Cass. crim., 9 novembre 2010, n° 10-82.918
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
Mme Guirimand
Avocat :
SCP Piwnica et Molinié
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Osman X...,
- M. Karim Y...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 8 avril 2010, qui, dans l'information suivie contre eux, des chefs, notamment, d'infractions à la législation sur les stupéfiants et d'association de malfaiteurs, a prononcé sur leur demande en annulation de pièces de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 7 juin 2010, prescrivant l'examen immédiat des pourvois ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux deux demandeurs ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que MM. X... et Y..., mis en examen des chefs, notamment, d'infractions à la législation sur les stupéfiants et d'association de malfaiteurs, ont présenté devant la chambre de l'instruction une requête en annulation des pièces de la procédure ; qu'au soutien de leur demande, ils ont fait valoir, en particulier, qu'à la suite d'un renseignement anonyme informant le 16 novembre 2009 la direction interrégionale de la police judiciaire de Lyon de la réalisation imminente d'une opération d'importation de stupéfiants en provenance d'Espagne, les investigations menées par les enquêteurs avaient conduit à l'ouverture d'une instruction judiciaire, mais que la procédure n'était ni équitable ni contradictoire, dès lors que M. X..., mis en cause de façon nominative par le dénonciateur des faits, n'avait pu lui être confronté ; qu'ils ont ajouté que la mesure de garde à vue prise à leur encontre le 18 novembre 2009 à 23 heures 25 s'était déroulée, au mépris des droits de la défense, sans qu'ils aient pu bénéficier de l'assistance d'un avocat, qui n'avait pu intervenir que le 21 novembre 2009, à la même heure ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 75 et suivants, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte de la procédure ;
" aux motifs qu'il apparaît que l'enquête préliminaire peut être ouverte d'office par des officiers de police judiciaire, par application des dispositions des article 75 et suivants du code de procédure pénale dès lors que ceux-ci sont informés de l'existence possible d'une infraction pénale, quelle que soit la source de leur information ; que l'absence de renseignement sur l'information ayant donné lieu à l'enquête ne saurait constituer une violation des formes prescrites par la loi, telle que rappelée par l'article 802 du code de procédure pénale, et ne saurait non plus rendre la procédure inéquitable et non contradictoire, dès lors que les indices relevés à l'encontre des mis en examen ne reposent pas sur l'information anonyme, mais bien sur les actes qui sont intervenus postérieurement à celle-ci ; qu'il apparaît en effet que le renseignement téléphonique communiqué a permis la mise en place de surveillances, qui ont conforté la teneur de l'information, la poursuite n'étant fondée que sur les seules investigations ensuite menées dans le cadre de l'enquête, de sorte que ce premier moyen de nullité sera rejeté ;
" 1°) alors que l'utilisation d'un témoignage anonyme n'est conforme aux principes du procès équitable et contradictoire que si les personnes mises en cause sur le fondement dudit témoignage ont pu interroger ou faire interroger ce témoin ; que les mis en examen faisaient valoir que l'action publique avait été mise en mouvement à la suite d'une dénonciation anonyme, qu'ils avaient été mis en cause à la suite de cette dénonciation, et qu'il leur avait été refusé toute possibilité d'interroger ou d'être confronté au dénonciateur ; qu'en se bornant à constater que l'absence de renseignement sur l'information n'est pas une violation des formes prescrites par la loi ni du caractère équitable et contradictoire de la procédure, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;
" 2°) alors que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans se contredire, considérer que les indices relevés ne reposaient pas sur l'information anonyme et tout à la fois constater que les indices résultaient des actes diligentés à la suite de cette information anonyme ;
" 3°) alors que, de même, la chambre de l'instruction ne pouvait sans se contredire, considérer que les indices à l'encontre des mis en examen ne reposaient pas sur la dénonciation anonyme et tout à la fois constater que le renseignement anonyme citait nommément un des mis en examen et que les investigations avaient été réalisées sur la personne nommément citée " ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que, pour écarter l'argumentation de MM. X... et Y..., prise du défaut de confrontation d'un des mis en examen avec la personne ayant alerté les services de police, la chambre de l'instruction retient que, par application des articles 75 et suivants du code de procédure pénale, une enquête préliminaire peut être ouverte d'office par les officiers de police judiciaire, dès lors que ceux-ci sont avisés de l'existence possible d'une infraction pénale, quelle que soit la source de l'information, et que la poursuite n'est elle-même fondée que sur les seules investigations menées pendant l'enquête, à la suite de ladite information ;
