Cass. com., 22 mars 2023, n° 21-20.331
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
People and Baby (Sté), People and Baby développement (Sté), Crèches pour tous (Sté)
Défendeur :
Evancia (Sté), Fédération française des entreprises de crèches
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
M. Regis
Avocats :
SCP Boutet et Hourdeaux, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gouz-Fitoussi, SCP Spinosi
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2021), les sociétés People and Baby et People and Baby développement (les sociétés People and Baby) ont pour activité la création et la gestion de crèches d'entreprises et de collectivités. Ces sociétés sont liées à l'association Crèches pour tous, ayant pour objet la mise à disposition de places en crèches pour ses adhérents.
2. Les sociétés People and Baby et l'association Crèches pour tous ont assigné les sociétés Evancia, faisant partie du groupe Babilou, et LPCR groupe (la société LPCR), ayant le même domaine d'activité, ainsi que l'association Fédération française des entreprises de crèches (la FFEC), dont ces sociétés sont membres, en responsabilité pour des faits allégués de dénigrement et d'entente anticoncurrentielle.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et sixième branches, ci-après annexées
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et cinquième branches
Enoncé du moyen
4. Les sociétés People and Baby et l'association Crèches pour tous font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de condamnation in solidum des sociétés Evancia, LPCR et de la FFEC en paiement d'une somme de 18 406 173 euros à titre de dommages et intérêts, alors :
« 1°/ que la divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement ; que la cour d'appel constate que le courrier du 30 mars 2015, adressé par l'avocat commun de la FFEC et des sociétés Evancia/Babilou et LPCR à la Caf 92 faisait état de "la fraude et le non-respect des règles de mise en concurrence" imputés à People and Baby et Crèches pour tous ; que ce courrier ajoutait que People and Baby et Crèches pour tous avaient menti sur leur représentation en indiquant : "Il semble en effet que les sociétés People and Baby et Crèches pour tous aient rédigé leur offre en faisant état d'un réseau beaucoup plus important que celui dont elles pouvaient se prévaloir. Un grand nombre d'établissements d'accueil de jeunes enfants parmi ceux communiqués par ces sociétés avec leur offre n'ont jamais adhéré au réseau Crèches pour tous, n'ont jamais permis à la société Crèches pour tous de répondre à des appels d'offres, ou encore, n'ont jamais donné leur accord au prix de 8 900 euros proposé à l'issue des "négociations" ; qu'en écartant tout dénigrement constitutif d'acte de concurrence déloyale pour la raison inopérante que n'était pas démontré le caractère abusif de la procédure judiciaire engagée par la FFEC et les sociétés Evancia/Babilou et LPCR, à la suite de l'envoi de cette lettre pour demander l'annulation du marché obtenu par People and Baby et Crèche pour tous, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que toute communication qui excède l'information nécessaire des clients de nature à jeter le discrédit sur les services rendus est un dénigrement constitutif de concurrence déloyale ; qu'ainsi viole l'article 1382 du code civil devenu 1240 du code civil, la cour d'appel écartant tout dénigrement constitutif d'acte de concurrence déloyale pour la raison qu'il était légitime que l'avocat des sociétés Evancia/Babilou, LPCR et la FFEC informe la Caf 92 de leur projet d'action en justice, celle-ci étant future défenderesse, quand ladite communication excédait manifestement l'information nécessaire de celle-ci de la procédure à venir puisque mettant en cause de façon péremptoire et prématurée la probité de l'honnêteté des sociétés People and Baby et l'association Crèches pour tous en écrivant qu'il "semble en effet que les sociétés People and Baby et Crèches pour tous aient rédigé leur offre en faisant état d'un réseau beaucoup plus important que celui dont elles pouvaient se prévaloir ; un grand nombre d'établissements d'accueil de jeunes enfants parmi ceux communiqués par ces sociétés avec leur offre n'ont jamais adhéré au réseau Crèches pour tous, n'ont jamais permis à la société Crèches pour tous de répondre à des appels d'offres, ou encore, n'ont jamais donné leur accord au prix de 8 900 euros proposé à l'issue des négociations ; ces informations ont été vérifiées auprès des intéressés eux-mêmes ; la société Crèches attitudes et d'autres sociétés dont les crèches ont été intégrées à l'offre remise par les sociétés People and Baby et Crèches pour tous nous ont ainsi confirmé qu'aucun accord de sous-traitance n'existait avec ces sociétés pour soumissionner à un appel d'offres", et en demandant "de suspendre sans délai l'exécution du marché et de saisir le juge judiciaire d'un recours en nullité du contrat pour faire constater cette fraude" ;
