Cass. crim., 11 juillet 1994, n° 94-82.220
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Milleville
Avocat général :
M. Galant
Avocat :
SCP Piwnica et Molinié
REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Pierre,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai, en date du 30 mars 1994, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de corruption, a, sur renvoi après cassation, dit n'y avoir lieu à annulation d'actes de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle du 18 mai 1994, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, des articles 5. 1, 5. 3 et 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 114 du Code pénal, des articles 80-2, 81, alinéa 1er, 154, 171 et 172 du Code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi du 4 janvier 1993, ensemble violation des droits de la défense, défaut de réponse à mémoire régulièrement déposé :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la commission rogatoire du 28 juin 1993 (cote D. 141) et la procédure chronologiquement subséquente, en ce compris les cotes D. 119, D. 120, D. 121 et D. 122 ;
" aux motifs, d'une part, que le dispositif de surveillance, dont Jean-Pierre X... a fait l'objet lors de son hospitalisation à compter du 28 juin 1993, n'est pas assimilable à une arrestation ou à une privation de liberté contraires à l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où il a été expressément ordonné par le juge d'instruction, sur commission rogatoire, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article 81, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, d'une part, et où, d'autre part, il a consisté en un contrôle de l'identité des personnes extérieures au service où était hospitalisé Jean-Pierre X... et n'a en rien affecté la liberté d'aller et de venir de Jean-Pierre X..., immobilisé à l'hôpital en raison de son état de santé ;
" aux motifs, d'autre part, que les dispositions de l'article 80-2 du Code de procédure pénale n'interdisaient nullement aux enquêteurs commis rogatoirement d'agir à l'endroit de Jean-Pierre X... comme ils l'avaient fait dans le cas des personnes précitées et de l'entendre, le 6 juillet 1993, à un stade de la procédure où n'étaient réunis contre lui quant aux faits qu'un ensemble d'éléments encore incertains, eu égard notamment aux contradictions relevées entre les déclarations de Jean-Jacques Y... et celles des autres personnes mises en examen et que, dès lors, les enquêteurs étaient fondés, en application de l'article 154 du Code de procédure pénale, à placer Jean-Pierre X... en garde à vue et à procéder à son audition, au vu de laquelle le magistrat instructeur, estimant en vertu de l'article 80-2 du Code de procédure pénale que les conditions d'une mise en examen étaient réunies, a délivré mandat d'amener à son encontre ;
" alors, de première part, qu'aux termes de l'article 5. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à la liberté et à la sûreté et que nul ne peut être privé de sa liberté que dans les cas que ce texte détermine et selon les voies légales et qu'il résulte des dispositions combinées de ce texte, de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du Code de procédure pénale que la commission rogatoire assignant à résidence une personne ne faisant l'objet d'aucun mandat non plus que d'une mise en examen, ordonnant la mise en place d'un dispositif de sécurité, " afin de prévenir toute fuite éventuelle " de celle-ci pour la durée de son hospitalisation, c'est-à-dire pour une durée indéterminée, constitue une mesure de privation de liberté irrégulière et incompatible avec le droit à la sûreté ;
" alors, de seconde part, qu'aux termes de l'article 171 du Code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1993, les dispositions de l'article 154 du Code de procédure pénale (dans la même rédaction) doivent être observées à peine de nullité et qu'un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire ne pouvait, courant juin 1993, à peine de nullité de la procédure, maintenir à sa disposition une personne plus de 24 heures sans la conduire devant le juge d'instruction, de sorte que le maintien d'un dispositif de sécurité pour s'assurer de la personne de Jean-Pierre X... pendant la durée de son hospitalisation, c'est-à-dire pour une durée indéterminée, qui, en l'espèce, a atteint une semaine, sans comparution devant un juge d'instruction, en violation des dispositions de l'article 154 précité, ne peut qu'entraîner la nullité de la procédure ;
" alors, de troisième part, que l'audition en qualité de témoin de Jean-Pierre X... au cours de la prétendue " garde à vue légale " faisant immédiatement suite à cette garde à vue de fait constitue la méconnaissance de formalités substantielles ayant porté atteinte aux intérêts de celui-ci au sens de l'article 172 du Code de procédure pénale (dans sa rédaction de la loi du 4 janvier 1993) entraînant la nullité de la procédure ;
" alors, enfin, que la violation de l'ensemble des textes précités, qu'il s'agisse des textes de droit interne ou de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, constitue autant d'atteintes au principe du procès équitable visé à l'article 6. 1 de la Convention précitée expressément invoqué par Jean-Pierre X... dans son mémoire régulièrement déposé et non mentionné dans la décision attaquée " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, par commission rogatoire du 28 juin 1993, le juge d'instruction a requis les services de police de Marseille de mettre en place, à l'hôpital où avait été admis Jean-Pierre X..., un dispositif de surveillance permettant de contrôler l'identité des personnes qui lui rendraient visite ;
Que, le 2 juillet 1993, ce dispositif a été levé et Jean-Pierre X... conduit au commissariat de police pour y être entendu ;
Attendu que l'intéressé a demandé l'annulation de la commission rogatoire susvisée en soutenant que les mesures qu'elle avait prescrites avaient eu pour effet de le priver illégalement de liberté du 28 juin au 2 juillet 1993 ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, la chambre d'accusation énonce, notamment, que " le dispositif de surveillance dont Jean-Pierre X... a fait l'objet lors de son hospitalisation n'est pas assimilable à une arrestation ou à une privation de liberté contraire à l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où, d'une part, il a été ordonné par le juge d'instruction, sur commission rogatoire, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article 81, alinéa 1er, du Code de procédure pénale et où, d'autre part, il a consisté en un contrôle de l'identité des personnes extérieures au service où était hospitalisé Jean-Pierre X... " ;
Attendu qu'en cet état, les juges ont justifié leur décision sans encourir les griefs allégués ; qu'en particulier, le demandeur ne saurait invoquer une violation des dispositions de l'article 154 du Code de procédure pénale, devant entraîner l'application de l'article 171 du même Code, en sa rédaction alors en vigueur ; que, selon les articles 63 et suivants du Code de procédure pénale, la garde à vue a pour objet l'audition de la personne retenue à la disposition d'un officier de police judiciaire ; que tel n'a pas été le cas en l'espèce ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le quatrième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.