CA Dijon, 2e ch. civ., 19 mai 2022, n° 21/00202
DIJON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Réserve du Château de Loché (EARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vautrain
Conseillers :
M. Wachter, Mme Brugère
Avocats :
Me Renevey-Laissus, Me Thomas, Me Brocherieux
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Le GFA du Château de Loché a pour objet la propriété, la jouissance et l'administration des immeubles et droits immobiliers à destination agricole listés dans les statuts aux fins de conservation d'une exploitation agricole.
A l'origine, les 1905 parts sociales du GFA étaient réparties de la manière suivante :
- Mme X : 999 parts,
- son époux, M. X : 3 parts,
- les trois enfants du couple, Mme Y, M. Z et Mme W : 301 parts chacun.
Le 16 mars 2018, Mme X a cédé la totalité de ses parts à M. WW, fils de Mme W pour la somme de 448 551 euros. Ce dernier, désormais titulaire de 999 parts, soit 52,44 % du capital social, a été nommé gérant du GFA le 26 mai 2018.
L'Earl Réserve du Château de Loché a pour objet l'exploitation des vignes dont le GFA a la propriété.
A l'origine, la répartition des parts sociales au sein de l'Earl était la suivante :
- Mme X : 1.698 parts,
- M. X : 3 parts
- Mme Y, Mme W et M. Z : une part chacun.
Les parts de X étaient alors évaluées à 1 698 000 francs, correspondant à hauteur de 1 426 000 francs aux plantations et au matériel végétal (soit 9 ha 3 à 43 ca de vignes d'appellation d'origine contrôlée sises sur les communes de Pouilly Fuisse, Loché, Vinzelles, La Roche Vineuse et Prisse), pour 260 800 francs au matériel et à l'outillage agricole, et pour 11 130 francs à des parts sociales dans diverses caves coopératives.
Suite à plusieurs opérations (dont un changement de régime matrimonial des époux X au profit de la communauté universelle et une augmentation de capital dont la souscription a été réservée à X), et avant la cession de parts litigieuse intervenue au profit de M. WW, les parts sociales au sein de l'Earl étaient réparties comme suit :
- M. X : 1158 parts, soit 57,78 % du capital social,
- Mme Y : 282 parts, soit 14,07 % du capital social,
- Mme W : 282 parts, soit 14,07 % du capital social
- M. Z : 282 parts, soit 14,07 % du capital social.
M. X était le gérant de l'Earl.
Une première délibération de l'assemblée générale de l'Earl en date du 2 décembre 2017 a nommé M. WW en qualité de gérant de ladite Earl.
Lors d 'une nouvelle assemblée générale du 26 mai 2018, et suite à l ' intervention de Mme Y et de son conseil, le mandat de gérant de M. WW a été annulé.
Lors de l'assemblée générale du 23 juin 2018, M. WW a été nommé gérant de l'Earl pour une durée maximum d'un an.
Le 20 octobre 2018, M. X cède ses parts dans l'Earl à M. WW, puis lors d'une assemblée générale du 4 janvier 2020, M. H est élu gérant.
C'est dans ce contexte que, par acte d'huissier du 26 avril 2019, Mme Y assigne l'Earl Réserve du Château de Loché devant le tribunal de grande instance de Mâcon aux fins notamment d'obtenir l'annulation de la nomination de M. WW en qualité de gérant et l'annulation de la cession de parts intervenue le 20 octobre 2018, et de voir désigner un mandataire ad hoc.
Par assignation du 30 octobre 2019, Mme Y assigne aux mêmes fins devant le tribunal de grande instance de Mâcon M. X et M. WW.
Les procédures sont jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 22 novembre 2019.
Dans ses dernières conclusions, Mme Y demande au tribunal, au visa de l'article L 324-8 du code rural et de la pêche maritime :
A titre principal :
- de juger nulle la nomination de M. WW en qualité de gérant intérimaire de l'Earl, par décision de l'assemblée générale extraordinaire du 23 juin 2018,
- de juger nulle la cession de parts sociales intervenue le 20 octobre 2018 entre M. X et M. WW,
- de juger que le mandat de gérant intérimaire de M. WW a pris fin le 22 juin 2019, de sorte que tout acte pris depuis cette date est nul,
- de juger nulle l'assemblée générale du 14 décembre 2019 pour défaut de convocation d'une associée,
- de juger nulle les assemblées générales des 20 octobre 2018 et 4 janvier 2020, du fait de l'abus de majorité de l'associé majoritaire,
- de juger nulle la nomination de M. WW en qualité de gérant de l'Earl rétroactivement à la date du 24 juin 2019 par l'assemblée générale ordinaire du 4 janvier 2020,
- de débouter l'Earl de sa demande subsidiaire de voir reconnaître un abus de minorité et de désignation d'un mandataire ad hoc,
- de désigner un mandataire ad hoc ayant pour mission de convoquer une assemblée générale des associés appelée à statuer sur sa candidature en qualité de gérante,
- d'ordonner la remise des comptes annuels de l'exercice 2017 / 2018 et de l'exercice 2018 / 2019 à son profit, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte,
Subsidiairement :
- de révoquer M. WW de ses fonctions de gérant pour manquements dans l'exercice de son mandat,
- de désigner un mandataire ad hoc ayant pour mission de convoquer une assemblée générale des associés appelée à statuer sur sa candidature en qualité de gérante, ou, à défaut d'accord sur celle-ci, se prononcer sur la dissolution de la société,
En tout état de cause,
- de condamner solidairement l'Earl, M. X et M. WW à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner solidairement l'Earl, M. WW et M. X aux entiers dépens.
Dans leurs écritures récapitulatives, l'Earl, M. X et M. WW demandent au tribunal :
A titre principal, de débouter Mme Y de l'ensemble de ses demandes,
Subsidiairement, en cas d'annulation de la délibération du 20 octobre 2018 portant sur l'autorisation de cession de parts :
- de dire que Mme Y a commis un abus de minorité,
- de nommer en conséquence un mandataire ad hoc aux fins de représenter Mme Y lors de la prochaine assemblée générale qui aura à statuer sur la cession de parts de M. X au profit de M. WW,
- de dire que ce mandataire devra voter en faveur de cette cession au profit de M. WW,
- de condamner la demanderesse à verser à l'Earl la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la somme de 2.000 euros chacun à M. WW et M. X, outre la prise en charge des dépens.