Attendu qu'en décidant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, la chambre de l'instruction a justifié sa décision, sans encourir les griefs allégués, dès lors que les renseignements destinés à guider d'éventuelles investigations de la police judiciaire ne peuvent eux-mêmes être retenus comme moyens de preuve ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 4, 6, 7, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 34 et 66 de la Constitution, 62 et suivants, 591, 593, et 706-73 du code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte de la procédure ;
" aux motifs que les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, ratifiée par la France, et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui apprécie la violation ou non desdites dispositions, ont vocation à s'appliquer à tous les pays du conseil de l'Europe dont la France ; qu'aux termes de l'article 6 de la Convention : 1°) toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi qui décidera soit des contestations sur des droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; 2°) tout accusé a droit notamment à : a) être informé dans le plus court délai dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office lorsque les intérêts de la justice l'exigent ; que l'arrêt Salduz du 27 novembre 2008, s'est attaché à affiner la notion de droit à un procès équitable afin qu'il reste suffisamment concret et effectif en précisant « il faut en règle générale que l'accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police sauf à démontrer à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit » ; qu'il a encore précisé : « il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque les déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police subi sans assistance possible d'un avocat, sont utilisées pour fonder une condamnation » ; que l'arrêt Dayanan du 13 octobre 2009 affine quant à lui la notion d'assistance par un avocat en précisant : « l'équité de la procédure requiert que l'accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d'interventions qui sont propres au conseil. A cet égard, la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention, sont des éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer » ; que, cependant, dans ces deux décisions, les mis en cause n'avaient pu avoir accès à un avocat au cours de la garde à vue, la législation turque ne prévoyant pas l'intervention d'un avocat au stade de la garde à vue pour certaines infractions, et qu'au surplus, il apparaît que l'essentiel des éléments d'incrimination avaient été réunis lors de cette phase de la procédure ; qu'il sera observé qu'en droit français, les dispositions relatives à la garde à vue permettent toujours à la personne concernée d'avoir accès à un avocat pendant la garde à vue ; qu'en effet, dans le cadre d'une garde à vue pour une infraction de droit commun, l'article 63-4 du code de procédure pénale auquel renvoie l'article 154 du même code, prévoit que dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat et qu'elle peut au besoin demander qu'il lui en soit désigné un d'office ; que l'avocat informé de la nature et de la date de l'infraction reprochée au mis en cause peut s'entretenir confidentiellement avec lui pour une durée maximale de 30 minutes et peut présenter, à l'issue, des observations écrites qui seront jointes à la procédure ; que, dans ces conditions, l'avocat peut intervenir avant même le premier interrogatoire réalisé par les enquêteurs ; que le droit français ne prévoit une intervention de l'avocat différée à la 48e ou à la 72e heure de garde à vue, que pour des infractions d'une particulière gravité, limitativement énumérées par le dernier alinéa de l'article 63-4 et l'article 706-88 du code de procédure pénale ; que cette dérogation justifiée par les faits de l'espèce et la gravité des infractions, n'est pas contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ; qu'en tout état de cause, le droit français ne saurait être considéré comme contraire à cette jurisprudence, dès lors que la décision de condamnation pénale ne s'appuie pas uniquement sur les déclarations de la personne poursuivie, qui n'aurait pas été en mesure d'être assistée d'un avocat devant les enquêteurs ; que le procès pénal n'est pas inéquitable et l'article 6 de la Convention n'est pas violé, lorsque des éléments de preuve pertinents fondent la décision de condamnation indépendamment des déclarations de l'intéressé, recueillies sans qu'il soit assisté d'un avocat ; qu'en définitive dans le cadre d'un information