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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 16 mai 2014, n° 13/02087

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

EDITIONS RENE CHATEAU (SAS)

Défendeur :

A. DE B. épouse P., R. P., T. P., V. P., J. A., S. A., J. C., Y. C., GEORGES S. LIMITED (Entreprise)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marie-Christine AIMAR

Conseillers :

Mme Sylvie NEROT, Mme Véronique RENARD

Avocats :

Me Florence W., Me Frédéric I., Me Anne B., Me Camille K.

Paris, du 11 janv. 2013

11 janvier 2013

Le 18 mai 1987, la société Editions René Chateau, société d'édition, de production et de distribution vidéographique, a acquis l'ensemble des actifs de la société Les Films Fernand Rivers, producteur du film intitulé 'Le sang à la tête' tiré de l'oeuvre de Georges S. (décédé le 04 septembre 1989) Le fils Cardinaud adaptée et dialoguée par Michel A. (décédé le 28 juillet 1985), qui fut réalisé en 1957 par Gilles G. (décédé le 27 avril 1996).

Le 02 janvier 1989, la société René Chateau a conclu un contrat avec Monsieur Gilles G., ayant pour mandataire la société Artmedia SARL, aux termes duquel (articles 1 et 2) le réalisateur cédait, à titre exclusif et pour le monde entier, ses droits de représentation cinématographique, par télédiffusion et édition vidéographique sur ce film pour une durée de 15 années, soit jusqu'au 1er janvier 2004, et elle s'est vue, postérieurement, céder les droits d'exploitation sur ce même film par la succession de Michel A. (selon contrat du 22 juin 2000 et pour une durée de 15 ans à compter du 1er janvier 1999) ainsi que par la société Georges S. Ltd, titulaire des droits patrimoniaux de la succession S. (par contrat du 20 juin 2002 et pour une durée de 10 ans).

Consécutivement au décès de la compagne de Gilles G., en 2006, et à des échanges épistolaires avec les ayants-droit de celui-ci, les consorts P., relatifs à la poursuite de l'exploitation de ce film passée l'échéance du contrat (ceci dans un contexte de révocation par ces derniers du mandat donné à la SARL Artmedia), la société René Chateau a assigné les consorts P., par acte délivré le 28 septembre 2010, à l'effet de voir juger qu'ils ont commis un abus notoire en refusant de voir exploiter ledit film, par application de l'article L 122-9 du code de la propriété intellectuelle ou, subsidiairement, de voir arrêter des mesures permettant de résoudre le conflit conformément à l'article L 113-3 alinéa 3 du même code, avec demande indemnitaire subséquente du fait de la 'stérilisation de l'exploitation du film'.

Divers événements ont, par la suite, émaillé la procédure, s'agissant :

- du prononcé d'une ordonnance, le 06 mai 2011, par le juge de la mise en état - saisi par les consorts P. se prévalant alors d'une exploitation sans droit ni titre du film 'Le sang à la tête' à compter du 1er janvier 2004 justifiant leur refus de renouvellement de la cession de droit d'exploitation - qui a rejeté la demande de production, par des tiers, la SACEM et la SACD, de pièces relatives aux coordonnées des coauteurs ou ayants-droit de plusieurs films dont l'oeuvre en cause ;

- du constat de la vanité de recourir à un règlement alternatif du conflit à la faveur, notamment, d'une mesure de médiation proposée par ce magistrat à cette même date ;

- de l'accord des consorts P. 'à la diffusion exceptionnelle du film' sur la chaîne de télévision France 3 donnée le 29 juin 2011 par les consorts P.

