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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 14 mars 2012, n° 10/15183

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Barassat

Défendeur :

Canto Bros Productions (SARL), Vignon, Roux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Conseillers :

Mme Chokron, Mme Gaber

Avocats :

SCP Duboscq-Pellerin, Me Haas, Me Bitoun, SCP Ribaut, Me Goulesque-Monaux

TGI Paris, du 27 mai 2010, n° 10/04164

27 mai 2010

Vu l'appel interjeté le 19 juillet 2010 par Philippe BARASSAT, du jugement contradictoire rendu le 27 mai 2010 par le tribunal de grande instance de Paris dans l'instance l'opposant, en présence de Florence VIGNON et Christian ROUX, à la société CANTO BROS PRODUCTIONS (SARL), ci-après la société CANTO BROS ;

Vu les dernières conclusions de Philippe BARASSAT, appelant, signifiées le 22 novembre 2011;

Vu les dernières conclusions de la société CANTO BROS, intimée, signifiées le 17 novembre 2011;

Vu l'acte de constitution d'avoué par Florence VIGNON et Christian ROUX, signifié de 19 novembre 2010 ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 17 janvier 2012 ;

SUR CE, LA COUR :

Considérant qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement déféré et aux écritures des parties ;

Qu'il suffit de rappeler que Philippe BARASSAT, ayant écrit avec Florence VIGNON le scénario d'un film provisoirement intitulé 'Lisa et le pilote d'avion', dont Christian ROUX a composé la musique a, suivant contrat du 24 novembre 2005, cédé ses droits patrimoniaux d'auteur et d'auteur-réalisateur à la société de production cinématographique ABRACADABRA, laquelle s'est vue allouer, pour la mise en production de l'oeuvre, une avance sur recettes de 400.000 euros du Centre national de la cinématographie ;

Que le film, tourné en 2006 avec Eric CANTONA dans le rôle principal, n'a pu être achevé en raison des difficultés financières de la société ABRACADABRA, objet d'une procédure de liquidation judiciaire le 1er mars 2007 ;

Que la société CANTO BROS, constituée par Eric CANTONA et ses frères, a acquis le 27 novembre 2007 auprès de Me Loïc THOUX, liquidateur judiciaire de la société ABRACADABRA, les droits corporels et incorporels attachés au film pour le prix de 10.000 euros hors taxes et frais, fixé en considération de la somme nécessaire pour mener l'oeuvre à bonne fin, estimée à 200.000 euros ;

Que Philippe BARASSAT, faisant grief à la société CANTO BROS de manquer à ses engagements, la mettait en demeure, aux termes d'une lettre recommandée du 1er avril 2009 visant la clause résolutoire stipulée au contrat du 24 novembre 2005, de lui justifier des démarches effectuées depuis 27 novembre 2007 pour assurer le financement du film, de lui remettre le budget et le planning de la finition du film ainsi que l'ensemble des contrats conclus avec les artistes-interprètes et auteurs du film, de lui payer, enfin, la somme de 41.000 euros au titre des minima garantis au contrat ;

Que la société CANTO BROS, par réponse du 15 avril suivant, contestait les griefs formulés à son endroit, communiquait certaines des pièces réclamées, en particulier les devis et planning de production, indiquait que le plan de financement du film était en cours d'élaboration et joignait un chèque de 5.000 euros ;

Que, dans ces circonstances, Philippe BARASSAT a assigné à jour fixe, suivant acte du 4 mars 2010, la société CANTO BROS devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir :

-constater l'acquisition de la clause résolutoire visée au contrat du 24 novembre 2005 et, à défaut, prononcer la résiliation de ce contrat aux torts exclusifs de la société CANTO BROS,

-condamner cette dernière à lui payer les sommes de 36.000 et 275 euros au titre des minima garantis au contrat, ainsi que les sommes de 200.000 et 100.000 euros en réparation des préjudices subis, matériel et moral,

-la condamner en outre à lui verser la somme de 200.000 euros au titre de son engagement de financer l'achèvement du film,

-lui ordonner de remettre les documents nécessaires à la reprise de la production du film ainsi que les éléments corporels du film,

-prendre acte, à titre subsidiaire, de sa proposition de verser le prix de 10.000 euros contre la restitution de ses droits et la remise des éléments corporels du film,

-ordonner le séquestre de la somme de 400.000 euros en prévision du remboursement de l'avance sur recettes consentie par le Centre national de la cinématographie ;

