CA Bordeaux, 2e ch. civ., 25 mars 2021, n° 20/03564
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Paponnet (EARL)
Défendeur :
Agco Finance (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lavergne-Contal
Conseillers :
M. Desalbres, Mme Louwerse
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 14 septembre 2011, la société AGCO Finance (la société AGCO) a conclu un contrat de crédit portant le n°88440038807 avec l'Earl Paponnet pour le financement d'un tracteur de marque Valtra modèle S323, n° de série B284032.
L'Earl Paponnet a été admise au bénéfice d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de grande instance d'Angoulême en date du 2 juin 2016, publié le 28 juin 2016.
La Société AGCO a déclaré sa créance d'un montant de 90.489,70 euros.
Suivant une ordonnance rendue par le juge commissaire le 25 avril 2017, notifiée le 4 mai 2017, la Société AGCO a été relevée de sa forclusion.
Une nouvelle décision de ce magistrat du 27 juin 2017 a :
- constaté que la Société AGCO est la légitime propriétaire du tracteur-objet du contrat de crédit du 14 septembre 2011 ;
- constaté que celle-ci a effectué une déclaration de créance au passif du redressement judiciaire de l'Earl Paponnet pour une somme de 82.304,60 €, avec une réserve de propriété qui doit être admise et retranscrite ;
- constaté l'accord des parties pour que l'Earl Paponnet un règlement en 11 échéances trimestrielles d'un montant de 6.859 € TTC le 30 du mois, à compter du 30 juin 2017, puis une dernière échéance trimestrielle d'un montant de 6.855,60 € TTC ;
- constaté qu'en contrepartie, la Société AGCO s'engage à laisser à sa disposition le tracteur sous réserve de l'encaissement des sommes ;
- dit qu'à défaut de paiement d'une mensualité d'arriéré, le solde de la dette entière deviendra immédiatement exigible et produira intérêts comme précédemment spécifié à compter de ce nouvel incident de paiement ;
- autorisé en cette hypothèse, la restitution du tracteur en quelque lieu ou mains qu'il soit, si nécessaire avec le concours de la force publique, dans le respect des dispositions du code des procédures civiles d'exécution.
Déclarant agir en vertu de cette ordonnance et en raison d'échéances impayées, la société AGCO a dressé un procès-verbal de saisie-appréhension du tracteur Valtra à l'encontre de l'Earl Paponnet.
Suivant acte d'huissier du 17 février 2020, l'Earl Paponnet a assigné la Société AGCO Finance et la SCP S.-B. devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Angoulême aux fins d'obtenir :
A titre principal :
- la mainlevée de la mesure en raison de la nullité affectant le procès-verbal de saisie appréhension ;
A titre subsidiaire :
- la mainlevée de la mesure en raison de son caractère abusif, disproportionné et inutile ;
- la condamnation de la société AGCO à :
- lui restituer le bien sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
- verser la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamnation de la société AGCO aux dépens.
Par jugement du 21 août 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Angoulême a :
- débouté l'Earl Paponnet de ses demandes ;
- condamné l'Earl Paponnet aux dépens ;
- condamné l'Earl Paponnet à payer à la Société AGCO la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'Earl Paponnet.
L'Earl Paponnet a relevé appel de cette décision le 1er octobre 2020.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 4 décembre 2020, l'Earl Paponnet souhaite être déclaré recevable et bien fondé en son appel. Il réclame l'entière infirmation du jugement de première instance et demande à la cour :
A titre principal :
- de juger que le procès-verbal de saisie appréhension du tracteur Valtra dressé le 7 février 2020 est nul et de nul effet ;
- d'ordonner la mainlevée de la saisie-appréhension pratiquée le 7 février 2020 ;
- d'enjoindre à la Société AGCO d'avoir à restituer à ses frais, dans la semaine suivant le prononcé de la décision à intervenir, ledit véhicule sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
Subsidiairement :
- de juger abusive, disproportionnée et inutile la saisie appréhension du tracteur ;
- d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 7 février 2020 ;
- d'enjoindre la Société AGCO Finance d'avoir à restituer à ses frais, dans la semaine suivant le prononcé de la décision à intervenir, ledit véhicule sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
En tout état de cause :
- condamner la société AGCO à lui verser la somme de 4.000 euros de dommages et intérêts au regard du caractère abusif, disproportionné et inutile de la mesure pratiquée ;
- la condamner à lui verser la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, les frais de la saisie devant demeurer à sa charge.
Suivant ses dernières écritures notifiées le 21 décembre 2020, la Société AGCO sollicite la confirmation intégrale du jugement dont appel. Elle demande en conséquence à la cour de ;
- débouter l'Earl Paponnet de l'intégralité de ses demandes, moyens et prétentions ;
- constater la régularité du procès-verbal de saisie-appréhension ;
- condamner l'Earl Paponnet à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'ordonnance du 5 novembre 2020 a fixé la date de l'audience au 3 mars 2021, avec fixation de la date de clôture des débats au 17 février 2021.