- d'une convention de séquestre portant sur la somme de 30.000 euros perçue, diminuée des droits d'auteur revenant aux ayants-droit S. et A. ;

- de l'intervention volontaire des ayants-droit de Michel A. par conclusions du 21 mars 2012 ;

- de l'assignation en intervention forcée de la société Georges S. Ltd du 14 mars 2012 et de la jonction de cette procédure à l'instance principale ;

- de l'assignation en intervention forcée de Messieurs Yves et Jean C., ayants-droit de Maurice C. dit Henri V., compositeur de la musique originale du film, selon actes des 06 et 09 juillet 2012.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 11 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance et avec exécution provisoire :

- dit que la société René Chateau s'est rendue coupable de contrefaçon au préjudice des consorts P. ;

en conséquence,

- condamnée à leur payer la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi mais rejeté la demande d'interdiction ;

- débouté la société René Chateau et les consorts A. de l'ensemble de leurs demandes ;

- prononcé la résiliation du contrat précité conclu le 22 juin 2000 ;

- débouté les consorts P. de leur demande de confiscation du matériel mais les a autorisés à faire réaliser, à leurs frais, une copie du film 'Le sang à la tête' afin de permettre son exploitation en accord avec les ayants-droit des co-auteurs ;

- ordonné la levée du séquestre entre les mains de Madame le Bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris portant sur la somme de 20.356,73 euros au bénéfice des consorts P. à hauteur de 13.495 euros et de la société Editions René Chateau à hauteur de celle de 6.861,73 euros ;

- débouté les consorts P. de leur demande fondée sur la procédure abusive en condamnant la requérante à verser aux consorts P. la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, en déboutant, par ailleurs, les consorts A. de leur réclamation au titre de leurs frais non répétibles.

Par dernières conclusions signifiées le 13 février 2014 , la société par actions simplifiée Editions René Chateau, appelante, demande en substance à la cour, au visa des articles L 122-9, L 113-3, L 132-26 et L 132-27 du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en celles relatives au rejet de la demande de confiscation du matériel et au titre de la procédure abusive ainsi qu'en celle relative à la mainlevée du séquestre ;

- de l'autoriser à reprendre l'exploitation du film à compter de la date de la signification de l'arrêt à intervenir, dans les conditions du projet de contrat de renouvellement des droits d'auteur proposé le 23 avril 2008 sauf en ce qu'il prévoit la rétroactivité de la cession à la date du 1er janvier 2004 ;

- de débouter les consorts P. de toutes leurs prétentions ;

- de les condamner solidairement à lui verser la somme indemnitaire de :

* 54.848 euros , sauf à parfaire, réparant le préjudice subi du fait de l'absence d'exploitation du film 'Le sang à la tête' depuis le 1er janvier 2008

* celle de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens en ordonnant une mesure de publication d'usage.

Par dernières conclusions signifiées le 27 février 2014 , Madame Brigitte A. de B. épouse P., Madame Valérie P., Mademoiselle Rebecca P. et Monsieur Tom P. (ci-après : les consorts P.) prient, pour l'essentiel, la cour, au visa des articles L 122-9, L 113-3, L 122-4, L 211-1 et L 335-3 du code de la propriété intellectuelle :

- de confirmer le jugement en ses dispositions qui leur sont favorables, en tant que de besoin ;

- de faire interdiction aux consorts A. de reconduire, au bénéfice de la société Editions René Chateau le bénéfice du contrat du 22 juin 2000, lequel 'arrivera' à expiration le 31 décembre 2013 ;

- de réformer le jugement pour le surplus ;

formant appel incident,

- de condamner la société René Chateau à leur verser :

* la somme de 75.000 euros au titre des atteintes portées aux droits d'auteurs de Gilles G.,

* celle de 30.000 euros en raison d'une procédure abusive,

* la somme complémentaire de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 23 septembre 2013, Messieurs Jacques et Stéphane A. (ci-après : les consorts A.) demandent pour l'essentiel à la cour, au visa des articles L 113-3 et L 122-9 du code de la propriété intellectuelle, 1165 et 1184 du code civil :

- de trancher le litige opposant les héritiers des co-auteurs du film 'Le sang à la tête' en imposant que l'exploitation de l'oeuvre soit confiée à la société Editions René Chateau,

- d'ordonner la poursuite du contrat les liant à la société René Chateau en condamnant les ayants-droit P. à verser à chacun d'eux la somme de 3.000 euros et à supporter les entiers dépens.