judiciaire, il conviendra d'apprécier l'entier déroulement de la procédure, et notamment les conditions dans lesquelles les éléments de l'enquête auront été librement et loyalement discutés devant le magistrat instructeur ; qu'ainsi la garde à vue doit être mise en perspective avec les modalités permettant à l'avocat de prendre connaissance du dossier dans des délais propres à favoriser la préparation des auditions ou à susciter les demandes d'actes, et plus généralement, tous les actes utiles à la défense de l'intéressé ; qu'en conséquence, l'absence d'avocat au cours des interrogatoires de garde à vue ne peut constituer, à elle seule, une cause de nullité, et n'a de conséquence que sur la valeur probante des déclarations du mis en cause ; qu'en l'espèce, M. X... placé en garde à vue le 18 novembre 2009 à 23h25 a été immédiatement informé de ses droits, déclarant souhaiter que son frère soit averti, qu'un médecin soit appelé et que son conseil, Me Z... soit avisé ; que l'avis à médecin traitant a été effectué à 23h30 et que compte tenu de la nature des faits visés, lesquels entrent dans la liste de l'article 706-73 du code de procédure pénale s'agissant d'un trafic de stupéfiants, l'avis à avocat est intervenu le 20 novembre à 16 heures, pour permettre un entretien avec celui-ci à compter de la soixante douzième heure, par application des dispositions de l'article 63-4 ; que cet entretien d'une durée de quinze minutes s'est déroulé le 21 novembre de zéro heure à zéro heure 15, de sorte que la procédure telle que rappelée a été respectée ; que, pour ce qui concerne M. Y..., son placement en garde à vue est également intervenu le 18 novembre 2009 à 23h25, ce dernier étant immédiatement informé de ses droits, déclarant souhaiter voir un médecin et s'entretenir avec son avocat, Me A..., sans souhaiter faire prévenir un proche ; que là encore, l'avis à médecin a été effectué à 23h30 et que, compte tenu de la nature des faits visés, lesquels entrent dans la liste de l'article 706-73 du code de procédure pénale s'agissant d'un trafic de stupéfiants, l'avis à avocat est intervenu le 20 novembre à 16h55, pour permettre un entretien avec celui-ci à compter de la soixante douzième heure par application des dispositions de l'article 63-4 ; que cet entretien avec un avocat d'une durée de dix minutes, s'est déroulé le 22 novembre de zéro heure 20 à zéro heure 30, de sorte que la procédure telle que rappelée a été respectée ;
" alors qu'il résulte des droits de la défense qu'une personne placée en garde à vue ne peut être entendue sans l'assistance d'un avocat ; que l'annulation par le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité en application de l'article 61-1 de la Constitution, des dispositions du code de procédure pénale autorisant les officiers de police judiciaire à entendre une personne en garde à vue sans l'assistance d'un avocat, privera de base légale l'arrêt attaqué " ;
Attendu que, par décision du 9 juillet 2010, la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité présentée à l'occasion de leurs pourvois par MM. X... et Y... et relative aux articles 63-4 et 706-73 du code de procédure pénale, en tant que ces textes, en méconnaissance du principe constitutionnel des droits de la défense affirmé notamment dans l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, permettent d'entendre une personne gardée à vue sans l'assistance d'un avocat ;
Attendu que, statuant le 6 août 2010, le Conseil constitutionnel a, en ce qui concerne l'article 63-4 du code de procédure pénale, dit n'y avoir lieu de statuer, renvoyant à la décision qu'il avait rendue sur ce point le 30 juillet 2010 ; qu'à cette dernière date, le Conseil constitutionnel avait déclaré contraires à la Constitution les articles 62, 63, 63-1 et 77 du code de procédure pénale, ainsi que les alinéas 1er à 6 de son article 63-4, avec prise d'effet le 1er juillet 2011, et dit n'y avoir lieu à statuer sur l'article 706-73 du code de procédure pénale et le septième alinéa de son article 63-4 ;
D'où il suit que le moyen est devenu sans objet ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 63-4, 591, 593, 706-73 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte de la procédure ;
