir de l'atteinte portée à ses droits d'auteur sur le scénario et sur la réalisation du documentaire 'voie d'eau' ;
Fixe à 70 % la part de Monsieur Di Nella et à 30 % celle de la société Image et Compagnie dans la production de ce documentaire ;
Condamne la société Image et Compagnie à verser à Monsieur Di Nella :
- la somme de 12.000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses droits d'auteur,
- la somme de 16.000 euros en réparation de violation de ses droits de coproducteur de l'œuvre,
- la somme complémentaire de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Image et Compagnie aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.