5°/ qu'un propos dénigrant peut constituer un acte de concurrence déloyale s'il est rendu public ; que la cour d'appel constate que par courriel du 7 septembre 2014, son scripteur M. [L], dirigeant de Babilou, critiquait le groupe People and Baby comme ayant fait, selon lui, de "la publicité mensongère" et demandait que le sujet soit mis à l'ordre du jour de la prochaine réunion de la FFEC ; qu'en retenant pour se déterminer qu'il "s'agit d'un courriel qui n'est pas adressé à des clients potentiels et ne peut donc être considéré comme colportant des informations malveillantes avec pour but de jeter le discrédit publiquement sur son concurrent", quand elle relevait qu'il "n'est pas contesté que ce message est adressé à la secrétaire générale de la FFEC et à trois autres dirigeants de crèches LPCR, Crèches Attitude et Maison Bleue", ce dont il résultait que le propos était rendu public, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Les abus de la liberté d'expression, prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881, ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
6. L'arrêt relève, d'abord, que la lettre adressée, le 30 mars 2015, à la directrice de la Caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine par l'avocat commun de la FFEC et des sociétés Evancia et LPCR, lui demandant de suspendre sans délai l'exécution du marché qu'elle avait attribué aux sociétés People and Baby et à l'association Crèches pour tous et de saisir le juge judiciaire d'un recours en nullité du contrat, reprochait à ces dernières une violation des règles d'attribution de ce marché, résultant d'une présentation erronée de l'importance du réseau qu'elles dirigeaient.
7. Il relève ensuite que, par un courriel du 7 septembre 2014 adressé à la FFEC, le dirigeant du groupe Babilou imputait, pour les mêmes raisons, à un représentant du groupe People and Baby des faits de « publicité mensongère » et demandait que le sujet soit mis à l'ordre du jour de la prochaine réunion de la fédération.
8. Il en résulte que les propos litigieux, qui ne comportaient aucune dépréciation des services des sociétés People and Baby et de l'association Crèches pour tous, mais imputaient, tout au plus, à leur personne des pratiques illicites, ne sont pas constitutifs d'actes de dénigrement, de sorte que la responsabilité des sociétés Evancia et LPCR ne pouvait être recherchée à ce titre.
9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620 , alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
10. Par conséquent, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. Les sociétés People and Baby et l'association Crèches pour tous font le même grief à l'arrêt, alors « que les conditions d'adhésion à une association professionnelle peuvent porter atteinte à la libre concurrence si, d'une part, cette adhésion est une condition d'accès au marché ou si elle constitue un avantage concurrentiel et si, d'autre part, ces conditions d'adhésion sont définies ou appliquées de façon non objective, non transparente ou discriminatoire ; que la cour d'appel constate que "ce soutien de la part de l'organisme professionnel et l'adhésion à cet organisme [la FFEC] sont susceptibles de constituer un avantage concurrentiel par rapport à des entreprises du marché non adhérentes" ; que la société People and Baby avait demandé sa réintégration au sein de la FFEC ; que pour justifier le refus de celle-ci, notifié par lettre recommandée avec accusé de réception le 17 mars 2015, la cour d'appel se détermine uniquement sur le courrier d'accusé réception de la demande de réintégration signée du délégué général de la FFEC du 30 janvier 2015 mentionnant les motifs pour lesquels l'exclusion de la société People and Baby avait été envisagée en 2011 ; qu'elle en déduit que "la décision de refus de réintégration rendue à l'encontre de la société People and Baby en 2015 était conforme aux statuts de la Fédération" ; qu'en statuant ainsi, quand la société People and Baby faisait valoir dans ses conclusions que le refus de réintégration notifié par la FFEC n'était pas justifié, ce qui ressortait de la notification portant pour toute mention "notre conseil d'administration réuni hier, lundi 16 mars 2015, s'est prononcé à l'unanimité contre votre admission à la FFEC", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
12. Après avoir énoncé que, selon le rapport d'étude relatif aux organismes professionnels diffusé par l'Autorité de la concurrence en janvier 2021, l'adhésion à de tels organismes est susceptible de constituer un avantage concurrentiel et que, pour ne pas risquer d'entraver de façon injustifiée la libre concurrence, les conditions d'adhésion à ce type d'organisme ne doivent pas être discriminatoires, l'arrêt relève que, selon l'article 3 du règlement intérieur de la FFEC, le non-respect des dispositions des statuts, du règlement intérieur ou de la charte éthique constituent des causes d'exclusion de cette fédération.
