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Décisions

Cass. crim., 6 décembre 2000, n° 00-86.221

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Farge

Avocat général :

M. Di Guardia

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Nîmes, ch. d'acc., du 11 sept. 2000

11 septembre 2000

CASSATION sur le pourvoi formé par :

- X... Abdelkader,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nîmes, en date du 11 septembre 2000, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'assassinat, a rejeté sa demande en annulation d'actes de la procédure.

LA COUR,

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 12 octobre 2000, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 63-1 et suivants du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête d'Abdelkader X... tendant à l'annulation des procès-verbaux de perquisition, saisie et audition en garde à vue, ainsi que de la procédure subséquente ;

" aux motifs que la décision de placement en garde à vue ressortit à la seule compétence de l'officier de police judiciaire chargé de l'enquête ; que les officiers de police judiciaire pouvaient, avant de mettre Abdelkader X... en garde à vue, réunir des éléments de nature à corroborer les déclarations des témoins des faits, procéder à une perquisition au domicile d'Abdelkader X... en sa présence, au besoin, en prenant les strictes mesures de sécurité nécessaires, puis à une succincte audition ; que les officiers de police judiciaire ont notifié ses droits à Abdelkader X... au moment même où ils ont décidé de son placement en garde à vue "en raison d'indices faisant présumer qu'il avait commis un homicide volontaire" ;

" alors que, si la garde à vue relève des pouvoirs propres de l'officier de police judiciaire, et s'il ne peut y avoir recours que lorsque des indices pèsent sur la personne gardée à vue, laissant présumer qu'elle a commis l'infraction, il n'en reste pas moins que, tant que l'officier de police judiciaire n'a pas décidé d'avoir recours à cette mesure, qu'il existe ou qu'il n'existe pas encore d'indices suffisants pour la justifier, il ne tient de la loi aucun pouvoir de retenir de façon coercitive une personne, en dehors des cadres définissant et réglementant la garde à vue ; qu'il résulte clairement des procès-verbaux de la procédure que, dès 6 heures du matin, les officiers de police judiciaire ont "maîtrisé Abdelkader X..." et lui ont "passé des objets de sûreté", mesures que la chambre d'accusation qualifie elle-même de "mesures de sécurité nécessaires" ; que, dès lors, la mesure de coercition et de rétention ainsi exercée pendant une heure et demie était illégale, et que cette illégalité a nécessairement entaché d'irrégularité tous les actes de procédure qui en sont la conséquence directe " ;

Vu les articles 63 et 63-1 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ces articles, la personne qui, pour les nécessités de l'enquête, est, sous la contrainte, tenue à la disposition d'un officier de police judiciaire, doit immédiatement être placée en garde à vue et recevoir notification des droits attachés à cette mesure ; que tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ;

Attendu qu'il ressort des pièces de la procédure qu'Abdelkader X..., désigné par des témoins comme l'auteur d'un homicide commis la veille, a été interpellé, à 6 heures, à son domicile, par les gendarmes, qui l'ont immédiatement menotté, avant de procéder à une perquisition dans son local d'habitation et son véhicule ; qu'ensuite, il a été conduit dans les locaux de la gendarmerie où, après avoir été entendu pendant 15 minutes, il a reçu notification, à 7 heures 30, de son placement en garde à vue, prenant effet à 6 heures, et des droits attachés à cette mesure ;

Attendu que, pour refuser d'annuler le procès-verbal d'audition durant la garde à vue et, de façon partielle, 2 procès-verbaux d'interrogatoire subséquents, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, dès son interpellation, Abdelkader X... a été tenu, sous la contrainte, à la disposition des gendarmes, officiers de police judiciaire, qui l'ont privé de sa liberté d'aller et de venir, et qu'aucun élément de procédure n'établit une circonstance insurmontable justifiant le retard apporté à la notification des droits de l'intéressé, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe énoncé ci-dessus ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nîmes, en date du 11 septembre 2000, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi :

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Montpellier.