Cass. crim., 19 mars 2008, n° 07-88.684
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Labrousse
Avocat général :
M. Fréchède
Avocat :
Me Spinosi
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Pierre,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BASTIA, en date du 28 novembre 2007, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'abus de biens sociaux, faux et usage, présentation de comptes annuels infidèles, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 24 janvier 2008, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 12, 13, 15-1, 41, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble la circulaire du 22 mai 2002 instituant les GIR ;
"en ce que la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, le 28 novembre 2007, a dit n'y avoir lieu à annulation de certains actes de procédure ;
"aux motifs que, "la requête dont Jean-Pierre X... a saisi la chambre de l'instruction a pour objet l'annulation de l'ensemble de l'enquête préliminaire diligentée conjointement par le groupement d'intervention régional de la Corse (GIR), des actes relatifs à sa garde à vue et de sa mise en examen aux motifs que ce service régional se serait, avant le 18 septembre 2006, sans délégation des autorités administratives et judiciaires habilitées à lui confier ses missions, livré à une enquête de police, d'une part, et, d'autre part, que les renseignements concernant sa situation fiscale et celle des personnes morales dont il assure la direction, retenus à charge, procéderaient de réquisitions irrégulières ; que, par note du 7 septembre 2006, le commandant de police, chef du groupement d'intervention régional de la Corse, indiquait au directeur régional de la police judiciaire que selon les recherches fiscales effectuées par le contrôleur des impôts du GIR concernant le fonctionnement des sociétés Corseus Hélicoptères, Corse de l'Eau et de l'Environnement et des infractions, dirigées par Jean-Pierre X..., les délits de fraude fiscale, abus de biens sociaux et travail dissimulé seraient susceptibles d'être relevés ; qu'au vu de cette note le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Ajaccio prescrivait le 15 septembre 2006 une enquête préliminaire confiée conjointement au GIR et à la section économique et financière de la DRPJ de Corse ; qu'il est soutenu que le GIR ne constitue pas un service de police au sens de l'article 15-1 du code de procédure pénale, que simple structure de mutualisation de moyens, son action ne peut résulter que d'un diagnostic commun du préfet et du procureur de la République ; que cette absence de décision équivaut à une absence d'habilitation et prive de support légal les diligences que ce service dit avoir effectuées ; que, créé par une circulaire interministérielle qui définit les missions et le fonctionnement, le GIR n'est pas un service de police au sens de l'article 15-1 du code de procédure pénale, mais une structure destinée à mutualiser les connaissances et les moyens en matière de lutte contre certaines formes de criminalité ; que son action n'est pas subordonnée à la saisine par deux autorités distinctes, comme il est soutenu, cette dualité d'autorités étant seulement destinée à arbitrer les situations de multiplicité de demandes ; que, si les actes de police judiciaire effectués par des personnes dépourvues des habilitations nécessaires restent annulables, cette annulation ne s'applique qu'aux diligences concrètement effectuées et aux actes qui formellement en établissent le contenu ; que, préalablement à l'information du parquet le responsable du GIR évoque les recherches fiscales effectuées par le contrôleur des impôts, membre du GIR ; que les fonctionnaires, pré-désignés par leur chef de service, constituent, selon les termes de la circulaire interministérielle du 22 mai 2002, une ressource en fonction des objectifs attribués au groupement régional ; qu'il résulte de la procédure que le contrôleur des impôts M. Y..., membre du GIR, est intervenu à compter du 18 septembre 2006 surtout en recevant des réquisitions adressées à son administration ; que les informations dont il était le détenteur avant cette date concernant certaines personnes assujetties à l'impôt, recueillies dans le cadre de ses fonctions habituelles et communiquées comme telles au GIR, ne constituent pas des diligences d'enquête ; que ces informations ont été qualifiées de "recherches fiscales "par le commandant de police chef du GIR dans sa note parvenue au parquet ; que ne figure au dossier d'information aucun trace écrite, procès-verbal ou simple rapport, pouvant attester de l'accomplissement d'un travail d'enquête en vue de la recherche ou de la constatation d'une infraction ; qu'il n'y a pas lieu de ce chef à annulation ; qu'au vu de la note précitée le procureur de la République d'Ajaccio prescrivait une enquête préliminaire confiée conjointement au directeur