Par jugement du 11 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Mâcon :
- Déboute Mme Y de sa demande d'annulation de la nomination de M. WW en qualité de gérant lors de l'assemblée générale du 23 juin 2018,
- Prononce la nullité de la cession de parts intervenue entre M. X et M. WW, et constate que M. X doit être rétabli dans ses droits d'associé,
- Prononce la nullité de l'assemblée générale du 4 janvier 2020 désignant M. WW en qualité de gérant,
- Déboute Mme Y de toutes ses autres demandes,
- Dit que le refus d'agrément de Mme Y concernant la cession de parts entre M. X et M. WW constitue un abus de minorité,
- Désigne en conséquence Me Clément Thierry exerçant au sein de la SCP BTSG², mandataire judiciaire, en qualité de mandataire ad hoc aux fins de :
- convoquer une assemblée générale extraordinaire des associés de l'Earl Réserve du Château de Loché ayant pour ordre du jour les résolutions suivantes :
1) vote d'agrément des associés sur le projet de cession de parts de M. X à M. WW, le mandataire ad hoc devant représenter Mme Y et prendre part au vote conformément à l'intérêt de l'Earl Réserve du Château de Loché
2) désignation d'un gérant,
- Dit que la rémunération du mandataire ad hoc, évaluée provisoirement à la somme de 1.000 euros, sera avancée par l'Earl Réserve du Château de Loché, directement entre les mains de Maître Clément Thierry, dans les quinze jours de la présente décision,
- Dit que la rémunération définitive du mandataire ad hoc sera supportée par l'Earl Réserve du Château de Loché,
- Dit que la mission sera d'une durée de six mois qui pourra être prolongée, à la demande du mandataire ou des parties ;
- Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus du mandataire ad hoc, il sera pourvu à son remplacement par simple requête,
- Dit qu'en cas de difficultés, il en sera référé au juge chargé du contrôle des expertises de ce tribunal,
- Dit n'y avoir lieu à prononcer des condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la partie demanderesse et les parties défenderesses à payer chacune la moitié des dépens de l'instance,
- Ordonne l'exécution provisoire.
Pour statuer ainsi, le tribunal rappelle liminairement que les règles de fonctionnement de l'Earl sont principalement définies par les articles L 324 -1 et suivants du code rural et les dispositions des chapitres Ier et II du titre IX du livre III du code civil, à l'exception de l'article 1844-5.
Il retient ensuite :
* Sur la demande d'annulation de la nomination de M. WW aux fonctions de gérant pour une durée d'un an lors de l'AG du 23 juin 2018 sur le fondement de l'article L 324-8 du code rural :
- qu'en application de l'article 1844-10 alinéa 3 du code civil, la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative, de l'une des causes de nullité des contrats en général, ou en raison d'une fraude ou d'un abus de droit.
- qu'aux termes de l'article L. 324-8 du code rural, les associés majeurs qui participent effectivement, au sens de l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime, à l'exploitation sont dénommés associés exploitants ; que les statuts doivent mentionner les noms de ceux qui ont cette qualité ; que les associés exploitants doivent détenir ensemble plus de 50 % des parts représentatives du capital, et que les associés choisissent parmi les associés exploitants, titulaires de parts sociales représentatives du capital, un ou plusieurs gérants.
- que selon l'article L .324-9 du même code, le non respect en cours de vie sociale de l'une des conditions prévues à l'article L. 324-8 n'entraîne pas la dissolution de plein droit de l'exploitation agricole à responsabilité limitée ; que tout intéressé peut demander en justice la dissolution si la situation n'a pas été régularisée dans le délai d'un an; que faute d'associé exploitant, l'exploitation agricole à responsabilité limitée peut être gérée durant cette période par une personne physique désignée par les associés ou, à défaut, par le tribunal à la demande de tout intéressé ; que le tribunal ne peut pas prononcer la dissolution si cette régularisation a eu lieu le jour où il statue sur le fond.
- qu'en l'espèce, les statuts de l'Earl ne listent pas l'identité du ou des associés exploitants, mais qu'il résulte de la présentation faite par la demanderesse elle-même qu'au jour de l'assemblée générale du 23 juin 2018 elle n'avait pas la qualité d'associée exploitante puisqu'elle travaillait en région parisienne comme fonctionnaire ; qu'ainsi, si Mme Y dispose des diplômes requis pour être exploitante agricole, aucune activité d'exploitation effective, comme l'exige l'article L. 324 -8 du code rural, ne peut lui être reconnue au sein de l'Earl que ce soit au moment de l'assemblée générale critiquée ou encore au jour où le tribunal statue.
- que lors de l'assemblée générale du 23 juin 2018, M. X, âgé de 86 ans, a démissionné de ses fonctions de gérant et que, par conséquent, la nomination d'un gérant personne physique non associé a logiquement été soumise au vote dans l'attente d'une régularisation de la situation, conformément à l'article L. 324-9 du code rural.
- que les motifs tirés de l'attitude prétendument déloyale de M. X, liés au délai qu'il aurait dû laisser à l'ensemble des associés et notamment à la partie demanderesse pour lui permettre de monter son projet sont inopérants quant à la demande de nullité sur le fondement de l'article L 324-8 du code rural, alors au surplus que ce projet de transmission existait depuis plusieurs années.
* Sur la demande d'annulation de la nomination de M. WW aux fonctions de gérant pour une durée d'un an lors de l'AG du 23 juin 2018 sur le fondement de l'abus de majorité :
- que l'abus de majorité se caractérise par la réunion de deux éléments : l'atteinte portée à l'intérêt social par la décision adoptée, et la rupture d'égalité entre associés au profit des majoritaires.
- que si Mme Y a les diplômes requis pour avoir la qualité d'exploitante agricole, elle n'est pas effectivement exploitante, les pièces versées aux débats révélant au contraire qu'elle est très en retrait de l'exploitation familiale, qu'elle n'a pas de connaissance particulière de son fonctionnement concret, et qu'elle ne s'y est intéressée que d'un point de vue strictement administratif et comptable, au contraire de son neveu qui y travaille régulièrement depuis plusieurs années.
