Décisions

CA Agen, 1re ch. civ. sect. com., 15 mars 2023, n° 22/00079

AGEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Association Laïque de Gestion d'Etablissements d'Education et d'Insertion

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauclair

Conseillers :

M. Benon, M. Segonnes

Avocats :

Me Guilhot, Me Dufranc, Me Goudenège-Chauvin, Me Mounier

CA Agen n° 22/00079

14 mars 2023

Faits et procédure

Vu l'appel interjeté le 27 janvier 2022 par l'Association Laïque de Gestion d'Etablissements d'Education et d'Insertion ALGEEI à l'encontre d'un jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 14 décembre 2021.

Vu les conclusions de l'ALGEEI en date du 28 octobre 2022.

Vu les conclusions de Maître [W] [G] prise ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU STENICO en date du 21 novembre 2022.

Vu l'ordonnance de clôture du 23 novembre 2022 pour l'audience de plaidoiries fixée au 4 janvier 2023.

Issue de la Fédération des œuvres Laïques, ALGEEI a pour mission de promouvoir et d'assurer l'éducation, l'insertion sociale et professionnelle d'enfants et adultes handicapés ou rencontrant des difficultés familiales, scolaires, sociales ou médico-sociales dans le Lot et Garonne 15 établissements accueillant des enfants, et 11 établissements accueillant des adultes dont des Etablissements et Services d'Aide au Travail (ESAT). Ces établissements proposent des biens ou services aux particuliers comme aux entreprises, généralement facturés à un prix supérieur au prix du marché en contrepartie d'avantages fiscaux et de réduction de contributions.

Les ESAT dépendant de l'ALGEEI ne disposent pas de services commerciaux, elles ont conclu avec la société STENICO des contrats d'agence commerciale rémunérés à compter du 1er octobre 2013 à 55 % du chiffre d'affaires.

Par jugement du 14 avril 2017, le tribunal de commerce de LA ROCHELLE a adopté un plan de redressement avec reprise par la société STENICO RENOUVEAU, liquidée par jugement du 4 juillet 2017 communiqué aux ESAT le 4 août 2017.

Par décision du 12 septembre 2017 le conseil d'administration de l'ALGEEI a décidé de rompre pour manquements graves aux devoirs de loyauté et d'informations du mandant, tous les contrats liant les ESAT à la société STENICO, décision notifiée à la société STENICO par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 septembre 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 27 décembre 2017, le gérant de la société STENICO conteste les griefs avancés pour justifier la rupture et réclame paiement de commissions impayées.

Par acte d'huissier en date du 2 janvier 2019, la société STENICO a assigné l'ALGEEI en paiement les sommes de :

- 2.789.205,84 euros au titre d'une indemnité de rupture d'agent commercial ;

- 347.863,23 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 35.162,86 euros au titre de factures de commissions pour le mois d'octobre 2017 ;

- outre intérêts légaux à compter du 21 décembre 2017 ;

- ainsi qu'une indemnité de procédure de 2.000,00 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 28 août 2019 la société STENICO a été placée en liquidation judiciaire et la SCP [W] [G] a été désignée en qualité de liquidateur de cette société qui intervient à la procédure reprend les demandes de la société.

En réponse l'ALGEEI conclut au rejet des demandes et à titre reconventionnel à la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 7.096,65 euros à titre de commandes impayées et des décommissonnements y afférents, outre la somme de 10.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 14 décembre 2021, le tribunal judiciaire d'AGEN a :

- donné acte à la SCP [W] [G], ès qualités de mandataire liquidateur de la société STENICO, de son intervention volontaire,

- dit que la rupture du contrat ayant existé entre l'Association Laïque de Gestion d'Etablissements d'Education et d'Insertion ALGEEI et la société STENICO, sur le fondement du défaut de loyauté de l'agent commercial et le défaut d'information du mandant, n'est pas recevable,

- dit que s'agissant de la rupture du contrat entre l'ALGEEI et la société STENICO sur le fondement de la diminution du chiffre d'affaires de l'ALGEEI, il convient d'ordonner une expertise,

- ordonné avant dire droit une expertise judiciaire, et commis pour y procéder Monsieur [T] expert-comptable avec pour mission notamment de déterminer :

Et janvier 2015 et le 31 octobre 2017,

- fixé à 5.000,00 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert mise à la charge du mandataire liquidateur.