13. Il constate, ensuite, que l'article 7 de la charte éthique de la FFEC interdit à ses membres de répondre à un appel d'offres sous format associatif et retient que c'est ce qui a justifié la décision de la société People and Baby de démissionner de la fédération en 2011, après qu'elle avait créé l'association Crèches pour tous afin de faciliter le développement d'un partenariat avec d'autres crèches privées indépendantes.
14. L'arrêt relève, encore, que, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 janvier 2015, la FFEC a répondu à la demande de réintégration de la société People and Baby en lui rappelant ce motif d'exclusion et retient qu'il est justifié d'un vote à la majorité des 2/3 des membres du conseil d'administration contre l'adhésion de la société People and Baby, conformément à la procédure d'agrément de tout nouveau membre prévue par les statuts de la fédération.
15. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a fait ressortir que les conditions d'adhésion à la FFEC avaient été appliquées de façon objective, transparente et non discriminatoire, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société People and Baby, la société People and Baby développement et l'association Crèches pour tous aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société People and Baby, la société People and Baby développement et l'association Crèches pour tous et les condamne à payer in solidum à la société Evancia la somme de 3 000 euros et à payer à la société LPCR groupe ainsi qu'à l'association Fédération française des entreprises de crèches, chacune, la somme globale de 3000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour les sociétés People and Baby et People and Baby développement et l'association Crèches pour tous.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris du 4 avril 2019 en ce qu'il a débouté la société par actions simplifiées People and baby, la société par actions simplifiées People and baby développement et l'association Crèches Pour Tous de leurs demandes fondées tant sur l'article L.420-1 du code du commerce que sur l'article 1382 ancien du code civil formées à l'encontre de la société par actions simplifiées Evancia, la société par actions simplifiées LPCR Groupe et l'association Fédération Française des entreprises de Crèches et, en conséquence, d'AVOIR débouté la société par actions simplifiées People and baby, la société par actions simplifiées People and baby développement et l'association Crèches Pour Tous de leur demande de condamnation in solidum de la société par actions simplifiées Evancia, la société par actions simplifiées LPCR Groupe et l'association Fédération Française des entreprises de Crèches en payement d'une somme de 18.406.173 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
ALORS DE PREMIERE PART QUE la divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement ; que la cour d'appel constate que le courrier du 30 mars 2015, adressé par l'avocat commun de la FFEC et des sociétés Evancia/Babilou et LPCR à la Caf 92 faisait état de « la fraude et le non-respect des règles de mise en concurrence » imputés à People & Baby et Crèches Pour Tous (arrêt, p. 9 in fine) ; que ce courrier ajoutait que People & Baby et Crèches Pour Tous avaient menti sur leur représentation en indiquant : « Il semble en effet que les sociétés People & Baby et Crèches Pour Tous aient rédigé leur offre en faisant état d'un réseau beaucoup plus important que celui dont elles pouvaient se prévaloir. Un grand nombre d'établissements d'accueil de jeunes enfants parmi ceux communiqués par ces sociétés avec leur offre n'ont jamais adhéré au réseau Crèches Pour Tous, n'ont jamais permis à la société Crèches Pour Tous de répondre à des appels d'offres, ou encore, n'ont jamais donné leur accord au prix de 8 900 € proposé à l'issu des « négociations » (arrêt, p. 10, al. 1er) ; qu'en écartant tout dénigrement constitutif d'acte de concurrence déloyale pour la raison inopérante que n'était pas démontré le caractère abusif de la procédure judiciaire engagée par la FFEC et des sociétés Evancia/Babilou et LPCR, à la suite de l'envoi de cette lettre pour demander