Les consorts A. ont fait signifier leurs conclusions d'intimés à la société Georges S. Ltd, à Monsieur Jean C. et à Monsieur Yves C. le 08 octobre 2013, de la même façon que la société René Chateau, selon actes des 24 et 25 février 2014 , mais ces derniers, comme en première instance, n'ont pas constitué avocat.

Sur ce, La Cour

Sur le recours aux dispositions de l'article L 113-3 du code de la propriété intellectuelle pour trancher le différend

Considérant qu'aux termes des alinéas 2 et 3 de cet article, applicable à une oeuvrecinématographique qui constitue la propriété commune des coauteurs indépendamment de l'importance et du mérite de leurs apports respectifs :

' Les coauteurs doivent exercer leurs droits d'un commun accord.

En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de trancher.' ;

Considérant que la société René Chateau, qui se prévaut de sa recevabilité à agir sur ce fondement dans la mesure où ce texte ne limite pas le droit d'action qu'il instaure aux seuls coauteurs et qu'elle l'exerce en qualité de producteur, notamment propriétaire des éléments corporels de l'oeuvre nécessaires à son exploitation et, par ailleurs, d'ayant-droit à titre exclusif des droits patrimoniaux des deux autres coauteurs de l'oeuvre, critique la motivation du tribunal qui a retenu qu'elle ne pouvait invoquer cette disposition pour se voir autorisée à exploiter le film car cela aurait pour effet de justifier a posteriori la contrefaçon dont elle s'est rendue coupable et qui perdurait au jour de sa saisine ;

Qu'elle poursuit, à cet égard, l'infirmation du jugement en faisant valoir cumulativement qu'elle n'a pas entrepris une exploitation sans droit mais l'a poursuivie après échéance, en 2004, du contrat de cession de droits régularisé à son profit en 1989, que cette poursuite s'est faite en parfaite connaissance et sans opposition de la société Artmedia, qu'elle est investie des droits de deux des trois coauteurs, que la cessation immédiate de la commercialisation de l'oeuvre aurait porté un grave préjudice patrimonial aux intérêts de l'ensemble des ayants-droit (y compris les consorts P.), qu'à la date de l'assignation toute exploitation avait cessé, ajoutant qu'elle a procédé au règlement de l'intégralité des droits d'auteur au titre des exploitations passées, que les consorts P. qui ont accepté ces paiements ont ratifié les exploitations incriminées et qu'enfin, l'autorisation sollicitée - à compter de l'arrêt à intervenir - n'emporte aucune conséquence sur les exploitations passées et ne peut, en tout état de cause, 'justifier a posteriori la contrefaçon' ;

Que les consorts A. s'associent à cette demande en estimant que malgré la reconduction de leur contrat avec la société Editions René Chateau, malgré celle de la société Georges S. et en dépit des demandes réitérées de l'appelante aux fins de régularisation de la situation, la cohérie P., qui n'a pas su en temps et en heure s'ériger contre ces reconductions, persiste à refuser le renouvellement des droits litigieux et se maintient dans une attitude de blocage obérant ainsi l'exploitation de l'oeuvre par une société dont le travail de réhabilitation de films anciens est à juste titre admiré et qui recueillait toute la confiance de Gilles G. lui-même, ceci au détriment des autres indivisaires ;

Que les consorts P. poursuivent, quant à eux, la confirmation du jugement qui a considéré qu'était contrefaisante l'exploitation de l'oeuvre postérieurement à l'échéance contractuelle en faisant valoir que l'article L 113-3 précité - dont ils ne contestent pas que l'appelante a qualité pour l'invoquer - ne peut servir à justifier a posteriori une situation de contrefaçon avérée, que le recours aux règles de l'indivision est, au surplus, inopportun et que le désaccord entre coauteurs ne peut être tranché, en tout état de cause, en faveur d'un cessionnaire dont les manquements sont avérés ;

Sur les conditions de mise en oeuvre de l'article L 113-3 alinéa 3 du code de la propriété Intellectuelle

