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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1 et 5, 8 décembre 2022, n° 19/12411

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Giami

Conseillers :

Mme Vignon, Mme Hoarau

Avocat :

Me Michel

TGI Draguignan, du 10 juill. 2019, n° 17…

10 juillet 2019

EXPOSE DU LITIGE

M. [C] [S] et Mme [V] [N] épouse [S] sont propriétaires de locaux dans un immeuble sis [Adresse 2] et soumis au statut de la copropriété. L'un de leurs appartements était équipé de fenêtres de toit, qui n'avaient pas fait l'objet d'autorisations administratives. Les époux [S] ont obtenu la régularisation administrative de la création de ces ouvertures le 7 juillet 2010.

Par résolutions 12 et 13 de l'assemblée générale du 9 août 2013, les copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] ont décidé de refaire la toiture de l'immeuble. Antérieurement, à la demande de Mme [Z] [G], propriétaire du rez-de-chaussée, une expertise avait été ordonnée par décision du 30 novembre 2012 et confiée à Mme [A] qui a rendu son rapport le 23 avril 2014 et une note complémentaire le 5 décembre 2014. Dans le cadre des travaux de rénovation de la toiture, les quatre fenêtres de toit des époux [S] ont été déposées.

L'assemblée générale des copropriétaires du 4 août 2015 a refusé d'accorder aux époux [S] l'autorisation de réinstaller ces fenêtres.

Ce refus a été renouvelé lors de l'assemblée générale du 31 juillet 2017 (résolution n° 12). En outre, lors de cette même assemblée, l'autorisation de transformer une partie du lot 4 en habitation a été refusée aux époux [S] (résolution n° 13).

Par acte d'huissier en date du 26 septembre 2017, M. [C] [S] et Mme [V] [N] épouse [S] ont fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], représenté par son syndic bénévole M. [R] [K], devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins d’annulation des résolutions n° 12 et 13 de l'assemblée du 31 juillet 2017 et d'être également autorisés à installer, à leurs frais, quatre fenêtres de toit dans leur lot.

Par jugement contradictoire en date du 10 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Draguignan a:

- rejeté les demandes présentées par M. [C] [S] et Mme [V] [N] épouse [S],

- rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2],

- condamné M. [C] [S] et Mme [V] [N] épouse [S] in solidum aux dépens,

- condamné M. [C] [S] et Mme [V] [N] épouse [S] in solidum, à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 27 juillet 2019, M. [C] [S] et Mme [V] [N] épouse [S] ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs conclusions déposées et notifiées par RPVA le 24 octobre 2019, M. [C] [S] et Mme [V] [N] épouse [S] demandent à la cour de:

Vu la loi du 10 juillet 1965, et plus particulièrement ses articles 9 et 30,

- annuler les délibérations n° 12 et 13 et dire que M. [C] [S] et Mme [V] [N] épouse [S] peuvent installer dans leur lot, quatre velux conformément à la déclaration préalable du 7 juillet 2010,

- condamner le syndicat des copropriétaires à une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,

- dire et juger que M. et Mme [S] seront dispensés de toute participation à la dépense commune des frais de procédure et que la charge sera répartie entre les autres copropriétaires,

- condamner le syndicat des copropriétaires au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés par Me Christophe MICHEL sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Ils considèrent que le refus de l'assemblée générale de les autoriser à réinstaller les quatre fenêtres de toit (résolution n° 12) et de transformer le lot 4 en habitation ( résolution n° 13) est constitutive d'un abus de majorité aux motifs que:

- sur la résolution n° 12 :

* les fenêtres de toit ont été installées depuis plus de 10 ans et leur régularisation administrative est intervenue auprès de la mairie,

* le démontage de ces fenêtres n'étaient que la conséquence de la réfection du toit, de sorte que le refus de les autoriser à les réinstaller est contraire à l'intérêt collectif et n'est inspiré que par des préoccupations partisanes,

* ce refus est d'autant moins légitime que Mme [G] disposait d'une lucarne de toit au dernier étage et qu'elle a profité de la réfection totale de la toiture pour faire supprimer cette lucarne en créant une autre ouverture côté rue, sans autorisation de l'assemblée, ni de l'architecte des bâtiments de France,

* la copropriété était en possession de tous les documents nécessaires en ce que les fenêtres de toit devaient être installées par l'entreprise chargée de la rénovation de la toiture,

* il n'est aucunement établi que la création de ces 4 fenêtres serait susceptible de créer des infiltrations,

- sur la résolution n° 13 à savoir la transformation d'une partie du lot 4 ( grenier à en habitation):

* lorsqu'ils ont acquis l'immeuble, ledit lot était déjà dans cette configuration et il y a donc plus de 10 ans que le dernier étage est à usage d'habitation,

* Mme [G] a été autorisée à transformer son local ( grenier) en habitation et M. [K] son local à destination commerciale en habitation,

- lors de cette assemblée du 31 juillet 2017, ils ont sollicité la pose de fenêtres de toits et la transformation de leur grenier en habitation dans des conditions strictement identiques à ce qui a été admis en faveur de Mme [G],

- il n'existe aucune caducité d'autorisation d'urbanisme,

- la coalition [G]/[K] est majoritaire dans la copropriété.

