Livv
Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 12 décembre 2019, n° 18/01403

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Eos Crédirec (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Patrie

Conseillers :

M. Franco, Mme Brisset

TI Bordeaux, du 24 oct. 2017, n° 17-0009…

24 octobre 2017

Selon offre préalable du 28 juin 2001, la SA Fiat Crédit France a consenti à M. X et Mme Y un crédit, destiné à l'acquisition d'un véhicule neuf, d'un montant de 109 000 francs stipulé remboursable en 60 mensualités au TEG de 10,892%.

Se prévalant du non-paiement des échéances la société Fiat Crédit France a obtenu le 28 avril 2004 une ordonnance du tribunal d'instance de Bordeaux l'autorisant à appréhender le véhicule. Celui-ci a été remis à l'amiable le 2 juin 2004 et vendu pour le prix de 7 800 euros.

Par ordonnance du juge d'instance de Bordeaux du 4 mars 2005 il a été fait injonction à M. X et Mme Y solidairement de payer à la société Fiat Crédit France la somme de 5 626,11 euros en principal.

L'ordonnance a été signifiée le 11 mars 2005 par acte délivré à mairie à chacun des débiteurs.

Mme Y a formé opposition le 10 mars 2017.

Par acte d'huissier du 18 juillet 2017, la SAS Eos Credirec venant aux droits de la société Fiat Crédit France a fait assigner M. X devant le tribunal d'instance de Bordeaux aux fins de voir, à titre principal, déclarer irrecevable l'opposition et dire que l'ordonnance du 4 mars 2005 est passée en force de chose jugée. Elle sollicitait en outre une indemnité de procédure.

Par jugement réputé contradictoire du 24 octobre 2017, le tribunal a :

- déclaré irrecevable l'opposition formée par Mme Y à l'ordonnance d'injonction de payer en date du 4 mars 2005,

- dit n'y avoir lieu à statuer à nouveau,

- dit que l'ordonnance d'injonction de payer en date du 4 mars 2005 conserve son plein et entier effet,

- constaté que la SAS Eos Credirec a déclaré expressément se désister de toute demande à l'encontre de Mme Y,

- dit que la SAS Eos Credirec ne justifie pas de sa qualité de créancière à l'encontre de M. X,

- laissé les dépens de la présente instance à la charge de la SAS Eos Credirec,

- débouté la SAS Eos Credirc de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que l'opposition de Mme Y était tardive à raison d'un acte d'exécution emportant indisponibilité en date du 3 juin 2005. S'agissant de M. X elle a considéré que la qualité de créancière de la société Eos Credirec n'était pas établie.

La société Eos Credirec a relevé appel de la décision le 9 mars 2018, intimant M. X et énonçant expressément les chefs du jugement critiqués.

Dans ses dernières écritures en date du 24 octobre 2019, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société Eos Credirec demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu le 24 octobre 2017 par le tribunal d'instance de Bordeaux en ce qu'il dit que la SAS Eos Credirec ne justifie pas de sa qualité de créancière à l'encontre de monsieur X, laissé les dépens de la présente instance à la charge de la SAS Eos Credirec, et débouté la SAS Eos Credirec de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de sa demande d'exécution provisoire ;

En conséquence,

Déclarer que Monsieur X est irrecevable à former opposition car tardif ;

Déclarer que l'ordonnance en injonction de payer rendue le 4 mars 2005 par Monsieur le président du tribunal d'instance de Bordeaux est définitive, passée en force de chose jugée et reprendra tous ses effets ;

Déclarer que la société Eos France vient aux droits de la société FC France et est créancière de Monsieur X ;

Débouter Monsieur X de l'intégralité de ses demandes ;

Condamner Monsieur X à payer à la société Eos France la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Monsieur X aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais de la procédure en injonction de payer, et d'appel, ceux d'appel étant recouvrés par Maître H.-C., avocat constitué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que l'opposition à l'ordonnance d'injonction était irrecevable à raison du procès-verbal de saisie vente réalisé au domicile des débiteurs le 3 juin 2005 et emportant indisponibilité de leurs biens. Elle s'explique sur la chaîne de contrats successifs et soutient qu'elle justifie de la cession de créance à son profit, laquelle est opposable à M. X.