Que le tribunal, par le jugement dont appel, a, pour l'essentiel, condamné la société CANTO BROS à payer à Philippe BARASSAT la somme de 11.000 euros HT au titre du minimum garanti à l'auteur-réalisateur, constaté l'acquisition au bénéfice de Philippe BARASSAT, par l'effet de la mise en demeure infructueuse du 1er avril 2009, de la clause résolutoire insérée au contrat du 24 novembre 2005, dit que Philippe BARASSAT se voit restituer en conséquence les droits patrimoniaux attachés à la qualité d'auteur du scénario et d'auteur-réalisateur du film, prononcé la résiliation du contrat du 24 novembre 2005 à l'égard de Florence VIGNON, rejeté le surplus des demandes ;

Considérant, ceci étant rappelé, que Philippe BARASSAT maintient devant la cour que la société CANTO BROS, outre qu'elle n'a effectué aucune des diligences du producteur, a failli à l'engagement, contracté lors du rachat des droits corporels et incorporels attachés au film, d'investir au minimum une somme de 200.000 euros pour l'achèvement du film, engagement contre lequel Florence VIGNON et lui-même ont renoncé au droit de préemption ainsi qu'au droit de résiliation conféré aux coauteurs par l'article L. 132-30 du Code de la propriété intellectuelle ; qu'il observe par ailleurs que si le tribunal a constaté la résiliation du contrat de cession du 24 novembre 2005, la situation de blocage qui résulte de la détention par la société CANTO BROS des éléments corporels du film n'est pas réglée ; qu'il demande en conséquence à la cour, par réformation du jugement déféré sauf en celles de ses dispositions constatant la résiliation du contrat de cession et la restitution subséquente de ses droits d'auteur et d'auteur-réalisateur, de condamner la société CANTO BROS à lui payer la somme de 36.000 euros hors taxes, soit 37.980 euros TTC, au titre des minima garantis au contrat, les sommes de 200.000 euros et 100.000 euros en réparation des préjudices matériel et moral, la somme de 200.000 euros au titre de l'engagement souscrit à l'achat du film, somme qui sera exclusivement destinée à la finition du film, d'ordonner sous astreinte à la société CANTO BROS de lui remettre les pièces et documents nécessaires à la reprise de la production du film, en particulier et non limitativement, le matériel du film à savoir le disque dur, les rushes, montages, sons, musiques, pré-mixages et l'ensemble des contrats d'artiste-interprète, à titre subsidiaire, de prendre acte de sa proposition de payer le prix de 10.000 euros en contrepartie de la remise des pièces et documents précités, de condamner la société CANTO à placer sous séquestre la somme de 400.000 euros en prévision de la demande de remboursement du CNC, de prononcer aux frais de la société CANTO BROS une mesure de publication et de dépôt de l'arrêt à intervenir à la Conservation du registre public de la cinématographie ;

Que la société CANTO BROS conteste pour sa part avoir contracté une obligation de résultat quant à l'achèvement du film ; qu'elle fait valoir à cet égard que la société ABRACADABRA n'avait pas réussi à intéresser des coproducteurs, à réaliser une pré-vente du film, à trouver des distributeurs et n'avait bénéficié en définitive que de l'avance

sur recettes du Centre national de la cinématographie ; qu'en de telles circonstances, Philippe BARASSAT n'a pu sérieusement envisager d'user de son droit de préemption, contrairement à ce qu'il prétend, de même qu'elle n'a pu s'engager à investir 200.000 euros dans la production, cette somme, correspondant au montant estimatif des dépenses à exposer pour la finition du film, n'ayant été avancée que pour justifier sa proposition de voir fixer à 10.000 euros le rachat des droits de la société ABRACADABRA ; qu'en toute hypothèse, eût-elle contracté l'engagement de payer la somme de 200.000 euros, ce serait à l'égard de la liquidation judiciaire de la société ABRACADABRA et non pas à l'égard de Philippe BARASSAT ; qu'elle soutient avoir fourni les meilleurs efforts pour collecter les fonds nécessaires à l'achèvement du film, réfute tout manquement à ses obligations contractuelles et conclut au rejet de l'ensemble des demandes de Philippe BARASSAT auquel elle fait grief de s'opposer à l'exploitation paisible des droits cédés et de rendre impossible la poursuite des relations contractuelles ; qu'elle demande en conséquence, par réformation du jugement entrepris, que la résiliation du contrat du 24 novembre 2005 soit prononcée aux torts exclusifs de Philippe BARASSAT ;

