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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 19 janvier 2018, n° 16/08903

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Carthago Films (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Palau

Conseillers :

Mme Lelievre, Mme Lauer

TGI Paris, 3e ch. sect. 2, du 15 oct. 20…

15 octobre 2010

Vu le jugement rendu le 15 octobre 2010, par le tribunal de grande instance de Paris qui a:

- déclaré irrecevables les demandes de Messieurs C., T. et S. H. tendant au paiement des rémunérations proportionnelles, à la remise des bordereaux de comptes et à l'indemnisation du préjudice résultant du prétendu « gel » d'exploitation,

- condamné in solidum les sociétés Carthago et Accent Investment & Finance à payer :

* à M. C., la somme de 522 126 euros au titre de la rémunération « participative » et 20 000 euros au titre des prétendues exploitations non déclarées,

* 5 000 euros à Monsieur T. et 3 000 euros à Monsieur S. H. au titre des mêmes prétendues exploitations non déclarées.

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 9 mars2012 qui a :

- confirmé le jugement qui lui était déféré sur le principe du préjudice résultant de l'exploitation non déclarée,

- condamné la société Carthago à payer au titre des exploitations non déclarées et des rémunérations perdues, à :

* M. C., la somme de 300 452 euros au titre des films 1, 2 et 3,

* M. Bruno T., la somme de 33 633 euros au titre des films 2 et 3,

* M. Daniel S. H., la somme de 21 878 euros au titre du film 3,

- infirmé le jugement s'agissant des demandes relatives à la rémunération participative, en déboutant M. C. de ses demandes à ce titre,

- infirmé le jugement s'agissant des rémunérations proportionnelles, de la remise des bordereaux de compte et du préjudice résultant d'un gel d'exploitation, en considérant que ces demandes formées par M. C., Bruno T. et Daniel S. H. étaient recevables,

- condamné la société Carthago films à payer au titre de la rémunération proportionnelle, à :

* M. C., la somme de 772 617 euros au titre des films 1, 2 et 3,

* M. Bruno T., la somme de 8 436 euros au titre des films 2 et 3,

* M. Daniel S. H., la somme de 6 343 euros au titre du film 3,

- condamné la société Carthago Films sur le fondement d'un préjudice moral (à M. C. la somme de 50 000 euros, à Bruno T. la somme de 9 000 euros et à Daniel S. H. la somme de 4 000 euros).

Vu le pourvoi en cassation formé par la société Carthago films et l'arrêt de la Cour de cassation du 9 avril2014 qui a :

- cassé et annulé mais seulement en ce qu'il a condamné la société Carthago films à payer à M. C. au titre de la rémunération proportionnelle de la somme de 772 617 euros au titre des exploitations non déclarées et des rémunérations perdues la somme de 300 452 euros et au titre du préjudice moral la somme de 50 000 euros, l'arrêt rendu le 9 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris,

- remis en conséquence sur ces points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles.

Vu les dernières conclusions notifiées le 18 janvier 2016 par la société Carthago films par lesquelles elle demande à la cour de :

- recevoir l'appel formé par la société Carthago, MM. Gérard P. et Stéphane G. à l'encontre de MM. C., T. et S. H. et de les déclarer bien fondés,

- infirmer le jugement du 15 octobre 2010 en ce qu'il a condamné la société Carthago à réparer le préjudice du fait d'une exploitation non déclarée,

Statuant à nouveau :

- dire et juger que le rapport d'expertise non contradictoire de M. M. en date du 31 mars 2009 est inopposable à la société Carthago, MM. Gérard P. et Stéphane G. et écarter des débats l'intégralité du rapport,

- dire et juger non probantes les conclusions du rapport de M M. M. en date du 31 mars 2009 et écarter des débats l'intégralité du rapport,

1. Sur les demandes de règlement de droits d'auteur pour la période antérieure à 1995/1998 :

- dire et juger que la qualité de producteur délégué de la société Carthago ne permet pas de passer outre la commune intention des parties telle qu'exprimée par les contrats de coproduction et les contrats de cession de droit d'auteurs,

- dire et juger à cet égard que les coproducteurs ont décidé de mettre à la charge de la société Babel Productions le règlement des droits d'auteur de M. C., au regard notamment de la faible participation de Babel Productions,

- dire et juger que c'est donc en toute logique que M. C. n'est aucunement lié contractuellement avec la société Carthago, l'ensemble de ces contrats de cession de droits ayant été conclus avec Babel Productions,

Par conséquent,

- débouter M. C. de sa demande de règlement de droits d'auteur à l'encontre de la société Carthago,

- dire et juger que les redditions de comptes versées par la société Carthago, conformément aux conclusions de la sentence arbitrale, démontrent que les minimum-garantis versés à Messieurs T. et S. H. n'ont pas été amortis,

- dire et juger que Messieurs T. et S. H. ne démontrent pas être créanciers des sommes qu'ils sollicitent,

- les débouter intégralement de leurs demandes,

2. Sur les demandes de règlement de droits d'auteur pour la période postérieure à 1995/1998 :

- dire et juger que MM. C., T. et S. H. n'apportent pas la preuve que la société Carthago aurait dissimulé des exploitations, après 1995/1998,

- les débouter de leurs demandes de ce chef,

3. Sur le prétendu préjudice subi du fait du « gel » des exploitations après 1995/1998 :

- constater que la contestation des comptes de coproduction par la société Babel Productions remonte à un acte introductif d'instance en date du 21 avril 1995,

- constater que cette procédure a abouti à la sentence arbitrale en date du 22 décembre 1999, laquelle a résilié les contrats de coproduction afférents aux trois films,

- constater que la société Babel Productions a procédé à plusieurs saisies conservatoires des éléments corporels des trois films,

- constater que toute relation de confiance était rompue entre les sociétés Carthago et Babel Productions,

- dire et juger qu'après 1995/1998, l'exploitation des trois films litigieux était juridiquement et matériellement impossible,

- dire et juger qu'aucune faute ne saurait donc être imputée à la société Carthago sur ce terrain,

- débouter MM. C., T. et S. H. de l'ensemble de leurs demandes,

Subsidiairement, sur la demande de fixation de la créance et sur la reconnaissance de son caractère alimentaire :

- dire et juger que la créance invoquée au titre du droit d'auteur n'est pas une créance alimentaire et n'a donc pas de caractère privilégié,

- débouter M. C. de sa demande de fixation de la créance à titre privilégié,

Subsidiairement sur la demande de désignation d'un expert :

- dire et juger que la demande de désignation d'un expert formulée par M. C., 6 ans après la délivrance de l'acte introductif d'instance, est tardive et dilatoire,

- débouter M. C. de sa demande de désignation d'un expert en spécialité « production cinématographique »,

A titre subsidiaire sur la demande de désignation d'un expert,

- dire et juger que la provision à consigner à titre d'avance sur les honoraires de l'expert sera prise en charge par le demandeur, M. C.,

Subsidiairement encore, sur la demande de provision :

- dire et juger que M. C., n'apporte pas la preuve du caractère alimentaire de la créance qu'il invoque,

- dire et juger que la demande de provision de M. C. porte sur des créances comprises dans le plan de redressement de la société Carthago et que ces créances ne peuvent pas faire l'objet d'une provision,

- débouter M. C. de sa demande de provision,

Encore plus subsidiairement, sur les demandes relatives aux intérêts :

- dire et juger que la demande de report du point de départ des intérêts formulée par M. C., ne se justifie pas au regard des circonstances de l'affaire,

- débouter M. C. de sa demande de report des intérêts à compter du 22 mai 2009,

- dire et juger que la demande d'anatocisme formulée par M. C., doit être écartée compte tenu du comportement fautif de l'intimé,

- débouter M. C. de sa demande d'anatocisme,

En tout état de cause, s'agissant de la demande d'anatocisme,

- dire et juger que la demande d'anatocisme formulée par M. C. ne saurait produire d'effet qu'à compter de sa présentation, soit le 27 mars 2015,

A titre reconventionnel :