Ils se prévalent l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965 et demandent à la cour de les autoriser à effectuer les travaux d'installation des velux à leurs frais par une entreprise dûment qualifiée et à changer la destination d'une partie du local. Ils précisent qu'ils se sont rapprochés d'un architecte qui, dans son avis du 19 octobre 2019, a conclu que les travaux envisagés sont facilement réalisables et ne posent aucun problème technique particulier et qu'enfin, ils ont déposé et obtenu une nouvelle déclaration préalable autorisant la pose de 4 fenêtres.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], et son syndic volontaire, M. [R] [K], régulièrement assignés par acte du 30 octobre 2019, remis respectivement à son représentant légal et à personne, n'ont pas constitué avocat.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 4 octobre 2022.

MOTIFS

Sur l'abus de majorité

Les époux [S] sollicitent l'annulation des résolutions n° 12 et 13 de l'assemblée générale du 31 juillet 2017 pour abus de majorité.

Par la résolution n° 12, l'assemblée générale a refusé d'accorder aux époux [S] l'autorisation d'installer quatre fenêtres de toit de marque Velux.

Aux termes de la résolution n° 13, les copropriétaires ont refusé de leur donner l'autorisation de transformer une partie du lot 4 en habitation.

L'abus de majorité consiste soit à utiliser la majorité dans un intérêt autre que l'intérêt collectif ou dans un intérêt qui lui est contraire, soit dans un intérêt personnel, soit dans l'intérêt exclusif d'un groupe majoritaire au détriment du groupe minoritaire, soit avec l'intention de nuire, soit en rompant l'équilibre entre les copropriétaires.

La preuve du caractère fautif d'une décision d'assemblée générale repose sur le copropriétaire qui s'en prévaut.

Sur la résolution n° 12

Par acte du 12 octobre 2006, les époux [S] ont acquis au sein de l'immeuble en copropriété [Adresse 2], les lots 3,4, 5 11 et 7.

L'un de leurs appartements était, au moment de leur entrée dans les lieux, équipé de fenêtres de toit, pour lesquelles ils ont obtenu la régularisation administrative de la création de ces ouvertures suivant un arrêté du 7 juillet 2010, la demande de déclaration préalable portant sur ' la création de quatre velux'.

Lors de l'assemblée générale du 9 août 2013, il a été décidé de la réfection totale de la toiture de l'immeuble conformément au devis de la société MAISONS DU SUD pour un montant de 14.960,74 € TTC.

Les quatre fenêtres de toit des époux [S] ont été déposées par cette entreprise, lors de la réalisation des travaux de reprise de cette toiture. Dans un courrier adressé le 16 mars 2015 aux appelants, l'entrepreneur explique que la repose des fenêtres de toit lui a été interdite par le syndic, celui-ci invoquant une absence d'autorisation.

Il convient de rappeler que l'assemblée générale du 4 août 2015 a refusé d'accorder aux époux [S] l'autorisation de réinstaller leurs fenêtres ( résolution n° 7). Cette résolution a été qualifiée d'abusive par un jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 12 janvier 2017.

Il est noté sur le procès-verbal de l'assemblée, objet du présent litige, que le refus notamment de Mme [T] est motivé d'une part par la crainte d'infiltrations et d'autre part par l'absence éventuelle d'une autorisation administrative valide, l'absence de plans, de la consistance des travaux, d'un justificatif d'entreprise et de l'assurance décennale garantissant les travaux.

Or, il n'est pas contesté que les fenêtres de toit devaient être réinstallées par la société MAISONS DU SUD qui avaient été contraintes de les déposer dans le cadre de la rénovation de la toiture, de sorte que le syndicat des copropriétaires était en possession de l'assurance décennale de l'entreprise en question et d'un justificatif de cette dernière sur la nature des travaux à réaliser, d'autant qu'il s'agissait de réinstaller des fenêtres qui avaient été retirées compte tenu de la réalisation de travaux sur les parties communes. En outre, la pose de ces fenêtres avait été approuvée par la commune.

Quant à la crainte d'infiltrations compte tenu de la réfection récente de la toiture, il sera observé que l'entreprise choisie par les époux [S] est qualifiée, assurée et correspond à celle qui avait été sélectionnée par la copropriété pour refaire la toiture. En outre ce refus est en contradiction avec l'autorisation municipale obtenue par les appelants et renouvelée par arrêté du 7 octobre 2019 et est d'autant plus abusif que ces fenêtres, dont la pose avaient été autorisée, n'ont dû être déposées qu'en raison de la réfection de la toiture et non en raison d'une faute des copropriétaires, aucune raison objective n'expliquant le refus de les autoriser à les réinstaller, si ce n'est l'opposition systématique de deux copropriétaires, Mme [G] et M. [K], par ailleurs syndic bénévole, avec qui les appelants sont en conflit à propos de travaux réalisés au sein de la copropriété et objet d'une expertise judiciaire confiée à Mme [A].