- réservé les autres demandes,

- réservé les dépens.

Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d'appel.

L'ALGEEI demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- débouter la SCP [W] [G] ès qualité de Mandataire Liquidateur à la liquidation judiciaire de la société STENICO de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société STENICO à la somme de 7 096,65 euros TTC.

- condamner la SCP [W] [G] ès qualité de Mandataire Liquidateur à la liquidation judiciaire de la société STENICO à lui payer la somme de 10.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que tout le dépens.

L'ALGEEI fait valoir en substance que :

- la société STENICO son agent commercial a manqué à son obligation de loyauté et d'information sur les aléas l'affectant à la suite du plan de redressement et la reprise par une société exerçant une activité concurrente, à la suite d'un plan social l'ayant désorganisée ce dont ses repreneurs ne l'ont pas informée et plus précisément :

- d'avoir de mars à septembre 2017 manqué à ses obligations de bon professionnel, en omettant tout à la fois de mettre en place et de maintenir, pour assumer correctement sa mission de prospection et de relance commerciale de la clientèle des ESAT de CASTILLE et AGNELIS un outil opérationnel ;

- d'avoir de ce fait, entraîné la chute de chiffre d'affaires déjà constatée depuis l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire en 2015 ;

- d'avoir sciemment dissimulé à son mandant les difficultés gravissimes auxquelles elle était confrontée et qui avaient une répercussion sur le chiffre d'affaires de celui-ci et, enfin, d'avoir foulé aux pieds son obligation d'information malgré mise en demeure.

- la société UNPACT, société concurrente de STENICO et qui a pris sa suite dans l'exécution des mandats après la rupture de la relation contractuelle avec STENICO et dans des conditions similaires, n'a pas commis d'acte de concurrence déloyale

- les chiffres avancés par STENICO au titre de ses commissions sont erronés ; aucune commission n'est due postérieurement au 5 octobre 2017 ; le compte entre les parties est créditeur en faveur de l'association sans qu'il soit nécessaire de recourir à une expertise.

Maître [W] [G] représentant la SCP [Y] [G], SCP de mandataires judiciaires de la SASU STENICO demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

- condamner l'ALGEEI à lui payer les intérêts sur l'ensemble des dites la somme de 4.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'instance, en ceux compris les frais de l'expertise judiciaire ordonnée. (Sic)

Maître [W] [G] ès qualités fait valoir que :

- la résiliation du contrat sera donc qualifiée comme unilatérale et à la diligence du mandant qui devra à son agent, le paiement des indemnités de fin de contrat.

- ALGEEI a résilié le contrat d'agence commerciale conclu depuis des décennies, pour confier sa prospection commerciale à une société, UNPACT

- il n'y a pas eu de chute du chiffre d'affaires à la suite de la procédure de redressement judiciaire même au cours de l'année 2017 alors qu'elle proposait la mise en œuvre d'un outils moderne de vente et télécommunication.

- elle n'a pas manqué à son obligation de moyens.

- elle est fondée à réclamer le paiement des indemnités de fin de contrat soit deux années de commissions sur la base des trois dernières années précédant la cessation du contrat et la réparation de son préjudice dont elle chiffre les montants.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la faute de l'agent commercial :

Aux termes de l'article L. 134-4, alinéa 2, du code de commerce, les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information.

Aux termes de l'article R.134-1 du code de commerce, l'agent commercial communique à son mandant toute information nécessaire à l'exécution de son contrat.

Le mandat stipule :

- article VII 1 : l'agent commercial organisera librement et en toute indépendance son activité de représentation, à laquelle il s'engage à apporter tout sa diligence

- article IX : obligation de l'agent commercial ; confidentialité : tant pendant le cours du présent contrat qu'après son expiration pour quelque cause que ce soit, l'agent commercial gardera strictement confidentiels les renseignements techniques et commerciaux qu'il aurait été amené à connaître sur le mandant et les produits fabriqués ou diffusés par celui-ci (').