- dire et juger que M. C. a abusé de son droit d'agir en sollicitant le règlement de droits d'auteur alors que la cour d'appel, par arrêt du 12 février 2010, a expressément jugé que la vente aux enchères devait avoir lieu avant l'arrêté définitif de ces comptes,

- condamner M. C. à verser à la société Carthago la somme de 300 000 euros pour procédure abusive,

- condamner in solidum MM. C., T. et S. H. à verser à chacun des concluants la somme de 30 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Maître Bertrand R., AARPI - JRF Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées le 6 janvier 2016 par M. C., par lesquelles il demande à la cour de :

- débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes,

Statuant sur renvoi de l'arrêt de la Cour de cassation du 19 avril2014 :

- accueillir à titre contradictoire le rapport de M. M. en date du 31 mars 2009,

- relever pour acquises les condamnations de la société Carthago à l'égard de M. C.,

- reconnaitre le caractère privilégié de la créance de M. C.,

- ainsi fixer à titre privilégié au passif de la société Carthago au profit de M. C. les sommes suivantes :

* rémunération proportionnelle : 772 617 euros,

* exploitations non déclarées et rémunérations perdues : 300 452 euros,

* préjudice moral : 50 000 euros,

* article 700 (décision précédente) : 10 000 euros,

- assortir ces sommes d'un intérêt de droit à compter du 22 mai 2009, date de la première assignation devant le tribunal de grande instance de Paris et ordonner la capitalisation des intérêts,

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour n'accèderait pas à la demande de M. C.,

- recourir à une nouvelle expertise,

- désigner tel expert qu'il lui plaira en spécialité « production cinématographique » avec pour mission de :

* au besoin entendre les parties,

* se faire communiquer les rapports de Messieurs P. et M. en date du 31 mars 2009 et L. en date du 13 septembre 2011 ainsi que tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ainsi que tous les éléments comptables, techniques et de fait de nature à permettre à la cour de fixer les sommes dues à M. C., corriger, compléter ou amender et actualiser le précédent rapport du consultant M. M.,

* vérifier et au besoin établir le compte d'auteur complet de M. C. ainsi que tout accessoire (rémunération participative, rémunération proportionnelle, indemnité relative au gel des droits, aux exploitations cachées et perdues et à l'évaluation du préjudice moral, etc.),

- dire que l'expert pourra se faire assister de tout autre expert, sachant, sapiteur, ou technicien de son choix et devra remettre son rapport dans les trois mois de sa saisine,

- fixer la provision à consigner à titre d'avance sur les honoraires de l'expert et dire que cette provision qui devra être versée dans le mois de la décision à intervenir sera prise en charge par les appelants,

- en conséquence, après rapport d'expertise, fixer le montant de la créance due par Carthago Films à M. C.,

Subsidiairement encore, dans l'hypothèse où cette nouvelle expertise serait ordonnée,

- fixer à titre provisionnel une créance à titre privilégiée de M. C. à la somme de 280 000 euros,

- dire que cette somme (hors intérêts) sera considérée comme un avaloir sur la créance définitive qui sera fixée après expertise par la cour,

A titre infiniment subsidiaire :

- renvoyer l'appréciation du caractère privilégié ou non de la créance de M. C. devant la cour d'appel de Paris saisie de l'appel de l'ordonnance du juge commissaire en date du 30 octobre 2013,

- condamner les appelants en tous les dépens ainsi qu'à régler à l'intimé une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les seules conclusions notifiées le 27 mars 2015 par M. Bruno T. qui prie la cour de :

- débouter la société Carthago Films, Messieurs Gérard P. (en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Carthago Films) et Stéphane G. (en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Carthago Films) des fins de leurs demandes devant la cour d'appel de Versailles,

- ainsi mettre hors de cause M. Bruno T.,

- condamner chacun des appelants à lui verser une somme de 10'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les appelants en tous les dépens.

Vu les seules conclusions notifiées le 27 mars 2015 par M. Daniel S.-H. qui prie la cour de :

- débouter la société Carthago Films, Messieurs Gérard P. (en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Carthago Films) et Stéphane G. (en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Carthago Films) des fins de leurs demandes devant la cour d'appel de Versailles,

- ainsi mettre hors de cause M. Daniel S.-H.,

- condamner chacun des appelants à lui verser une somme de 10'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les appelants en tous les dépens.

SUR CE, LA COUR

Les sociétés Carthago et Babel Productions ont coproduit les trois films suivants :

- « Tais-toi quand tu parles » (contrat en date du 17 février 1981 - pièce n°1), - « Plus beau que moi tu meurs » (contrat en date du 15 mars 1982 - pièce n°2),

- « Par où t'es rentré on t'a pas vu sortir » (contrat en date du 3 avril 1984 - pièce n°3).

Dans le cadre de cette coproduction, les sociétés Babel Productions et Carthago ont conclu des contrats de cession de droits d'auteur avec Messieurs C., T. et S.-H., tous trois adhérents à la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques.

Pour ces 3 films, M. C. a cédé ses droits d'auteurs à la société Carthago Films, respectivement, par un contrat du 17 février 1981, par un contrat du 1er mars 1982 enregistré au RPCA le 4 mai 1982, et par un contrat en date du 20 novembre 1983.

***********************

Considérant en préambule qu'il convient de préciser que, dans les développements qui suivent, lorsque la société Carthago Films est mentionnée, il faut comprendre que celle-ci est accompagnée de Me Gérard P., commissaire à l'exécution de son plan de redressement et de Me Stéphane G., mandataire judiciaire à son redressement judiciaire, tous deux appelant à ses côtés ;

Sur l'étendue de la saisine de la cour d'appel après renvoi

Considérant que la société Carthago Films fait valoir que la saisine de la cour d'appel est limitée aux questions relatives à la rémunération proportionnelle, aux exploitations non déclarées et aux rémunérations perdues ainsi qu'au préjudice moral mais à l'encontre de l'ensemble des auteurs ; que, sur ces chefs, contrairement à ce qu'ils soutiennent, M. Bruno T. et M. Daniel S.-H. sont également en la cause, bien que la Cour de cassation n'ait mentionné que M. Philippe C. dans son arrêt, en raison du lien de dépendance nécessaire voire indivisible qui implique que la cassation leur soit étendue ; que cette indivisibilité résulte également de ce que la cour d'appel de Paris s'est fondée pour évaluer le préjudice des trois sur les comptes qu'ils ont produits et donc sur la consultation de M. M. en adoptant une motivation uniforme ; qu'en ce qui concerne M. Philippe C., celui-ci ne peut entendre limiter le réexamen des chefs atteints par la cassation en raison de la plénitude de juridiction dont est investie la cour d'appel ; qu'ainsi celle-ci devra statuer en fait et en droit tant sur le bien-fondé des prétentions que sur le quantum des préjudices invoqués sans pouvoir se fonder sur le rapport non contradictoire de M. M. ;

Considérant que M. Philippe C. soutient pour sa part que seul le calcul de sa rémunération est visé dans l'arrêt de cassation en raison de sa particulière complexité ; que la société Carthago Films invoque donc dans ses conclusions des points qui ne font plus partie du litige et qui n'ont pas d'incidence sur les rémunérations considérées ; qu'en effet seules sont concernées les revendications des auteurs au titre de leur rémunération et notamment des redditions de compte d'auteur et accessoires ; que la Cour de cassation a ainsi définitivement mis hors de cause les sociétés Accent Investments & Finance NV, Italian international films et a définitivement tranché sur les condamnations au profit de M. Bruno T. et M. Daniel S.-H. ; que seule la rémunération proportionnelle et le préjudice moral devront faire l'objet d'un réexamen quant à leur principe et leur quantum, les postes « exploitations non déclarées et rémunérations perdues » ne devant être réexaminées que sur leur quantum ;