- que par conséquent, le rejet de sa proposition en qualité de gérante associée ne peut être qualifié d'abus de majorité et qu'il n'y a pas lieu de nommer un administrateur ad hoc pour statuer sur sa candidature.
* Sur la demande d'annulation de la cession de parts :
- que les statuts de l'Earl Réserve du Château de Loché prévoient, au paragraphe 2.6 :
« Les cessions entre vifs de parts sociales sont soumises à l'agrément de tous les associés, quelle que soit la qualité du cessionnaire.
En cas de refus d'agrément, le ou les gérants disposent d'un droit de préférence pour le rachat des parts concernées, droit à exercer dans le mois de la dernière des notifications à eux faites du projet de cession. Si ce droit n'est pas exercé sur la totalité des parts à l'expiration du délai imparti, la préférence est étendue aux autres associés qui exercent leur droit dans les deux mois à compter de la dernière des notifications dans la limite des demandes, et s'il y a lieu à proportion du nombre de parts détenues antérieurement.
Si aucune offre d'achat n'est faite dans le délai de trois mois à compter de la dernière des notifications du projet de cession faites à la société et à chacun des associés, l'agrément est réputé acquis (')
Toute notification d'un projet de cession faite en contravention de ce qui précède sera considérée comme nulle et sans effet, l'associé projetant la cession demeurant seul titulaire des droits d'associé à l'égard tant de la société que des tiers ».
- qu'il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 20 octobre 2018 :
- que la candidature de Mme Y en qualité de gérante associée exploitante a été rejetée ;
- que la cession de parts par M. X au profit de M. WW a été soumise à l'agrément des associés, proposition qui a été refusée en raison de l'opposition de Mme Y ;
- que M. WW a entendu exercer immédiatement son droit de préférence, proposition qui a été soumise au vote et adoptée à la majorité.
- que la clause statutaire sur le droit de préférence du gérant ne fait certes pas de distinction expresse entre le gérant associé et le gérant non associé, mais que toutefois la phrase suivante qui fait référence au droit de préférence des 'autres associés' conduit à affirmer que le gérant auquel il est fait référence dans la phrase précédente a bien la qualité d'associé, cette restriction étant en outre cohérente avec le caractère de société familiale de l'Earl.
- que par conséquent, M. WW, nommé gérant, ne pouvait se prévaloir d'un droit de préférence, et, en l'absence d'agrément du cessionnaire de parts, les autres associés pouvaient faire valoir leur droit de préférence.
- qu'il doit ainsi être fait droit à la demande d'annulation de la cession de parts, M. X étant alors rétabli dans ses droits d'associé.
* Sur la demande nullité des actes réalisés par M. WW après le 23 juin 2019
- que si M. WW a été nommé gérant pour une durée d'une année à compter du 23 juin 2018, force est de constater qu'aucun des associés n'a sollicité la désignation d'un nouveau gérant, ni saisi le tribunal à cette fin, avant l'assemblée générale du 4 janvier 2020.
- que par conséquent, en l'absence de précision sur les actes à annuler, et les motifs de cette annulation, cette demande sera rejetée.
* Sur les demandes de nullité des assemblées générales du 14 décembre 2019 et du 4 janvier 2020
- que la convocation de Mme Y à l'assemblée générale du 14 décembre 2019 lui a bien été adressée par lettre recommandée quinze jours au moins avant l'assemblée générale, la raison précise du motif de non-distribution étant ' pli avisé et non réclamé' et que la demande d'annulation n'est donc pas justifiée.
- qu'en conséquence du prononcé de l'annulation de la cession de parts, et au regard de la proposition réitérée de candidature de Mme Y aux fonctions de gérante, l'assemblée générale du 4 janvier 2020 procédant à la nomination de M. WW en qualité de gérant à durée indéterminée doit nécessairement être annulée.
* Sur les demandes de communication des comptes
- que Mme Y produit en pièces 22 et 39 les rapports annuels de gestion, et les comptes de résultat et bilans pour les années 2017 /2018 et 2018 / 2019.
- qu'en l'absence de demande plus précise, elle sera déboutée de ses demandes de communication de pièces.
* Sur la demande reconventionnelle concernant l'existence d'un abus de minorité
- que l'abus de minorité se définit comme l'obstacle mis par un minoritaire à une opération essentielle pour la société, dans l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l'ensemble des autres associés.
- que le rejet d'agrément de Mme Y concernant la cession de parts de M. X, associé gérant majoritaire, au profit de M. WW fait obstacle à la reprise de l'exploitation de l'Earl par M. WW, petit-fils de M. X et impliqué dans l'activité viticole de l'Earl en qualité de salarié depuis 2014 au moins, alors que ce projet de reprise est ancien et mûri puisqu'il l'avait exposé à plusieurs reprises à sa tante ; que sa formation d'ingénieur agronome et oenologue est évidemment en lien avec l'activité viticole de l'Earl et qu'en outre il connaît déjà très bien le fonctionnement concret de l'exploitation, étant souligné qu'il est désormais l'associé majoritaire du GFA propriétaire des vignes.
- qu'à l'inverse, les pièces versées aux débats témoignent d'une attitude de mise en retrait, voire d'une hostilité de Mme Y au regard de la société et de son avenir ; que dans un premier temps et pendant de longues années, elle a pu évoquer et souhaiter son retrait de la société et la vente de ses parts ; que désormais, elle affirme vouloir s'impliquer dans la société, mais ne démontre pas s'intéresser à son fonctionnement concret actuel, alors qu'elle n'est titulaire que d'un diplôme en horticulture et ne s'intéresse qu'aux résultats comptables.
- que reprochant à son neveu de ne pas exposer clairement son projet, le sien ne fait l'objet d'aucun développement, sa déclaration d'engagement étant très sommaire et formelle;
- que contrairement aux intérêts de la société, elle a voté le 20 octobre 2018 contre la prorogation de la société et qu'elle envisage assez sérieusement aux termes de ses écritures la dissolution de la société.
