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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-5, 20 janvier 2022, n° 19/04452

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

L'immobilière des Calanques (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Arfinengo

Conseillers :

Mme Giami, Mme Vignon

Avocats :

Me Lions, Me Elbaz, Me Penard, Me Jacquier, Me Calpaxides

TGI Marseille, du 15 janv. 2019, n° 16/1…

15 janvier 2019

EXPOSE DU LITIGE

Mme A X est copropriétaire au sein de l'ensemble immobilier dénommé LE GRAND LARGE sis ..., ....

Son appartement se situe au-dessus de celui appartenant à M. Z, qui se trouve au rez de chaussée et qui subit des infiltrations.

Le 28 avril 2016, les copropriétaires de l'ensemble immobilier LE GRAND LARGE BATIMENT A ont voté une résolution n° 17 selon les termes suivants ' L'assemblée générale entérine les fermetures des terrasses des rez de jardin qui ont été faites à ce jour, dont l'autorisation avait semble-t-il été donnée en 1990 par l'assemblée générale. Pour les prochaines fermetures, le projet d'installation devra être validé par l'assemblée générale.'

Pa acte d'huissier du 21 juillet 2016, Mme A X a fait assigner le syndicat des copropriétaires LE GRAND LARGE devant le tribunal de grande instance de Marseille afin de voir notamment annuler pour vice de forme l'ensemble des résolutions prises par l'assemblée générale en date du 28 avril 2016, et annuler pour vices de fond la résolution n° 17.

Par jugement contradictoire en date du 15 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a:

- débouté Mme A X de ses demandes,

- rejeté la demande de dommages et intérêts du syndicat des copropriétaires LE GRAND LARGE pour procédure abusive,

- condamné Mme A X à payer au syndicat des copropriétaires LE GRAND LARGE la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme A X aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration en date du 18 mars 2019, Mme A X a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 17 juin 2019, Mme A X demande à la cour, au visa des articles 22, 24, 25 et 42 de la loi du 10 juillet 1965, de:

- dire et juger Mme A X recevable et bien fondée en son appel,

En conséquence,

- réformer le jugement rendu le 15 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Marseille,

Statuant à nouveau,

- dire et juger Mme A X recevable en son action,

- annuler pour vice de fond la résolution n° 17,

- dispenser Mme A X de toute participation à la dépense commune des frais de procédure dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires,

- condamner le syndicat des copropriétaires LE GRAND LARGE à verser à Mme A X la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait grief au syndicat des copropriétaires de considérer que les infiltrations affectant la loggia située en dessous proviendraient de sa propre terrasse alors que les désordres ont, au contraire, pour origine la transformation non autorisée consistant en la fermeture de la loggia, ainsi qu'il en ressort notamment des constatations du cabinet TEXA, mandaté par son assureur. Elle rappelle que la résolution n° 17 portée à l'ordre du jour de l'assemblée générale du 28 avril 2016 avait pour objet la validation de la fermeture des terrasses, ledit phénomène s'étant répandu à plusieurs appartements.

Elle sollicite l'annulation de cette résolution, pour laquelle elle a voté contre, invoquant un abus de majorité ainsi que le non-respect du règlement de copropriété.

Elle estime que compte tenu de la question dont l'assemblée générale était saisie, il appartenait à chacun des copropriétaires concernés de se joindre à une telle demande, afin d'informer l'assemblée des détails techniques et de montrer tout plan à l'appui, montrant la transformation d'une terrasse en partie habitable et la modification ainsi apportée, notamment en façade, aux parties communes. Elle précise que tel n'a pas été le cas, que la résolution est particulièrement imprécise, aucun récapitulatif des terrasses concernées n'étant mentionné. Elle ajoute qu'une telle demande ne pouvait émaner que des copropriétaires concernés alors que l'assemblée n'a été saisie qu'à la demande du conseil syndical, ce qui entache d'irrégularité le vote de cette résolution.

Elle soutient que l'abus de majorité est ainsi caractérisé, en ce que le changement de destination des rez de jardins terrasses, transformés en loggias et vérandas, à savoir des pièces habitables, implique que toute question relative à l'étanchéité soit traitée par la collectivité, ce qui est contraire aux stipulations du règlement de copropriété puisque la fermeture des terrasses ouvertes permet aux copropriétaires concernés de réclamer des travaux d'étanchéité afin de mettre hors d'eau un espace non destiné à être une zone habitable et qui le devient de fait, décision qui préjudicie à ses droits en ce qu'elle devra supporter les travaux et troubles de jouissance correspondants. Elle observe en outre que cette résolution avalise une infraction au profit de certains copropriétaires qui ont passé outre la nécessité d'obtenir une autorisation de l'assemblée générale pour effectuer des travaux.

Le syndicat des copropriétaires LE GRAND LARGE, ..., sis ..., pris en la personne de son syndic en exercice, la SAS IMMOBILIERE DES CALANQUES, suivant ses conclusions signifiées le 09 août 2019, demande à la cour de:

- confirmer la décision entreprise,

- rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires,

- déclarer Mme A X irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes et l'en débouter,

- condamner Mme A X à payer la somme de 5.000 € sur le fondement de la procédure abusive,

- condamner Mme A X à payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Il sollicite la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a retenu qu'aucun vice de forme n'était susceptible d'entacher la validité de l'assemblée générale.

Il rappelle que la résolution n° 17 a été adoptée à la majorité requise de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965, qu'en application de l'article 10 du décret du 17 mars 1967, le conseil syndical est parfaitement autorisé à faire voter une question à l'ordre du jour et que Mme X qui argue d'un abus de majorité, n'est pas en mesure de le caractériser, étant précisé qu'elle a été la seule à voter contre l'adoption de ladite résolution.