Considérant que Messieurs Bruno T. et Daniel S.-H. s'associent pour conclure que les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 mars2012 les concernant ne sont pas atteintes par la cassation ; qu'ils soulignent que le dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation le mentionne de manière expresse et non équivoque ; qu'ils précisent que leurs créances respectives ont d'ailleurs été admises par le juge-commissaire dans le cadre de la procédure collective de la société Carthago Films ; que d'ailleurs, aucune contestation ou réserve n'ont été formulées par le débiteur ou encore les organes de la procédure ; qu'en outre, le plan de continuation prononcé le 26 février 2014 inclut leurs créances dans le jugement du 26 février 2014 bénéficiant d'une autorité de la chose jugée qui ne saurait être remise en cause, même à titre accessoire, par la cour d'appel de Versailles ;

Considérant ceci exposé, que l'article 624 du code de procédure civile dispose que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce et qu'elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ;

Considérant que le dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation du 9 avril2014 saisissant la cour d'appel de renvoi est rédigé ainsi : « casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Carthago Films à payer à M. Philippe C. au titre de la rémunération proportionnelle la somme de 772'617 euros, au titre des exploitations non déclarées et des rémunérations perdues la somme de 300'452 euros et au titre du préjudice moral la somme de 60'000 euros, l'arrêt rendu le 9 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles » ;

Considérant que les autres chefs du dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 mars2012 ne sont donc pas atteints par la cassation et ont donc acquis force de chose jugée ; qu'il en est ainsi en particulier de la disposition de cet arrêt ayant confirmé le jugement déféré sur le principe de la condamnation de la société Carthago Films à indemniser M. Philippe C., M. Bruno T. et M. Daniel S.-H. au titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'exploitation non déclarée ainsi que des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il en va de même de la disposition condamnant la société Carthago Films à payer à M. Bruno T. et M. Daniel S.-H. respectivement la somme de 9 436 euros et 6 343 euros au titre de la rémunération proportionnelle ou encore de celle condamnant la société Carthago Films à payer à M. Bruno T. et M. Daniel S.-H. respectivement la somme de 33 633 euros et 21'878 euros au titre des exploitations non déclarées et des rémunérations perdues ; que pareillement la disposition condamnant la société Carthago Films à payer à M. Bruno T. et M. Daniel S.-H. respectivement la somme de 9 000 euros et la somme de 4 000 euros au titre de leur préjudice moral a donc acquis force de chose jugée ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société Carthago Films, le mémoire présenté à la Cour de cassation ne présentait pas les mêmes demandes pour tous les auteurs dès lors que le troisième moyen reprochait à l'arrêt attaqué « d'avoir condamné la société Carthago Films à payer à M. Philippe C., au titre de la rémunération proportionnelle la somme de 772'617 euros au titre des films 1, 2 est 3, au titre des exploitations non déclarées et des rémunérations perdues la somme de 300'452 euros au titre des films 1, 2 est 3, et à titre de préjudice moral la somme de 50'000 euros » ;

Considérant, dans ces circonstances, que la société Carthago Films n'a pas attaqué les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 janvier 2012 concernant les condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de M. Bruno T. et M. Daniel S.-H. ni au titre de la rémunération proportionnelle, ni au titre des exploitations non déclarées et des rémunérations perdues ni au titre de leurs préjudices moraux ; que ces dispositions sont parfaitement indépendantes de celles concernant M. Philippe C. et sur lesquelles était exclusivement fondé le moyen de cassation reprochant à la cour d'appel de Paris, qui s'était fondée sur le seul rapport non contradictoire de M. M. communiqué par les intimés, d'avoir violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Considérant que la seule circonstance que les condamnations prononcées au bénéfice de M. Bruno T. et M. Daniel S.-H. aient également été évaluées sur la base du rapport non contradictoire de M. M. n'est pas de nature à leur conférer un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire avec les condamnations prononcées au bénéfice de M. Philippe C. alors que, en tout état de cause, aucun grief n'était formulé à leur encontre ;

Considérant qu'il en résulte qu'il ne sera donc statué que sur les demandes de M. Philippe C., seuls objets de la saisine de la cour de renvoi ; que par conséquent, Messieurs Bruno T. et Daniel S.-H. seront mis hors de cause ;

Sur la consultation communiquée par M. Philippe C. aux débats

Considérant que la société Carthago Films fait valoir que les conclusions de M. M. ont été plusieurs fois désavouées et que l'objet même de sa consultation est contestable ; qu'il revient en effet sur les conclusions de la sentence arbitrale qui a déterminé les recettes définitives ; que, de plus M. L., expert-comptable et commissaire aux comptes qu'elle a mandaté elle-même, a conclu à une surestimation des droits « salles » de 83 % et qu'aucun droit d'auteur ne serait dû à M. C. sur la diffusion télévision du film « tais-toi quand tu parles » en Italie ; qu'en outre, les méthodes utilisées par M. M. sont arbitraires et injustifiées ;

Considérant qu'elle réplique par ailleurs que ce ne sont pas les conditions de communication du rapport qui sont irrégulières mais les conditions de sa rédaction ; qu'en effet, cette consultation a été rédigée de manière non contradictoire et livrée à la demande exclusive et sous le seul contrôle de l'une des parties ; qu'elle lui est donc inopposable par application de l'article 16 du code de procédure civile et doit être écartée des débats ;

Considérant que M. Philippe C. lui oppose d'avoir refusé de fournir les comptes d'auteurs malgré de nombreuses réclamations ; que c'est donc dans ces circonstances que les auteurs se sont adressés à un consultant pour pouvoir justifier de leurs préjudices ; qu'il soutient que M. M. est un professionnel qui a agi sur la base d'un premier rapport d'expertise judiciaire rendu par M. P. avec l'autorisation du tribunal de grande instance de Paris ; que la consultation de M. M. a été communiquée aux parties dans les différentes procédures de sorte qu'elle était bien contradictoire ; qu'en conséquence, le rapport doit être pris en considération au titre d'une pièce régulièrement et contradictoirement débattue ;

Considérant ceci exposé qu'il résulte des termes mêmes de la consultation rédigée par M. M. que celui-ci a été mandaté par les auteurs dans le but de chiffrer les sommes qui leur étaient dues en particulier au titre de leurs droits d'auteur ; qu'en préambule, celui-ci indique que la société Carthago Films « a systématiquement négligé la double obligation que lui impose le code de la propriété intellectuelle » d'assurer à l'œuvre une exploitation conforme aux usages de la profession et de rendre au moins une fois part un état des recettes provenant de l'exploitation de l'œuvre selon chaque mode d'exploitation ; qu'il résulte donc explicitement du préambule de cette consultation que celle-ci a été menée dans le but d'établir les carences de la société Carthago Films ; que, par conséquent son impartialité prête à discussion ;

Considérant qu'il n'est pas contesté en outre que les opérations n'ont pas été menées au contradictoire de la société Carthago Films ;

Considérant néanmoins que si le juge ne peut asseoir sa décision uniquement sur un rapport établi à la demande d'une partie, un tel rapport doit être examiné comme tout élément de preuve soumis à la libre discussion des parties et dont le juge apprécie la valeur probante ; qu'il n'y a donc pas lieu de l'écarter des débats ; que sa valeur probante sera donc examinée avec le fond des demandes ;

Sur les fautes rapprochées à la société Carthago Films

Considérant que M. Philippe C. reproche à la société Carthago Films d'une part de ne pas lui avoir versé ses droits d'auteur au titre des trois films et d'autre part une exploitation non déclarée des dits films et donc des rémunérations perdues ;

Sur l'absence de versement des droits d'auteur pour la période antérieure à 1995/1998

Considérant que la société Carthago Films fait valoir que, pour le règlement des droits d'auteur pour la période antérieure à 1995/1998, tous les contrats concernant M. Philippe C. avaient été conclus avec la société Babel productions qui les a ensuite apportés à la coproduction ; qu'il appartenait donc à cette dernière de rémunérer M. Philippe C. sur cette base ;

Considérant que M. Philippe C. lui oppose que pour chacun des trois films l'intégralité de ses droits ont été apportés à la coproduction et donc à la société Carthago Films ; que celle-ci est donc contractuellement investie de l'ensemble des droits et obligations résultant de l'ensemble des contrats permettant de procéder aux opérations de production et ceci même si certains contrats ont été passés directement avec la société Babel productions ;

