Cass. crim., 17 décembre 2019, n° 19-83.574
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Avocat :
SCP Thouin-Palat et Boucard
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 77-1, 170, 171, 174, 206, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête aux fins d'annulation et dit que jusqu'à la cote D 953 le dossier ne comporte aucun vice de forme de nature à emporter l'annulation de pièces de la procédure ;
alors que l'arrêt attaqué a relevé que l'instruction du 23 mars 2017 autorisait les enquêteurs, de façon permanente, à requérir l'INPS ou l'IRCGN d'analyser les prélèvements d'une scène d'infraction, d'un objet ou d'une victime d'infraction et de les comparer aux empreintes génétiques du FNAEG ; qu'ainsi, pour toute enquête préliminaire et de façon permanente, les enquêteurs étaient libres de requérir les services de police scientifique de procéder à une expertise génétique, sans contrôle ni autorisation du procureur de la République avant chaque expertise génétique et en particulier celle des gouttelettes de sang prélevées dans la bijouterie après les faits du 30 mars 2017 ; qu'en jugeant que cette instruction du 23 mars 2017 ne laissait aucune marge d'appréciation aux enquêteurs la chambre de l'instruction s'est contredite, et en considérant qu'elle satisfaisait aux conditions de l'article 77-1 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a violé ce texte et ceux visés au moyen ;
Vu l'article 77-1 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que l'autorisation donnée par le procureur de la République aux officiers de police judiciaire de faire procéder à des examens techniques ou scientifiques doit être donnée dans le cadre de la procédure d'enquête préliminaire en cours et non par voie d'autorisation générale et permanente préalable ; que cette interprétation est commandée par la nécessité de garantir la direction effective des enquêtes préliminaires par le procureur de la République ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 30 mars 2017, un vol à main armée a été commis au préjudice d'une bijouterie par deux hommes, masqués, gantés et porteurs chacun d'une arme de poing ; que, dans le cadre d'une enquête de flagrance, ont été effectuées des mesures de police technique et scientifique, dont le prélèvement par écouvillonnage de traces de sang découvertes sur les lieux ; que, le 5 avril 2017, au visa de l'article 60-1 du code de procédure pénale, l'institut national de la police scientifique (INPS) a été saisi par un officier de police judiciaire de l'analyse de ces prélèvements ; que dans le cadre de l'enquête poursuivie dans la forme préliminaire, ce même institut a été saisi le 12 septembre 2017, sur le fondement de l'article 77-1 du code de procédure pénale par un officier de police judiciaire, conformément à des instructions permanentes du procureur de la République du 23 mars 2017, afin de rapprochement entre les prélèvements biologiques et le profil génétique de M. I... O... G... ; que, dans le cadre de l'information ouverte sur ces faits, ce dernier a été interpellé le 24 avril 2018 puis mis en examen pour vol à main armée et placé en détention provisoire ; que, le 25 octobre 2018, M. G... a présenté une requête aux fins d'annulation de pièces de la procédure ;
Attendu que, pour écarter le moyen de nullité de l'examen technique et scientifique réalisé par l'INPS et des actes subséquents, l'arrêt relève que, le 23 mars 2017, le procureur de la République a, par instruction permanente, expressément autorisé les enquêteurs « à requérir l'INPS ou l'IRCGN aux fins d'analyse des prélèvements effectués sur une scène d'infraction, un objet ou une victime, et de comparaison avec les données du FNAEG aux fins de confirmation des rapprochements réalisés par le FNAEG » et qu'il n'est ainsi donné aucune marge d'appréciation aux enquêteurs dans une telle situation ; que les juges en déduisent que le parquet a ainsi exercé son pouvoir de direction des enquêtes préliminaires diligentées par les officiers de police judiciaire ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 4 avril 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept décembre deux mille dix-neuf ;