Cass. crim., 7 décembre 2021, n° 20-82.733
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
M. Seys
Avocat général :
M. Lesclous
Avocat :
SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Au cours d'une enquête préliminaire, deux perquisitions ont été effectuées au domicile de Mme [K], ayant permis la découverte d'un compresseur, engin susceptible de causer des nuisances sonores.
3. Mme [K] a été citée devant le tribunal correctionnel.
4. Par jugement en date du 24 juin 2019, cette juridiction, après avoir rejeté l'exception de nullité des perquisitions soulevée par Mme [K], l'a condamnée, pour injure publique à raison de la race, de la religion ou de l'origine et des deux autres chefs susvisés, à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, devenu sursis probatoire, et a prononcé sur les intérêts civils.
5. Mme [K], puis le ministère public et l'une des parties civiles ont chacun relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche
6. Le grief n'est pas de nature à justifier l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité des perquisitions soulevée par Mme [K] et, en conséquence, l'a déclarée coupable des chefs ci-dessus, alors :
« 1°/ que seul un officier de police judiciaire peut procéder à une perquisition ; qu'en l'espèce, pour demander l'annulation des deux perquisitions réalisées le 26 février 2019, la première, à son domicile et dans son garage à 15 heures 43, et la seconde, de nouveau dans son garage à 16 heures 55, Mme [K] faisait valoir qu'elles avaient été réalisées par un agent de police judiciaire, M. [V] ; qu'en jugeant néanmoins que ces perquisitions étaient régulières, la cour d'appel a violé l'article 76 du code de procédure pénale ;
2°/ que seul un officier de police judiciaire peut procéder à une perquisition ; qu'en se fondant pour dire que les deux perquisitions effectuées le 26 février 2019 étaient régulières sur le motif en réalité inopérant qu'elles avaient été effectuées sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, M. [C], commissaire, sur instruction du substitut du procureur de la République et avec l'assentiment de Mme [K], la cour d'appel n'a pas légalement justifié son arrêt au regard de l'article 76 du code de procédure pénale ;
3°/ que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que les agents de police judiciaire ne peuvent réaliser des enquêtes préliminaires que sous le contrôle d'un officier de police judiciaire ; qu'en l'espèce, pour demander l'annulation des deux perquisitions pratiquées à son domicile, Mme [K] ajoutait qu'aucun officier de police judiciaire n'avait supervisé la perquisition, ni sur place, ni à distance ; que les procès-verbaux de perquisition et de saisie ne faisaient nulle mention d'un officier de police judiciaire auquel il aurait rendu compte des opérations ; qu'en énonçant que ces perquisitions avaient été réalisées sous le contrôle d'un commissaire de police, M. [C], sans relever aucun élément de nature à caractériser un tel contrôle, la cour d'appel a violé les articles 593 du code de procédure pénale, 75 et 76 du même code. »
Réponse de la Cour
8. L'article 75 du code de procédure pénale prévoit que les officiers de police judiciaire et, sous le contrôle de ceux-ci, les agents de police judiciaire procèdent à des enquêtes préliminaires soit d'office, soit sur les instructions du procureur de la République.
9. Il se déduit de ce texte et de l'article 76 du même code que les agents de police judiciaire peuvent, en enquête préliminaire, et au contraire de l'enquête de flagrance, procéder à une perquisition dès lors qu'ils agissent sous le contrôle de l'officier de police judiciaire.
10. L'existence de ce contrôle est établie par une mention expresse au procès-verbal de perquisition ou peut résulter, à défaut, d'une mention spécifique dans les pièces de procédure.
11. L'exercice de ce contrôle est une condition de la régularité de la recherche de la preuve et son absence relève des dispositions de l'article 802 du code de procédure pénale. L'existence du grief exigé par ce texte est établie lorsque l'irrégularité elle-même a occasionné au requérant un préjudice, qui ne peut résulter de sa seule mise en cause par l'acte critiqué (Crim., 7 septembre 2021, pourvoi n° 20-87.191, Bull. 2021).
12. En l'espèce, c'est à tort que les juges ont déduit du seul visa du commissaire de police, chef de service, apposé sur le soit-transmis de clôture de la procédure au procureur de la République, l'existence du contrôle d'un officier de police judiciaire sur les perquisitions litigieuses sans mentionner aucune autre pièce de nature à en établir la réalité.
13. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que Mme [K], qui n'a pas contesté la présence du compresseur dans les lieux de la perquisition, ne se prévaut d'aucun autre grief que les poursuites dont elle a été l'objet.
14. Dès lors, le moyen doit être rejeté.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [K] coupable d'injure publique en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion par parole, écrit, image ou au moyen de communication au public par voie électronique, alors « que la citation délivrée à raison d'agissements prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse doit indiquer le texte de loi applicable ; que dans le cas où la citation vise plusieurs textes instituant des infractions distinctes, le juge ne peut opérer un choix entre ceux-ci et doit renvoyer le prévenu des fins des poursuites ; qu'en l'espèce, la convocation délivrée à Mme [K] précisait qu'elle était poursuivie pour avoir dit le 22 juin 2018, sur le balcon de son appartement, « vivement que [W] [H] elle passe. Fait chier à la fin avec ces bougnoules de merde. Ah, ça commence vraiment par me casser les couilles là. [N] de sa race. [N], j'ai envie d'y foutre une bombe », et que ces faits étaient prévus par « art. 33, alinéas 3 et 2 ; art. 23, alinéa 1 ; art. 42 de la loi du 29 juillet 1881 ; article 93-3 de la loi 82-652 du 29 juillet 1982 » ; que Mme [K] faisait justement valoir que la convocation était irrégulière pour viser tant l'alinéa 2 que l'alinéa 3 de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881, qui instituent des infractions distinctes, le premier réprimant l'injure envers un particulier et le second l'injure envers une personne ou un groupe de personne à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; qu'en déclarant néanmoins Mme [K] coupable d'injure publique en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion, la cour d'appel a méconnu son office et a violé l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881. »
Réponse de la Cour
16. Pour dire irrecevable l'exception de nullité soulevée par Mme [K] sur le fondement de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, l'arrêt attaqué rappelle qu'en application de l'article 385 du code de procédure pénale, une telle exception doit être présentée avant toute défense au fond.
17. Les juges ajoutent qu'au moment de sa comparution devant le tribunal correctionnel, l'intéressée n'a soulevé aucune exception de nullité tendant à l'annulation de l'acte de poursuite au titre du délit d'injure publique aggravée, de sorte qu'elle est irrecevable à le faire en appel.
18. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte précité.
19. Le moyen doit être rejeté.
20. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.