Sur la résiliation du contrat du 24 novembre 2005,

Considérant que les premiers juges après avoir relevé à juste titre, et sans être au demeurant critiqués sur ce point, que la société CANTO BROS se trouve investie, par l'effet de l'acte de cession conclu le 27 novembre 2007 avec Me Loïc THOUX ès qualités, des droits et obligations conférés à la société ABRACADABRA en vertu du contrat du 24 novembre 2005, ont constaté la résiliation de ce contrat par acquisition de la clause résolutoire au bénéfice de Philippe BARASSAT ; que ce dernier, à l'inverse de la société CANTO BROS, poursuit la confirmation de ce chef ;

Considérant que le contrat du 24 novembre 2005 énonce à l'article 10 que 'Faute d'exécution par le Producteur de l'une quelconque des stipulations des présentes (...), l'Auteur serait en droit après simple mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception restée sans effet dans les 15 jours de sa présentation, de considérer le présent accord comme purement et simplement résilié aux torts et griefs du Producteur, sans préjudice de tous dommages-intérêts complémentaires' ;

Considérant qu'aux termes de la lettre recommandée avec avis de réception en date du 1er avril 2009, Philippe BARASSAT, déclarant expressément se prévaloir des stipulations précitées, demandait à la société CANTO BROS, sous peine de mise en oeuvre de la clause résolutoire, outre de lui remettre, entre autres éléments, les contrats signés avec les artistes-interprètes et les auteurs du film, de lui payer la somme de 11.667 euros hors taxes +TVA correspondant au minimum garanti à l'auteur-scénariste ainsi que la somme de 29.333 euros hors taxe +TVA au titre du minimum garanti à l'auteur-réalisateur ;

Que le tribunal a exactement relevé que la société CANTO BROS lui avait adressé en retour, le 15 avril 2009, les pièces et informations sollicitées à l'exception des contrats d'artiste-interprète et d'auteur mais a pertinemment retenu que le contrat n'imposant aucunement la remise de tels documents, la clause résolutoire ne saurait être appliquée de ce chef ;

Considérant, en ce qui concerne la demande en paiement des minima garantis, que l'article 7-2 du contrat du 24 novembre 2005 prévoit au bénéfice de l'auteur de ses droits, outre une rémunération proportionnelle, le paiement :

-d'un minimum garanti à titre d'auteur du scénario, d'un montant de 11.667 euros, qui sera versé après déduction des cotisations AGESSA à concurrence de :

*1euro, à la signature du contrat,

*5.000 euros, au premier jour du tournage du film,

*6.666 euros, au dernier jour du tournage du film,

-d'un minimum garanti à titre d'auteur-réalisateur du film, d'un montant de 29.333 euros, qui sera versé selon un échéancier à convenir ultérieurement entre les parties lors de la rédaction de la convention définitive de réalisation ;

Considérant que Philippe BARASSAT demande le paiement, au titre des minima garantis, de la somme de 37.980 euros TTC, compte tenu du règlement de la somme de 5.000 euros effectué par la société CANTO BROS à la suite de la mise en demeure du 1er avril 2009 ;

Qu'il fait valoir au soutien de la demande en paiement du minimum garanti dû à l'auteur du scénario, que le tournage est terminé depuis le 9 juin 2006 ainsi qu'en justifie l'attestation de fin de tournage de film établie le 10 juin 2006 par le gérant de la société ABRACADABRA ;

Mais considérant que force est de constater que le même gérant de la société ABRACADABRA, Antoine DESROSIERES, indiquait à Eric CANTONA, dans une lettre du 20 juillet 2006, que les trois quarts du film avaient été tournés, que la société CANTO BROS, par l'intermédiaire de son conseil, justifiait dans un courrier du 10 mai 2007 sa proposition de rachat du film au prix principal de 10.000 euros, par la nécessité de réaliser un tournage complémentaire pour assurer une exploitation convenable du film, que Philippe BARASSAT, développait par des mails adressés à la société CANTO BROS le 17 janvier et le 10 mars 2008 le contenu de 6 scènes dont le tournage devait être programmé, que Bernard BOLZINGER, directeur de la production, établissait le 20 mars 2008 un plan de travail fixant à 4 jours la durée du tournage des 6 scènes supplémentaires, que Stéphane SANSONETTI, responsable des effets spéciaux, soulignait dans une note du 16 avril 2008 qu'il convenait d'arrêter les plans pour lesquels un retournage devait être entrepris ;