- article XI : obligation bilatérale : information : afin de permettre, dans l'intérêt commun des parties, la pleine efficacité de leur collaboration, l'agent commercial s'engage à informer régulièrement le mandant de l'état du marché dans son secteur, des souhaits de la clientèle et des actions de la concurrence. A cette fin, il transmettra un rapport au mandant toutes les fois qu'une modification substantielle du marché apparaîtra (') ».

Aux termes de l'article L. 134-12 alinéa 1 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Aux termes de l'article L. 134-13 du code de commerce, la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1. La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;

Seule la faute grave, c'est-à-dire celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, est privative de l'indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale.

Il appartient au mandant de rapporter la preuve d'une telle faute. L'appréciation de la gravité de la faute ressort du pouvoir souverain des juges du fond.

Une faute grave ne suffit pas à justifier la privation du droit à indemnité. Encore faut-il que cette faute ait provoqué la cessation du contrat, qu'elle en soit donc la cause.

En l'espèce la lettre de rupture du mandat pour faute grave adressée par l'ALGEEI à la société STENICO en date du 21 septembre 2017 vise une lettre du 10 juillet 2017 dans laquelle le mandant invoque :

- une situation d'une particulière gravité affectant le fonctionnement des relations et induisant des conséquences négatives sur la qualité des performances du mandataire.

- un défaut d'information sur le plan de redressement reposant sur la reprise par un concurrent commercialisant les produits d'établissement concurrents du mandant.

- un défaut d'information sur la dégradation de la situation sociale du mandataire et du transfert des plate-formes de télévente à une société [Localité 3] rapidement mise en liquidation.

- le désordre social des sites de télévente du mandataire mettant gravement en péril la commercialisation de ses produits.

- un effondrement du chiffre d'affaires depuis le début de 2017 et depuis l'adoption du plan de redressement induisant un doute sur la pérennité de l'outils de commercialisation.

- un refus de rendez-vous pour apprécier les conséquences pour le mandant de la situation du mandataire et le constat qu'au 1er septembre 2017 la clientèle n'avait pas été réaffectée à de nouvelles plateformes après la liquidation de [Localité 3] et la disparition des plates-formes [Localité 4] et [Localité 5].

Elle relève un manquement du mandataire à son obligation de loyauté et d'information entre le 1er mars et le 1er septembre 2017 sur des décisions affectant fondamentalement la commercialisation des produits du mandant (filialisation des plateformes de télévente puis leur liquidation), alors que ledit mandataire bénéficie de l'exclusivité de la représentation commerciale du dit mandant.

Il est précisément reproché à l'agent commercial :

- d'avoir de mars à septembre 2017 manqué à ses obligations de bon professionnel, en omettant tout à la fois de mettre en place et de maintenir un outil opérationnel, pour assumer correctement sa mission de prospection et de relance commerciale de la clientèle des ESAT de CASTILLE et AGNELIS;

- d'avoir de ce fait, entraîné la chute de chiffre d'affaires déjà constatée depuis l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire en 2015 ;

- d'avoir sciemment dissimulé à son mandant les difficultés gravissimes auxquelles elle était confrontée et qui avaient une répercussion sur le chiffre d'affaires de celui-ci et, enfin, d'avoir foulé aux pieds son obligation d'information malgré mise en demeure.

Il en résulte que la période de commission des fautes graves alléguées par l'ALGEEI est comprise entre le 1er mars et le 1er septembre 2017. Cette période comprend les mois de juillet et août durant lesquels les entreprises sont fermées et l'activité (fourniture aux professionnels de produits de papeterie et d'entretien) est nécessairement réduite.

Il ressort des pièces produites que STENICO a porté à la connaissance de l'association :

- 20 mars 2012 : départ du président de STENICO maintien de l'interlocuteur de l'association M. [U]

- 12 juin 2012 : information sur les difficultés de trésorerie de l'agent commercial.

- 25 juillet 2012 : information sur le départ de salariés voulant détourner le fichier client.

- 29 novembre 2013 : information sur des difficultés de trésorerie résultant d'une baisse de chiffre d’affaires et d'une baisse des effectifs devant conduire à une restructuration.

- 26 octobre 2015 : information sur de nouvelles difficultés de trésorerie : mise en vente de bâtiments, plan de restructuration.