l'annulation du marché obtenu par People & Baby et Crèche [6], la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS DE DEUXIEME PART QUE toute communication qui excède l'information nécessaire des clients de nature à jeter le discrédit sur les services rendus est un dénigrement constitutif de concurrence déloyale ; qu'ainsi viole l'article 1382 du code civil devenu 1240 du code civil, la cour d'appel écartant tout dénigrement constitutif d'acte de concurrence déloyale pour la raison qu'il était légitime que l'avocat des sociétés Evancia/Babilou, LPCR et la FFEC informe la Caf 92 de leur projet d'action en justice, celle-ci étant future défenderesse (arrêt, p. 10, al. 8), quand ladite communication excédait manifestement l'information nécessaire de celle-ci de la procédure à venir puisque mettant en cause de façon péremptoire et prématurée la probité de l'honnêteté des sociétés People & Baby et l'association Crèches Pour Tous en écrivant qu'il « semble en effet que les sociétés People & Baby et Crèches Pour Tous aient rédigé leur offre en faisant état d'un réseau beaucoup plus important que celui dont elles pouvaient se prévaloir ; un grand nombre d'établissements d'accueil de jeunes enfants parmi ceux communiqués par ces sociétés avec leur offre n'ont jamais adhéré au réseau Crèches Pour Tous, n'ont jamais permis à la société Crèches Pour Tous de répondre à des appels d'offres, ou encore, n'ont jamais donné leur accord au prix de 8.900 euros proposé à l'issue des négociations ; Ces informations ont été vérifiées auprès des intéressés eux-mêmes ; La sociétés Crèches Attitudes et d'autres sociétés dont les crèches ont été intégrées à l'offre remise par les sociétés People & Baby et Crèches Pour Tous nous ont ainsi confirmé qu'aucun accord de sous-traitance n'existait avec ces sociétés pour soumissionner à un appel d'offres », et en demandant « de suspendre sans délai l'exécution du marché et de saisir le juge judiciaire d'un recours en nullité du contrat pour faire constater cette fraude » ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE dans son attestation du 20 novembre 2018 (pièce d'appel n° 30), M. [S] [R], bailleur de la société People and Baby, déclarait « après que ma famille ait décidé d'attribuer à la location le local situé [Adresse 2], à la société People & Baby, j'ai contacté la société Babilou pour leur faire savoir que leur dossier n'avait pas été retenu. Il m'a été répondu que je devais faire très attention car la société People and Baby avait une très mauvaise réputation et qu'il suffisait pour m'en convaincre d'aller sur internet et visionner le reportage d'"enquête exclusive" consacré en partie à "People and Baby" » ; qu'en affirmant qu'il « n'est pas prouvé que ces propos négatifs aient été réellement rapportés par un des défendeurs à l'instance » (arrêt, p. 12, al. 3) la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
ALORS DE QUATRIEME PART QUE dans son attestation du 20 novembre 2018 (pièce d'appel n° 30), M. [S] [R], bailleur de la société People and Baby, déclarait « après que ma famille ait décidé d'attribuer à la location le local situé [Adresse 2], à la société People & Baby, j'ai contacté la société Babilou pour leur faire savoir que leur dossier n'avait pas été retenu. Il m'a été répondu que je devais faire très attention car la société People and Baby avait une très mauvaise réputation et qu'il suffisait pour m'en convaincre d'aller sur internet et visionner le reportage d'"enquête exclusive" consacré en partie à "People and Baby" » ; qu'en retenant qu'il n'était pas prouvé que ces propos négatifs « aient pu avoir une influence sur le jeu de la libre concurrence », quand cette circonstance était indifférente dès lors qu'il s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale un préjudice indemnisable, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
