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Décisions

Cass. com., 20 mars 2007, n° 05-20.846

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Basse-Terre, 1re ch. civ., du 23 août 20…

23 août 2005

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 23 août 2005), que les parts composant le capital de la société civile agricole Caraïbes Nord étaient également réparties entre quatre associés parmi lesquels Roger X... ; que celui-ci est décédé en 1990, laissant pour lui succéder sa veuve et ses six enfants (les consorts X...) ; qu'en 1999, les trois autres associés ont cédé la totalité de leurs parts à la société Anella trading limited, la cession étant agréée par délibération de l'assemblée générale extraordinaire du 21 juin 1999 puis réalisée par acte authentique du 17 août 1999 ; que les consorts X..., qui contestaient la validité des cessions de parts, s'étant ultérieurement opposés en référé à la tenue de plusieurs assemblées générales de la société Caraïbes Nord, cette dernière ainsi que la société Anella Trading limited ont demandé en justice que soit constatée la validité des cessions et que soient déclarées prescrites les actions tendant à contester celle-ci ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré prescrite l'action en nullité de l'assemblée générale du 21 juin 1999 et d'avoir validé les cessions de parts du 17 août 1999, alors, selon le moyen :

1 / que l'exception de nullité d'une délibération de l'assemblée générale d'une société est perpétuelle ; que les consorts X... demandaient à titre d'exception que fût prononcée la nullité de l'assemblée générale de la SCA Caraïbes Nord tenue le 21 juin 1999 en leur absence, ces derniers n'ayant même pas été convoqués, les autres associés ayant autorisé la cession de toutes leurs parts sociales à un tiers étranger à ladite société, c'est-à-dire la société Anella Trading limited ; que pour décider que l'exception de nullité de cette délibération était irrecevable, la cour d'appel a affirmé que, par principe, elle ne peut être soulevée que par celui qui n'a pas encore exécuté son obligation, précisément en opposition à une action tendant à le voir exécuter et que tel n'était pas le cas de l'action des deux sociétés tendant à voir constater la forclusion des consorts X... à agir à l'avenir contre l'assemblée générale extraordinaire du 21 juin 1999 ;

qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1844-14 du code civil, ensemble les principes régissant la perpétuité de l'exception de nullité en matière d'actes du droit des sociétés ;

2 / qu'à supposer que la condition tenant à ce que l'acte ne soit pas encore exécuté soit applicable à la recevabilité de l'exception de nullité à l'encontre d'une décision d'assemblée générale, la cour d'appel ne pouvait déclarer qu'une telle condition n'était pas remplie dans le cadre du litige opposant les consorts X... aux sociétés Caraïbes Nord et Anella Trading limited dès lors que l'action exercée par celles-ci tendait à la validation de la cession de parts dans les rapports entre lesdites sociétés et las consorts X..., c'est-à-dire à rendre exécutoire cette cession de parts ; que, partant, l'arrêt attaqué a violé les dispositions de l'article 1844-14 du code civil ;

3 / que selon l'arrêt attaqué, "l'action de la SCA Carïbes Nord et de la société Anella Trading limited consiste essentiellement à voir constater la forclusion des consorts Y... à agir pour l'avenir contre l'assemblée générale extraordinaire du 21 juin 1999" et "l'action de la SCA Caraïbes Nord et de la société Anella Trading limited ne consistant pas en la mise en oeuvre d'une obligation mais en la constatation de la déchéance d'un droit à agir, l'exception de nullité invoquée par les consorts Y... n'est pas recevable" ; qu'il ressort des mentions du jugement entrepris et des conclusions d'appel des sociétés Caraïbes Nord et Anella Trading limited que leur action tendait à "entendre déclarer régulières les cessions de parts de la société civile agricole Caraïbes Nord au profit de la société Anella Trading limited effectuées le 17 août 1999" et "entendre déclarer prescrites toutes les actions en contestation de la validité de ces cessions" (jugement entrepris), à "déclarer régulière l'assemblée générale extraordinaire du 21 juin 1999 et les cessions de parts de la société Caraïbes Nord effectuées par acte authentique du 17 août 1999" et de "dire et juger la société Caraïbes Nord libre de tenir toute assemblée de son choix selon l'ordre du jour librement arrêté par son gérant" (conclusions récapitulatives des sociétés Caraïbes Nord et Anella Trading limited) ; qu'en modifiant l'objet de l'action et des demandes des sociétés Caraïbes Nord et Anella Trading limited, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant exactement retenu que l'exception de nullité ne peut être invoquée que pour faire échec à une demande d'exécution d'un acte juridique et relevé, sans méconnaître l'objet du litige, que l'action des sociétés Caraïbes Nord et Anella trading limited ne tendait pas à la mise en oeuvre d'une obligation issue de l'assemblée générale du 21 juin 1999 mais seulement à la constatation de la déchéance du droit d'agir en nullité de cette assemblée, la cour d'appel a décidé à bon droit que l'exception de nullité ne pouvait être opposée à cette action ;