- 19 octobre 2015 : information sur l'ouverture de la procédure collective par décision du tribunal de commerce du 17 octobre 2015, désignation de maître [N] en qualité d'administrateur judiciaire, un PSE est envisagé.

- 6 juillet 2016 : information sur la seconde période d'observation, sur la présentation du tribunal d'un projet de reprise et de la volonté du tribunal de solliciter des repreneurs extérieurs.

- 11 novembre 2016 : information sur une nouvelle période d'observation, sur l'évaluation en cours des actifs immobiliers à apporter en garantie du passif, sur les perspectives de la procédure : consultation des créanciers et des élus sur le plan de continuation.

- 30 novembre 2016 : compte rendu de l'audience devant le tribunal de commerce, renvoi dans l'attente d'un retrait d'une demande d'extension (dont le motif est développé) formée par le mandataire judiciaire.

- 15 décembre 2016 : information sur le désistement de deux repreneurs et l'apparition d'une nouvelle intention de reprise par un industriel Alandia/Guyenne/Kapital, avec suspension du travail le 12 décembre pour une journée d'information du personnel sur cette reprise.

- 22 décembre 2016 : information sur la date définitive de dépôt des dossiers des repreneurs au 31 janvier 2017 et de la date de la nouvelle audience au 28 février 2017

- 6 mars 2017 : information sur la décision prise par le tribunal de commerce le 3 mars 2017 : adoption d'un plan de continuation, la société est confiée à M. [B] détenant une société dans la commercialisation de produits de papeterie et d'entretien via des partenaires des ESAT et EA, et maintien des emplois.

- 8 mars 2017 : information sur le maintien de M. [U] comme interlocuteur direction par M. [B], maintien du mandataire judiciaire pendant 45 jours avec communication des liens informatiques permettant de s'informer sur les nouveaux dirigeants et leurs entreprises avec les perspectives du repreneur : concentration du secteur et amélioration du management recherche d'une labélisation. Information sur l'opposition de l'UNEA et de ANDICAT

- 15 mai 2017 : lettre de M. [B] repreneur à l'ESAT [M] POULIN : information sur la prise de direction de l'entreprise, sur les oppositions rencontrées, et maintien de M. [U] interlocuteur habituel.

- lettre du 23 août de M. [U] STENICO à l'association en réponse à la lettre du 13 juillet 2017 : proposition d'un rendez-vous le 1er septembre dans les locaux d'IVOO pour expliquer la situation et évoquer ce que nous envisageons pour l'avenir.

Sont en outre produits aux débats les comptes rendus dans la presse des mouvements sociaux ayant ponctué la procédure collective en mars et juin 2017.

Un rendez-vous a été pris le 23 août 2017 pour le 1er septembre 2017 et le 12 septembre 2017 l'association a décidé de rompre le contrat.

Il apparaît qu'à compter de mai 2017 l'association n'apprend les difficultés d'organisation interne de l'agent commercial que par les mails des salariés de STENICO, soit :

- le 24 mai 2017 [X] [F] STENICO répond le lundi à [K] [O] AGNELIS qui lui a envoyé le vendredi trois mails sans réponse, 'nous sommes de nouveau connectés, nous avons été déplacés sur un autre site, impossible de vous joindre, puisque ni téléphone ni messagerie mail je prends connaissance des nombreux messages et essaye d'y répondre au mieux, de même pour l'envoi des journées, je m'y atèle dès que possible'

- 24 mai 2017 [X] [Z] ALGEEI à [J] [U] STENICO y a t-il un souci avec votre standard téléphonique car nous tentons de vous basculer des appels téléphonique de clients depuis deux jours mais cela ne répond pas

- 29 mais 2017 : [X] [F] : la situation est difficile moralement depuis la prise de pouvoir de la nouvelle direction mais nous avons à cœur de rester professionnelles pour nos partenaires... trois jours sans outils informatique...

- 1er juin 2017 : de la même je viens de vous le renvoyer [dossier [M]] parallèlement car bien envoyé chez vous mais notre réseau est très perturbé, peut-être n'est-il pas arrivé à destination

- 4 juillet 2017 Natacha commandes [Localité 6] informe [K] [O] : ... retour d'audience ce matin, nous sommes de nouveau en redressement et dans l'attente du compte rendu de la mandataire quant à la viabilité de [Localité 3] prochaine audience le 1er août.