Considérant que le recours à justice pour trancher un différend opposant les coauteurs que prévoit cet alinéa 3 'en cas de désaccord' n'est que supplétif ; qu'il renvoie à la règle de l'unanimité posée en son alinéa 2 de laquelle il résulte que les droits de l'un des coauteurs ne peuvent être cédés sans l'accord des autres, ce qui suppose que pour se prévaloir d'un désaccord il est nécessaire de démontrer qu'un accord a été recherché avant de saisir le tribunal d'un différend ;

Que les consorts P. sont, par conséquent, fondés à prétendre que cet article L 113-3 alinéa 3 n'a pas vocation à trouver application s'il est démontré, ainsi qu'ils entendent en administrer la preuve, que la société Editions René Chateau a poursuivi l'exploitation de l'oeuvre sans leur autorisation, passé le terme contractuel, et à opposer, par ailleurs, aux consorts A., qui ne peuvent utilement se prévaloir du droit commun de l'indivision en présence de cette règle de l'unanimité, la circonstance qu'en signant, le 22 juin 2000, un nouveau contrat de cession de leurs droits d'exploitation reconduisant les droits de la société Editions René Chateau, ils se devaient de prendre au préalable la précaution de les consulter ;

Sur les faits de contrefaçon reconventionnellement invoqués par les consorts P.

Considérant qu'il est constant que la cession des droits d'auteur consentie par Gilles G. à la société Editions René Chateau est arrivée à échéance le 1er janvier 2004 et que cette dernière en a poursuivi l'exploitation postérieurement, admettant, en toute hypothèse, qu'elle en a assuré la commercialisation jusqu'en 2008, date à laquelle elle a été sommée par le notaire en charge de la succession de la compagne de Gilles G. de fournir des explications et justificatifs d'ordre financier ;

Que l'argumentation qu'elle développe afin de justifier le fait qu'elle a ainsi agi alors qu'elle ne disposait plus de la nécessaire autorisation des ayants-droit de Gilles G. et qui tient à l'absence de réaction à ses sollicitations imputable à la société Artmediamandatée ne peut être retenue, en l'absence de tout document venant en attester, d'autant que cette société n'est pas attraite en la cause ; qu'il en va de même de l'argument tenant à l'état de santé précaire de la compagne de Gilles G., peu de temps avant son décès, dès lors qu'il est démontré qu'à cette date, elle a été à même de contracter avec des tiers pour d'autres oeuvres du cinéaste ;

Qu'elle ne peut, non plus analyser l'acceptation, par les consorts P., du tardif versement de redevances auquel elle a procédé en une renonciation à se prévaloir à son encontre d'agissements contrefaisants, d'autant que la réponse du notaire en charge de la succession dont s'agit, datée du 20 juin 2008 (pièce 16 de l'appelante) est dénuée de toute équivoque sur ce point, celui-ci écrivant :

' J'accuse réception de votre correspondance en date du 12 courant dont je transmets la copie à Madame Valérie P. qui m'indique aujourd'hui ne pas l'avoir reçue.

Vous avez adressé à Artmedia ainsi qu'à V. et Franck P. des chèques correspondant à des années de soldes dus au titre des droits d'auteur, sommes que vous avez réglées après plusieurs années de retard sans même proposer d'intérêts de retard pour ce paiement différé de longue date !

Il va de soi que ces chèques ne peuvent constituer que des acomptes sur d'éventuelles sommes dues sur cette période.

Vous persistez à me réclamer la signature du contrat d'exploitation des droits d'auteur de Gilles G. avant de procéder à tout autre règlement et je trouve cette démarche pour le moins déplacée dans la mesure où vous soumettez le règlement de votre dette qui ne souffre d'aucune discussion à la régularisation d'un contrat en 2008 pour les années 2006 et 2007.

