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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 15 avril 2021, n° 20/03132

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Cap Soleil (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Chazalette

Avocats :

Me Gambier, Me Percheron

TJ Rouen, du 21 sept. 2020

21 septembre 2020

FAITS ET PROCÉDURE

La Sci C.A.M dont Mme X était gérante qui exerçait une activité de location de logements et avait son siège <adresse> (76).

Le tribunal de grande instance de Rouen, par jugement du 23 juin 2016, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard et désigné Me Y en qualité de mandataire judiciaire, puis par jugement du 14 février 2017, a prononcé sa liquidation judiciaire.

Le passif définitivement admis s'élève à la somme de 10 375,37 ; de son actif, dépend un local commercial situé <adresse> (17e), constitué d'une boutique et d'une cave, faisant l'objet d'un bail commercial consenti à la Sarl Co & Co, dont Mme X est également gérante, qui exerce une activité de vente d'articles de décoration.

Me Y ès qualités, a recherché un acquéreur pour réaliser cet actif. Sept offres ont été reçues, la mieux-disante étant celle de la société Cap Soleil au prix net de 121 000 €.

Par requête du 14 octobre 2019, Me Y ès qualités, a saisi le juge commissaire de la procédure afin d'être autorisée à signer un compromis de vente du bien immobilier avec la société Cap Soleil au prix de 121 000 €. Par ordonnance du 18 novembre 2019, le juge-commissaire a fait droit à la requête.

La promesse a été signée le 19 décembre 2019. Le notaire rédacteur a initié la procédure visant à purger le droit de préemption du preneur à bail, par courrier du 6 janvier 2020. Par lettre recommandée avec avis de réception du 11 février 2020, la société Co & Co a notifié son intention de préempter.

Par ordonnance du 21 septembre 2020, rendue sur la requête de Me Y ès qualités, le juge commissaire du tribunal judiciaire de Rouen a :

- dit que la Sarl Co & Co, personne interposée au sens de l'article L. 642-3 du code de commerce, ne peut exercer son droit de préemption sur l'immeuble appartenant à la Sci C.A.M ;

- rejeté la demande formée par Mme X et par la Sarl Co & Co tendant à faire jouer ce droit de préemption ;

- autorisé Me Y à signer devant notaire l'acte définitif de vente de l'immeuble appartenant à la Sci C.A.M à hauteur de 121 000 au profit de la Sas Cap Soleil ;

- dit que les dépens seront employés en frais de la liquidation judiciaire.

Mme X en son nom personnel, la Sci C.A.M et la Sarl Co & Co représentées par Mme X, ont interjeté appel le 1er octobre 2020 intimant Me Y ès qualités (20/3132).

Aux termes de leurs dernières écritures en date du 10 novembre 2020 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, elles demandent à la cour, sous le visa des articles L. 145-46-1 et L. 642-20 du code de commerce, de :

- réformer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau

À titre principal,

- dire que le processus d'obtention des offres à l'effet de voir ordonner la vente de gré à gré du fonds de commerce de la Sci C.A.M est vicié pour ne pas avoir respecté le principe contradictoire d'obtention des offres présentées par les différents pollicitants et en violation du respect du droit de préférence du locataire commercial ;

- en conséquence, ordonner la nullité de la vente projetée dans ces conditions ;

Subsidiairement,

- ordonner la cession du bien immobilier sis <adresse> 75017 Paris faisant partie de l'actif de la liquidation judiciaire de la Sci C.A.M au profit de la Sarl Co & Co et moyennant un prix net vendeur de 121 000 € payable comptant ;

- employer les dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la Sci C.A.M.

Me Y, en qualité de liquidateur de la Sci C.A.M, aux termes de ses dernières écritures en date du 2 décembre 2020 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour, sous le visa des articles L. 145-46-1 et L. 642-3 du code de commerce, de :

- déclarer la Sci C.A.M, la Sarl Co & Co et Mme X irrecevables en leur appel ;

- condamner la Sarl Co & Co et Mme X à lui payer la somme de 2 500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Scp Stream qui affirme en avoir fait l'avance ;

Subsidiairement

- lui donner acte qu'elle s'en rapporte à la sagesse du parquet général et de la cour sur les mérites de l'appel au fond.

Mme X en son nom personnel, la Sci C.A.M et la Sarl Co & Co représentées par Mme X, ont interjeté appel le 11 décembre 2020, intimant la société Cap Soleil (20/4056).

