CA Versailles, 13e ch., 5 avril 2022, n° 21/02754
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Saveurs et Traditions 2 (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Valay Briere
Conseillers :
Mme Baumann, Mme Bonnet
Avocats :
Me Balhawan, Me Catry
La SARL Saveurs et traditions II, qui exploite une activité de boulangerie, a été créée par MM. X D, Z C et Y F, le capital étant réparti entre eux à raison de trente-trois parts pour les deux premiers et de trente-quatre parts pour M. G
Lors de l'assemblée générale ordinaire du 19 janvier 2018, M. C a été désigné comme gérant en remplacement de M. E
Le 4 avril 2018, une assemblée générale extraordinaire a été convoquée aux fins de procéder à une augmentation de capital de 30 000 euros, laquelle a été adoptée par 67 voix sur 100.
Par acte d'huissier des 17 et 19 février 2020, M. D a fait assigner la société Saveurs et traditions II et MM. Dallai et F, aux fins notamment d'annulation de l'assemblée générale du 4 avril 2018, devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel par jugement contradictoire rendu le 19 février 2021, a :
- débouté M. D de toutes ses demandes ;
- condamné M. D à payer à la société Saveurs et Traditions II et à MM. C et F la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. D aux entiers dépens.
Par déclaration du 27 avril 2021, M. D a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 27 juillet 2021, il demande à la cour de :
- le déclarer recevable et fondé en son appel ;
y faisant droit,
- infirmer la décision et, statuant à nouveau,
- le décharger des condamnations prononcées contre lui en principal, intérêts, frais et accessoires ;
- ordonner le remboursement des sommes qui auront pu être versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement et, ce, au besoin ;
- prononcer la nullité des décisions prises à l'assemblée générale du 4 avril 2018, l'abus de majorité étant en l'espèce caractérisé ;
- retenir la violation des dispositions statutaires par l'associé dirigeant de la société Saveurs et traditions II, et condamner subsidiairement ce dernier à réparer tous ses préjudices directs et indirects, consécutifs aux décisions prises à l'assemblée générale litigieuse du 4 avril 2018 ;
en toute hypothèse,
- condamner les intimés à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner en tous les dépens, dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par maître Zayan Balhawan, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MM. C et F et la société Saveurs et traditions II, dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 25 octobre 2021, demandent à la cour de :
à titre liminaire,
- dire la cour non saisie des demandes de l'appelant suite à l'irrégularité de la déclaration d'appel en date du 28 avril 2021 ;
à titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. D de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à la prise en charge des dépens ;
par conséquent,
- débouter M. D de sa demande de décharge des condamnations prononcées à son encontre, en principal, frais et accessoires, et de remboursement des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire ;
- débouter M. D de sa demande de nullité de l'assemblée générale du 4 avril 2018, l'abus de majorité n'étant pas caractérisé ;
- débouter M. D de sa demande de condamnation du gérant de la société Saveurs et traditions II à la réparation des préjudices qui résulteraient de l'assemblée du 4 avril 2018, la responsabilité de celui ci ne pouvant être engagée par M. D en l'absence d'une faute du gérant détachable de ses fonctions ;
- débouter M. D de sa demande de condamnation des intimés au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
par ailleurs,
- condamner l'appelant à leur verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 janvier 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Les intimés ne développant aucun moyen au soutien de leur demande liminaire relative à l'irrégularité de la déclaration d'appel, et aucun moyen n'étant susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer l'appel de M. D recevable.
L'appelant soutient que la procédure de recapitalisation de la société avait pour objectif la dilution du capital social pour nuire à ses intérêts, ses associés sachant qu'il ne disposait pas des moyens financiers lui permettant de souscrire à cette augmentation de capital. Il invoque une décision contraire à l'intérêt social et un abus de majorité considérant que les parts nouvelles ont été acquises par MM. C et F à leur valeur nominale et non à leur valeur vénale. Il estime que ces derniers lui 'ont délibérément fait perdre le contrôle et l'influence sur les décisions stratégiques pour ensuite céder la société à leurs seuls profits.', soulignant que depuis, le fonds de commerce exploité par la société a été vendu sans qu'il ait eu d'information. Il fait valoir également que les statuts n'ont pas été respectés en ce que la décision a été prise à la majorité des deux tiers et non des trois quarts en dehors de sa présence et contre son avis. Il ajoute que quand bien même l'inobservation des dispositions statutaires en matière de quorum et de quantum, s'agissant d'une SARL, n'est pas sanctionnée par la nullité de la décision, la violation des statuts doit conduire à la mise en cause de la responsabilité du dirigeant sur le fondement de l'article L.225-251 du code de commerce et à sa condamnation à réparer les préjudices subis.