" aux motifs que les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, ratifiée par la France, et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui apprécie la violation ou non desdites dispositions, ont vocation à s'appliquer à tous les pays du conseil de l'Europe dont la France ; qu'aux termes de l'article 6 de la convention : 1°) toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi qui décidera soit des contestations sur des droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; 2°) tout accusé a droit notamment à : a) être informé dans le plus court délai dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office lorsque les intérêts de la justice l'exigent ; que l'arrêt Salduz du 27 novembre 2008, s'est attaché à affiner la notion de droit à un procès équitable afin qu'il reste suffisamment concret et effectif en précisant « il faut en règle générale que l'accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police sauf à démontrer à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit » ; qu'il a encore précisé : « il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque les déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police subi sans assistance possible d'un avocat, sont utilisées pour fonder une condamnation » ; que l'arrêt Dayanan du 13 octobre 2009 affine quant à lui la notion d'assistance par un avocat en précisant : « l'équité de la procédure requiert que l'accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d'interventions qui sont propres au conseil. A cet égard, la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention, sont des éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer » ; que, cependant, dans ces deux décisions, les mis en cause n'avaient pu avoir accès à un avocat au cours de la garde à vue, la législation turque ne prévoyant pas l'intervention d'un avocat au stade de la garde à vue pour certaines infractions, et qu'au surplus, il apparaît que l'essentiel des éléments d'incrimination avaient été réunis lors de cette phase de la procédure ; qu'il sera observé qu'en droit français, les dispositions relatives à la garde à vue permettent toujours à la personne concernée d'avoir accès à un avocat pendant la garde à vue ; qu'en effet, dans le cadre d'une garde à vue pour une infraction de droit commun, l'article 63-4 du code de procédure pénale auquel renvoie l'article 154 du même code, prévoit que dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat et qu'elle peut au besoin demander qu'il lui en soit désigné un d'office ; que l'avocat informé de la nature et de la date de l'infraction reprochée au mis en cause peut s'entretenir confidentiellement avec lui pour une durée maximale de 30 minutes et peut présenter, à l'issue, des observations écrites qui seront jointes à la procédure ; que, dans ces conditions, l'avocat peut intervenir avant même le premier interrogatoire réalisé par les enquêteurs ; que le droit français ne prévoit une intervention de l'avocat différée à la 48e ou à la 72e heure de garde à vue, que pour des infractions d'une particulière gravité, limitativement énumérées par le dernier alinéa de l'article 63-4 et l'article 706-88 du code de procédure pénale ; que cette dérogation justifiée par les faits de l'espèce et la gravité des infractions, n'est pas contraire à la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme ; qu'en tout état de cause, le droit français ne saurait être considéré comme contraire à cette jurisprudence, dès lors que la décision de condamnation pénale ne s'appuie pas uniquement sur les déclarations de la personne poursuivie, qui n'aurait pas été en mesure d'être assistée d'un avocat devant les enquêteurs ; que le procès pénal n'est pas inéquitable et l'article 6 de la Convention n'est pas violé, lorsque des éléments de preuve pertinents fondent la décision de condamnation indépendamment des déclarations de l'intéressé, recueillies sans qu'il soit assisté d'un avocat ; qu'en définitive dans le cadre d'un information judiciaire, il conviendra d'apprécier l'entier déroulement de la procédure, et notamment les conditions dans lesquelles les éléments de l'enquête auront été librement et loyalement discutés devant le magistrat instructeur ; qu'ainsi la garde à vue doit être mise en perspective avec les modalités permettant à l'avocat de prendre connaissance du dossier dans des délais propres à favoriser la préparation des auditions ou à susciter les demandes d'actes, et plus généralement, tous les actes utiles à la défense de l'intéressé ; qu'en conséquence, l'absence d'avocat au cours des interrogatoires de garde à vue ne peut constituer, à elle seule, une cause de nullité, et n'a de conséquence que sur la valeur probante des déclarations du mis en cause ; qu'en l'espèce, M. X... placé en garde à vue le 18 novembre 2009 à 23h25 a été immédiatement informé de ses droits, déclarant souhaiter que son frère soit averti, qu'un médecin soit appelé et que son conseil, Me Z... soit avisé ; que l'avis à médecin traitant a été effectué à 23h30 et que compte tenu de la nature des faits visés, lesquels entrent dans la liste de l'article 706-73 du code de procédure pénale s'agissant d'un trafic de stupéfiants, l'avis à avocat est intervenu le 20 novembre à 16 heures, pour permettre un entretien avec celui-ci à compter de la soixante douzième heure, par application des dispositions de l'article 63-4 ; que cet entretien d'une durée de quinze minutes s'est déroulé le 21 novembre de zéro heure à zéro heure 15, de sorte que la procédure telle que rappelée a été respectée ; que, pour ce qui