M. X n'a pas constitué avocat. L'appelante lui a fait signifier sa déclaration d'appel et ses premières écritures par acte du 2 mai 2018 puis ses nouvelles écritures par acte du 29 octobre 2019.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 31 octobre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appelante n'a intimé que le seul M. X de sorte que la cour n'est pas saisie des dispositions du jugement concernant Mme Y dont l'opposition a été déclarée irrecevable par le jugement du 24 octobre 2017.

À l'encontre de M. X la société Eos France soutient en premier lieu que l'opposition est irrecevable comme tardive.

Il apparaît tout d'abord que seule Mme Y avait formé un acte d'opposition le 10 mars 2017. Si les deux débiteurs solidaires du chef de l'ordonnance d'injonction de payer avaient été convoqués, sans comparaître, il n'en demeure pas moins que M. X n'avait pas personnellement formé une opposition à l'ordonnance d'injonction de payer et que l'opposition de Mme Y a bien été déclarée irrecevable.

Cette irrecevabilité ne pouvait que s'étendre à M. X. En effet, il n'avait pas personnellement formalisé d'opposition de sorte que l'irrecevabilité prononcée à l'encontre de son co débiteur emportait irrecevabilité pour le tout sauf à lui à développer des moyens qui lui auraient été personnels, ce qu'il n'a pas fait n'ayant jamais ou formalisé une opposition ou comparu. En outre, il résulte des dispositions de l'article 1416 du code de procédure civile que lorsque, comme en l'espèce la signification de l'ordonnance n'a pas été faite à la personne du débiteur, elle est recevable jusqu'à l'expiration du délai d'un mois à compter du premier acte de signification à personne ou de la première mesure d'exécution emportant indisponibilité en tout ou partie des biens du débiteur.

En l'espèce, il est justifié d'une telle mesure d'exécution en date du 3 juin 2005. L'huissier a procédé, au domicile commun des débiteurs, à un procès-verbal de saisie vente portant sur des éléments de mobilier, non mentionnés comme appartenant spécifiquement à l'un ou l'autre des débiteurs et par suite indivis, qui a donné lieu à une vente aux enchères le 25 juillet 2005. Or, le procès-verbal de saisie vente emporte indisponibilité des biens par application des dispositions de l'article R 221-13 du code des procédures civiles d'exécution. C'est donc à compter du 3 juin 2015 que le délai de l'article 1416 du code de procédure civile a couru de sorte que l'opposition formée par Mme Y le 10 mars 2017 était irrecevable y compris pour ce qui concerne M. X.

Le jugement sera ainsi réformé en ce qui concerne M. X et l'opposition déclarée irrecevable, l'ordonnance d'injonction de payer reprenant son plein effet.

Cette irrecevabilité épuise la saisine de la cour quant au litige qui lui était dévolu. Il ne peut donc être statué sur la question de la transmission de la créance au profit de la société Eos France, qui ne pourrait relever que de l'exécution de l'ordonnance d'injonction de payer, litige qui échappe à celui dévolu à la cour.

Si le jugement est certes infirmé, il n'en demeure pas moins que M. X n'a pris aucune initiative procédurale dans le présent litige de sorte qu'il n'y a pas lieu à application au profit de l'appelante des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. X n'ayant pris aucune initiative procédurale pour contester l'ordonnance d'injonction de payer et la cour n'étant saisie que du litige opposant la société Eos France à M. X, la société Eos supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris en ses dispositions concernant M. X,

Statuant à nouveau,

Déclare l'opposition irrecevable comme tardive et dit que l'ordonnance d'injonction de payer du 4 mars 2005 reprend ses effets,

Dit que le surplus des demandes échappe au litige dévolu à la cour,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse les dépens à la charge de la SAS Eos Credirec.