Je vous invite à régler sans délai les sommes que vous estimez devoir à Franck et Valérie P. sachant qu'il y a certainement d'autres films exploités par vous qui mériteront une étude attentive sur les années 2004 à 2007" ;

Que la reconnaissance que témoigne, certes, à la société appelante le milieu cinématographique du fait de son oeuvre de restauration et de réhabilitation de nombreux films anciens tout comme la confiance qu'ont pu lui accorder, de leur vivant, les coauteurs du film 'Du sang à la tête' ne la dispensaient pas d'exécuter le contrat venu à échéance le 1er janvier 2004 - exécution justement contestée par les consorts P. qui incriminent des redditions de compte défectueuses, des versements de rémunérations singulièrement tardives ou encore le défaut de communication semestrielle au Centre National de la Cinématographie et de l'Image Animée des documents permettant d'établir les recettes d'exploitation réalisées, conformément au décret du 09 mai 1988 et expliquent de ce fait leur défiance - pas plus qu'elle ne la dispensaient de rechercher leur accord concomitamment à son échéance, ce qu'elle ne s'est résolue à faire qu'à compter de 2008 en soumettant, qui plus est, le versement de rétributions passées à un accord de renouvellement ;

Que le fait qu'elle déclare avoir cessé toute exploitation à compter de 2008, ce que tendent à contredire les pièces versées aux débats par les intimés (pièces 28, 59, 61 à 64) ou que, dans le dernier état de la procédure, elle demande à être autorisée à exploiter l'oeuvre à compter de la décision à intervenir ne permet pas de passer outre aux conditions d'application de l'article L 113-3 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle ;

Qu'à juste titre, par conséquent, le tribunal a considéré qu'à compter du 1er janvier 2004, la société Editions René Chateau a commis des actes de contrefaçon ; qu'il s'en déduit que les conditions d'application de l'article L 113-3 alinéa 3 qu'elle invoque ne sont pas satisfaites ;

Sur l'effet de l'intervention accessoire des consorts A.

Considérant que, de la même façon qu'il appartenait à la société René Chateau de solliciter des ayants-droit de Gilles G. la signature d'un nouveau contrat lui permettant, à compter du 1er janvier 2004, de poursuivre l'exploitation de l'oeuvre, il appartenait aux ayants-droit de Jacques A., coauteur d'une oeuvre de collaboration, de se rapprocher des ayants-droit des autres coauteurs afin de les informer de leur dessein de céder leurs droits d'exploitation à cette même société postérieurement à l'échéance contractuelle et de les mettre à même d'exprimer leur volonté, avec faculté de mettre en oeuvre l'article L 113-3 alinéa 3 sus-repris en cas de désaccord ;

Qu'ils ne justifient pas d'une telle diligence ;

Qu'en outre, leur intervention aux côtés de la société Editions René Chateau est sans effet sur l'application de cet article ; qu'a fortiori, la simple lettre de la société Georges S. Limited qui n'a pas constitué avocat mais s'inscrit dans la même démarche que les consorts A. n'est pas susceptible de produire effet d'autant que la cession de droits d'auteur est un acte de disposition et non point d'administration, si bien que les dispositions des articles 815-2 et suivants n'ont pas vocation à trouver application ;

Sur la réparation des faits de contrefaçon

Considérant que, formant appel incident, les consorts P. poursuivent la majoration des sommes allouées en faisant valoir qu'a minima la société Editions René Chateau a exploité le film litigieux durant six années en violation de leurs droits, que les quelques redditions de compte fournies, de même que la rémunération proposée dans le projet de convention de l'appelante ne peuvent servir de bases de calcul utile et qu'il y a lieu de faire application de l'article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit, pour fixer le montant des dommages-intérêts, la prise en considération 'des conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la parie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte' ;

Qu'en regard des pièces adverses, elle évalue à environ 25.750 euros le bénéfice annuel de cette dernière et estime qu'il n'est pas déraisonnable, pour une période de six années, de réclamer la somme indemnitaire de 75.000 euros, sauf à permettre à la société Editions René Chateau de conserver un profit résultant de ses agissements contrefaisants ;