Dans de nouvelles conclusions notifiées le 19 février 2021, l'Earl Paponnet souhaite être déclaré recevable et bien fondé en son appel. Il réclame l'entière infirmation du jugement de première instance et demande à la cour, sur le fondement de l'article 782 du code de procédure civile, L 121-2, L222-1 et R222-1 du code des procédures civiles d'exécution :
- d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries ;
A titre principal :
- de juger que le procès-verbal de saisie appréhension du tracteur Valtra dressé le 7 février 2020 est nul et de nul effet ;
- d'ordonner la mainlevée de la saisie-appréhension pratiquée le 7 février 2020 ;
- d'enjoindre à la société AGCO d'avoir à restituer à ses frais, dans la semaine suivant le prononcé de la décision à intervenir, ledit véhicule, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
Subsidiairement :
- de juger abusive, disproportionnée et inutile la saisie appréhension du tracteur ;
- d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 7 février 2020 ;
- d'enjoindre la société AGCO Finance d'avoir à restituer à ses frais, dans la semaine suivant le prononcé de la décision à intervenir, ledit véhicule, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
En tout état de cause :
- condamner la société AGCO à lui verser la somme de 4.000 euros de dommages et intérêts au regard du caractère abusif, disproportionné et inutile de la mesure pratiquée ;
- la condamner à lui verser la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, les frais de la saisie devant demeurer à sa charge.
Suivant de nouvelles écritures signifiées par voie électronique le 26 février 2021, la société AGCO maintient l'intégralité de ses prétentions antérieures.
MOTIVATION
A l'audience, les parties s'accordent pour fixer la date de clôture des débats au 3 mars 2021. Il y sera fait droit.
L'ordonnance rendue par le juge commissaire le 27 juin 2017 a été régulièrement signifiée à l'Earl Paponnet le 6 janvier 2020.
Aucune voie de recours n'a été exercée à l'encontre de cette décision.
Sur la validité de la mesure
En application des articles L511-2, R222-2, R222-3 et R222-20 du code des procédures civiles d'exécution, l'huissier muni du titre exécutoire que constitue l'ordonnance peut immédiatement appréhender le bien saisi, sans recourir à la phase de signification préalable du commandement de payer ou de restituer, lorsqu'il rencontre sur les lieux de la saisie la personne tenue de la remise et que celle-ci en accepte la restitution.
Le procès-verbal d'appréhension du 7 février 2020 dressé par Me C.-M. atteste la remise spontanée par l'Earl Paponnet du tracteur de marque Valtra.
Dès lors, l'argumentation de l'appelant relative aux conséquences de l'absence de tout commandement préalable sur la validité de la procédure sera écartée.
L'Earl Paponnet soutient également que le procès-verbal d'appréhension du 7 février 2020 ne respecte pas les dispositions de l'article R222-4 du code des procédures civiles d'exécution exigeant la rédaction d'une description détaillée du bien saisi.
Des photographies du tracteur figurent à l'acte rédigé par l'officier ministériel. L'une d'entre-elles fait très clairement apparaître le type de véhicule, numéro de série et des identifiants permettant parfaitement d'individualiser le bien saisi.
Il sera ajouté que le défaut de mention d'une description détaillée, qui n'est donc pas établi comme indiqué ci-dessus, n'est pas sanctionné par la nullité de l'acte et ne saurait en aucune manière occasionner un grief à l'Earl Paponnet.
L'appelant soutient enfin ne pas avoir été destinataire d'une copie du procès-verbal rédigé conformément aux dispositions de l'article R222-4 précité.
Cependant, cet acte lui a été signifié le même jour que celui de sa rédaction.
En conséquence, le jugement attaqué ayant confirmé la validité de la procédure de saisie-appréhension sera confirmé.
Sur le bien-fondé de la mesure
Il résulte des dispositions de l'article L212-2 du code des procédures civiles d'exécution que le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.
L'Earl Paponnet qualifie d'inutile et d'abusive la mesure de saisie-appréhension au regard de la faiblesse des échéances dues, représentant la somme de 27.436,37 euros, par rapport à la valeur du tracteur estimée à 167.000 euros. Elle soutient également avoir régularisé les impayés et être à jour des échéances du prêt.
Il n'est pas contesté que le bien saisi est un outil de travail important pour la poursuite de l'exploitation de l'appelante.
En réponse, la société AGCO démontre que son débiteur ne règle plus depuis près de deux années le montant intégral des échéances prévues en méconnaissance des termes de l'ordonnance du juge commissaire précitée de sorte qu'elle est bien fondée à réclamer le paiement intégral du montant du prêt. Ainsi, seuls 53.585,29 euros ont été acquittés depuis cette décision alors que la créancière devait percevoir un montant de 82.304,60 euros.
Dès lors, la saisie ne peut être considérée comme inutile ou abusive. Le jugement déféré ayant rejeté l'argumentation de l'Earl Paponnet sera également confirmé sur ce point.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Outre la somme mise à la charge de l'Earl Paponnet en première instance, il y a lieu en cause d'appel de la condamner au versement à la société AGCO d'une indemnité complémentaire de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS
- Fixe la date de clôture des débats au 3 mars 2021 ;
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement en date du 21 août 2020 rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Angoulème ;
Y ajoutant ;
- Condamne l'Earl Paponnet à verser à la société AGCO Finance une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;
- Condamne l'Earl Paponnet au paiement des dépens d'appel.