- que son activité professionnelle actuelle est à Paris, où elle vit, et que son implication sur la durée dans l'intérêt de la société, au vu de ses positionnements passés et actuels, n'est guère crédible.
- que M. X étant âgé de 88 ans, la cession des parts à un associé majoritaire, ayant la qualité d'exploitant, devient urgente et indispensable pour la survie de la société.
- qu'il est suffisamment établi que Mme Y poursuit un objectif personnel contraire aux intérêts de la société et qu'ainsi, l'abus de minorité est caractérisé ; qu'il convient par conséquent de désigner un mandataire ad hoc.
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Madame Z I C épouse K fait appel par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 17 février 2021, sa déclaration visant le jugement en ce qu'il :
- l'a déboutée de sa demande d'annulation de la nomination de M. WW en qualité de gérant lors de l'assemblée générale du 23 juin 2018,
- l'a déboutée de toutes ses autres demandes,
- a dit que son refus d'agrément concernant la cession de parts entre M. X et M. WW constitue un abus de minorité,
- a désigné en conséquence Me Clément Thierry, exerçant au sein de la SCP BTSG², mandataire judiciaire, en qualité de mandataire ad hoc aux fins de convoquer une assemblée générale extraordinaire des associés de l'Earl Réserve du Château de Loché ayant pour ordre du jour les résolutions suivantes :
1) vote d'agrément des associés sur le projet de cession de parts de M. X à M. WW, le mandataire ad hoc devant représenter Mme Y et prendre part au vote conformément à l'intérêt de l'Earl Réserve du Château de Loché
2) désignation d'un gérant,
- l'a condamnée à payer la moitié des dépens,
'outre tout autre chef susceptible de causer un grief à Mme Y'.
Par conclusions d'appelante n°2 déposées le 17 juin 2021, elle demande à la cour d'appel de :
' Vu l'article L. 324-8 du code rural et de la pêche maritime,
Vu les statuts de l'Earl Réserve du Château de Loché,
Vu les pièces versées au débat, (...) dire l'appel de Madame Y recevable et bien fondé, (...)
Sur l'appel incident
- Débouter l'Earl Réserve du Château de Loché, Monsieur X et Monsieur WW de leur appel incident portant sur :
- A titre principal : réformer partiellement la décision entreprise et déclarer valable la cession de parts sociales de Monsieur X à Monsieur WW ainsi que l'assemblée générale du 4 janvier 2020 ;
- A titre subsidiaire : dire et juger que Madame Y a commis un abus de minorité en refusant d'autoriser la cession des parts au profit de Monsieur WW. En conséquence, confirmer le jugement dont appel à ce sujet. Nommer un mandataire ad hoc aux fins de représenter Madame Y lors de la prochaine assemblée générale qui aura à statuer sur la cession de parts de Monsieur X au profit de Monsieur WW. Dire et juger que ce mandataire ad hoc devra voter en faveur de cette cession au profit de Monsieur WW.
- Débouter l'Earl Réserve du Château de Loché, Monsieur X et Monsieur WW de leur demande de condamnation de Madame Y au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouter l'Earl Réserve du Château de Loché, Monsieur X et Monsieur WW de toutes leurs autres demandes et appel incident.
Sur l'appel principal,
- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
- prononcé la nullité de la cession de parts sociales intervenue le 20 octobre 2018 entre Monsieur X et Monsieur WW et constaté que Monsieur X
C devait être rétabli dans ses droits d'associé.
- prononcé la nullité de l'Assemblée Générale du 4 janvier 2020 désignant Monsieur WW en qualité de gérant.
- Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
- débouté Madame Y de sa demande d'annulation de l'Assemblée Générale Extraordinaire du 23 juin 2018 désignant Monsieur WW en qualité de gérant non associé pour une durée d'un an.
- débouté Madame Y de toutes ses autres demandes.
- dit que le refus d'agrément de Madame Y concernant la cession de parts entre Monsieur X et Monsieur WW constitue un abus de minorité ;
- désigné en conséquence Maître Clément Thierry, exerçant au sein de sein de la SCP BTSG², mandataire judiciaire, en qualité de mandataire ad hoc aux fins de convoquer une assemblée générale extraordinaire des associés de l'Earl Réserve du Château de Loché ayant pour ordre du jour les résolutions suivantes :
- vote d'agrément des associés sur le projet de cession de parts de Monsieur X à Monsieur WW, le mandataire ad hoc devant représenter Madame Y et prendre part au vote conformément à l'intérêt de l'Earl Réserve du Château de Loché,
- désignation d'un gérant.
- condamné Madame Y à payer la moitié des dépens.
Statuant à nouveau, (...)
À titre principal
- Juger que le mandat de gérant non associé de Monsieur WW a pris fin le 22 juin 2019 à minuit et qu'à défaut de nomination régulière d'un nouveau gérant, la gérance de l'Earl Réserve du Château de Loché est vacante depuis cette date et que tout acte pris par Monsieur WW depuis lors est nul à défaut de régularisation par vote des associés.
- Prononcer la nullité de l'Assemblée Générale du 14 décembre 2019.
- Prononcer la nullité de la nomination de Monsieur WW en qualité de gérant de l'Earl Réserve du Château de Loché rétroactivement à la date du 24 juin 2019, par décision de l'Assemblée
Générale Ordinaire du 4 janvier 2020.
- Prononcer la nullité de l'Assemblée Générale du 20 octobre 2018 du fait de l'abus de majorité de Monsieur X.
- Ordonner la remise des comptes annuels de l'exercice 2017/2018 et de l'exercice 2018/2019 à Madame Y, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, la cour se réservant la liquidation de ladite astreinte.
A titre subsidiaire
- Prononcer la révocation judiciaire de Monsieur H de ses fonctions de gérant pour manquements dans l'exercice de son mandat.
- Désigner un mandataire ad hoc ayant pour mission de convoquer une assemblée générale des associés appelée à statuer sur les résolutions suivantes :
- vote d'agrément de la candidature de Madame Y en qualité de gérante,
- vote d'agrément des associés sur la cession des parts sociales de Monsieur X à Madame Y,
- ou, à défaut d'accord sur les deux premières résolutions, se prononcer sur la dissolution de la société ;
le mandataire ad hoc devant représenter Monsieur X et prendre part au votre conformément à l'intérêt de l'Earl Réserve du Château de Loché.
