Cass. crim., 22 janvier 2019, n° 18-82.026
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Avocat :
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1er et 3, de la Convention des droits de l'homme, 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, préliminaire, 61-1, 429, 591, 593 et 802 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité présentées et a, en conséquence, confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré M. A... Z... coupable des faits qui lui étaient reprochés ;
"aux motifs que, sur la nullité du procès-verbal de constatation de l'infraction, en premier lieu, il est fait grief au procès-verbal de ne pas respecter les prescriptions de l'article 429 alinéa 2 du code de procédure pénale en mentionnant les déclarations du mis en cause qui ne seraient que des réponses préremplies sans indication des questions posées ; que les dispositions de l'article 429 alinéa 2 précité ne sont pas prescrites à peine de nullité et un grief doit dès lors être démontré par le prévenu pour justifier sa demande de nullité ; que la seule question mentionnée dans l'acte contesté concerne le fait que le mis en cause ait ou non été sous l'effet d'une mesure de tutelle et par la suite, il n'est plus indiqué de question mais aucun élément du procès-verbal en cause ne permet de démontrer que des questions aient été réellement posées au-delà du simple recueil de déclarations spontanées ; qu'en tout état de cause, en faisant des déclarations très limitées et en ne s'expliquant pas sur les faits, M. Z... ne s'est pas incriminé lui-même, il a simplement nié les faits qui lui sont reprochés ; qu'il y a donc lieu d'écarter cet argument ; qu'en second lieu, il est soutenu que M. Z... aurait dû recevoir de la part des services de gendarmerie l'avertissement qu'il avait le droit de ne faire aucune déclaration ; que l'article 61-1 du code de procédure pénale prévoit que la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu'après avoir été informée notamment du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; que par ailleurs l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme prévoit en ses 1er et 3e paragraphes que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que le jugement doit être rendu publiquement mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ; que tout accusé a droit notamment à : a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ; d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience" ; que ce texte invoqué en l'espèce ne prévoit pas précisément l'obligation de notifier au mis en cause son droit de garder le silence lorsqu'il est entendu ou interrogé par des services de police ou de gendarmerie au moment de son interpellation ; que pour autant, l'intéressé a eu accès à une juridiction pour être entendu selon les impératifs du texte conventionnel rappelés plus haut et il a pu se faire représenter par un avocat n'ayant de son côté pas comparu devant ses juges ; qu'il faut aussi relever que comme déjà indiqué M. Z... ne s'est pas incriminé lui-même en répondant à des questions qui lui auraient été posées et il n'a fourni aucune explication sur les faits qui lui sont reprochés et dès lors, il n'existe aucun grief ni même d'élément démontrant qu'il n'a pas bénéficié des garanties prévues par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et d'un procès équitable ; que la cour écartera donc le moyen invoqué de ce chef ;
que le prévenu a relevé par ailleurs que le lieu des faits indiqué au dossier comporterait des incohérences notamment par rapport à l'heure de l'infraction indiquée et que le lieu mentionné serait en fait inexact ; qu'en l'espèce, le procès-verbal de constatation de l'infraction énonce clairement que les faits poursuivis ont été constatés Route Nationale l0 / PK 500 + 000 à Montboissier (28) ; que pour apporter la preuve contraire de cette mention, le conseil de M. Z... a fait valoir que le dossier comporte une fiche d'immobilisation du véhicule conduit par le prévenu qui mentionne que l'immobilisation a été effectuée à la même heure que les faits route nationale 10 mais à Bonneval et non à Montboissier ; que toutefois est aussi présent un rapport rédigé à l'intention de l'officier du ministère public par l'agent de police judiciaire ayant co-signé le procès-verbal avec l'officier de police judiciaire qui assurait son contrôle et qui a confirmé le lieu de commission des faits tel qu'il est indiqué au procès-verbal de constatation de la contravention ; qu'il faut en outre observer que l'avis de rétention immédiate du permis de conduire mentionne aussi le même lieu des faits que celui consigné dans le procès-verbal de constatation de l'infraction ; que dès lors la mention de nom de lieu indiqué sur la fiche d'immobilisation du véhicule ne concerne pas le lieu de constatation des faits mais à celui de l'immobilisation et elle ne permet pas d'en déduire que l'information mentionnée au procès-verbal est erronée et la seule mention d'une heure identique entre les faits et l'immobilisation du véhicule ne permet pas non plus pour autant de remettre en cause celle du procès-verbal corroborée tant par celle du rapport établi à la suite des faits le 2 décembre 2014 que par celle indiquée sur l'avis de rétention du permis de conduire ; que dès lors l'exception fondée sur ce point sera écartée ;