Considérant qu'un contrat a été signé le 17 février 1981 entre M. Philippe C. et la société Carthago Films (pièce numéro 6 de M. Philippe C.) concernant le film « tais-toi quand tu parles » ; que l'article 1 du contrat stipule que « l'auteur cède au producteur, qui accepte, des droits cinématographiques découlant du scénario original et des dialogues qu'il a écrits en collaboration avec M. Enrico O., en vue de la production d'un film de long-métrage, en couleur, et en toute langue, sous le titre provisoire ou définitif « tais-toi quand tu parles ». De plus, il est convenu que la réalisation du film sera confiée à l'auteur. En conséquence, l'auteur cède également par les présentes les droits d'exploitation cinématographique découlant de sa mise en scène » ; Que l'article 14 de ce contrat stipule que « conformément à l'article 35 de la loi du 11 mars1957 sur la propriété littéraire et artistique, l'auteur recevra en rémunération de sa cession un pourcentage de 3,5 % des recettes nettes part producteur. Ce pourcentage sera calculé sur l'ensemble des recettes revenant au groupe français » ;

Considérant que par lettre du 17 février1981 (pièce numéro 7 de M. Philippe C.), il a été convenu que le pourcentage de 3,5 % prévu au contrat susvisé est annulé et remplacé par la part de 50 % sur les profits réservés à la société Babel productions conformément au contrat de coproduction intervenu le même jour entre ladite société et Carthago Films ;

Considérant qu'un avenant à ce contrat de coproduction est intervenu le 5 février 1982 (pièce numéro 8 de M. Philippe C.) aux termes duquel il a été convenu que « la rémunération revenant à M. Philippe C., auteur, et versée par « CARTHAGO FILMS » sera déduite de la part des profits revenant à la société « BABEL PRODUCTIONS » et ce, sans que la société « CARTHAGO FILMS » en supportent la charge » ;

Considérant qu'en application de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;

Considérant qu'il résulte explicitement des dispositions contractuelles qu'il appartenait à la société Carthago Films de verser à l'auteur sa rémunération telle que prévue par le contrat de cession de droits d'auteur quand bien même celle-ci ne devait pas en supporter la charge financière dès lors que cette rémunération devait être prélevée sur les profits revenant à la société Babel productions en application du contrat de coproduction intervenu entre les deux sociétés ;

Considérant qu'en application de l'article 1315 du code civil, celui qui se prétend libéré d'une obligation doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de celle-ci ;

Considérant dès lors que, la société Carthago Films ne peut faire valoir que M. Philippe C. ne justifie pas de son préjudice ; qu'il lui appartient au contraire à elle-même de justifier qu'elle a rempli ses obligations contractuelles ; que l'ordre de virement en date du 26 juillet 2004 d'un montant de 547'233,67 euros à l'ordre de Babel productions concerne la liquidation des comptes de coproduction dans les suites de la sentence arbitrale du 22 décembre 1999 ;

Considérant qu'un contrat est également intervenu entre Babel productions, producteur, et Philippe C., auteur le 1er mars 1982 à propos des droits cinématographiques découlant de son scénario intitulé « plus beau que moi tu meurs » (pièce numéro 10 de M. Philippe C.) ; que l'article 1 du contrat prévoit que l'auteur cède les droits concerné aux producteur ; que l'article 14 de ce contrat stipule que « conformément à l'article 35 de la loi du 11 mars1957 sur la propriété littéraire et artistique, l'auteur recevra en rémunération de sa cession un pourcentage de 2,5 % des recettes nettes, part producteur » ;

Considérant que par contrat du 15 mars 1982 (pièce numéro 11 de M. Philippe C.), Babel productions a apporté les dits droits à la coproduction ; que, plus précisément, l'article II stipule que « Babel apporte à la coproduction le contrat intervenu avec M. Philippe C.. Carthago devient donc copropriétaire des droits d'auteur à compter de ce jour » ;

Considérant que le contrat liant Philippe C. et Babel productions ayant été apporté à Carthago films, il résulte des volontés contractuelles que l'obligation de rémunérer l'auteur telle que prévue par le contrat du 1er mars 1982 a également été apportée à la société Carthago Films ;

Considérant en outre que par lettre revêtue des mentions « lu et approuvé bon pour accord » et de la signature de Philippe C. en date du 7 avril 1982 (pièce numéro 12 de M. Philippe C.), Carthago films a rappelé les conventions intervenues sur le scénario et la réalisation en précisant que « conformément à l'article 17 de la loi 11 mars1957, vous nous cédez à titre exclusif, pour une durée de 28 années entières et consécutives à compter de la première représentation publique du film, vos droits d'exploitation cinématographique découlant de vos travaux de mise en scène (...) » ; que de plus un paragraphe 4 de cette lettre prévoit que « à titre de rémunération pour la cession de vos droits d'auteur découlant de votre mise en scène et de votre montage, et, conformément àla loi du 11 mars1957, nous vous verserons un pourcentage de 2,5 % sur les recettes nettes producteur à revenir au groupe français » ;

Considérant que, pas plus que pour le premier film, la société Carthago Films n'apporte la preuve qui lui incombe conformément à l'article 1315 du code civil de ce qu'elle a rempli d'une part son obligation de rémunérer l'auteur du fait de la cession de ses droits sur le scénario et d'autre part de le rémunérer de la cession de ses droits sur la réalisation ;

Considérant enfin qu'un contrat est intervenu, à propos du film « par où t'es rentré on t'a pas vu sortir » entre Babel productions et Philippe C. (pièce numéro 13 de M. Philippe C.) aux termes duquel celui-ci s'est engagé à établir le scénario, l'adaptation et les dialogues du film ; que l'article I de ce contrat stipule que « sous réserve de l'exécution intégrale des conventions énoncées dans les présentes, et parfait paiement des sommes énumérées ci-après nous devenons cessionnaire de la totalité de vos droits d'auteur découlant de cette collaboration au film, à savoir le droit de reproduction, le droit de représentation, et les droits d'utilisation secondaire du film comme indiqué ci-dessous » ; que l'article V de ce contrat stipule que « en rémunération de votre travail et de la cession de vos droits, notre société versera conformément à l'article 35 de la loi du 11 mars1957, une rémunération proportionnelle en un pourcentage fixé à 2,5 % sur les recettes nettes distributeurs France » ; qu'il est également prévu un minimum de perception garanti ;

Considérant qu'un contrat similaire (pièce numéro 14 de M. Philippe C.) est également intervenu entre Babel productions et Philippe C. le 20 mars 1984 à propos du film « par où t'es rentré on t'a pas vu sortir » à propos des droits de reproduction, de représentation et d'utilisation secondaire du film qui prévoit en son article VI une rémunération proportionnelle de 0,5 % sur les recettes nettes part producteur provenant de l'exploitation du film dans le monde entier ;

Considérant qu'un contrat de coproduction est intervenu le 3 avril 1984 entre la société Carthago Films et Babel productions à propos de ce film (pièce numéro 3 de la société Carthago Films) qui rappelle, liminairement, les cessions intervenues entre Babel productions et Philippe C. ; que l'article 2 de ce contrat stipule que Babel productions apporte à la coproduction lesdits droits d'auteur ; qu'à l'instar du premier film, il résulte des volontés contractuelles que l'obligation de rémunérer l'auteur telle que prévue par le contrat d'auteur a également été apportée à la société Carthago Films ;

Considérant de plus que par lettre du 4 décembre1984 (pièce numéro 15 de M. Philippe C.), Carthago films a proposé à Philippe C. une modification des engagements contractuels concernant la rémunération de réalisateur-technicien et d'interprète de Philippe C. ramenant sa rémunération d'acteur à 150'000 francs et portant celle de réalisateur de 300'000 francs à 320'000 francs ; que cette lettre est revêtue de la mention manuscrite « lu et approuvé pour accord » précédant la signature de Philippe C. ; qu'il en découle que la société Carthago Films a explicitement repris à son compte les engagements de Babel productions » ;

Considérant que, pas plus que pour les deux premiers films, la société Carthago Films n'apporte la preuve qui lui incombe conformément à l'article 1315 du code civil de ce qu'elle a rempli son obligation de rémunérer l'auteur ;

