Cass. crim., 15 mars 2016, n° 15-86.023
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
M. Ascensi
Avocat général :
M. Gallairdot
Avocat :
SCP Spinosi et Sureau
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 62-3, 63, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité de la garde à vue de le demandeur, ainsi que des actes subséquents ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article 63 du code de procédure pénale, " seul un officier de police judiciaire peut, d'office ou sur instruction du procureur de la République, placer une personne en garde à vue ; que dès le début de la mesure, l'officier de police judiciaire informe le procureur de la République, par tout moyen, du placement de la personne en garde à vue ; qu'il lui donne connaissance des motifs justifiant, en application de l'article 62-2, ce placement et l'avise de la qualification des faits qu'il a notifiée à la personne en application du 2°, de l'article 63-1 ; que le procureur de la République peut modifier cette qualification ; dans ce cas, la nouvelle qualification est notifiée à la personne dans les conditions prévues au même article 63-1 " ; qu'aux termes de l'article 62-3 du code de procédure pénale, que la " garde à vue s'exécute sous le contrôle du procureur de la République, sans préjudice des prérogatives du juge des libertés et de la détention prévues aux articles 63, § 4, § 2, et 706, § 88, à 706, § 88-2, en matière de prolongation de la mesure au-delà de la quarante-huitième heure et de report de l'intervention de l'avocat ; que le procureur de la République apprécie si le maintien de la personne en garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure sont nécessaires à l'enquête et proportionnés à la gravité des faits que la personne est soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre ; qu'il assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue ; qu'il peut ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté " ; qu'en l'espèce, il résulte du dossier soumis à la cour que informés du vol à mains armées perpétré à la bijouterie Cartier sise à paris 8e des officiers de police judiciaire de la brigade de répression du banditisme se sont rendus sur les lieux d'une prise d'otage où ils arrivaient à 19 heures 40, les auteurs du vol armés, s'étant retranchés dans un salon de coiffure en présence du commerçant ; qu'après avoir eu la confirmation par leurs collègues arrivés sur place avant eux, que les hommes étaient deux et armés, ils procédaient aux actes suivants, le procès-verbal de " transport sur les lieux, interpellation " étant ainsi rédigé : (D 149 à D151) " : « À 19 heures 45, demandons aux capitaines, MM. Xavier Y...et Laurent Z..., au brigadier-chef de police, M. Damien A...et au brigadier de police, M. Franck B..., de se rendre à l'angle des rues Dalou et Vaugirard afin de procéder aux constatations sur le véhicule deux roues abandonnés par les voleurs, sur les motocyclettes administratives et de relever les identités des éventuels, au cours de ce début de soirée, de nombreuses autorités arrivent sur place ; qu'il convient de noter la présence de M. Bernard C..., préfet de police de Paris, de M. François Molins, procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris, accompagnée de Mme Sylvie Odier, vice-procureur de ce même tribunal de grande instance, chef de la section « C2 », et aussi de M. Bernard E..., directeur de la police judiciaire de Paris. À 20 heures 30, le commissaire, M. H..., nous informe qu'un contact téléphonique a été établi avec les preneurs d'otage et que les négociations sont en cours. À 20 heures 38, il est annoncé que l'otage sort seul de son commerce et qu'il prend la direction du boulevard Pasteur, puis il est pris en compte par des effectifs de la BRI. À 20 heures 40, annonce est faite de la sortie de deux individus (« mains en l'air »), l'un de type européen, le second de forte corpulence et de race noire. Le premier dépose un téléphone portable sur le toit d'un véhicule en stationnement. Sur injonction des fonctionnaires de la BRI, les malfaiteurs se couchent au sol. Ils sont immédiatement menottés et les palpations de sécurité sont pratiquées. Dans le même temps une colonne de la BRI investit le petit salon de coiffure afin de sécuriser les lieux. Aucune autre personne n'est présente à l'intérieur. " Notre présence est aussitôt requise, dès lors procédons à l'interpellation des deux individus mis à disposition par la BRI. Il est 20 heures 40. Ils sont immédiatement informé des motifs de leur placement en garde à vue et des droits afférent à cette mesure..... " ; que le 25 Novembre 2014 à 20 heures 55, les policiers notifiaient par procès-verbal, la garde à vue à M. Dominique X..., mesure ayant pris effet à 20 heures 40, heure de son interpellation, et des droits y afférents ; qu'il est soutenu que l'absence de mention au procès-verbal de placement en garde à vue ne permet de savoir si le parquet a été informé et à quelle heure de cette mesure prise à l'encontre de l'intéressé, et que cette méconnaissance d'une formalité substantielle entraîne la nullité de la mesure ; que s'il est exact que l'information du placement en garde à vue ne résulte pas d'un procès-verbal particulier, il convient de relever que :
- l'information du Parquet, dès le début de la garde à vue peut être faite par tous · moyens ;
- en l'espèce, en présence d'un crime flagrant, qui venait de se commettre, et de la prise d'otage qui était en train de se commettre, les officiers de police judiciaire devaient, conformément aux dispositions de l'article 54 du code de procédure pénale, avertir immédiatement le procureur de la République de ces faits ;