En tout état de cause
- Condamner solidairement l'Earl Réserve du Château de Loché et Messieurs Albert Bourdon et G C à verser à Madame Y la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner solidairement l'Earl Réserve du Château de Loché et Messieurs Albert Bourdon et WW aux entiers dépens.'
Par conclusions n°3 déposées le 30 juillet 2021, l'Earl Réserve du Château de Loché, Monsieur X et Monsieur WW demandent à la cour de :
' Infirmer partiellement le jugement du tribunal judiciaire de Mâcon en date du 11 janvier 2021.
- Débouter Madame Z I C épouse K de l'ensemble de ses demandes.
- Juger valable la cession de parts intervenue entre Monsieur X et Monsieur WW.
- Juger en conséquence valable l'Assemblée Générale du 4 janvier 2020 ayant désigné Monsieur WW en qualité de gérant.
A titre subsidiaire, au cas où la cour annulerait la délibération du 20 octobre 2018 portant sur l'autorisation de cession des parts sociales de Monsieur X,
- Dire et juger que Madame Y a commis un abus de minorité en refusant d'autoriser la cession de parts au profit de Monsieur WW.
- En conséquence, confirmer le jugement dont appel à ce sujet en ce qu'il a nommé un mandataire ad hoc aux fins de représenter Madame Y lors de l'assemblée générale qui aura à statuer sur la cession de parts au profit de Monsieur WW.
- Dire et juger que ce mandataire ad hoc devra voter en faveur de cette cession au profit de Monsieur WW.
- Condamner Madame Y à verser à l'Earl Réserve du Château de Loché une indemnité de 6.000,00 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner Madame Y sur le même fondement à verser à chacun de Messieurs X et WW une indemnité de 2.000,00 euros et supporter les entiers dépens.'.
L'ordonnance de clôture est rendue le 15 février 2022.
En application des articles 455 et 634 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus visées.
MOTIVATION :
Ainsi que l'a rappelé le tribunal, aux termes de l'article L 324-8 du code rural, les associés majeurs qui participent effectivement, au sens de l'article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime, à l'exploitation sont dénommés associés exploitants. Les statuts doivent mentionner les noms de ceux qui ont cette qualité, et les associés exploitants doivent détenir ensemble plus de 50 % des parts représentatives du capital. Enfin, les associés choisissent parmi les associés exploitants, titulaires de parts sociales représentatives du capital, un ou plusieurs gérants.
Au regard de ses dispositions légales, et compte tenu de la composition du capital social préalablement à la cession litigieuse par Monsieur X de ses parts à WW, Madame Z I ne pouvait prétendre à être désignée en qualité de gérante de l'Earl que si elle participait effectivement à l'exploitation du domaine viticole, mais surtout si son père X acceptait de lui céder au moins 721 de ses parts afin qu'elle détienne le minimum légal dès lors que ni W ni Z ne sont exploitants et n'ont manifesté leur intention de lui céder leurs parts.
Or il ressort clairement des écritures des parties et du dossier que Monsieur X refuse de céder ses parts à l'appelante.
Sur la demande d'annulation de la nomination de Monsieur WW en qualité de gérant lors de l'assemblée générale du 23 juin 2018 :
Il sera relevé que Madame Y n'invoque plus devant la cour concernant cette assemblée générale un abus de majorité, mais uniquement les dispositions de l'article L. 324-9 du code rural.
Aux termes de l'article L 324-9 du code rural, le non-respect en cours de vie sociale de l'une des conditions prévues à l'article L. 324-8 n'entraîne pas la dissolution de plein droit de l'exploitation agricole à responsabilité limitée. Tout intéressé peut demander en justice la dissolution si la situation n'a pas été régularisée dans le délai d'un an. Faute d'associé exploitant, l'exploitation agricole à responsabilité limitée peut être gérée durant cette période par une personne physique désignée par les associés ou, à défaut, par le tribunal à la demande de tout intéressé. Le tribunal ne peut pas prononcer la dissolution si cette régularisation a eu lieu le jour où il statue sur le fond.
Après avoir indiqué en page 16 de ses écritures que lors de cette assemblée générale, 'alors que Madame Y ne pouvait pas encore se porter candidate à la gérance, Monsieur WW a été nommé gérant de l' Earl Réserve du Château de Loché pour une durée d'un an maximum, faute d'associé exploitant en capacité de reprendre la gérance', l'appelante reproche ensuite en pages 24 à 27 des mêmes conclusions au tribunal de l'avoir déboutée de sa demande d'annulation de la désignation de Monsieur H au motif qu'elle pouvait prétendre à la gérance dès lors qu'elle est titulaire d'un BEPA et qu'elle pouvait accéder au statuts d'exploitant associé en achetant les parts d'associé en supplément des siennes en exerçant le droit de préférence que l'article 2.6 lui accordait ; qu'ainsi, puisqu'un associé était en mesure de remplacer le gérant démissionnaire, le recours à un gérant non titulaire de parts sociales n'était pas possible.
Elle ajoute qu'à tort le tribunal a rejeté sa demande en retenant qu'elle n'était alors pas titulaire de 50 % des parts sociales et pas associée exploitante, soutenant que l'on ne peut pas demander à un candidat à la gérance de détenir avant le vote des associés 50 % des parts du capital et d'assurer l'exploitation du domaine alors que le gérant est par définition toujours en poste et doit répondre à ces 2 conditions cumulatives ; qu'il y a donc concomitamment transmission de parts sociales et de l'exploitation lors de la nomination du gérant si celui-ci est déjà associé.
Or au jour où cette assemblée générale s'est tenue suite à la démission de Monsieur X de ses fonctions de gérant, Madame K n'étant pas en mesure d'acquérir ses parts dans le cadre de l'exercice d'un droit de préférence dès lors qu'il n'avait pas encore cédé ses parts et que l'assemblée générale n'était pas saisie d'une demande d'agrément d'une quelconque cession.
