CA Bourges, ch. civ., 12 août 2021, n° 21/00263
BOURGES
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
H&L (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Waguette
Conseillers :
M. Perinetti, Mme Ciabrini
Avocats :
SELARL Alciat-Juris, SCP Blanchecotte-Boirin
EXPOSE DU LITIGE
M. F... B..., artisan, a fait l'objet d'une liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Nevers en date du 24 avril 2018 qui désignait la Selarl JSA en qualité de mandataire judiciaire.
Il dépendait de l'actif de la liquidation judiciaire des parts sociales détenues par le débiteur dans la SCI H&L qu'il avait constituée en 2008 en parts égales avec M. F... E... et dont ils étaient tous deux co-gérants.
La Selarl JSA, ès qualités, a saisi le juge-commissaire d'une requête, datée du 22 octobre 2020, pour être autorisée à procéder à la cession des parts sociales que le débiteur détenait dans la SCI H&L précisant avoir reçu une offre de M. F... E... à hauteur de 5.000 '.
Par ordonnance du 15 février 2021, le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de M. B..., a :
- autorisé la vente amiable de la SCI H&L, dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire, au profit de Mme A... B..., moyennant le prix payable comptant de 6.000 ',
- dit que les parts vendues resteront la propriété de la liquidation judiciaire jusqu'à complet paiement,
- dit que le défaut de paiement du prix de vente dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'ordonnance fera courir des intérêts de retard au taux légal,
- dit que la présente ordonnance sera notifiée par le greffier au moyen d'une lettre recommandée avec accusé de réception à M. F... B..., Mme A... B... et la SCI H&L et, par lettre simple au mandataire judiciaire.
La décision a été notifiée à la société H&L le 25 février 2021.
Une seconde ordonnance datée du 5 mars 2021 est venue rectifier la précédente.
Selon déclaration reçue au greffe de la cour de céans le 8 mars 2021, la SCI H&L ainsi que M.
F... E..., associé de la SCI, ont interjeté appel nullité de l'ordonnance du 15 février 2021.
Par dernières conclusions signifiées le 18 mai 2021, les appelants demandent à la cour de :
Vu l'article 905-2 du CPC,
Dire irrecevables les conclusions d'incident de mise en état prises par les consorts B...,
Vu les articles L.642-3 et L.642-20 du Code de Commerce,
Vu la Jurisprudence,
Recevoir la SCI H&L et Monsieur F... E..., en sa qualité d'associé de ladite SCI, en leurs appels et y faisant droit,
Déclarer nulle et de nul effet l'ordonnance rendue le 15 février 2021, par le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de Monsieur B...,
Condamner conjointement et solidairement Mademoiselle A... B... et Monsieur F... B... en tous les dépens ainsi qu'à régler à la SCI H&L et Monsieur F... E... la somme de 2.000 ' sur le fondement de l'article 700 du CPC
Au soutien de leurs prétentions, les appelants font valoir qu'à défaut de désignation d'un conseiller de mise en état s'agissant d'une procédure à bref délai les conclusions des intimés adressées à ce conseiller sont irrecevables.
Ils prétendent que la cession autorisée au bénéfice de la fille du débiteur est prohibée par l'article L. 642-20 du code de commerce qui prévoit une dérogation lorsque le juge-commissaire est saisi sur requête du ministère public ce qui n'est pas l'hypothèse puisque celui-ci n'a émis qu'un avis favorable à la requête formée par le mandataire.
Ils soutiennent encore que l'appel nullité est justifié dès lors que l'autorisation de cession des parts vaut vente à Mme B... laquelle cependant n'a pas été agréée à l'unanimité des associés comme le prévoient les statuts de la SCI H&L, cette formalité s'imposant nonobstant la liquidation judiciaire de l'associé titulaire des parts à réaliser. Il estime que le juge-commissaire a ainsi commis un excès de pouvoir justifié encore par le non-respect de la clause des statuts de la SCI qui lui offrent une faculté de rachat des parts sociales.
Le mandataire judiciaire n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions des appelants lui ont été régulièrement signifiées.
Par ordonnance du 3 juin 2021, le président de la chambre saisie a constaté d'office l'absence de conclusions régulièrement déposées par M. F... B... et Mme A... B... et prononcé l'irrecevabilité de toutes conclusions à venir de leur part.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Les intimés ont déposé leurs premières conclusions adressées au conseiller de la mise en état alors que, l'affaire ayant été fixée à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile, aucun conseiller de la mise en état n'avait été désigné dans ce cadre procédural. Ces conclusions sont restées sans suite et la cour n'en est pas saisie.
Par ordonnance du 3 juin 2021, le président de la chambre saisi a déclaré irrecevable toutes conclusions à venir de la part des intimés qui étaient hors délai pour ce faire.
Les intimés ont déposé des conclusions au fond adressées à la cour le 7 juin 2021 qui sont irrecevables en application de l'ordonnance du 3 juin 2021 susvisée.