- l'application de ces dispositions expliquent l'arrivée du procureur de la République, accompagné du vice-procureur, chef de la section C2, spécialisée dans les affaires de délinquance organisée, chargée de gérer cette affaire dont les enjeux paraissaient importants en terme de sécurité publique et privée, alors que le parquet de Paris avait officiellement saisi le service de la brigade de répression du banditisme (BRB) de cette affaire, dès 19 heures 10, ainsi qu'il résulte des termes initiaux du procès-verbal ci-dessus : " À l'heure mentionnée en tête du présent, (NDR : 19 heures 10) le commissaire de police, M. Roland F..., adjoint au chef de service nous indique que la brigade de répression du banditisme est officiellement saisie par le parquet de Paris des faits qui viennent de se dérouler entre les 8e et 15e arrondissements de Paris... " ; que dès lors, l'information de l'article 63 du code de procédure pénale a été donnée immédiatement, en temps réel, de l'interpellation et de la mise en garde à vue immédiate de l'intéressé à 20 heures 40, alors que le procureur de la République se trouvait en personne sur les lieux des faits, où il était arrivé en début de soirée, informé des crimes flagrants considérés, et avait saisi des faits dont il avait été informé, le service spécialisé de la BRB ; qu'alors que les fonctionnaires de la BRB saisie par le parquet arrivaient à 19 heures 40 sur les lieux de la prise d'otage, et alors que les hommes de la BRI avaient négocié la sortie des deux auteurs des faits, et investi le salon de coiffure, la présence des intervenants de la brigade de répression du banditisme " était aussitôt requise, dès lors procédons à l'interpellation des deux individus mis à disposition par la BRI ; qu'il est 20 heures 40 ; qu'ils sont immédiatement informés des motifs de leur placement en garde à vue et des droits afférents à cette mesure " (D 150) ; que les dispositions de l'article 63 du code de procédure pénale quant à l'information immédiate qui doit être donnée au parquet du placement en garde à vue d'une personne, trouve sa justification dans la nécessité de permettre au procureur de la République d'exercer ses prérogatives en matière de contrôle de cette mesure, c'est à dire, le bien fondé, le maintien et la prolongation éventuelle ; qu'en l'espèce, compte tenu de l'information en temps réel du parquet de Paris, en la personne du procureur de la République et du chef de la section C2, compétente en matière de crime organisée, présents sur les lieux lors de l'interpellation et le placement en garde à vue, alors que les hommes de la brigade de répression du banditisme, en étaient requis, la cour considère que les dispositions de l'article 63 du code de procédure pénale ont été respectées, les échanges entre les OPJ et le parquet ayant été verbaux compte tenu des circonstances particulières de l'espèce ci-dessus rappelées ; que la cour constate également que le suivi de la garde à vue du requérant a été assuré par cette même section du parquet, qui, pleinement informée tant du placement en garde il vue que de la qualification retenue, a exercé son contrôle tout au long de sa durée conformément aux dispositions de l'article 62-3, en appréciant tant sa nécessité que sa proportionnalité, ainsi qu'en attestent plusieurs procès-verbaux d'attache avec le parquet ou de saisine par celui-ci, du JLD, figurant au dossier (D 455et 456, D 472et 473, D 504, D 512, D 515, D 516, D 517) ; que la cour considère que retenir dans le cas d'espèce, une irrégularité tirée des dispositions légales ci-dessus précisées, reviendrait à nier la réalité de la chronologie dans laquelle les événements se sont déroulés ; qu'en conséquence, le moyen sera rejeté, la procédure soumise à la cour, étant, par ailleurs, entièrement régulière ;
" alors qu'en vertu de l'article 63 I du code de procédure pénale, dès le début de la mesure, l'officier de police judiciaire informe le procureur de la République, par tout moyen, du placement de la personne en garde à vue ; qu'il lui donne connaissance des motifs justifiant, en application de l'article 62-2, ce placement et l'avise de la qualification des faits qu'il a notifiée à la personne en application du 2° de l'article 63-1 ; que l'absence de cet avis porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ; qu'en l'espèce, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le procureur de la République ait été informé du placement en garde à vue de M. X... intervenu, le 25 novembre 2014 à 20 heures 40, ainsi que des qualifications retenues ; que la chambre de l'instruction ne pouvait péremptoirement considérer que cette information a été donnée « en temps réel » en s'appuyant sur le seul fait que « le procureur de la République se trouvait en personne sur les lieux des faits, où il était arrivé en début de soirée, informé des crimes flagrants considérés, et avait saisi des faits dont il avait été informé, le service spécialisé de la brigade de répression du banditisme " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, qu'agissant dans le cadre d'une enquête de flagrance, les policiers ont interpellé et placé en garde à vue MM. Dominique X... et Ismaïla G..., le 25 novembre 2014, à 20 heures 40, alors qu'ils sortaient d'un salon de coiffure où ils avaient séquestré un otage pour favoriser leur fuite après avoir commis un vol avec arme dans une bijouterie ; qu'une information judiciaire a été ouverte et les intéressés ont été mis en examen des chefs susvisés ; que M. X... a saisi la chambre de l'instruction d'une requête aux fins d'annulation du procès-verbal de placement en garde à vue et des procès-verbaux subséquents ;
Attendu que, pour écarter le moyen de nullité pris de ce que le ministère public n'avait pas été informé du placement en garde à vue de l'intéressé, non plus que de ses motifs et de la qualification des faits retenue, l'arrêt énonce notamment que, dès 19 heures 10, le procureur de la République avait saisi la brigade de répression du banditisme de l'enquête portant sur les faits alors en train de se commettre et qu'il était présent sur le lieux des faits à 20 heures 40 ;
Attendu que par ces motifs, dont il se déduit que le procureur de la République a été nécessairement informé du placement en garde à vue de M. X..., des motifs justifiant ce placement et de la qualification des faits notifiés au gardé à vue, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.