"et aux motifs que, sur les conditions d'utilisation du matériel ayant servi à mesurer l'excès de vitesse, la cour observe que ce matériel était un appareil de marque Sagem vérifié le 29 janvier 2014 par le laboratoire de métrologie et d'essais de Paris ; que cette mention présente au procès-verbal est confirmée par une indication figurant sur la copie du carnet métrologique jointe à la procédure ; que sans qu'il y ait besoin de davantage d'éléments, le bon fonctionnement du cinémomètre est suffisamment établi par son homologation et sa vérification régulière, effectuée depuis moins d'un an à la date des faits ; qu'en outre, aucun texte n'impose, à peine de nullité, d'indiquer dans le procès-verbal que l'appareil de contrôle avait été utilisé conformément aux préconisations de l'organisme vérificateur ou constructeur ; que dès lors, l'exception fondée de ce chef sera écartée ;
"et que de la même façon aucun texte ne prévoit qu'il soit édité un relevé spécifique de vitesse qui devrait être joint au dossier ou aussi, en l'espèce, un relevé photographique ; qu'ainsi l'exception fondée sur ces éléments sera rejetée ;
"1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en affirmant, pour écarter le grief causé par le défaut de mention des questions posées à M. Z... lors de son interpellation, tout à la fois que le prévenu « ne s'était pas expliqué [...] sur les faits » et qu'« il avait [...] nié les faits qui lui étaient reprochés », ce dont il résultait qu'il s'était expliqué sur leur matérialité, la cour d'appel s'est contredite et n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors que la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis une infraction routière ne peut être entendue librement sur ces faits, lors de son interpellation, qu'après avoir été informée du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; qu'en retenant, pour écarter l'exception de nullité du procès-verbal, qu'il n'était pas prévu « précisément l'obligation de notifier au mis en cause son droit de garder le silence lorsqu'il est entendu ou interrogé par des services de police ou de gendarmerie au moment de son interpellation », quand l'officier ou l'agent de police judiciaire ne peut interroger le conducteur d'un véhicule sur la matérialité des faits constatés que sous le régime de l'audition libre et après lui avoir notifié le droit de se taire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"3°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en retenant, pour écarter le grief causé par le défaut de notification du droit de garder le silence lors de son interpellation sur le bord de la route par les gendarmes d'une brigade motorisée, que « M. Z... ne s'était pas incriminé lui-même en répondant à des questions qui lui auraient été posées et il n'avait fourni aucune explication sur les faits qui lui étaient reprochés », quand elle avait elle-même relevé que le prévenu avait alors « nié les faits qui lui étaient reprochés », ce dont il résultait qu'il s'était expliqué sur leur matérialité, la cour d'appel s'est contredite et n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que le 7 novembre 2014 le véhicule conduit par M. A... Z... a été contrôlé à la vitesse de 138 km/h alors que cette dernière était limitée à 90 km/h ; que les gendarmes interpellateurs ont enregistré les déclarations de l'intéressé dans un procès-verbal établi sur les lieux dudit contrôle ; qu'à la suite de l'opposition à sa condamnation prononcée par ordonnance pénale, la juridiction de proximité a déclaré le prévenu coupable des faits qui lui étaient reprochés ; que Z..., de même que le procureur de la République, ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que pour écarter le moyen de nullité du procès-verbal d'interpellation du prévenu, pris de l'absence de notification à l'intéressé de son droit de ne faire aucune déclaration, puis déclarer le prévenu coupable des faits qui lui étaient reprochés, l'arrêt énonce, notamment, que ni l'article 6 de la Convention européenne des droit de l'homme, ni l'article 61-1 du code de procédure pénale ne prévoient l'obligation de notifier au mis en cause son droit de garder le silence lorsqu'il est entendu ou interrogé par des services de police ou de gendarmerie au moment de son interpellation ;
Attendu qu'en prononçant par ces motifs, la cour d'appel a, d'une part, fait l'exacte application des dispositions de l'article 61-1 du code de procédure pénale résultant de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, dès lors qu'ayant été interpellé sur la voie publique à la suite d'un contrôle routier, puis entendu sur les lieux dudit contrôle, et non dans des locaux de police ou de gendarmerie, le prévenu ne saurait invoquer le fait que ne lui a pas été notifié le droit de garder le silence, d'autre part, déclaré Z... coupable de l'infraction qui lui était reprochée par des motifs exempts d'insuffisance, comme de contradiction ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.