Par ailleurs aucune disposition légale ni statutaire n'empêche un associé de participer à l'exploitation effective du domaine même s'il ne détient pas un nombre suffisant de parts pour se voir reconnaître la qualité d'associé exploitant et avoir le droit de devenir gérant de l'Earl.
C'est par une exacte appréciation des éléments produits par les parties que les premiers juges ont d'autre part retenu au jour de l'assemblée générale du 23 juin 2018 Madame Y n'avait pas la qualité d'associée exploitante puisqu'elle travaillait en région parisienne comme fonctionnaire ; que M. X avait démissionné de ses fonctions de gérant et que, par conséquent, la nomination d'un gérant personne physique non associé a logiquement été soumise au vote dans l'attente d'une régularisation de la situation, conformément à l'article L 324-9 du code rural ; que les motifs tirés de l'attitude prétendument déloyale de M. X, liés au délai qu'il aurait dû laisser à l'ensemble des associés et notamment à la partie demanderesse pour lui permettre de monter son projet sont inopérants quant à la demande de nullité sur le fondement de l'article L 324-8 du code rural.
Le jugement ne peut qu'être confirmé de ce chef.
Sur la demande d'annulation de la cession de parts :
Les statuts de l'Earl prévoient que la cession entre vifs de parts sociales est soumise à l'agrément de tous les associés, et que cet agrément doit recueillir le vote favorable de tous les associés.
Il est établi que lors de l'assemblée générale du 20 octobre 2018 au cours de laquelle la cession par Monsieur X de ses parts sociales à Monsieur WW a été soumise à l'agrément des associés, Madame Z I C s'y est opposée ; que Monsieur H a alors fait usage du droit de préférence prévu aux statuts.
Le litige qui oppose les parties concerne l'interprétation à donner à l'alinéa 2 de l'article 2.6 des statuts de l'Earl selon lequel : 'En cas de refus d'agrément, le ou les gérants disposent d'un droit de préférence pour le rachat des parts concernées, droit à exercer dans le mois de la dernière des notifications à eux faites du projet de cession. Si ce droit n'est pas exercé sur la totalité des parts à l'expiration du délai imparti, la préférence est étendue aux autres associés qui exercent leur droit dans les deux mois à compter de la dernière des notifications dans la limite des demandes, et s'il y a lieu à proportion du nombre de parts détenues antérieurement.
Si aucune offre d'achat n'est faite dans le délai de trois mois à compter de la dernière des notifications du projet de cession faites à la société et à chacun des associés, l'agrément est réputé acquis.'
Madame Y soutient qu'il ressort incontestablement de l'article 2.6 des statuts que le droit de préférence ne bénéficie qu'aux seuls gérants titulaires de parts sociales et pas au gérant non associé ; que si les statuts ne visent pas spécifiquement la qualité de gérant associé, c'est parce que l'on est dans une entreprise familiale et qu'il 'était bien compris que ce droit de préférence ne pouvait être exercé par un gérant non associé temporairement désigné' ; que retenir le contraire permettrait à un tiers à la famille d'acquérir des parts sociales sans l'accord des associés, et que peu importe qu'en l'espèce ce gérant intérimaire soit le petit fils du gérant démissionnaire.
Elle ajoute que le caractère familial de l'entreprise ne veut pas dire que tous les membres de la famille peuvent devenir associés à leur guise et sans l'agrément unanime de tous les associés.
Or à juste titre les intimés, qui font appel du jugement en ce qu'il a fait droit à la demande d'annulation de la cession de parts, relèvent que les clauses statutaires restrictives de la liberté de céder les parts doivent être interprétées restrictivement, et que l'alinéa 2 de l'article 2.6 prévoit qu'en cas de refus d'agrément, le ou les gérants disposent d'un droit de préférence pour le rachat des parts concernées sans faire état de la qualité spécifique de gérant associé.
C'est donc à tort que les premiers juges ont procédé à une interprétation de cette disposition en restreignant l'exercice du droit de préférence aux seuls gérants associés, alors au surplus que la situation de fait (Monsieur WW est un membre de la famille) démontre que l'exercice du droit de préférence par un gérant non associé n'est pas antinomique avec le caractère familial de la société.
Au surplus, les intimés soulignent à juste titre que l'Earl est tout d'abord une société qui doit avoir à sa tête et pour associé principal un exploitant viticole.
Le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la cession de parts intervenue entre Monsieur X et Monsieur WW ne peut qu'être infirmé, et, statuant à nouveau, Madame K doit être déboutée de sa demande d'annulation de cette cession.
Sur la demande d'annulation de l'assemblée générale du 20 octobre 2018 pour abus de majorité de Monsieur X :
Madame Y soutient que lors de cette assemblée générale, Monsieur X a abusé de sa majorité pour passer outre les règles applicables et céder ses actions à G sans l'agrément unanime des associés.
Elle ajoute que l'abus de majorité d'X est caractérisé puisqu'il a décidé de favoriser un tiers à l'entreprise au détriment d'un associé minoritaire voire de 2 puisqu'A lui aussi était opposé à cette cession ainsi que le démontre son vote lors de l'assemblée générale organisée le 3 mars 2021 par Maître Thierry ; que cet abus était dans l'intérêt personnel d'X qui a ainsi pu se faire rembourser de manière accélérée le montant de son compte courant d'associé de 220 000 euros (remboursement devenu effectif sur 3 exercices entre 2018 et 2020) au moment où, selon les rapports de gestion d'G pour les exercices 2017/2018, 2018/2019 et 2019/2020, le matériel était obsolète et nécessitait d'être remplacé et que des investissements devaient être réalisés pour la productivité et la sécurité des employés
Les intimés répliquent qu'il appartient à Madame K de démontrer que la délibération porte atteinte à l'intérêt social et qu'elle favorise un groupe d'actionnaires par rapport aux autres ; que ces conditions ne sont pas remplies ; que la désignation d'WW ne porte pas atteinte aux intérêts de l'Earl dès lors que c'est un associé compétent, disponible et que ses résultats sont bons ainsi que le démontre la pièce adverse n° 39.
Ils ajoutent que les droits des autres associés ne sont pas modifiés ; que Madame K est toujours porteuse de parts et que la valeur de ses parts n'a pas été dégradée par les opérations qu'elle conteste.