Qu'en réplique, la société Editions René Chateau fait valoir qu'il ne subsiste aucun préjudice indemnisable après versement, par elle, des droits d'auteur leur revenant pour la période de janvier 2004 à décembre 2008 (soit la somme de 28.202,72 euros) et qu'alors titulaire des droits des deux autres coauteurs du film, nul autre qu'elle-même ne pouvait exploiter l'oeuvre, ce dont les consorts P. avaientparfaitement conscience ;

Considérant, ceci exposé, que les consorts P. n'invoquent pas des gains manqués, mais se prévalent des bénéfices réalisés, ce que le tribunal a, d'ailleurs pris en considération, à l'instar du préjudice moral causé ;

Qu'eu égard, toutefois, aux circonstances de la cause et, en particulier, aux versements effectués ainsi qu'à l'absence d'éléments d'appréciation précis sur la masse contrefaisante, les réseaux de distribution et les profits réalisés, il y a lieu de considérer que le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice subi et que sa décision doit être confirmée en son évaluation ;

Sur le sort du contrat signé le 22 juin 2000 entre la société Editions René Chateau et la succession Michel A.

Considérant que les consorts A. qui sollicitent la poursuite de ce contrat font grief au tribunal d'en avoir ordonné la résiliation au mépris du principe de l'effet relatif des contrats qui s'évince des articles 1165 et 1184 du code civil et duquel il résulte que la résiliation d'un contrat ne peut être demandée que par l'une des parties audit contrat ; que les consorts P., qui ont la qualité de tiers à cet acte, ne pouvaient faire valoir, selon eux, des circonstances extrinsèques à la relation contractuelle des parties pour en réclamer la résiliation ;

Considérant, ceci rappelé, qu'il convient de constater qu'aux termes de l'article 2 du contrat relatif à sa durée, la cession de droits était consentie pour une durée de quinze années à compter du 1er janvier 1999, soit jusqu'au 31 décembre 2013, et qu'à la date à laquelle la cour statue, ce contrat est parvenu à échéance ;

Que, cela étant, c'est à tort que les premiers juges ont prononcé la résiliation de ce contrat, puisqu'à la date où ils ont statué, le contrat du 02 janvier 1989 conclu entre la société Editions René Chateau et les coauteurs de l'oeuvre et qui créait un lien d'indivisibilité entre les différentes cessions consenties par les coauteurs pour l'exploitation de leur oeuvre commune, était arrivé à échéance, de sorte que ce contrat ne pouvait plus faire l'objet d'une résiliation et entraîner la résiliation de conventions qui en seraient indissociables ; que, tout au plus le tribunal pouvait-il considérer que cette convention était inopposable aux consorts P. ;

Que pour ce qui est de la demande des consorts P. tendant à obtenir de la cour qu'elle fasse 'interdiction, en tant que de besoin, à Messieurs Jacques et Stéphane A. de reconduire au bénéfice de la société Editions René Chateau le bénéfice du contrat du 22 juin 2000, lequel arrivera à expiration le 31 décembre 2013", il y a lieu de considérer que la cour ne saurait valablement entraver, pour le futur, le principe de la liberté contractuelle, de sorte que cette prétention doit être rejetée ;

Sur le recours aux dispositions de l'article L 122-9 du code de la propriété intellectuelle pour trancher le différend

Considérant qu'aux termes de cet article, également invoqué par l'appelante :

' En cas d'abus notoire dans l'usage ou le non-usage des droits d'exploitation de la part des représentants de l'auteur décédé visés à l'article L 121-2, le tribunal de grande instance peut ordonner toute mesure appropriée. Il en est de même s'il y a conflit entre lesdits représentants, s'il n'y a pas d'ayant-droit connu ou en cas de vacance ou de déshérence.