Par acte délivré à personne morale le 23 décembre 2020, elles ont fait signifier à la Sas Cap Soleil la déclaration d'appel du 1er octobre 2020, la déclaration d'appel du 11 décembre 2020, les deux calendriers de procédure, leurs conclusions et pièces.

La société Cap Soleil n'a pas constitué avocat.

Les deux instances ont été jointes sous le seul numéro 20/3132 par ordonnance du 6 janvier 2021.

SUR CE,

Sur l'irrecevabilité de l'appel

Me Y ès qualités, fait valoir que l'appel de Mme X est irrecevable en ce qu'il n'était pas dirigé contre l'acheteur, la société Cap Soleil. Elle observe que par application de l'article 553 du code de procédure civile, en cas d'indivisibilité entre plusieurs parties, l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance. Elle fait valoir que la société Cap Soleil, partie au litige puisque bénéficiaire de l'ordonnance, n'ai pas été intimée devant la cour.

Ce moyen manque en fait et sera rejeté puisque Mme X a interjeté appel à l'encontre de la société Cap Soleil le 11 décembre 2020, avant de lui dénoncer les actes de la procédure ce second appel ; ce second appel en raison de l'indivisibilité du litige est recevable ainsi que le prévoit l'article 552 alinéa du code de procédure civile, et vient régulariser le premier.

Sur la nullité de la vente

Mme X fait valoir que le processus d'obtention des offres est vicié pour ne pas avoir respecté le principe contradictoire d'obtention des offres présentées par les différents pollicitants. Elle soutient qu'il aurait dû y avoir un processus d'offre sous plis cachetés seul à même de préserver les intérêts des pollicitants et de la procédure collective.

Dans sa requête du 14 octobre 2019, Me Y a rappelé les diligences accomplies pour rechercher un acquéreur. Il en résulte qu'après avoir expédié un courrier circulaire à 32 agences immobilières situées dans le secteur du quartier de Paris où se trouve le bien, Me Y a reçu 7 offres qui ont été mises en concurrence, chaque candidat étant appelé à améliorer son offre, à mesure que le quantum offert était majoré par l'un ou l'autre des candidats.

A l'issue de ces opérations, l'offre de la société Cap Soleil a été retenue comme étant la mieux-disante à 121 000 €, à mettre en rapport avec la valeur vénale de 97 000 € retenue en mai 2019 par l'expert-foncier désigné par le juge-commissaire. La critique du processus de mise en concurrence des offres et de détermination de la valeur du bien n'apparaît donc pas fondée.

Dans ces conditions, et alors que la procédure d'offre sous pli cacheté n'est pas imposée par la loi, il y aura lieu de rejeter la demande de nullité.

Sur le droit de préemption de la société Co & Co

En vertu de l'article L. 642-3 du code de commerce, les offres de reprises, dans le cas de cession d'un actif, ne peuvent être présentées ni par le débiteur, ni par les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, directement ou par personne interposée. Le tribunal peut déroger à cette interdiction par jugement spécialement motivé, mais seulement sur la requête du ministère public.

Le droit de préemption du locataire, prévu par l'article L. 145-46-1 du code de commerce, constitue un droit général auquel déroge l'article L. 642-3 du code de commerce, texte spécial qui doit recevoir application.

En l'espèce Mme I... était dirigeante de droit de la Sci C.A.M en liquidation. L'intervention de la Sarl Co & Co, dont elle est également associée et gérante, ne peut avoir pour effet de lever la prohibition de l'article L. 642-3, puisqu'elle s'analyse en une simple interposition de personne.

En outre, le ministère public n'a pas demandé de dérogation par voie de requête pour la société Co & Co. Il s'est même opposé à cette demande par avis joint à la procédure de première instance.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande formée par Mme X et par la Sarl Co & Co tendant à faire jouer ce droit de préemption.

Sur les autres demandes

Mme I... et la société Co & Co, qui succombent et seront tenues aux dépens, seront condamnées à payer la somme de 1 000 à la Sci C.A.M sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne Mme X et la Sarl Co & Co à payer à la Sci C.A.M, représentée par sa liquidatrice, la somme de 1 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme X et la Sarl Co & Co aux dépens d'appel, et dit que la Scp Stream pourra recouvrer directement contre les parties condamnées ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.