Dès lors qu'il a été retenu ci-dessus que l'assemblée avait à juste titre accordé un droit de préférence à WW, aucun abus de majorité ne peut être reproché à X à ce titre.
Par ailleurs, Madame K, ne démontre pas en quoi la désignation de Monsieur H serait intervenue au détriment des associés minoritaires, alors qu'aucun d'eux n'était susceptible d'être candidat à ces fonctions faute de détenir 50 % des parts sociales.
Enfin, l'appelante ne démontre pas plus en quoi la désignation de Monsieur H aux fonctions de gérant aurait facilité le remboursement du compte courant de Monsieur C alors que ce remboursement, dès lors qu'il est demandé par un associé, est de droit quel que soit le gérant.
Le jugement en ce qu'il a débouté Madame K de ce chef de prétention doit être confirmé.
Sur l'annulation de l'assemblée générale du 14 décembre 2019 :
Madame K expose que le 22 juin 2019, le mandat d'WW est arrivé à son terme ; que la gérance était vacante ; que malgré cela, Monsieur H, par courrier du 16 décembre 2019, lui a adressé le procès-verbal d'une assemblée générale du 14 décembre 2019 qui approuvait les comptes clôturés au 31 juillet 2019.
Elle ne conteste pas le jugement en ce qu'il a retenu que, contrairement à ce qu'elle soutenait en première instance, elle n'avait pas été convoquée à cette assemblée, mais reproche aux premiers juges de ne pas avoir répondu à sa demande d'annulation fondée sur l'absence de capacité d'WW pour convoquer ladite assemblée à défaut de mandat pour le faire.
Or si effectivement Monsieur H a été désigné le 23 juin 2018 en qualité de gérant pour une durée maximale d'un an, la cour comme les premiers juges ne peut que constater qu'aucun des associés n'a sollicité la désignation d'un nouveau gérant ni saisi le tribunal à cette fin à l'issue de ce mandat.
Cette absence de gérant désigné ne justifiait pas que le fonctionnement social de l'Earl soit bloqué, et permettait à tout titulaire de parts, et a fortiori au titulaire majoritaire, de provoquer la réunion de l'assemblée générale aux fins de statuer sur les comptes annuels.
L'annulation de l'assemblée générale du 14 décembre 2019 n'est donc pas plus justifiée de ce chef.
Sur l'annulation de l'assemblée générale du 4 janvier 2020 :
Madame K expose qu'à juste titre le tribunal a déduit de l'annulation de la cession de parts que l'assemblée générale du 4 janvier 2020 devait être annulée en conséquence et en raison au surplus de sa candidature.
Elle ajoute qu'il aurait pu également retenir qu'elle avait été convoquée par WW alors qu'il n'était plus gérant.
L'annulation de l'assemblée générale du 4 janvier 2020 en conséquence de l'annulation de la cession de parts sociales n'est plus justifiée au regard de l'infirmation prononcée ci-dessus.
L'existence de la candidature de Madame K aux fonctions de gérant n'est pas plus en soi une cause d'annulation de cette assemblée générale.
Par ailleurs, pour les mêmes motifs que ceux retenu ci-dessus sur la régularité de la convocation de l'assemblée générale des associés de l'Earl, la demande d'annulation de cette assemblée n'est pas justifiée.
Sur la demande d'annulation de la désignation de Monsieur WW aux fonctions de gérant lors de l'assemblée générale du 4 janvier 2020 à effet rétroactif au 29 juin 2019.
Si dans le corps de ses écritures Madame K conteste le fait qu'WW soit effectivement exploitant dans le domaine viticole, elle expose uniquement au soutien de sa demande d'annulation de la désignation intervenue le 4 janvier 2020 que la nomination rétroactive d'un gérant n'est pas possible, et qu'il était seulement possible de régulariser les actes intervenus au cours de la période de vacance.
Or il ressort manifestement du vote alors exprimé que l'intention des associés était de régulariser les actes de Monsieur H intervenus pendant la période de vacance de la gérance et que c'est de manière impropre que la nomination du nouveau gérant a été qualifiée de rétroactive.
Par ailleurs, Monsieur H est titulaire d'un diplôme d'ingénieur délivré le 8 avril 2014 par l'Ecole Nationale Supérieure d'Agronomie et des Industries Alimentaires, et d'un diplôme national d'oenologue délivré en 2015.
Il s'est investi dans l'exploitation depuis 2014 d'abord comme salarié agricole puis comme gestionnaire depuis fin 2017 ainsi que le démontrent les témoignages qu'il produit et qui attestent de son implication.
Madame K doit être déboutée de cette demande d'annulation.
Sur les conséquences des précédentes dispositions :
Les demandes des intimés de constat d'un abus de minorité commis par Madame K lors de l'assemblée générale du 20 octobre 2018 et de désignation en conséquence d'un mandataire ad hoc aux fins de convoquer une assemblée générale extraordinaire ayant pour objet le vote de l'agrément des associés sur la cession des parts de Monsieur B à Monsieur H et la désignation d'un gérant n'étant qu'un subsidiaire à leurs demandes principales de reconnaissance de la validité des délibérations, elles deviennent sans objet, et le jugement en ce qu'il a désigné Maître Clément Thierry en qualité de mandataire ad hoc avec cette mission ne peut qu'être infirmé.
Cette annulation entraîne ipso facto l'annulation de l'assemblée générale que Maître Thierry a organisée le 31 mars 2021.
Sur la demande de remise des comptes annuels des exercices 2017/2018 et 2018/2019 :
Madame K réitère devant la cour cette prétention en soutenant :
- concernant les comptes annuels de l'exercice 2017/2018, que ceux qui ont été communiqués sont tronqués et que la cour pourra constater que le document transmis n'est qu'un court extrait du bilan et des comptes de résultat; que l'Earl présente, concernant le premier rapport de gérance pour l'exercice 2017/2018, une analyse de la situation et des pistes qui ne sont que des idées qui ne sont fondées sur aucune étude réelle alors qu'aucune précision n'est annoncée sur les modalités, les échéances, les alternatives, le calendrier de mise en oeuvre, les risques financiers, et qu'WW lui-même constate la dégradation de la situation financière de l'entreprise dans ce rapport ;
- que le rapport annuel de gestion de décembre 2019 établi en vue de l'Assemblée Générale du 14 décembre 2019 présente un plan de route sur le même modèle que le précédent.