régional de la police judiciaire et au GIR ; que cette demande d'enquête rédigée en termes généraux ne comporte aucune indication particulière concernant les actes à effectuer ; que, le 18 septembre 2006, le contrôleur des impôts, M. Y..., a été requis par un officier de police judiciaire d'avoir à communiquer la situation fiscale de Jean-Pierre X... et de son conjoint (pièce D. 3) et les liasses fiscales des sociétés Corseus Hélicoptères et Corse de l'Eau et de l'Environnement et les références des comptes bancaires de ces entreprises (pièces D. 4 et D. 5) ; que ces réquisitions se réfèrent à l'autorisation du procureur de la République et ont été suivies d'effet le jour même ; que les 18 septembre 2006, 4 octobre 2006 et 17 octobre 2006, des réquisitions ont été adressées aux établissements bancaires détenteurs de comptes ouverts au nom de Jean-Pierre X... et de la société Corseus Hélicoptères (pièces D. 210, D. 298, D. 316, D. 344, D. 350 et D. 777) ; que ces actes établis par un officier de police judiciaire avaient pour objet la remise des relevés de comptes et de la copie de certains chèques ayant crédité ces comptes ; que le 25 septembre 2006, une autre réquisition était adressée au directeur régional de l'aviation civile détenteur des contrats de location d'appareils de la société Corseus Hélicoptères ; qu'il est fait référence dans ces réquisitions à l'autorisation préalable du procureur de la République ; que, selon l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier de police judiciaire, peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l'enquête, y compris ceux issus d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel ; que, dans chacune des réquisitions mentionnées ci-dessus, il est fait référence par l'officier de police judiciaire chargé de l'exécution à l'autorisation du parquet d'Ajaccio ; que les prescriptions de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale concernant l'autorisation du ministère public ont été respectées et que c'est donc à tort qu'il est soutenu que cette communication de documents par des personnes privées ou des administrations ont été faites sans l'autorisation du ministère public ; que ce texte n'exige pas que la personne requise aux fins de communication de document écrit ou de support informatique prête serment ; que, le 19 janvier 2007, un autre officier de police judiciaire a adressé au directeur des services fiscaux de la Haute-Corse une réquisition écrite aux fins de communication de la situation fiscale des dirigeants et détenteurs de parts de la société Corseus Hélicoptères (pièce D. 783) ; que, par procès-verbal du 19 janvier 2007, il a été procédé à l'annexion à la procédure des liasses fiscales d'une entreprise Hélicorse pour les exercices 2003, 2004 et 2005 (pièce D. 784) ; que cette dernière réquisition n'a pas été précédée de l'autorisation du procureur de la République et qu'il n'est fait dans la procédure aucune référence à une telle autorisation ; qu'il résulte de l'application combinée des articles 60-1 et 77-1-1 du code de procédure pénale qu'en enquête préliminaire, aucune mesure coercitive ne peut être diligentée par un officier de police judiciaire sans autorisation préalable du ministère public ; que l'absence d'autorisation préalable à une réclamation auprès de tiers de documents se rapportant à une enquête entache de nullité la réquisition litigieuse et l'ensemble des cotes subséquentes ; que les dispositions de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale sont édictées dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et que leur méconnaissance est constitutive d'une nullité ; qu'il y a lieu de déclarer nuls les actes d'instruction cotés sous les numéros D. 783 et D. 784 ; que l'annulation par la chambre de l'instruction s'étend aux actes et à toutes les pièces qui ont pour support nécessaire les actes annulés ; que le placement en garde à vue et la mise en examen de Jean-Pierre X... prononcée le 9 février 2007 pour des abus de biens sociaux, de présentation de bilan inexact et faux en écriture et usage, visés par la demande d'annulation, ne procèdent pas directement de l'étude des déclarations fiscales concernant la société Hélicorse selon les documents transmis par l'administration ou concernant la société Corseus Hélicoptères selon la réquisition du GIR, que l'intéressé a pu établir sous sa responsabilité de dirigeant d'entreprise ; que la mise en examen procède au contraire de l'étude analytique de déclarations fiscales et de documents comptables saisis au cours de perquisitions au domicile de Jean-Pierre X... et au siège des sociétés dont il assurait la gestion ; qu'il n'y pas lieu de procéder à l'annulation d'actes autres" ;