Considérant enfin qu'en application de l'article L. 132-28 du code de la propriété intellectuelle, le producteur fournit, au moins une fois par an, à l'auteur et aux coauteurs un état des recettes provenant de l'exploitation de l'œuvre selon chaque mode d'exploitation ; qu'aucun état de cette nature ne figure aux présents débats en dépit de plusieurs sommations remontant pour la plus ancienne au 29 mai 1989 (pièce numéro 37-1 de M. Philippe C.) ;

Considérant que de ce qui précède il résulte que la faute de la société Carthago Films, qui n'a rempli ni ses obligations contractuelles vis-à-vis de M. Philippe C. ni ses obligations légales, est établie ; que celle-ci fonde M. Philippe C. à revendiquer l'indemnisation du préjudice en résultant dans les conditions qui seront étudiées ci-après ;

Sur l'exploitation non déclarée et les rémunérations perdues à compter de 1998

Considérant que M. Philippe C. soutient que la disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 mars2012 ayant confirmé cellesdu jugement du tribunal de grande instance de Paris du 15 octobre2010 concernant le principe de la condamnation de la société Carthago Films à indemniser M. Philippe C. du préjudice subi du fait de l'exploitation non déclarée n'a pas été censurée par la Cour de cassation ; qu'il en infère que le principe de cette condamnation a donc acquis force de chose jugée de sorte que la cour de renvoi n'a pas à statuer de ce chef ;

Considérant toutefois que le dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation du 9 avril2014 casse et annule l'arrêt de la cour d'appel de Paris notamment en ce qu'il a condamné la société Carthago Films à payer à M. Philippe C. la somme de 300'452 euros au titre des exploitations non déclarées et des rémunérations perdues ; que cette condamnation a été prononcée au visa de l'article 16 du code de procédure civile, la cour d'appel de Paris s'étant fondée pour l'essentiel sur le rapport non contradictoire du consultant, M. M. ; qu'il en découle que la cour d'appel de renvoi doit statuer sur le principe du préjudice et donc sur les fautes invoquées par M. Philippe C. à l'encontre de la société Carthago Films de ce second chef ;

Considérant sur ce que la société Carthago Films fait valoir que la cour ne peut se fonder sur les conclusions de M. M. sur de prétendues exploitations qu'elle aurait camouflées, tant pour les exploitations télévisuelles, que sur vidéogrammes et à l'étranger ; que les estimations de M. M. sur l'exploitation télévisuelle ne sont pas probantes comme le confirme M. L. alors que les auteurs ne démontrent en aucune manière l'existence de prétendues exploitations télévisuelles manquées ; qu'en outre, le rapport procède par voie d'allégations sur l'exploitation vidéo ; que, sur l'exploitation à l'étranger, de manière générale, M. L. conclut que « les recettes manquées doivent être retenues pour nulles » ;

Considérant que sur le gel des exploitations après 1995/1998, elle fait valoir que la sentence arbitrale du 22 décembre 1999 a emporté résiliation des contrats de coproduction ; qu'ainsi, aucune faute ne peut lui être reprochée dès lors qu'il était mis fin à la coproduction et ainsi à toute exploitation des films ; que, par ailleurs, la société Babel productions avait diligenté à son encontre une saisie auprès des laboratoires détenteurs des éléments corporels afférents aux films de sorte qu'elle ne pouvait plus les exploiter ; que, de plus, M. Philippe C. avait déposé une plainte à son encontre qui a fait l'objet d'un non-lieu ; que celui-ci a même été déclaré coupable de dénonciation calomnieuse ; que, dans ces conditions, toute relation de confiance était rompue ; qu'enfin, M. Philippe C. et la société Babel productions ont adopté une attitude dilatoire et d'obstruction systématique qui a empêché toute vente des films permettant de sortir de l'indivision ; que, dans ces conditions, l'exploitation des trois films après 1995/1998 était juridiquement et matériellement impossible ; qu'elle n'a donc commis aucune faute ;

Considérant que M. Philippe C. réplique que les conclusions de M. M. sont recevables et que la société Carthago Films, producteur délégué, responsable vis-à-vis des auteurs et des tiers, est fautive et ne démontre pas avoir satisfait à son obligation de moyens puisqu'elle n'a pas maintenu une exploitation conforme aux usages de la profession ; que par l'intermédiaire d'une société du groupe, Quinta, dirigée par T. Ben A., elle a même exprimé un refus auprès d'un exploitant de salles, « le cinéma des cinéastes » qui souhaitait programmer une rétrospective des films de Philippe C. ; que la société Carthago Films ne peut se prévaloir de ses difficultés judiciaires pour tenter de justifier ce défaut d'exploitation, ces difficultés étant par ailleurs sans rapport avec la reddition des comptes d'auteurs ; qu'en effet, la résiliation des sociétés de fait de coproduction par un tribunal arbitral, au demeurant rendue opposables aux auteurs le 5 septembre 2008 par la publication effectuée au registre public du cinéma à l'initiative de Babel productions, ne peut en aucun cas être considérée comme une excuse au gel des films d'autant que toute société, même de fait, survit pour les besoins de sa liquidation ; que d'ailleurs, la société Carthago Films a exploité les films de façon clandestine, notamment à l'étranger ; qu'il critique par ailleurs le rapport de M. L., l'intéressé méconnaissant les règles primaires de reddition de comptes d'auteurs et ayant donc commis de graves erreurs ;

Considérant ceci exposé que, sur le gel des exploitations, la sentence arbitrale du 22 décembre 1999 (pièce numéro 4 de l'appelante) a prononcé la résiliation des contrats de coproduction ayant existé entre la société Carthago Films et la société Babel productions ; que ces contrats avaient pour objet essentiel le financement des trois films et le partage entre les parties des profits résultant de l'exploitation ; que, néanmoins, la société Carthago Films est restée le producteur délégué et comme tel, responsable de l'exploitation vis-à-vis des auteurs'; que, se contentant de l'affirmer, elle n'explique en aucune manière en quoi concrètement, cette résiliation des contrats organisant les modalités de financement des films et le partage des profits entre les coproducteurs, s'opposait à l'exploitation des œuvres, alors qu'il est justifié que la société Quinta a opposé au contraire au moins à un exploitant de salles l'organisation d'une rétrospective des films de Philippe C.'(pièce n°27 de M. Philippe C.) ; que, dans ces conditions, la sentence arbitrale qui détermine en particulier les éléments d'assiette sur lesquels doivent s'appliquer les pourcentages revenant à la société Babel productions, coproducteur ainsi que les comptes qui en découlent alors que la problématique qui se pose à la cour d'appel de renvoi est de définir les sommes revenant aux auteurs n'est pas opposable à ces derniers ; qu'en outre, comme le relève M. Philippe C., si cette sentence a ordonné la liquidation de la société de fait existant entre la société Carthago Films et la société Babel productions, la société survit pour les besoins de la liquidation ; que, si enfin la société Carthago Films fait valoir que la vente aux enchères des trois films ordonnée par le tribunal de commerce avait pour conséquence l'impossibilité de les exploiter, la cour relève que cette décision n'a été rendue qu'en 2007 alors qu'il lui est reproché un gel de l'exploitation remontant aux années 1995/1998 ; qu'il appartient dès lors au producteur délégué de justifier qu'il a rempli ses obligations vis-à-vis de M. Philippe C., ce qu'il ne fait pas en l'espèce ;

Considérant que de ces éléments il résulte que la société Carthago Films a également commis une faute au préjudice de M. Philippe C. à ce titre ;

Considérant qu'il reste donc à évaluer les préjudices engendrés par les diverses fautes commises par la société Carthago Films ;

Sur l'évaluation des préjudices

Au titre de l'absence de versement des droits d'auteur pour la période antérieure à 1995/1998

Au titre de l'exploitation en salles

Considérant que la société Carthago Films reproche essentiellement à M. Philippe C. de revendiquer l'indemnisation d'un préjudice chiffré par une consultation établie de manière non contradictoire qui, de surcroît, contredit le montant des recettes arrêté par la sentence arbitrale du 22 décembre 1999 ; qu'elle fait également valoir que les comptes établis par M. M. sont critiqués par M. L., expert-comptable et commissaire aux comptes, qu'elle a elle-même mandaté ;