Après avoir rappelé les conditions nécessaires à l'existence d'un abus de majorité, à savoir une décision contraire à l'intérêt social et une décision entraînant une rupture intentionnelle d'égalité entre associés, les intimés soutiennent que l'augmentation de capital était conforme à l'intérêt social en ce que le fonds ont permis de rétablir la situation financière de la société et de payer ses dettes. Ils soulignent que contrairement à ce qui est allégué, il ne leur est pas apparu d'autres solutions pour pallier l'endettement de la société et que la proposition de M. D de rembourser un prêt meunier par un autre prêt meunier illustre son inaptitude à gérer une société. Ils contestent en outre toute intention de nuire à ce dernier et relèvent l'absence de preuve d'éléments constitutifs d'un abus de majorité. Ils expliquent, ensuite, que l'inobservation des dispositions statutaires relatives à la majorité des trois quarts des voix ne peuvent être sanctionnée par la nullité des délibérations, que M. D était bien présent lors de l'assemblée générale même s'il a refusé de signer le procès-verbal et qu'en tout état de cause ils n'avaient pas à convoquer une deuxième assemblée générale.
Il est établi que par courrier en date du 4 décembre 2017, la SA Les Grands moulins de Paris a prononcé la déchéance du terme du prêt de 50 000 euros consenti à la société Saveurs et traditions II et réclamé à MM. D, F et C, cautions, le paiement de la somme de 107 472,11 euros.
En suite de l'assemblée générale du mois de janvier 2018, au cours de laquelle un changement de gérant a été opéré, M. D a été convoqué à une nouvelle assemblée générale extraordinaire en date du 4 avril 2018 à 10 heures.
Il est justifié par la signature de l'avis de réception que la convocation lui a été remise le 23 mars 2018 et par les attestations de M. K B et Mme H I, employés de la société, que M. D s'y est rendu mais l'a quittée énerver en suite d'un différend avec ses associés. Il n'a pas signé le procès-verbal.
Au cours de cette assemblée générale, MM. F et C, associés à hauteur de 67%, ont voté une augmentation de capital de 30 000 euros.
M. D ne démontre pas en quoi la résolution litigieuse a été prise dans l'unique dessein de favoriser les actionnaires majoritaires à son détriment alors qu'il est justifié que cette augmentation de capital a contribué à assainir la situation financière de la société. En effet, aux termes d'un accord de règlement de dette, la société Saveurs et traditions II a remis le 13 mars 2018 un chèque de 35 000 euros à la société Les Grands moulins de Paris qui a attesté le 10 janvier 2019 de ce qu'à cette date la société Saveurs et traditions II lui avait remboursé sa dette.
Il ne rapporte pas plus la preuve de ce que la valeur des parts aurait été supérieure à leur valeur nominale.
Il ne peut pas plus arguer du projet de cession du fonds de commerce, lequel n'est intervenu qu'en 2020.
Il se déduit de ces éléments que la décision d'augmenter le capital social de la société Saveurs et traditions II n'était pas contraire à l'intérêt social, nonobstant la dilution qui en est résulté pour M. E A abus de majorité n'est donc caractérisé.
S'il est constant que la décision d'augmentation du capital a été votée à la majorité des deux tiers et non des trois quarts comme prévu par l'article 17 des statuts de la société, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l'article L.223-30 du code de commerce, dans sa version antérieure au 19 juillet 2019 applicable au litige, ne sanctionne pas par la nullité l'inobservation des dispositions statutaires relatives à la majorité applicable aux décisions modifiant les statuts.
Enfin, en l'absence de demande indemnitaire chiffrée formée par M. D dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour, il n'y a pas lieu de rechercher si le dirigeant de la société Saveurs et traditions II a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Déclare recevable l'appel formé par M. X D ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Condamne M. X D à payer aux intimés la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X D aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY BRIERE, Présidente et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.