ALORS DE CINQUIEME PART QU'un propos dénigrant peut constituer un acte de concurrence déloyale s'il est rendu public ; que la cour d'appel constate (arrêt, p. 13, antépénultième alinéa) que par courriel du 7 septembre 2014, son scripteur M. [L], dirigeant de Babilou, critiquait le groupe People & Baby comme ayant fait, selon lui, de "la publicité mensongère" et demandait que le sujet soit mis à l'ordre du jour de la prochaine réunion de la FFEC ; qu'en retenant pour se déterminer qu'il « s'agit d'un courriel qui n'est pas adressé à des clients potentiels et ne peut donc être considéré comme colportant des informations malveillantes avec pour but de jeter le discrédit publiquement sur son concurrent », quand elle relevait qu'il « n'est pas contesté que ce message est adressé à la secrétaire générale de la FFEC et à trois autres dirigeants de crèches "LPCR", "Crèches Attitude" et "Maison Bleue" », ce dont il résultait que le propos était rendu public, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;
ALORS DE SIXIEME PART QUE la recherche de preuve au moyen d'un questionnaire adressé à de nombreux acteurs d'un marché n'est pas exclusive de tout dénigrement dès lors que sa formulation est de nature à suggérer un comportement répréhensible imputé au partenaire du questionné qu'il est demandé de renseigner ; qu'en ne recherchant pas si la formulation des questions adressées à de très nombreuses crèches, adhérentes ou non de la FFEC, ne suggérait pas l'existence de pratiques contestables de People and Baby et Crèches Pour tous, pour se borner à retenir de façon inopérante que ces éléments de preuve avaient été obtenus loyalement et pour prouver les prétentions d'une partie à une procédure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris du 4 avril 2019 en ce qu'il a débouté la société par actions simplifiées People and baby, la société par actions simplifiées People and baby développement et l'association Crèches Pour Tous de leurs demandes fondées tant sur l'article L 420-1 du code du commerce que sur l'article 1382 ancien du code civil formées à l'encontre de la société par actions simplifiées Evancia, la société par actions simplifiées LPCR Groupe et l'association Fédération Française des entreprises de Crèches et, en conséquence, d'AVOIR débouté la société par actions simplifiées People and baby, la société par actions simplifiées People and baby développement et l'association Crèches Pour Tous de leur demande de condamnation in solidum de la société par actions simplifiées Evancia, la société par actions simplifiées LPCR Groupe et l'association Fédération Française des entreprises de Crèches en payement d'une somme de 18.406.173 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
ALORS QUE les conditions d'adhésion à une association professionnelle peuvent porter atteinte à la libre concurrence si, d'une part, cette adhésion est une condition d'accès au marché ou si elle constitue un avantage concurrentiel et si, d'autre part, ces conditions d'adhésion sont définies ou appliquées de façon non objective, non transparente ou discriminatoire ; que la cour d'appel constate que « ce soutien de la part de l'organisme professionnel et l'adhésion à cet organisme [la FFEC] sont susceptibles de constituer un avantage concurrentiel par rapport à des entreprises du marché non adhérentes » (arrêt, p. 16, al. 5) ; que la société People & Baby avait demandé sa réintégration au sein de la FFEC ; que pour justifier le refus de celle-ci, notifié par lettre recommandée avec accusé de réception le 17 mars 2015, la cour d'appel se détermine uniquement sur le courrier d'accusé réception de la demande de réintégration signée du délégué général de la FFEC du 30 janvier 2015 mentionnant les motifs pour lesquels l'exclusion de la société People and Baby avait été envisagée en 2011 (arrêt, p. 13, in fine et p. 14) ; qu'elle en déduit que « la décision de refus de réintégration rendue à l'encontre de la société People & Baby en 2015 était conforme aux statuts de la Fédération » ; qu'en statuant ainsi, quand la société People and Baby faisait valoir dans ses conclusions (p. 66) que le refus de réintégration notifié par la FFEC n'était pas justifié, ce qui ressortait de la notification portant pour toute mention « notre conseil d'administration réuni hier, lundi 16 mars 2015, s'est prononcé à l'unanimité contre votre admission à la FFEC », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-1 du code de commerce.