Il expose que les copropriétaires ont uniquement décidé d'autoriser des aménagements effectués et qui avaient déjà fait l'objet d'autorisations, qu'il ne s'agit nullement de modifier les responsabilités en défaveur de l'appelante, au regard des dispositions claires et précises du règlement de copropriété.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 09 novembre 2021.

MOTIFS

En cause d'appel, Mme X ne sollicite plus l'annulation de toutes les résolutions de l'assemblée générale du 28 avril 2016 pour vice de forme, sa demande portant désormais uniquement sur la validité de la résolution n° 17 adoptée au cours de cette réunion des copropriétaires.

La résolution litigieuse est ainsi libellée:

' A la demande du conseil syndical: validation des fermetures de terrasses ( article 25).

L'assemblée générale entérine les fermetures des terrasses des rez de jardin qui ont été faites à ce jour, dont l'autorisation avait semble-t-il été donnée en 1990 par l'assemblée générale. Pour les prochaines fermetures, le projet d'installation devra être validé par l'assemblée générale.'

Absentions: 0

Pour: 7328

Contre: 1119 Mme Y

Cette résolution est adoptée à la majorité de l'article 25.'

Mme X, au soutien de sa demande d'annulation, invoque plusieurs vices de fond:

- la résolution a été portée à l'ordre du jour à la demande du conseil syndical,

- cette décision est constitutive d'un abus de majorité,

- elle est en outre contraire aux stipulations du règlement de copropriété.

Sur le premier point, il convient de rappeler qu'en application de l'article 10 du décret du 17 mars 1967, le conseil syndical est parfaitement autorisé à faire porter une question à l'ordre du jour, ce qui a été le cas pour la résolution querellée.

L'abus de majorité consiste soit à utiliser la majorité dans un intérêt autre que l'intérêt collectif ou dans un intérêt qui lui est contraire, soit dans un intérêt personnel, soit dans l'intérêt exclusif d'un groupe majoritaire au détriment du groupe minoritaire, soit avec l'intention de nuire, soit en rompant l'équilibre entre les copropriétaires.

L'abus ne peut être retenu que dans la mesure où la demanderesse rapporte la preuve certaine que l'assemblée générale a effectivement agi de manière contraire aux intérêts de la collectivité ou pour nuire à autrui. Le syndicat des copropriétaires doit veiller à une égalité de traitement sans avantager certains au détriment des autres, la discrimination entre copropriétaires devant toutefois reposer sur des éléments objectifs.

Mme X ne justifie ni être lésée par l'adoption de cette résolution, ni davantage le fait que celle-ci serait contraire à l'intérêt commun.

En effet, en vertu de l'article 25 b de la loi du 10 juillet 1965, ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant ' l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.'

Par cette résolution adoptée à la majorité requise, les copropriétaires ont décidé d'autoriser à nouveau des aménagements des terrasses qui avaient été effectués en son temps et autorisés par une précédente assemblée générale mais d'imposer, pour les prochaines fermetures, la soumission d'un projet d'installation à l'approbation de l'assemblée générale.

Il n'est pas démontré qu'une telle décision soit contraire à l'intérêt commun puisqu'au contraire elle a manifestement pour objectif, d'éviter une extension trop importante du phénomène de fermetures des terrasses, dénoncée d'ailleurs par l'appelante, tout en régularisant les aménagements effectués et autorisés en leur temps.

Mme X n'est aucunement défavorisée par cette résolution qui n'a nullement changé les responsabilités en sa défaveur puisque le règlement de copropriété, qui n'a pas subi de modifications, énonce au paragraphe D ' balcons, loggias, terrasses' que ' Les copropriétaires qui bénéficient de l'usage exclusif de balcons, loggias, ou terrasses seront personnellement responsables de tous dommages ( fissures, fuites) provoqués par leur fait direct ou indirect ou par le fait des aménagements, plantations ou installations qu'ils auraient effectués. Ils seront également responsables de toute atteinte portée à l'aspect extérieur ou à l'harmonie de l'immeuble. En conséquence, ils supporteront tous les frais de remise en état qui s'avéreraient nécessaires.'

En outre, ledit règlement énonce que le gros oeuvre et le dispositif d'étanchéité des balcons, loggias et terrasses (sauf leur revêtement de surface en cas d'utilisation privative) sont des parties communes dont l'entretien incombe à la collectivité des copropriétaires.

Mme X, qui ne prétend aucunement que les aménagement effectués par le passé portent atteinte à l'aspect extérieur ou à l'harmonie de l'immeuble, ne peut donc utilement soutenir que cette résolution est contraire au règlement de copropriété et a pour objet de permettre aux copropriétaires concernés de réclamer des travaux d'étanchéité pour mettre hors d'eau une zone devenue habitable, alors que:

- le dispositif d'étanchéité des balcons ou terrasses est en tout état de cause une partie commune,

- les propriétaires restent personnellement responsables de désordres provoqués par les aménagements qu'ils auraient effectués, comprenant notamment la fermeture partielle ou non de ces espaces.

L'existence d'un abus de majorité et d'une violation des stipulations du règlement de copropriété n'est donc nullement démontrée par Mme X qui doit être déboutée des fins de son recours.

Le syndicat intimé ne justifiant pas de la part de l'appelante ni d'une erreur grossière équipollente au dol, ni de l'existence d'une volonté de nuire, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute le syndicat des copropriétaires LE GRAND LARGE de son appel incident,

Condamne Mme A X à payer au syndicat des copropriétaires LE GRAND LARGE la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme A X aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.