Il peut être considéré que ce manquement à l'obligation de rendre compte d'une situation pouvant impacter l'exécution du mandat constitue une faute, cependant il faudrait que cette faute porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rende impossible le maintien du lien contractuel, c'est à dire qu'elle ait un impact effectif sur l'exécution du mandat se traduisant par une diminution significative du chiffre d'affaire indépendante des variations saisonnières et de l'évolution générale de l'activité pratiquée.

Il est rappelé que la période visée par la lettre de rupture court du 1er mars au 1er septembre 2017, et que le chiffre d’affaires de l'activité baisse depuis 2015 sans observations de l'association. Il semble que cette baisse est relative au trend de l'activité.

Les pièces qui permettent d'apprécier l'exécution du mandat sont le récapitulatif des bons de commande de mars à septembre pour 2015 à 2017 et les commissions perçues par l'agent commercial.

Le récapitulatif met en évidence que l'activité décroît sur ces trois années de mars à mai, avec un rebond en juin puis un point bas en août et une reprise en septembre. La baisse du nombre de commandes et de facturations a débuté avant la période visée par la lettre de rupture, il convient donc de rechercher pour établir une inexécution du mandat si l'écart s'est creusé entre les chiffres produits pour chacun des mois pour les années 2016 et 2017, étant relevé que la baisse est régulière sur tous les mois entre 2015 et 2016.

Delta du nombre de bons de commande :

Le montant des commissions doit être ramené au mois pour permettre une comparaison avec 2017 dont les résultats sont fournis pour neuf mois : il est de 2015 : 1.511.574,00 euros, soit 125.964,50 euros par mois ; 2016 : 1.310.340,00 euros soit 109.195,00 euros par mois, et 2017 sur 9 mois 699.772 euros soit 77.752,44 euros par mois.

Au vu de ces éléments, il apparaît que :

- la désorganisation établie de STENICO a perturbé l'exécution du contrat sans cependant faire obstacle à l'exécution du mandat, étant relevé que les chiffres du mois de septembre 2017 mettent en évidence une reprise comparable à celle des années précédentes, de sorte qu'il n'est pas établi que la refonte de l'outil de production, proposée par STENICO n'était pas de nature à permettre l'exécution du contrat

- la chute du chiffre d’affaires déjà existante avant la période visée par la lettre de rupture ne s'est pas accentuée au point de considérer que le mandat ne pouvait plus être exécuté d'autant que l'activité repartait en septembre sur le modèle des mois de septembre 2015 et 2016.

- les difficultés d'organisation connues du mandant n'ont pas fait obstacle à l'exécution effective du mandat.

Au vu de ces éléments il convient de dire que la faute grave de l'agent commercial au sens de l'article L. 134-13 privative du droit à l'indemnité de l'article L. 134-12-1 du code de commerce n'est pas établie.

Le jugement est réformé en ce sens.

2- Sur le montant de la réparation :

Compte tenu des termes des dispositifs des conclusions des parties déterminant l'étendue de la saisine de la cour, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il ordonne une expertise sur le montant des commissions dues à la société STENICO et le montant de l'indemnité consécutive.

3- Sur les demandes accessoires :

L'association ALGEEI succombe devant la cour, elle supporte la charge des dépens augmentée d'une somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,

Dans la limite de sa saisine,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- donné acte à la SCP [W] [G], ès qualités de mandataire liquidateur de la société STENICO, de son intervention volontaire,

- ordonné avant dire droit une expertise judiciaire, et commis pour y procéder Monsieur [T] expert-comptable avec pour mission notamment de déterminer :

et janvier 2015 et le 31 octobre 2017,

- fixé à 5.000,00 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert mise à la charge du mandataire liquidateur.

- réservé les dépens.

Et statuant à nouveau des chefs infirmés :

Dit que la faute grave de l'agent commercial au sens de l'article L. 134-13 privative du droit à l'indemnité de l'article L. 134-12-1 du code de commerce n'est pas établie,

Y ajoutant,

Condamne l'ALGEEI à payer à Maître [W] [G] représentant la SCP [W] [G], ès qualités de mandataire liquidateur de la société SASU STENICO la somme de 2.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'ALGEEI aux entiers dépens d'appel.