Il convient de prononcer la nullité de la résolution n° 12 qui est constitutive d'un abus de majorité.

Sur la résolution n° 13

L'assemblée générale du 4 août 2015 a donné son accord pour que :

- M. [R] [K] change de destination son local commercial en habitation (résolution n° 10),

- Mme [T] change de destination son grenier en habitation (résolution n° 11).

Par la résolution n° 13 contestée, les copropriétaires ont refusé d'autoriser les époux [S] à transformer une partie du lot 4 en habitation, étant précisé que ce lot 4 est décrit comme un grenier et une pièce sur cour.

A la lecture du procès-verbal, ce refus est motivé par le fait que les travaux avaient déjà été effectués sans autorisation de l'assemblée générale, qu'il n'est pas justifié d'une autorisation administrative, de plans d'audits de bureau d'étude certifiant que les travaux engagés ne comportent pas de risque, de devis professionnel avec assurance décennale et que pour les copropriétaires [K] et [T] l'assemblée générale du 4 août 2015 leur a uniquement accordé une autorisation de principe, les travaux n'ayant pas été effectués.

Il est exact en l'espèce que les appelants ne produisent aucune autorisation administrative, les deux arrêtés prises par la commune ne concernant que la pose de 4 fenêtres de toit, que contrairement à la résolution précédente, ils ne communiquent aucune information, études ou devis sur les travaux projetés et il n'est pas établi que les décisions adoptées lors de l'assemblée du 4 août 2015 aient été prises dans un contexte identique à celui qui concerne les époux [S].

Les copropriétaires sont en effet en droit de prendre des décisions différentes d'autant qu'en l'espèce le refus était motivé par des raisons justifiées en ce que les appelants n'avaient pas d'autorisation administrative et n'avait fourni lors de cette assemblée, aucune information concrète sur leur projet.

Il s'ensuit, que s'agissant de cette résolution, l'abus de majorité n'est pas caractérisé de ce chef.

Sur le moyen tiré de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965

Les travaux effectués par un copropriétaire, qui affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, doivent être autorisés par l'assemblée générale des copropriétaires à la majorité de l'article 25 b de la loi du 10 juillet 1965.

L'article 30 alinéa 4 précise que lorsque l'assemblée générale refuse l'autorisation prévue à l'article 25 b, tout copropriétaire ou groupe de copropriétaires peut être autorisé par le tribunal de grande instance à exécuter, aux conditions fixées par le tribunal tous travaux d'amélioration visées à l'alinéa 1er.

Les époux [S] sollicitent l'autorisation de la cour de créer 4 fenêtres de toit et de transformation d'une partie du lot 4 en habitation.

Toutefois, dans le dispositif de leurs conclusions qui seul lie la cour, ils ne sollicitent une telle demande que pour les velux. En conséquence, la cour n'est pas saisie d'une demande d'autorisation de transformation du lot 4 en habitation.

L'installation de velux dans un logement apporte un confort tant au niveau de l'éclairage naturel des pièces qu'au niveau de la ventilation et sont donc constitutifs d'une amélioration au sens de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965.

Le premier juge, tout en constatant qu'il s'agissait bien de travaux d'amélioration, leur avait refusé une telle autorisation considérant que leur projet nécessitait une préparation plus avancée.

En cause d'appel, les époux [S] produisent l'avis autorisé de M. [L], architecte, en date du 19 octobre 2019, lequel après s'être rendu sur place, a conclu que les travaux envisagés sont facilement réalisables et ne posent aucun problème technique particulier. Il a par ailleurs étudié le devis actualisé de la SARL CONSTRUCTION RINALLO GRIMAUD du 4 septembre 2019 correspondant à la réalisation des travaux, ainsi que son attestation d'assurance SMABTP à jour et définissant le périmètre des activés garanties notamment les ouvrages de couverture, en particulier pour la pose de châssis de toit. Enfin, ils déposé et obtenu une nouvelle déclaration préalable par arrêté du 7 octobre 2019 autorisant la pose des 4 fenêtres.

Il convient, en conséquence de les autoriser à effectuer les travaux consistant en la création des quatre fenêtres de toit type velux selon les modalités fixées au présent dispositif.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan sauf en ce qu'il a débouté

M. [C] [S] et Mme [V] [N] épouse [S] de leur demande d'annulation de la résolution n° 13 de l'assemblée générale des copropriétaires du 31 juillet 2017,

Statuant à nouveau,

Prononce l'annulation de la résolution n° 12 de l'assemblée générale des copropriétaires du 31 juillet 2017,

Autorise M. [C] [S] et Mme [V] [N] épouse [S] à leurs frais, les quatre fenêtres de toit dans leur lot, conformément à la déclaration préalable du 7 juillet 2010 renouvelée le 7 octobre 2019 et le devis de la SARL CONSTRUCTION RINALLO GRIMAUD du 4 septembre 2019,

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] à payer à M. [C] [S] et Mme [V] [N] épouse [S] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] aux dépens de première instance et de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.