Considérant que M. Philippe C. réplique en substance que la sentence arbitrale concerne les comptes de coproduction et que M. L. ignore tout des règles de la profession contrairement à M. M.' ;

Considérant ceci exposé que M. Philippe C. fait justement valoir que les recettes prises en compte dans la sentence arbitrale ont permis d'établir les comptes de coproduction entre la société Carthago Films et la société Babel productions ; que surtout la cour observe que les tableaux annexés à la sentence arbitrale ne permettent pas de déterminer la nature des recettes prises en compte ; qu'en effet à titre d'exemple pour le film « tais-toi quand tu parles », au titre des produits encaissés avant le 16 juin 1992 sont mentionnés les sommes encaissées de G. France et de G. Export et, au titre des recettes à répartir, la deuxième vente à TF1 en date du 31 décembre 1993, semble-t-il, une vente à France 2 en date du 31 décembre 1995 ; qu'or, les différents contrats de cession de droits d'auteur mentionnent précisément les recettes à prendre en considération ; qu'à titre d'exemple l'article 14 du contrat de cession des droits d'auteur du film « tais-toi quand tu parles » stipule que « conformément à l'article 35 de la loi du 11 mars1957 sur la propriété littéraire et artistique, l'auteur recevra en rémunération de sa cession un pourcentage de 3,5 % des recettes nettes part producteur. Ce pourcentage sera calculé sur l'ensemble des recettes revenant au groupe français » ; que, de manière générale, les trois contrats concernés se soumettent à l'article 35 de la loi du 11 mars1957 et asseoient, en substance, la rémunération de la cession sur les recettes nettes part producteur ; que les recettes prises en compte par la sentence arbitrale ne permettent donc pas de chiffrer le préjudice de l'auteur';

Considérant que l'article 35 de la loi du 11 mars1957 est devenu l'article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle ; que ce texte prévoit un principe général, certes accompagné d'exceptions limitatives, selon lequel la cession doit comporter au profit de l'auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente de l'exploitation ;

Considérant que les parties, en visant l'article 35 de la loi 11 mars1957, ont expressément convenu de se soumettre à ces dispositions impératives du code de la propriété intellectuelle qui visent à protéger les auteurs comme le confirme la jurisprudence de la Cour de cassation notamment dans un arrêt de la première chambre civile du 13 février 2007 ; que la Cour de cassation précise en outre, notamment dans un arrêt de la première chambre civile du 9 octobre 1984 (pourvoi numéro 83-138501) que la rémunération doit être calculée par rapport au prix de vente au public, celui-ci s'entendant hors-taxes ; qu'il en découle que sont exclus des assiettes de la rémunération des auteurs les « recettes nettes producteur » ;

Considérant toutefois que le pourcentage lui est fixé librement par les parties sous réserve d'abus apprécié au cas par cas par le juge ;

Considérant ainsi que bien qu'ayant entendu soumettre aux dispositions impératives de la loi organisant la protection de la rémunération des auteurs, les différents contrats de cession de droits d'auteur ne les respectent pas ; qu'il s'agit d'une simple constatation découlant de l'analyse de ces dispositions impératives qui doit être prise en compte et qui a donc été justement rappelée par le consultant, M. M. ; que la circonstance que celui-ci n'ait pas réalisé ses opérations de manière contradictoire n'est pas de nature à permettre à la société Carthago Films de s'opposer à l'application de ces dispositions légales impératives alors que ce point a pu être discuté de manière contradictoire par les parties dans les différentes instances jusqu'aux débats devant la cour de renvoi ; qu'or, la société Carthago Films ne conteste pas le principe de l'application de ces dispositions légales impératives à la rémunération des diverses cession de droits d'auteur ;

Considérant donc que la rémunération de M. Philippe C. sera assise sur les recettes en salles hors-taxes conformément aux dispositions de l'article 35 de la loi du 11 mars1957 devenu l'article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle ;

Considérant sur ce point que le consultant amiable, M. M., a pris en compte pour les déterminer les relevés mécanographiques du Centre national de la cinématographie (pièce numéro 23 de M. Philippe C.) ; qu'il s'agit d'une donnée objective qui ne souffre pas de discussion et qui n'est d'ailleurs pas discutée en soi par la société Carthago Films ; que celle-ci sera donc prise en compte par la cour de renvoi ;

Considérant que le principe de répartition de la rémunération des trois auteurs suivant les pourcentages retenus par la Société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD) ne souffre pas davantage de discussions ; qu'ainsi, s'agissant de M. Philippe C., sera retenu un pourcentage de 90 % pour le film « tais-toi quand tu parles », de 77,5 % pour le film « plus beau que moi tu meurs » est de 64,16 % pour le film « par où t'es rentré on t'a pas vu sortir » ;

Considérant que, suivant les relevés mécanographiques du CNC édités le 6 juillet 2005, les recettes hors-taxes en salle ont été respectivement de 5'074'990 euros pour le film « tais-toi », 8'962'502 euros pour le film « plus beau » et 2'562'261 euros pour le film « par où » ;

Considérant qu'il résulte des contrats de cession de droits d'auteur ci-dessus analysés que, à titre d'exemple, pour le film « tais-toi », M. Philippe C. est coscénariste, adaptateur, dialoguiste et réalisateur ; que, contractuellement, il doit recevoir une rémunération de 3,5 % des recettes nettes part producteur ; que le contrat prévoit en outre un minimum garanti de 15'245 euros ;

Considérant que la société Carthago Films oppose à la prise en compte du taux de rémunération de 2 % retenu par le consultant le caractère non contradictoire de la consultation et les calculs de M. L. qui font apparaître, selon le propre consultant du producteur, une surestimation des droits en salle de 83 % ;

Considérant que la diminution du taux par rapport au taux contractuel apparaît a priori favorable au producteur délégué dès lors que l'assiette retenue, les recettes publiques en salle, est plus large que celle prenant en compte les recettes nettes part producteur ; que pourtant, le calcul de M. L. (pièce numéro 80 des appelants) laisse apparaître une surestimation des droits en salles de 83 % ;

Considérant que la cour observe en premier lieu que M. L. se borne à une formule arithmétique prenant pour base prédéfinie un taux de recettes publiques lui permettant de calculer le montant des recettes nettes part producteur ; qu'ainsi, il part du postulat que les recettes nettes part producteur représentent 34 % des recettes publiques ; que néanmoins ce taux n'est pas justifié outre mesure ; qu'en outre, il détermine la surévaluation de 83 % à partir du taux contractuel de rémunération moyen alors que M. M. individualise le taux pour chaque film en précisant de plus que celui-ci doit tenir compte de la renommée et de la personnalité de l'auteur et du réalisateur comme de celle des artistes interprète ; qu'il considère en effet que ces données sont un facteur déterminant de la décision du public de voir une œuvre cinématographique ;

Considérant que la cour, qui a dans un premier temps redéfini l'assiette de la rémunération de l'auteur conformément aux dispositions impératives du code de la propriété intellectuelle, estime néanmoins ne pas disposer de données objectives lui permettant de statuer sur le taux à retenir ; qu'il convient donc, par application de l'article 145 du code de procédure civile, d'organiser sur ce point une mesure d'expertise judiciaire dans les conditions définies au dispositif ci-après ; que, dans cette attente, il convient de surseoir à statuer sur l'évaluation de ce préjudice'; qu'il en résulte donc que, contrairement à ce que prétend la société Carthago Films, la demande d'expertise formée par M. Philippe C. à titre subsidiaire ne revêt aucun caractère dilatoire ;

