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Décisions

Cass. crim., 11 mai 2011, n° 10-84.251

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

M. Pometan

Avocat général :

M. Finielz

Avocat :

SCP Tiffreau, Corlay et Marlange

Aix-en-Provence, du 26 mai 2010

26 mai 2010

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 222-22, 222-29, 222-44, 222-45, 222-47 et 222-48-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'avoir, à Hyères, courant 2001 et courant 2002, exercé une atteinte sexuelle, en l'espèce des attouchements sexuels, sur Sarah Y..., mineure âgée de moins de 15 ans pour être née le 9 août 1989, a condamné M. X... à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, ordonné l'inscription au FIJAIS des informations relatives à cette condamnation, et prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs que, à l'audience de la cour, M. X... a réitéré ses dénégations ; que, questionné sur certains détails figurant au procès-verbal de ses aveux, notamment sur le fait qu'il trouvait qu'à l'époque, la plaignante, bien que fort jeune, avait "une petite poitrine bien formée", ce qui l'avait tenté et lui avait donné l'envie de la caresser, M. X... affirmait que les gendarmes avaient tout inventé et qu'il s'était borné à signer des déclarations qu'il n'avait pas relues ; que ces aveux sont circonstanciés ; que la victime, elle, a maintenu avec constance ses accusations qui sont d'autant plus crédibles qu'elles sont mesurées ; que la thèse du complot familial est à écarter ; qu'en effet, de fausses accusations qui seraient dues à une querelle ancienne pour dater de deux années auparavant ne sauraient expliquer la dénonciation des faits, qui n'est de surcroît officielle qu'en raison de l'intervention directe du milieu scolaire ; que les faits d'agression sexuelle sur mineure de moins de 15 ans sont établis à l'encontre du prévenu et qu'il s'ensuit l'infirmation du jugement qui l'a renvoyé des fins de la poursuite ; qu'ensuite, en ce qui concerne la peine, que celle de dix-huit mois d'emprisonnement assortis du sursis est adaptée à la gravité des faits et à la personnalité de M. X..., jamais condamné ; qu'enfin, il y a lieu d'ordonner l'inscription au FIJAIS de M. X... qui fait l'objet d'une condamnation pour une infraction mentionnée à l'article 706-47 (...) ;
que la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à 2 500 euros la somme à même de réparer entièrement le préjudice subi par Sarah Y... (…) » ;

"alors que le droit à un procès équitable s'oppose à ce que le juge pénal fonde sa décision de condamnation sur de prétendus aveux du prévenu, lorsque ces prétendus aveux n'ont été recueillis qu'au cours d'une mesure coercitive de garde à vue, sans que la personne en cause ait été assistée d'un avocat ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du dossier de la procédure, que M. X... a toujours contesté les faits avant d'être mis en garde à vue ; que ce n'est qu'au cours de cette garde à vue que le demandeur aurait avoué les faits, sans être assisté d'un avocat ; qu'aussitôt après cette garde à vue, M. X... a de nouveau contesté les faits reprochés, en soutenant qu'il avait signé le procès-verbal de garde à vue sans le relire et que les gendarmes qui avaient établi ce procès-verbal avaient tout inventé ; qu'en retenant contre M. X... les prétendus aveux recueillis dans les circonstances susvisées, la cour d'appel a méconnu les exigences d'un procès équitable et violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Sarah Y..., née le 13 octobre 1989, entendue le 27 février 2007 par les services de gendarmerie, à la suite du signalement effectué par une assistante sociale scolaire, a déclaré qu'au cours de l'été 2001 ou de l'été 2002, lors de vacances passées chez sa grand-mère, M. X..., son oncle par alliance, lui avait à trois reprises caressé la poitrine et le sexe ;

Attendu que M. X..., placé en garde à vue le 9 avril 2007, et entendu le 9 avril 2007 à 9 heures 30, a nié avoir commis ces actes tout en reconnaissant s'être trouvé seul avec la jeune fille dans les circonstances évoquées par elle ; qu'ayant été réentendu le même jour à 18 heures 15, il a, selon le procès-verbal qu'il a signé, reconnu les faits ;

Attendu que, cité directement devant le tribunal correctionnel à la requête du procureur de la République, du chef d'atteinte sexuelle sur mineure de quinze ans, le prévenu, qui est revenu sur ses aveux, a été relaxé "au bénéfice du doute" ; que, pour infirmer le jugement sur les appels de la partie civile et du ministère public et le déclarer coupable d'atteinte sexuelle, l'arrêt énonce, après avoir relevé qu'il a affirmé que les gendarmes "avaient tout inventé" et qu'il avait signé le procès-verbal sans le lire, que ses aveux sont circonstanciés et que la plaignante a maintenu avec constance des accusations d'autant plus crédibles qu'elles sont mesurées ; que la cour d'appel ajoute que la thèse du complot familial lié à une querelle vieille de deux ans doit être écartée ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs qui fondent la déclaration de culpabilité sur des déclarations enregistrées au cours de la garde à vue par lesquelles la personne a contribué à sa propre incrimination sans avoir pu être assistée par un avocat, et ensuite rétractées, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 26 mai 2010, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.