La cour n'est donc saisie d'aucune conclusion recevable de la part des intimés et, en application des dispositions de l'article 472 du code de procédure civile, lorsqu'en appel l'intimé n'a pas conclu ou encore que ses conclusions aient été déclarées irrecevables, la cour statue néanmoins sur le fond et ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où elle les estime réguliers, recevables et bien fondés.
Sur la recevabilité de l'appel
L'ordonnance du juge-commissaire objet de l'appel a été notifiée à la SCI H&L mais non à M. E... contre lequel le délai d'appel n'a ainsi pas couru ; la notification à la SCI ayant été faite le 25 février 2021, elle disposait d'un délai de 10 jours à compter du lendemain de la notification pour interjeter appel. Ce délai expirait donc le 7 mars.
L'appel a été interjeté le 8 mars par la SCI H&L mais le 7 mars étant un dimanche, le délai était prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant soit le 8 mars en application de l'article 642 du code de procédure civile.
L'appel est donc recevable.
Sur les conditions requises de l'appel-nullité
La SCI H&L et M. E... ont déclaré dans leur acte d'appel qu'ils formaient un appel nullité ce qui implique de satisfaire à des conditions particulières, dérogatoires de l'appel ordinaire, qui supposent de démontrer que la décision appelée est entachée d'un vice particulièrement grave et non imputable à l'auteur du recours qui affecte la régularité intrinsèque de la décision.
La jurisprudence en matière de procédures collectives limite en réalité la recevabilité de l'appel-nullité au seul cas d'excès de pouvoir commis par le premier juge et adopte une conception restrictive de cette notion.
Les appelants invoquent deux irrégularités dans la décision du premier juge.
Ils font d'abord valoir que les dispositions de l'article L. 642-20 du code de commerce prohibent la cession des actifs du débiteur en liquidation judiciaire au profit des parents ou alliés jusqu'au deuxième degré inclusivement du débiteur et que, si une dérogation est autorisée, elle n'est cependant possible qu'à la requête du seul ministère publique, alors que le juge-commissaire a été saisi par le mandataire.
Toutefois, au regard de l'application restrictive, ci-avant évoquée, de l'excès de pouvoir, il n'apparaît pas que cette irrégularité constitue un vice suffisamment grave pour caractériser l'excès de pouvoir allégué puisqu'en effet, l'esprit du texte vise à ce que la dérogation soit appréciée par le ministère public pour éviter toute fraude et, en l'espèce, il résulte du dossier de première instance que le mandataire liquidateur, préalablement au dépôt de sa requête aux fins de céder à la fille du débiteur les parts sociales qu'il détenait dans la société H&L, a sollicité l'avis du ministère public par courrier du 25 novembre 2020, que le juge-commissaire a attendu, pour prendre sa décision, l'avis du procureur qui est intervenu le 26 janvier 2021 et était favorable à la dérogation sollicitée.
En second lieu les appelants invoquent la violation des statuts de la SCI H&L en ce que ni la clause d'agrément du cessionnaire ni le droit de préemption de l'associé F... E... n'ont été pris en compte par le juge-commissaire.
Ces irrégularités apparaissent suffisamment graves et, en outre, la lecture des statuts de la SCI H&L révèle (en page 13) que si un associé est mis en état de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire, de faillite personnelle ou encore s'il se trouve en déconfiture, cet associé cesse de faire partie de la société, qu'il n'en est plus que créancier et a droit à la valeur de ses droits sociaux déterminés conformément à l'article 1843-4 du Code civil.
Il en résulte que non seulement la clause d'agrément et le droit de préemption n'ont pas été respectés mais qu'encore le juge-commissaire ne pouvait céder les parts sociales de M. F... B... alors même qu'aux termes des statuts de la SCI, le débiteur avait de plein droit perdu sa qualité d'associé du fait de sa liquidation judiciaire et était devenu simplement créancier de la SCI pour la valeur de ses droits sociaux.
Dès lors, le juge-commissaire ne pouvait autoriser la cession des parts sociales à un tiers et le mandataire judiciaire ne pouvait que recouvrer la créance de son débiteur auprès de la société H&L.
En statuant comme il l'a fait, le juge-commissaire a commis un excès de pouvoir caractérisé et l'ordonnance entreprise sera donc annulée.
Les intimés n'étant pas cause de l'excès de pouvoir et de l'annulation subséquente qui ne profite qu'aux appelants, il sera dit que chacune des parties conservera la charge des dépens exposés pour les besoins de l'instance d'appel et qu'il n'y a lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Constate l'absence de toute conclusion recevable de la part de Mme A... B... et M. Christophe
Hauwel,
Constate qu'elle n'est saisie d'aucune demande de la part de ces intimés,
Dit recevable et fondé l'appel-nullité interjeté par la SCI H&L et M. F... E...,
Annules-en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge-commissaire du tribunal de commerce de Nevers en date du 15 février 2021,
Dit n'y avoir lieu à application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse à chacune des parties la charge des dépens personnellement exposés pour les besoins de l'instance d'appel.