"alors que, d'une part, l'initiative commune du préfet et du procureur de la République ainsi que leur diagnostic commun sont les fondements nécessaires de l'action du GIR, en l'absence desquels ce groupement ne peut réaliser aucun acte d'investigation, quel qu'il soit ; qu'il résulte des pièces de la procédure que le GIR de Corse a, avant le 18 septembre 2006, enquêté de sa propre initiative sur les activités financières de Jean-Pierre X... sans avoir été saisi sur le fondement d'un tel diagnostic ; qu'en refusant néanmoins d'annuler les actes d'enquêtes effectuées en dehors de tout cadre légal, la chambre de l'instruction a violé les articles 12, 15-1 et 41 du code de procédure pénale éclairés par la circulaire du 22 mai 2002 instituant les GIR ;
"alors que, d'autre part, ayant statutairement le pouvoir de procéder à des enquêtes judiciaires, les GIR agissent nécessairement sous la direction des autorités judiciaires ; qu'il résulte des pièces de la procédure et des mentions mêmes de l'arrêt attaqué que le GIR de Corse a effectué, jusqu'au 18 septembre 2006, des recherches sur les activités financières de Jean-Pierre X... sans que le parquet en ait été informé ; que ces circonstances établissent qu'avant cette date, le GIR de Corse a agi d'office et en l'absence de tout contrôle de l'autorité judiciaire, les actes d'enquête ainsi réalisés étant entachés d'une illégalité manifeste ;
"alors qu'en outre, tous les actes de recherches effectués et exploités au sein d'un GIR, quels qu'en soient la nature et leur auteur, sont nécessairement soumis au contrôle de l'autorité judiciaire dès lors qu'ils peuvent être exploités aux fins de constatation d'infractions par le GIR lui-même, précisément placé sous la direction des autorités judiciaires à cette fin ; qu'ainsi, même à considérer que les actes de recherche réalisés par M. Y..., contrôleur des impôts au GIR de Corse, ne puissent être analysés comme des actes d'enquête judiciaire, la chambre de l'instruction ne pouvait, pour ce seul motif, rejeter la requête en nullité présentée par Jean-Pierre X... ;
"alors qu'enfin, la chambre de l'instruction ne pouvait, sans contradiction, affirmer qu'il résulte des pièces de la procédure que le contrôleur des impôts M. Y..., membre du GIR, est intervenu à compter du 18 septembre 2006 lorsqu'il résulte des propres mentions de l'arrêt et des pièces de la procédure qu'il avait, bien avant cette date, effectué des recherches susceptibles de révéler les délits de fraude fiscale, abus de biens sociaux et travail dissimulé" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 7 septembre 2006, le commandant de police, chef du groupement d'intervention régional de Corse (GIR) a transmis au directeur régional de la police judiciaire un rapport dans lequel il indiquait que des infractions d'abus de biens sociaux, travail dissimulé et fraude fiscale seraient susceptibles d'être relevées à l'encontre de Jean-Pierre X... selon les recherches fiscales effectuées par un fonctionnaire des impôts membre du GIR ; qu'au vu de ce rapport, le procureur de la République a ordonné le 15 septembre 2006 une enquête préliminaire, confiée conjointement au GIR et à la direction régionale de la police judiciaire, à l'issue de laquelle une information judiciaire a été ouverte et Jean-Pierre X... mis en examen des chefs de faux et usage, abus de biens sociaux, présentation de comptes annuels infidèles ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité soulevée par le prévenu, prise de ce que le GIR se serait livré avant le 15 septembre 2006 à une enquête de police, sans délégation préalable du préfet et du procureur de la République, seuls habilités, après diagnostic commun, à lui confier des missions, l'arrêt énonce que l'action du GIR n'est pas subordonnée à la saisine des deux autorités distinctes précitées, cette dualité d'autorités étant seulement destinée à arbitrer les situations de multiplicité de demandes ; que les juges ajoutent que les informations dont le fonctionnaire des impôts était détenteur, recueillies dans le cadre de ses fonctions habituelles et communiquées comme telles au GIR, qualifiées de "recherches fiscales" par le commandant de police de cette structure, ne constituent pas des actes d'enquête et ne peuvent dès lors donner lieu à annulation ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que, d'une part, tout officier de police judiciaire, exerçant ses fonctions au sein d'un GIR, tient de l'article 75 du code de procédure pénale le droit de procéder d'office à des enquêtes préliminaires, d'autre part, l'information tardive, à la supposer établie, du procureur de la République est sans effet sur la validité des actes accomplis, enfin il n'est pas établi ni même allégué que les informations, communiquées par le fonctionnaire des impôts en application de l'article L. 324-13 du code du travail, aient été irrégulièrement recueillies, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Que le moyen n'est donc pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.