Le tribunal peut être saisi notamment par le ministre chargé de la culture.' ;

Que, précisant qu'elle ne poursuit plus, comme en première instance, l'application du premier membre de l'alinéa 1er requérant la démonstration d'un abus notoire, mais celle de son second membre [' il en est de même (...)' ] renvoyant seulement aux pouvoirs du tribunal et non à la nécessaire démonstration d'un abus notoire, elle s'estime recevable à soumettre au juge un conflit opposant différents représentants des auteurs d'une oeuvre et ajoute qu'il doit être tenu compte, pour trancher le différend, des conséquences d'un refus sur le rayonnement de l'oeuvre, de la volonté de l'auteur, des droits et de la volonté contraire exprimée par les ayants-droit directs des deux autres coauteurs ainsi que des droits qu'elle-même tient du producteur d'origine ;

Mais considérant que c'est par une argumentation inopérante que l'appelante soutient, en mettant en exergue le fait que le code de la propriété intellectuelle visent les droits 'de l'auteur' mais trouve cependant application en cas de pluralité d'auteurs, que cet article a vocation à indifféremment s'appliquer, qu'il existe un auteur unique ou plusieurs auteurs;

Qu'en effet, la lettre de ce texte ne vise que les 'conflits entre lesdits représentants (de l'auteur décédé, selon le premier membre de l'alinéa 1er )' ;

Que, par ailleurs, il existe un texte propre à régler un différend surgissant entre les coauteurs (ou leurs ayants-droit) d'une oeuvre de collaboration sur son exploitation , à savoir l'article L 113-3 du code de la propriété intellectuelle dont il a été dit précédemment qu'il ne pouvait être appliqué au cas d'espèce non pas parce que litige opposait les ayants-droit de coauteurs d'une oeuvre de collaboration mais parce que la saisine du tribunal a été précédée de faits de contrefaçon et que la preuve de diligences permettant aux autres coauteurs d'exprimer leur volonté n'a pas été rapportée ;

Qu'il peut, surabondamment, être observé qu'admettre une solution inverse reviendrait à faire litière des conditions d'application de l'article L 113-3 précité spécialement dédié à l'oeuvre de collaboration ;

Qu'il en résulte que, par motifs substitués, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de règlement du différend outre les demandes subséquemment formées, sur ce second fondement ;

Sur les autres demandes

Considérant qu'à titre incident, les consorts P. réitèrent leur demande indemnitaire destinée à voir sanctionner un abus de procédure en stigmatisant l'accumulation de fautes imputables au professionnel aguerri qu'est la société Editions René Chateau, invoquant les faits de contrefaçon, les mesures d'interdiction et de résiliation des contrats conclus avec les ayants-droit A. et S., et la confiscation ou, tout au moins, l'autorisation de prendre copie du matériel permettant l'exploitation du film ; qu'ils évoquent l'imperfection de la procédure telle qu'initiée et une tentative de 'passage en force' destinée à les contraindre à capituler ;

Mais considérant qu'en dépit de la solution donnée au présent litige, la société René Chateau a pu, sans faute, porter une appréciation erronée sur la situation juridique à certains égards complexe qui caractérise le litige et sur les droits dont elle pouvait disposer de sorte que le jugement qui a rejeté la demande à ce titre mérite confirmation ;

Que l'équité commande, en revanche, d'allouer aux consorts P. une somme complémentaire de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que les consorts A. seront déboutés de ce chef de prétentions formé à l'encontre des consorts P., de la même façon que la société Editions René Chateau qui succombe et qui, seule, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat signé le 22 juin 2000 liant la société Editions René Chateau SAS et la succession Michel A. ;

statuant à nouveau en y ajoutant ;

Constate que le contrat signé le 22 juin 2000 par la société Editions René Chateau et la succession Michel A., inopposable aux consorts P., est arrivé à échéance à la date du 31 décembre 2013 ;

Rejette le surplus des prétentions des parties ;

Déboute Messieurs Jacques et Stéphane A. de leur demande au titre de leurs frais non répétibles ;

Condamne la société Editions René Chateau SAS à verser à Madame Brigitte A. de B. épouse P., à Madame Valérie P., à Mademoiselle Rebecca P. et à Monsieur Tom P. la somme globale complémentaire de 8.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.