Considérant qu'il suit de ces éléments que Philippe BARASSAT n'est pas fondé à prétendre que le film est achevé depuis le 9 juin 2006 et que, s'il a effectivement déclaré dans le mail adressé à la société CANTO BROS le 17 janvier 2008, précédemment évoqué, qu'il ne s'opposerait pas, si les fonds devaient manquer, 'à ce que le film sorte sous cette forme', aucun élément du dossier ne montre un accord des parties pour considérer l'oeuvre comme achevée ;

Que le tribunal a en conséquence retenu à raison que Philippe BARASSAT n'était pas fondé à mettre en demeure la société CANTO BROS de lui payer au titre du minimum garanti à l'auteur du scénario, le solde de 6.666 euros, exigible au dernier jour du tournage du film ;

Considérant que Philippe BARASSAT fait valoir, au soutien de la demande en paiement du minimum garanti à titre d'auteur-réalisateur du film, que la société CANTO BROS s'est toujours refusée de signer l'échéancier que les parties se sont engagées, aux termes du contrat du 24 novembre 2005, à établir ;

Que la société CANTO BROS lui oppose que l'échéancier devait être fixé en accord entre les parties, accord qui n'a pu être trouvé par la faute de Philippe BARASSAT qui a exigé au cours d'une réunion du 19 janvier 2009 de tourner de nouvelles scènes sans égard pour la production ;

Mais considérant que les éléments précédemment relevés d'où il ressort en particulier que Philippe BARASSAT avait annoncé le 17 janvier 2008 ne pas s'opposer à ce que le film soit laissé en l'état ne permettent pas d'établir l'exigence dont il lui est fait grief, que par ailleurs, les attestations concordantes et circonstanciées des comédiens Béatrice de Staël et Jérémie ELKAIM, présents à la réunion du 19 janvier 2009, indiquent, sans être contredits par Bernard BOLZINGER, dont l'attestation porte sur la finition de la partie musicale, que Philippe BARASSAT avait déclaré renoncer aux tournages que la production ne pouvait financer et souhaiter la sortie au plus vite de son film ;

Considérant qu'il apparaît par ailleurs que Philippe BARASSAT a mis en demeure la société CANTO BROS, à trois reprises, les 12 janvier, 12 février et 30 avril 2009, de signer un avenant au contrat du 24 novembre 2005 portant échéancier du paiement de la somme de 29.333 euros constituant sa rémunération minimale garantie d'auteur-réalisateur, sans obtenir un quelconque résultat ;

Or considérant que la société CANTO BROS n'est pas fondée à justifier sa carence par l'échec de la réunion du 19 janvier 2009 et la prétendue exigence de Philippe BARASSAT, d'autant qu'elle faisait écrire par son nouveau conseil le 15 mai 2009 'nous vous confirmons que nous sommes à votre disposition aux fins de déterminer le calendrier des paiements étant précisé que le projet d'avenant négocié avec mon prédécesseur, Brigitte RICHARD, pourrait constituer le point de départ de nouvelles discussions' ;

Considérant qu'il résulte de ces observations que le refus de la société CANTO BROS de mettre en place l'échéancier prévu au contrat pour le paiement du minimum garanti à l'auteur-réalisateur caractérise une violation de l'obligation stipulée à l'article 7-2 du contrat du 24 novembre 2005 et fonde Philippe BARASSAT à demander le versement intégral du minimum garanti, soit la somme de 29.333 euros hors taxes et à se prévaloir de la clause résolutoire stipulée au contrat ;

Que le jugement déféré sera en conséquence réformé en ce qu'il a fait application, pour limiter à 11.000 euros la condamnation à paiement de la société CANTO BROS au titre du minimum garanti à l'auteur-réalisateur, de l'échéancier proposé par Philippe BARASSAT, mais dont il n'y a pas lieu de faire bénéficier la société CANTO BROS qui s'est refusée à l'accepter ;

Considérant que la société CANTO BROS forme pour sa part une demande de résiliation judiciaire du contrat à raison de la violation par Philippe BARASSAT de l'obligation d'assurer au producteur la jouissance paisible des droits cédés ;