concerne M. Y..., son placement en garde à vue est également intervenu le 18 novembre 2009 à 23h25, ce dernier étant immédiatement informé de ses droits, déclarant souhaiter voir un médecin et s'entretenir avec son avocat, Me A..., sans souhaiter faire prévenir un proche ; que là encore, l'avis à médecin a été effectué à 23 heures 30 et que, compte tenu de la nature des faits visés, lesquels entrent dans la liste de l'article 706-73 du code de procédure pénale s'agissant d'un trafic de stupéfiants, l'avis à avocat est intervenu le 20 novembre à 16 heures 55, pour permettre un entretien avec celui-ci à compter de la soixante douzième heure par application des dispositions de l'article 63-4 ; que cet entretien avec un avocat d'une durée de dix minutes, s'est déroulé le 22 novembre de zéro heure 20 à zéro heures 30, de sorte que la procédure telle que rappelée a été respectée ;
" 1°) alors que les droits de la défense commandent que l'assistance effective d'un avocat soit consentie dès le début de la garde à vue et dès le premier interrogatoire du suspect par la police ; que l'article 63-4 du code de procédure pénale prévoit que si la personne est gardée à vue pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-73 du code de procédure pénale, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de soixante-douze heures ; qu'une telle disposition méconnaît les droits de la défense ; que les mis en examen, qui avaient demandé dès le début de leur garde à vue l'assistance d'un avocat, n'ont cependant pas bénéficié d'une telle assistance ; qu'il en résulte que la mesure de garde à vue et les procès-verbaux d'audition sont entachés de nullité ; qu'en refusant de prononcer la nullité, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;
" 2°) alors que le droit à un procès équitable ne peut être concret et effectif que si l'accès à un avocat a été consenti dès le premier interrogatoire du suspect ; que le défaut d'assistance par un avocat porte irrémédiablement atteinte aux droits de la défense et au droit d'être jugé équitablement ; que la chambre de l'instruction, qui a constaté l'absence d'un avocat au cours des interrogatoires de garde à vue, ne pouvait pas refuser de prononcer la nullité des gardes à vue ;
" 3°) alors que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans se contredire, considérer que l'absence d'un avocat au cours des interrogatoires de garde à vue ne pouvait pas constituer une cause de nullité et tout à la fois énoncer que les déclarations des intéressés recueillies sans qu'ils soient assistés d'un avocat ne pouvaient pas fonder une décision de condamnation pénale ;
" 4°) alors qu'en justifiant la validité des interrogatoires des intéressés réalisés sans l'assistance d'un avocat au motif que la juridiction de jugement ne s'appuierait pas sur les déclarations ainsi recueillies, la chambre de l'instruction s'est prononcée par un motif hypothétique prenant en compte de manière divinatoire ce que fera ultérieurement la juridiction de jugement ; que dès lors la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision " ;
Attendu que, pour rejeter l'argumentation de MM. X... et Y... qui, à l'appui de leur demande d'annulation, invoquaient le fait qu'ils n'avaient pu bénéficier, comme ils l'avaient demandé, de l'assistance d'un avocat dès le début de la garde à vue, la chambre de l'instruction retient que l'article 706-88 du code de procédure pénale, qui, par dérogation au droit commun de la garde à vue, prévoit une intervention différée de l'avocat à l'issue de la 48ème ou 72ème heure pour les seules infractions d'une particulière gravité, limitativement énumérées par ce code, n'est pas contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, et qu'en toute hypothèse, l'absence de l'avocat au cours des interrogatoires de garde à vue, qui n'est pas à elle seule une cause de nullité, influe seulement sur la valeur probante des déclarations des personnes mises en cause ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, d'où il résulte que, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce, et non à la seule nature du crime ou du délit reproché, toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction, doit, dès le début de la garde à vue, bénéficier, sauf renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat ;
Attendu que, toutefois, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que ces règles de procédure, qui ne pourraient, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et à la bonne administration de la justice, s'appliquer immédiatement à une garde à vue conduite dans le respect des dispositions législatives existant lors de sa mise en oeuvre, prendront effet au moment de l'entrée en vigueur de la loi devant, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de la garde à vue, ou, au plus tard, le 1er juillet 2011 ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.