Sur l'exploitation vidéo

Considérant que le consultant, M. M., estime que sur la période de 30 ans qui s'est écoulée depuis la sortie du premier film, la diffusion par vidéo représente un mode d'exploitation important qu'a négligé la société Carthago Films ; qu'il ajoute que pour la première période, durant laquelle l'exploitation a été quasi normale, les auteurs n'ont rien perçu et que, durant la seconde période, la société Carthago Films a fait preuve d'une négligence totale ; qu'il précise que, pour la première période, les cessions effectuées par le producteur délégué sont relevées notamment dans le second rapport de l'expert judiciaire P. figuranten annexe numéro 2 de sa consultation ; que si le rapport de M. P. résulte d'une mesure d'expertise judiciaire réalisée de manière contradictoire sur laquelle le tribunal arbitral s'est fondé pour statuer dans sa sentence du 22 décembre 1999 et peut donc être pris en compte par la cour de renvoi, les chiffres cités dans ce rapport ne sont pas suffisamment détaillés ; qu'en effet, à l'exception du film « par où t'es rentré, on t'a pas vu sortir », les chiffres relatifs à l'exploitation vidéo ne sont pas isolés ; qu'en outre les propres annexes du rapport d'expertise judiciaire de M. P. ne sont pas annexés à la consultation ; qu'ainsi, la cour ne dispose d'aucune donnée objective permettant d'évaluer le préjudice résultant de l'exploitation vidéo ; que la mesure d'expertise judiciaire portera donc également sur ce point dans les conditions précisées au dispositif ci-après ; que, dans cette attente, il convient de surseoir à statuer sur l'évaluation de ce préjudice ;

Sur les éventuelles exploitations dissimulées et l'exploitation à l'étranger

Considérant qu'en l'absence de toute donnée objective permettant à la cour de statuer sur ce point, il appartiendra également à l'expert judiciaire nommé d'investiguer à ce sujet et de chiffrer le préjudice en tant que de besoin ; que, dans cette attente, il convient de surseoir à statuer ;

Au titre d'éventuelles exploitations non déclarées et du gel de l'exploitation à compter des années 1995/1998

Considérant que la cour ne dispose d'aucune donnée objective lui permettant de statuer sur ce point ; que les termes de comparaison utilisés dans un cadre non contradictoire par le consultant de M. Philippe C. peuvent prêter à discussion notamment en ce qu'ils se réfèrent aux performances commerciales de films ayant eu un volume d'entrées comparable tels « les bronzés » ou encore « les sous doués » ; qu'un débat contradictoire doit donc s'instaurer sur ce point dans le cadre d'une mesure d'expertise judiciaire dans les conditions définies au dispositif ci-après ; que, dans cette attente, il convient de surseoir à statuer ;

Sur le préjudice moral

Considérant qu'il sera statué sur ce chef de préjudice après dépôt du rapport d'expertise ; que l'avis de l'expert sera donc également sollicité sur ce point ; qu'il sera donc sursis à statuer dans cette attente ;

Sur le périmètre de la mesure d'expertise et son préfinancement

Considérant que M. Philippe C. sollicite en particulier que l'expert vérifie et au besoin établisse son compte d'auteur complet ainsi que tout accessoire tel que rémunération participative, rémunération proportionnelle, indemnité relative au gel des droits, aux exploitations cachées et perdues ;

Considérant toutefois qu'eu égard à l'étendue de la saisine de la cour de renvoi telle que rappelée ci-dessus, la disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 mars 2012 suivant laquelle M. Philippe C. a été débouté de sa demande au titre de sa rémunération participative, a acquis force de chose jugée ; que l'expert n'aura donc pas à investiguer sur la rémunération participative de M. Philippe C. ;

Considérant que la consignation sera provisoirement mise à la charge de M. Philippe C. qui sollicite cette mesure d'instruction dans son intérêt';

Sur le caractère alimentaire et privilégié de la créance

Considérant qu'à l'appui de cette demande, M. Philippe C. fait valoir que l'article L. 333-2 du code de la propriété intellectuelle reconnaît le caractère alimentaire des créances relatives à des droits d'auteur et que l'article L. 131-8 du même code permet à l'auteur de bénéficier des privilèges des articles 2331, alinéa 4 et 2375 du code civil ; qu'en effet, il ne faut pas oublier que les redevances d'auteur constituent la source principale, voire exclusive, des revenus des créateurs, de sorte que leur caractère alimentaire ne fait guère de doute ; qu'il précise d'ailleurs que, à la suite de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Carthago Films suivant jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 mars 2012, il a déclaré sa créance en vertu de l'arrêt rendu le 9 mars 2012, objet de la cassation partielle et du renvoi devant la cour d'appel de Versailles ; que, suite à la contestation de cette créance, le 30 octobre 2013, le juge-commissaire au redressement judiciaire de la société Carthago Films a accueilli celle-ci en son quantum mais l'a retenue à titre chirographaire et non privilégié, comme il le demandait ; qu'il a donc interjeté appel de cette ordonnance quant au seul caractère de la créance et a donc demandé à la cour d'appel de Paris de surseoir à statuer dans l'attente que la cour d'appel de Versailles statue sur le principe de la créance suite au renvoi de cassation ;

Considérant que la société Carthago Films lui oppose de ne pas démontrer le caractère alimentaire de la créance qu'il invoque et qui n'est nullement de droit en l'espèce ; qu'elle soutient que M. Philippe C. invoque, de manière tronquée, dans ses dernières écritures, l'article L. 333-2 du code de la propriété intellectuelle, pour prétendre à ce caractère automatique de la nature alimentaire et donc privilégiée d'une créance au titre de droits d'auteur ; qu'au contraire, cet article a uniquement pour but de prévoir la situation de la partie saisissable de la rémunération de l'auteur quand celui-ci est poursuivi par des créanciers ;

Mais considérant que cette demande de M. Philippe C. vise à établir le caractère privilégié de la créance qu'il invoque dans le cadre de la procédure collective de la société Carthago Films ; qu'il résulte de ses propres écritures que le juge de la procédure collective est déjà saisi puisque M. Philippe C. a interjeté appel de l'ordonnance du juge-commissaire admettant sa créance à titre chirographaire ;

Considérant en effet qu'en application de l'article L. 624-2 du code de commerce, au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge commissaire décide de la mission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation de relève pas de sa compétence ; qu'ainsi, la procédure de vérification et d'admission des créances consiste à recenser les créances existantes et à en déterminer le montant et la nature ; qu'il appartient donc au juge-commissaire, et donc à la cour à hauteur d'appel, de statuer sur le caractère privilégié ou non de la créance ; que la demande tendant à ce qu'il soit statué sur le caractère alimentaire de la créance, qui vise en fait à est pré-établir le caractère privilégié de celle-ci, entre donc dans les seuls pouvoirs du juge de la procédure collective ; qu'elle est donc irrecevable devant la cour de renvoi, chargée pour sa part de statuer sur le principe et l'étendue de cette créance ; qu'au surplus, il y a lieu de relever que les dispositions du code de la propriété intellectuelle invoquées par M. Philippe C. sont situées dans le chapitre relatif aux saisies des produits d'exploitation ; qu'en tout état de cause, il appartient à la cour d'appel de Paris, devant laquelle ce litige est pendant, de statuer sur ce point ;

Sur la demande de provision

Considérant qu'au soutien de cette demande et s'il devait être fait droit à la demande d'expertise judiciaire, M. Philippe C. fait valoir qu'il est créancier au titre de ses rémunérations d'auteurs, fruit de son travail et autres causes, pour des sommes relativement importantes, qui n'ont jamais été réglées de nombreuses années malgré leur caractère alimentaire';

Considérant que la société Carthago Films réplique que M. C. avait déjà cette demande lors d'une précédente instance en 1995 ; que le tribunal de commerce de Paris avait alors considéré que 'M. C. était irrecevable en son action, faute de relation contractuelle avec elle pouvant fonder valablement une telle action' ; qu'en outre M. C. ne démontre en aucun cas le caractère alimentaire de la créance qu'il invoque et qui n'est nullement de droit en l'espèce'; que, surtout, cette demande est parfaitement infondée, dès lors qu'elle bénéficie d'un plan de continuation'; qu'autoriser une provision sur les créances déjà déclarées par les auteurs et comprises dans le plan de redressement de la société Carthago serait une fraude au principe fondamental d'égalité de traitements des créanciers antérieurs au jugement d'ouverture et rappelé par l'article L. 622-7 du code de commerce';