Mais considérant que la société CANTO BROS fait essentiellement valoir que la mésentente entre les parties rend impossible le maintien des relations contractuelles ; qu'elle n'établit pas toutefois que Philippe BARASSAT se serait opposé à l'une quelconque des initiatives ou des propositions du producteur, qu'elle ne démontre pas davantage qu'il serait responsable de l'inachèvement du film alors qu'il ressort tout au contraire des éléments qui précèdent qu'il était prêt à renoncer à des tournages supplémentaires ni ne justifie, plus généralement, d'un comportement nuisible aux intérêts du film, les courriers invoqués, fussent-ils parfois véhéments, attestant au contraire de son souci de voir la production assurer la bonne fin du film ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société CANTO BROS de sa demande en résiliation judiciaire du contrat du 24 novembre 2005 aux torts de Philippe BARASSAT et constaté la résiliation de ce contrat aux torts de la société CANTO BROS par l'effet de la clause résolutoire et de la mise en demeure infructueuse du 1er avril 2009 ;

Sur la demande en paiement de la somme de 200.000 euros,

Considérant que Philippe BARASSAT poursuit la condamnation de la société CANTO BROS à lui payer la somme de 200.000 euros que celle-ci se serait engagée à investir dans la production du film lors du rachat auprès du liquidateur de la société ABRACADABRA des droits corporels et incorporels attachés au film ;

Qu'il veut pour preuve de l'engagement de la société CANTO BROS, la lettre en date du 10 mai 2007 aux termes de laquelle, Me RICHARD, agissant pour le compte de la société CANTO BROS, proposait à l'expert désigné dans le cadre de la procédure collective, une reprise du film au prix principal de 10.000 euros en justifiant ce prix par la prise en 'compte du fait qu'un tournage complémentaire est nécessaire pour assurer une exploitation convenable du film, les travaux de retournage à prévoir ainsi que la post-production en découlant pouvant se chiffre aux alentours de 200.000 euros dont la société CANTO BROS devra assumer le coût' (...) la société CANTO BROS fera son affaire personnelle de la terminaison du film et des dépenses en résultant ainsi que de la poursuite et du renouvellement des contrats d'auteur et d'artiste-interprète ;

Mais considérant que la société CANTO BROS oppose pertinemment à Philippe BARASSAT qu'il est étranger à l'acte par lequel elle s'est portée acquéreur des droits appartenant à la société ABRACADABRA et qu'elle n'a pu contracter à son égard, à l'occasion de cette acquisition, une obligation de lui payer la somme de 200.000 euros ;

Considérant qu'il s'infère au surplus de la lettre invoquée que la somme de 200.000 euros correspond à une estimation du coût de l'achèvement du film et qu'elle est avancée par la société CANTO BROS pour justifier le prix d'achat proposé ; que par ailleurs l'expression selon laquelle la société CANTO BROS 'fera son affaire personnelle de la terminaison du film et des dépenses en résultant' signifie, ainsi que l'a justement retenu le tribunal, que l'acquéreur reprend le film dans l'état où il se trouve sans pouvoir ultérieurement rechercher la responsabilité du cédant à raison de cet état, et ne saurait traduire un engagement ferme de financer personnellement l'achèvement le film ;

Considérant enfin, que l'acte de cession conclu le 27 novembre 2007 avec le liquidateur de la société ABRACADABRA ne fait aucunement état d'une obligation pour la société CANTO BROS de financer le film à hauteur de la somme de 200.000 euros et s'il indique que Philippe BARASSAT et Florence VIGNON ont renoncé à leur droit de préemption, aucun élément, ne permet de soutenir que cette renonciation a été consentie en contrepartie de la prétendue obligation de la société CANTO BROS ;

Que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Philippe BARASSAT de sa demande en paiement de la somme de 200.000 euros ;

Sur les demandes indemnitaires,

Considérant que Philippe BARASSAT demande le paiement des sommes de 200.000 et 100.000 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis des suites de l'inexécution par la société CANTO BROS de son obligation d'achever et d'exploiter le film ;

Considérant qu'il résulte expressément des stipulations du contrat du 24 novembre 2005 que la réalisation du film est soumise à la décision du producteur de le mettre en production; qu'il s'en déduit que le contrat ne met à la charge du producteur aucune obligation de faire réaliser et par là-même achever le film ;

Mais considérant qu'il ressort des dispositions de l'article L. 132-27 du Code de la propriété intellectuelle, que le producteur est tenu d'assurer à l'oeuvre audiovisuelle une exploitation conforme aux usages de la profession ;

Que le tribunal a pertinemment conclu de ces éléments que le producteur a l'obligation de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la réalisation et à l'exploitation du film sans que l'absence de résultat ne soit constitutive d'une faute ;