Les intimés répliquent qu'il est faux qu'un bilan tronqué ait été remis aux associés en vue de l'assemblée générale du 26 janvier 2019 sur les comptes de l'exercice 2017/2018 ; qu'il n'y a pas de dégradation de la situation financière de l'Earl dont les revenus et charges sont constants ; qu'il en est de même pour l'exercice 2018/2019.
Si Madame K critique la qualité des rapports de gérance transmis, cela ne justifie pas sa demande de communication des comptes.
C'est d'autre part par une exacte appréciation des documents produits par l'appelante en pièces 22 et 39, soit les rapports annuels de gestion, et les comptes de résultat et bilans pour les années 2017 /2018 et 2018 / 2019 dont elle se contente de soutenir qu'ils seraient tronqués sans en rapporter la preuve, que les premiers juges l'ont déboutée de ce chef de prétention.
Sur la demande subsidiaire de révocation de Monsieur WW de ses fonctions de gérant pour manquements dans l'exercice de son mandat :
Madame K conclut subsidiairement à la révocation judiciaire d'WW de ses fonctions de gérant de l'Earl en soutenant :
- que la dégradation financière de la société et l'incapacité du gérant actuel à gérer l'entreprise apparaissent dans la lecture du rapport de gestion de l'exercice 2017/2018, accompagné d'un bilan tronqué et dans l'utilisation de la trésorerie de la société pour rembourser le compte courant d'associé d'X de manière préférentielle au lieu des dettes de la société et des investissements dont elle a besoin,
- qu'il a tenu une assemblée générale le 14 décembre 2019 alors qu'il n'avait plus la qualité de gérant.
- qu'en toute connaissance de cause il coupe des arbres n'appartenant pas à l'Earl et les vend pour en affecter le prix dans les résultats de l'Earl 2018/2019 et ainsi payer le compte courant d'Y
La dégradation financière de la société alléguée par Madame K n'est nullement démontrée par les pièces produites, les revenus et charges restant constants entre l'exercice 2017/2018 et celui 2018/2019, et le résultat étant en augmentation.
Le remboursement du compte courant d'un associé étant de droit dès que celui-ci le demande, il ne peut pas constituer une faute de gestion.
Ainsi qu'il a été vu plus haut la convocation de l'assemblée générale du 14 décembre 2019 par Monsieur H n'est pas critiquable, étant relevé que l'assemblée générale des associés l'a validée le 4 janvier 2020 en nommant ce dernier 'rétroactivement' gérant à compter du 29 juin 2019.
Quant à la coupe d'arbres n'appartenant pas à l'Earl, les intimés répliquent sans être contredits qu'elle a été réalisée à la demande de Monsieur X en sa qualité d'usufruitier des parcelles du parc du Château de Loché s'agissant d'arbres fragilisés par la sécheresse dont l'abattage était urgent pour des raisons de sécurité.
Par ailleurs, si effectivement il a été décidé d'affecter le prix retiré de la vente du bois au remboursement du compte courant de Monsieur X dans les comptes de l'Earl, cette décision ne peut pas s'analyser en une faute de gestion de cette Earl puisqu'elle ne concerne que les droits des usufruitiers des parcelles sur ce bois.
Madame J ne peut donc qu'être déboutée de ce chef de prétention.
PAR CES MOTIFS :
- Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Mâcon du 11 janvier 2021 en ce qu'il a
- débouté Madame Z I C épouse K de sa demande d'annulation de la nomination de Monsieur WW en qualité de gérant de l'Earl Réserve du Château de Loché lors de l'assemblée générale du 23 juin 2018,
- débouté Madame Z I C épouse K de sa demande d'annulation de l'assemblée générale des associés de l'Earl Réserve du Château de Loché du 20 octobre 2018 pour abus de majorité,
- débouté Madame Z I C épouse K de sa demande d'annulation de l'assemblée générale des associés de l'Earl Réserve du Château de Loché du 14 décembre 2019 pour défaut de pouvoir de Monsieur WW,
- débouté Madame Z I C épouse K de sa demande de remise des comptes annuels des exercices 2017/2018 et 2018/2019,
- Infirme le jugement en ce qu'il a :
- prononcé la nullité de la cession de parts intervenue entre Monsieur X et Monsieur WW et constaté que Monsieur X devait être rétabli dans ses droits d'associé,
- prononcé la nullité de l'assemblée générale du 4 janvier 2020 désignant Monsieur WW en conséquence de l'annulation de la cession de parts,
- désigné un mandataire ad hoc aux fins de convocation d'une assemblée générale extraordinaire des associés de l'Earl Réserve du Château de Loché aux fins de vote des associés sur le projet de cession de parts et sur la désignation d'un gérant,
Statuant à nouveau de ces chefs,
- Déboute Madame Z I C épouse K de sa demande de nullité de la cession de parts sociales intervenue le 20 octobre 2018 entre Monsieur X et Monsieur WW,
- Déboute Madame Z I C épouse K de sa demande d'annulation de la désignation de Monsieur WW aux fonctions de gérant de l'Earl Réserve du Château de Loché lors de l'assemblée générale du 4 janvier 2020 à effet rétroactif au 29 juin 2019,
- Dit n'y avoir lieu à désignation d'un mandataire ad hoc et que l'assemblée générale de l'Earl organisée le 31 mars 2021 par Maître Clément Thierry es qualité en exécution du jugement infirmé est nulle et de nul effet.
Y ajoutant,
- Déboute Madame Z I C épouse K de sa demande de révocation de Monsieur WW de ses fonctions de gérant de l' Earl Réserve du Château de Loché pour faute de gestion,
- Condamne Madame Z I C épouse K aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne Madame Z I C épouse K à verser à Monsieur X, à Monsieur WW et à l'Earl Réserve du Château de Loché chacun la somme de 2 000 euros pour ses frais de procédure,
- Déboute Madame Z I C épouse K de ses prétentions de ce chef.