Et attendu, en second lieu, que si l'action des sociétés Caraïbes Nord et Anella trading limited tendait à la validation des cessions de parts litigieuses, elle ne pouvait, même indirectement, conduire à faire peser sur les consorts X... l'obligation d'exécuter des actes auxquels ils n'étaient pas parties ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les consorts X... font encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 / que les conclusions d'appel des consorts X... demandaient, à titre subsidiaire, de, "si par impossible, la cour faisait application de l'article 1844-14 du code civil, constater que le délai de trois ans n'étant pas expiré, la demande de nullité formée par les conclusions de première instance n'est pas prescrite", ladite demande se rattachant au passages desdites conclusions relatif à la nullité de l'assemblée générale du 21 juin 1999 et à celle de la cession des parts ; qu'en affirmant que les consorts X... ne diligentaient présentement aucune action en nullité de la délibération du 21 juin 1999 au motif que leur demande reconventionnelle en nullité ne concernait que l'assemblée du 14 novembre 2001, l'arrêt attaqué a dénaturé leurs conclusions d'appel en violation de l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;

2 / que le délai de prescription de l'action en nullité de l'article 1844-14 du code civil peut être interrompu ou suspendu, ou même ne jamais avoir couru ; que par suite, en déclarant prescrite l'action en nullité des consorts X... contre l'assemblée générale de la SCA Caraïbes Nord du 21 juin 1999 sans répondre au moyen des conclusions d'appel faisant valoir qu'aucune prescription n'avait couru en vertu de la règle "fraus omnia corrumpit", dès lors que la cession de parts litigieuse avait été effectuée en toute clandestinité et en fraude de leurs droits, qu'ils n'avaient pu exercer leur droit de préemption ou de préférence sur la vente des parts conformément à l'article 9 1er des statuts et avaient dû subir l'intrusion d'un associé majoritaire, ladite cession de parts n'ayant fait l'objet d'aucune formalité de publicité, et ce bien que l'existence de leur qualité d'héritiers avait été portée, dès le 31 juillet 1990, et que leur identité avaient été portées à la connaissance du gérant de la SCA Caraïbes Nord, et que M. David X... avait reçu mandat tacite des autres coïndivisaires afin de les représenter aux assemblées, l'arrêt attaqué a entaché sa décision d'un défaut de motif en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que le délai de prescription de l'action en nullité de l'assemblée générale du 21 juin 1999 était expiré le 20 juin 2002 et que les consorts X... avaient pour la première fois invoqué la nullité de l'assemblée générale par leurs conclusions du 24 mai 2004, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, que l'action en nullité était prescrite ;

Et attendu, d'autre part, que l'arrêt relève, d'un côté, que les statuts de la société Caraïbes Nord obligeaient les héritiers d'un associé décédé à justifier de la désignation d'un mandataire commun représentant les propriétaires indivis et précisaient que ceux-ci ne pouvaient jusqu'à cette production exercer vis-à-vis des associés survivants ou de la société aucun des droits appartenant au défunt et retient, d'un autre côté, que les consorts X..., s'ils avaient donné pouvoir de représentation à M. David X... le 1er novembre 2001, n'avaient pas pour autant justifié de cette désignation auprès de la société Caraïbes Nord sous une forme officielle et explicite ; que par ces constatations d'où il résulte que la société Caraïbes Nord n'avait pas commis de fraude en s'abstenant de les convoquer à l'assemblée générale du 21 juin 1999, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que les consorts X... font enfin grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande d'annulation de l'assemblée générale du 14 novembre 2001 et leur demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir sur les premier et deuxième moyens entraînera par voie de conséquence la cassation du chef du dispositif de l'arrêt attaqué déboutant les consorts X... de leur demande d'annulation de l'assemblée générale du 14 novembre 2001 et de leur demande indemnitaire dès lors que la cour d'appel a retenu que la cession de parts présentement validée rend légitimes les décisions prises par les associés majoritaires ; que, partant, la censure sera prononcée par application des articles 624 et 625 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que les premier et deuxième moyens ayant été rejetés, le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.