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Décisions

Cass. crim., 26 avril 2000, n° 00-80.151

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

M. Ruyssen

Avocat général :

M. Geronimi

Grenoble, ch. corr., du 25 nov. 1999

25 novembre 1999

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, du 25 novembre 1999, qui, pour outrage à une personne chargée d'une mission de service public dans l'exercice de ses fonctions, l'a condamné à 6 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire personnel produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 433-5 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 433-5 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que X..., qu'une instance civile opposait à un organisme bancaire, a fait l'objet de saisies pratiquées par Me Z..., huissier de justice ; qu'il a envoyé à celui-ci une lettre où il écrivait notamment : " je ne trouve pas de mot pour qualifier votre attitude qui consiste à multiplier les procédures et les actes pour tirer le maximum de profit d'une situation scandaleuse, honteuse et inouïe ; ceci étant, je suis maintenant habitué aux charognards qui recherchent par tous moyens à tirer profit de situations..., je vous laisse libre de faire votre travail, mais il y a quand même un minimum de décence, de probité et d'honnêteté intellectuelle à observer " ;

qu'il est poursuivi pour outrage à une personne chargée d'une mission de service public dans l'exercice de ses fonctions ;

Attendu que, pour déclarer X... coupable, la cour d'appel retient que la lettre n'a pas été adressée à l'organisme bancaire, mais à " Me Z..., huissier de justice ", non à titre privé mais dans le cadre de son activité professionnelle ; qu'elle ajoute que la matérialité de l'outrage et l'intention délictueuse résultent des termes mêmes utilisés, qui visent personnellement l'officier ministériel, le prévenu, clerc de notaire, n'ayant pu, en outre, se méprendre sur le sens et la portée de ses propos ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, la juridiction du second degré, qui a répondu aux conclusions déposées devant elle, a caractérisé en tous ses éléments, sans insuffisance ni contradiction, l'infraction reprochée au prévenu ;

Que les moyens, dès lors, ne sauraient être admis ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 433-5 du Code pénal, 2 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs, manque de base légale ;

Vu l'article 2 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ce texte, sauf disposition légale particulière, l'action civile ne peut être exercée, devant la juridiction répressive, que par la personne qui a subi un préjudice résultant directement de l'infraction ;

Attendu que, pour déclarer recevable la constitution de partie civile de la chambre régionale des huissiers de justice, l'arrêt énonce que le terme " charognards ", de nature à discréditer l'ensemble des huissiers de justice, cause à la profession un préjudice direct et distinct de celui subi par Me Z... ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le préjudice invoqué par la chambre régionale ne pouvait résulter directement de l'outrage adressé à Me Z... par une lettre personnelle non rendue publique par son auteur et qu'aucune disposition légale ne l'habilitait à demander réparation d'un préjudice indirect causé à l'intérêt collectif des huissiers de justice, la cour d'appel a méconnu les texte et principe rappelés ci-dessus ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 25 novembre 1999, par voie de retranchement, en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la chambre régionale des huissiers de justice et a statué sur ses demandes, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.