Considérant ceci exposé que, par jugement du 16 février 2014 (pièce numéro 88 de la société Carthago Films), le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de redressement de la société Carthago Films ; que les motifs de cette décision rappellent en particulier que c'est à la suite des saisies arrêt pratiquées par les auteurs que la déclaration de cessation des paiements a été régularisée le 21 mai 2012 ; que le jugement précise que le « contentieux Babel » représente 65 % du passif pour un montant de 1'589'980,49 euros ; que le plan prévoit pour l'essentiel que les créances seront réglées sur huit années constantes de 12,5 % chacune';

Considérant que ce plan a pour objectif, conformément à la loi, de sauvegarder l'activité, maintenir l'emploi et apurer le passif ; qu'il repose sur un équilibre entre ces trois impératifs légaux ; qu'il s'ensuit que la demande de provision, de nature à mettre en péril cet équilibre, sera rejetée ;

Sur les intérêts

Considérant que l'appelant fait valoir que rien ne justifie en l'occurrence que le point de départ des intérêts soit reporté à la date de l'assignation', celui-ci ne pouvant, en tout état de cause qu'être fixé à compter de l'arrêt à intervenir; que de plus, il est de jurisprudence constante que la règle de l'anatocisme posée à l'article 1154 du code civil doit être écartée en cas de faute du créancier'; qu'or, l'attitude de M. C. qui a consisté à soumettre à l'appréciation du tribunal, puis de la cour, des éléments obtenus de manière non-contradictoire dans le but d'amener ces juridictions à statuer sur ces seuls éléments est susceptible de caractériser une faute';

Mais considérant que, comme rappelé ci-dessus, la société Carthago Films a été mise en demeure de régler les sommes dues aux auteurs depuis le 29 mai 1989 ; que le cours des intérêts doit donc être fixé à compter de l'acte introductif d'instance ; qu'il appartiendra à l'expert judiciaire d'en chiffrer le montant à compter de cette date ;

Considérant en outre qu'il ne peut être fait aucun grief à M. Philippe C. d'avoir tenté de recueillir les éléments nécessaires à établir le bien-fondé de sa demande alors que, de son côté, la société Carthago Films, face à la consultation amiable qui lui était opposée, pouvait solliciter à titre reconventionnel une mesure d'expertise judiciaire ; qu'il n'existe donc pas de motif de nature à faire échec à l'application des dispositions de l'article 1154 du code civil relatives à l'anatocisme ;

Sur la procédure abusive

Considérant que cette demande de la société Carthago Films sera réservée ; que la cour, en effet, sollicite avant-dire droit et par application de l'article 16 du code de procédure civile, les observations des parties sur la recevabilité de cette demande eu égard au périmètre de saisine de la cour de renvoi';

Sur les demandes accessoires

Considérant que les demandes de la société Carthago Films et de M. Philippe C. sont réservées ; qu'en revanche, la cour constate que Messieurs Bruno T. et Daniel S.-H., mis hors de cause dans le cadre de l'instance de renvoi de cassation, ont supporté des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à leur charge ; qu'en conséquence, la société Carthago Films sera condamnée à leur verser à chacun la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en complément des dépens les concernant ;

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe de la cour,

Dit que la saisine de la cour d'appel de Versailles , statuant sur renvoi de cassation, est limitée aux demandes formées par M. Philippe C.,

En conséquence,

Met hors de cause Messieurs Bruno T. et Daniel S.-H.

Dit n'y avoir lieu à écarter des débats la consultation établie par M. M. à la demande de M. Philippe C. et M. Bruno T. et M. Daniel S.-H.,

Dit que la société Carthago Films a commis des fautes au préjudice de M. Philippe C. au titre des droits d'auteur sur la période antérieure à 1995/1998 et du gel de l'exploitation des trois films à compter de cette période,

Dit que la rémunération de l'auteur doit être assise sur les recettes publiques hors-taxes des trois films tels qu'elle résulte des relevés mécanographiques du centre national de la cinématographie édités le 6 juillet 2005,

Ordonne une mesure d'expertise judiciaire confiée à :

M. Pierre B.-J.

[...]

[...]

Tel': [...]

avec pour mission de':

- entendre les parties,

- se faire communiquer les rapports de Messieurs P. et M. en date du 31 mars 2009 et L. en date du 13 septembre 2011 ainsi que tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ainsi que tous les éléments comptables, techniques et de fait de nature à permettre à la cour de fixer les sommes dues à M. C.,

Précise en particulier que l'expert devra :

- déterminer le taux de rémunération résultant des différents contrats de cession de droits d'auteur conformément aux usages de la profession et dans le respect de la volonté contractuelle exprimée dans ces contrats,

- chiffrer le préjudice résultant de l'exploitation vidéo pour la période antérieure aux années 1995/1998 puis pour la période postérieure,

- chiffrer le préjudice résultant de l'exploitation à l'étranger,

- investiguer sur les exploitations dissimulées alléguées et en chiffrer le préjudice en tant que de besoin,

- chiffrer en toutes ses formes le préjudice résultant du gel de l'exploitation à compter des années 1995/1998,

- chiffrer le montant des intérêts de retard à compter du 4 novembre 2009 et de la capitalisation des intérêts dus sur plus d'une année inclue,

- établir le compte d'auteur complet de M. C. (rémunération proportionnelle, indemnité relative au gel des droits, aux exploitations cachées et perdues et à l'évaluation du préjudice moral, etc.),

Rappelle que l'expert n'a pas à investiguer sur la rémunération participative de M. Philippe C.,

Dit que :

- l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation au magistrat chargé du contrôle de l'expertise et devra commencer ses opérations dès l'avis de consignation,

- en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat chargé du contrôle de l'expertise sur simple requête,

- l'expert devra accomplir sa mission conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile, notamment en ce qui concerne le caractère contradictoire des opérations,

- l'expert devra tenir le magistrat chargé du contrôle de l'expertise informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l'accomplissement de sa mission,

- l'expert est autorisé à s'adjoindre tout spécialiste de son choix, dans un secteur de compétence différent du sien, sous réserve d'en informer le magistrat chargé du contrôle de l'expertise et les parties et à charge de joindre son avis au rapport d'expertise,

- l'expert devra remettre un pré-rapport aux parties et répondra à leurs observations (dires) formulées par écrit dans le délai préalablement fixé par l'expert,

- l'expert devra déposer son rapport définitif et sa demande de rémunération au greffe de la cour dans le délai de quatre mois à compter de la date de l'avis de consignation (sauf prorogation dûment autorisée par le magistrat chargé du contrôle de l'expertise), et communiquer ces deux documents aux parties,

- les frais d'expertise seront provisoirement avancés par M. Philippe C. qui sollicite ladite mesure qui devra consigner la somme de 3 000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert, auprès du régisseur d'avances et de recettes de la cour, avant le 31 janvier 2018 , étant précisé qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque (sauf décision contraire du magistrat chargé du contrôle de l'expertise en cas de motif légitime), l'affaire pourra être rappelée à l'audience de mise en état et l'instance poursuivie sans que l'expertise ait été réalisée, et il sera tiré toutes conséquences de l'abstention ou de refus de consigner,

- lors de la première réunion ou au plus tard lors de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,

Constate que la cour d'appel de Paris est saisie de la demande de détermination de la nature de la créance de M. Philippe C. dans le cadre de la procédure collective de la société Carthago Films,

Dit que cette demande est irrecevable dans le cadre de la présente instance visant à déterminer le principe et l'étendue de cette créance,

Déboute M. Philippe C. de sa demande de provision,

Invite les parties à fournir leurs observations sur la recevabilité devant la cour de renvoi des demandes indemnitaires pour procédure abusive,

Dit que cette demande sera examinée après dépôt du rapport d'expertise,

Condamne la société Carthago Films à payer à Messieurs Bruno T. et Daniel S.-H. à chacun une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en complément des dépens les concernant,

Réserve toute autre demande,

Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 23 février 2018 pour vérification du versement de la consignation.