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Décisions

Cass. crim., 28 mars 2017, n° 16-85.018

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Avocat :

SCP Spinosi et Sureau

Toulouse, du 20 juill. 2016

20 juillet 2016

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 62-2, 591 et 593 du code de procédure pénale :

"en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité de la garde à vue de la demanderesse ;

"aux motifs que l'appréciation de la nécessité de placement en garde à vue d'une personne au regard des objectifs définis par l'article 62-2 du code de procédure pénale doit se faire au stade du placement en garde à vue ; que le fait que les demandeurs à la nullité aient été entendus librement dans un premier temps n'est nullement incompatible avec une nouvelle audition, cette fois dans le cadre d'une garde à vue, les autorités en charge de l'enquête ayant pu évoluer dans leur analyse relative aux critères de l'article 62-2, notamment au résultat des autres diligences menées entre-temps ; que, dès l'instant où, au moment de la décision de placement en garde à vue, des confrontations apparaissent comme devoir être vraisemblablement organisées, l'objectif d'empêcher d'éventuelles concertations préjudiciables à l'enquête justifiait une mesure coercitive ; que les requérants invoquent le fait qu'il y ait eu une levée de garde à vue en fin de journée du 16 juin avant l'ouverture d'une seconde garde à vue, le 17 juin au petit matin, pour en déduire que la garde à vue n'était pas indispensable pour empêcher d'éventuelles confrontations préjudiciables à l'enquête ; que, cependant, il convient d'observer que la première des confrontations organisées a bien eu lieu dès le 16 juin en fin d'après-midi (confrontation entre MM. [Y] et [S]) ; que le fait que, pour des raisons d'ordre humanitaire, certaines des confrontations aient pu n'être organisées qu'après une levée, pour la nuit, des garde à vue, ne peut être considéré comme significatif de ce que les auditions réalisées les 16 et 17 juin auraient pu, avec la même efficacité, être menées en dehors de toute coercition ; que, par ailleurs, au vu des données recueillies au cours de l'enquête préliminaire, avant même les garde à vue, le procureur de la République pouvait parfaitement considérer comme possible, voire vraisemblable, que certaines de personne entendues soient amenées à être déférées, sans attendre, devant lui pour appréciation de la suite à donner à l'enquête ; que, dans cette perspective, la mise en place de ces mesures de garde à vue était effectivement logique et nécessaire ; que, d'ailleurs, au vu des auditions et confrontations réalisées dans le temps de la garde à vue, le procureur de la République a effectivement décidé de présenter Mme [V], ainsi que MM. [Y], [S] et [R] à un juge d'instruction, puisqu'il avait été décidé d'ouvrir une information ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les mesures de garde à vue à l'encontre de Mme [V] et de M. [S] ont pu valablement être décidées les 16 et 17 juin 2015 au regard des dispositions de l'article 62-2 du code de procédure pénale et plus précisément des paragraphes 1, 2 et 5 de cet article ; qu'il ne sera en conséquence pas fait droit à la demande de nullité des garde à vue et des actes susceptibles d'être considérés comme subséquents ;

"1°) alors que la chambre de l'instruction saisie d'une requête en nullité justifiée par le défaut de réunion des critères posés par l'article 62-2 du code de procédure pénale ne saurait, pour justifier cette mesure, s'appuyer sur des critères qui n'avaient pas été retenus par les officiers de police judiciaire ; qu'en l'espèce, aux termes du procès-verbal de garde à vue, le demandeur a été placée sous cette mesure pour permettre l'exécution des investigations impliquant sa présence ou sa participation, et pour garantir sa présentation éventuelle devant le procureur de la République ; qu'en motivant sa décision au regard du critère prévu au 5°, de l'article 62-2 du code de procédure pénale, relatif à la nécessité de faire obstacle à des concertations, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale ;

"2°) alors qu'en tout état de cause, la garde à vue constitue une mesure de contrainte exceptionnelle à laquelle il ne peut être recouru qu'à titre subsidiaire ; que ne pouvait confirmer la régularité de la garde à vue de le demandeur survenue le 16 juin 2015 la chambre de l'instruction qui relevait notamment que cette dernière avait été entendue librement en mars 2014, que cette mesure n'avait permis qu'une seule confrontation entre des personnes qui n'avaient jamais été préalablement invitées à se présenter en même temps, et qu'elle avait été interrompue de la soirée du 16 juin jusqu'au lendemain" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte au mois de février 2014 sur des faits datant des années 2012 et 2013 et susceptibles de recevoir les qualifications susvisées, Mme [V], maire de [Localité 1], de même que trois autres personnes qui avaient, comme elle, été précédemment entendues dans le cours des investigations, a, sur convocation des enquêteurs, été placée en garde à vue le 16 juin 2015, pour, selon le procès-verbal de notification, permettre l'exécution des investigations impliquant sa participation ou sa présence et garantir sa présentation devant le procureur de la République ; qu'elle a été entendue, avant que, le soir même, la garde à vue ne soit levée, puis reprise le lendemain matin ; que, dans la journée du 17 juin 2015, l'intéressée a été confrontée à l'une des autres personnes gardées à vue, puis présentée, avec celles-ci, au procureur de la République, qui a requis l'ouverture d'une information ; que, mise en examen le même jour du chef de soustraction, détournement ou destruction de bien d'un dépôt public par le dépositaire ou l'un de ses subordonnés et placée sous contrôle judiciaire, Mme [V] a déposé, le 28 août 2015, une requête en nullité de pièces de la procédure, notamment de celles relatives à sa garde à vue et des actes subséquents ;

Attendu que, pour rejeter ces requêtes et dire la garde à vue régulière, l'arrêt énonce que des confrontations devaient être vraisemblablement organisées, de sorte que cette mesure était justifiée par l'objectif d'empêcher d'éventuelles concertations ; qu'une de ces confrontations a eu lieu avant que la garde à vue ne soit levée, pour la nuit, et que le fait que les autres n'ont été organisées que le lendemain n'est pas significatif de ce que les auditions réalisées auraient pu, avec la même efficacité, être menées en dehors de toute coercition ; que les juges ajoutent qu'au vu des données recueillies au cours de l'enquête, le procureur de la République pouvait, avant même le début des gardes à vue, considérer comme possible, voire vraisemblable, que certaines des personnes entendues lui soient déférées, et que ce magistrat a effectivement décidé à la fin de la mesure d'ouvrir une information et de présenter les personnes déférées à un juge d'instruction ; que la chambre de l'instruction conclut que la garde à vue était logique et nécessaire et que ces mesures ont pu valablement être décidées au regard des 1°, 2°, et 5°, de l'article 62-2 précité ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que la mesure de garde à vue était l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs prévus par l'article 62-2 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

Qu'en effet, d'une part, il lui incombe de contrôler que la mesure de garde à vue remplit les exigences de l'article 62-2 précité, d'autre part, dans l'exercice de ce contrôle, elle a la faculté de relever un autre critère que celui ou ceux mentionnés par l'officier de police judiciaire ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.