Considérant que force est à cet égard de relever qu'il n'est pas démenti que la société ABRACADABRA avait mis le film en production avec la seule avance de 400.000 euros octroyée par le CNC et sans avoir pu réunir le financement de 800.000 euros correspondant au devis estimatif du film ni trouver des distributeurs ;

Que les pièces versées aux débats montrent que la société CANTO BROS a fait établir par Gérard BOLZINGER de la société BEBSE, en 2008, un planning ainsi que des devis de post-production portant évaluation de tous les travaux de finition (effets spéciaux, trucages en laboratoire, travaux sonores) ;

Que la société CANTO BROS expose à juste titre qu'il lui était nécessaire, pour éviter de rencontrer les mêmes difficultés que la société ABRACADABRA, de définir exactement les coûts de terminaison du film et de collecter les fonds suffisants pour financer ces coûts;

Qu'elle justifie avoir obtenu un dernier devis de post-production le 13 janvier 2009 pour un montant de 350.38 euros HT, après avoir demandé à la société BEBSE de renégocier les prix des fournisseurs et avoir recherché en mai 2009, à l'occasion du festival de Cannes, des financements auprès de nombreux distributeurs qui ont tous opposé un refus, le dernier, en date du 23 juillet 2009 ;

Considérant qu'il suit de ces observations que la société CANTO BROS a fourni les meilleurs efforts pour parvenir à financer l'achèvement du film et que l'absence de soutien des sociétés de distribution ne saurait lui être imputable à faute ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Philippe BARASSAT de ses demandes indemnitaires ;

Sur les autres demandes,

Considérant qu'il est constant que la réalisation du film est bloquée depuis le mois de juillet 2009, date à laquelle la société CANTO BROS n'a plus effectué, en l'absence de toute perspective d'obtenir des financements extérieurs, aucune diligence ;

Considérant que cette situation de blocage risque fort de perdurer dès lors que la société CANTO BROS a toujours affirmé dans le cours de la procédure n'avoir aucune volonté de financer le film au moyen de ses fonds propres ;

Que la société CANTO BROS indique toutefois (page 31 de ses dernières écritures) être parfaitement disposée à étudier toute proposition sérieuse de rachat qui pourrait être faite par Philippe BARASSAT ;

Qu'il est, dans ces circonstances, de bonne justice de permettre à Philippe BARASSAT de faire son affaire personnelle de la finition du film et, par voie de conséquence, de lui donner acte de sa proposition de racheter, pour le prix principal de 10.000 euros, l'ensemble des éléments matériels nécessaires à la reprise de la production du film ainsi que d'inviter la société CANTO BROS à accepter cette proposition que la Cour regarde comme sérieuse, le prix de 10.000 euros correspondant à celui qu'elle avait elle-même versé pour faire l'acquisition le 27 novembre 2007 non seulement des droits corporels mais aussi des droits incorporels attachés au film ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu d'ordonner à la société CANTO BROS, au regard des motifs qui précèdent, de séquestrer la somme de 400.000 euros représentant l'avance sur recettes consentie par le CNC dès lors que le remboursement de cette somme incombera, le cas échéant, à celui qui reprendra les droits du producteur ;

Considérant que la mesure de publicité n'est pas opportune et que le dépôt de l'acte de cession à formaliser, auprès de la Conservation du Registre Public de la Cinématographie, est laissé à la diligence des parties ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire droit aux demandes respectives au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne la condamnation à paiement de la société CANTO BROS au titre du minimum garanti à l'auteur-réalisateur,

Statuant à nouveau du chef réformé,

Condamne la société CANTO BROS à payer à Philippe BARASSAT au titre du minimum garanti à l'auteur-réalisateur la somme de 29.333 euros hors taxes,

Y ajoutant,

Donne acte à Philippe BARASSAT de sa proposition de racheter au prix principal de 10.000 euros l'ensemble des éléments corporels attachés au film 'Lisa et le pilote d'avion' à savoir l'ensemble des pièces et documents nécessaires à la reprise de la production soit, les contrats d'auteur et d'artiste-interprète et le matériel du film visé au contrat de cession passé avec Me THOUX le 27 novembre 2007 : disque dur, rushes, montages, sons, pré-mixages, musiques, et invite la société CANTO BROS à accepter cette proposition sérieuse,

Condamne la société CANTO BROS aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.