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Décisions

Cass. crim., 13 novembre 1996, n° 96-82.087

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Poisot

Avocat général :

M. Cotte

Avocats :

SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Ryziger et Bouzidi

Cass. crim. n° 96-82.087

12 novembre 1996

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 171, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 5.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :

" en ce que l'arrêt rendu le 13 février 1996 par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris a refusé d'annuler les actes d'instruction cotés D 9, D 39, D 45, D 51, D 52, D 77, D 83, D 89, D 101 ;

" aux motifs qu'en procédant à l'audition de X..., le 5 avril 1994, sans lui préciser immédiatement la nature des accusations portées contre lui par sa fille mineure B..., les services de police n'ont porté aucune atteinte aux intérêts d'X... qui n'a, à ce stade de la procédure, passé aucun aveu ni fourni aucune indication compromettante ;

" alors que toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle ; qu'en l'espèce il résulte du procès-verbal d'audition coté D 17 qu'X..., convoqué le 5 avril 1994 par les services de police, a été entendu de 18 h 15 à 20 heures, sans avoir connaissance de la nature des accusations portées contre lui ; qu'il a ainsi été manifestement porté atteinte à ses intérêts, peu important le contenu de ses déclarations, de sorte que la chambre d'accusation ne pouvait refuser de constater la nullité du procès-verbal d'audition " ;

Et sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 63-1, 77, alinéas 1 et 5, 171, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :

" en ce que l'arrêt rendu le 13 février 1996 par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris a refusé d'annuler les actes d'instruction cotés D 9, D 39, D 45, D 51, D 52, D 77, D 83, D 89, D 101 ;

" aux motifs que, s'agissant de la notification tardive des droits d'X..., il appartient aux services de police d'apprécier l'opportunité de garder une personne à leur disposition pour les nécessités de l'enquête ; que c'est donc à bon droit que l'officier de police judiciaire a estimé devoir entendre le demandeur le 5 avril 1994 de 18 heures à 20 heures, dans les locaux de police où il avait volontairement accepté de se rendre à 17 h 30, avant de le placer en garde à vue à 20 h 15 ; qu'en tout état de cause, la mesure de garde à vue ayant pris effet, dans le seul intérêt du demandeur, à 17 h 30, l'intéressé a pu s'entretenir avec un avocat dès la 20e heure de son arrivée au service ;

" alors que la garde à vue, mesure de contrainte qui porte atteinte à la liberté d'aller et de venir, commence nécessairement dès que cette contrainte est exercée, et dès lors qu'une personne suspectée d'avoir commis une infraction, eût-elle déféré volontairement à la convocation des services de police, est retenue par l'officier de police judiciaire qui l'interroge et n'est pas laissée libre de se retirer ; que le départ de la garde à vue au moment où s'exerce sur l'intéressé une mesure coercitive est confirmé en l'occurrence par les propres mentions du procès-verbal coté D 18, selon lesquelles la garde à vue d'X... a pris effet rétroactivement à 17 h 30 ; que, par conséquent, la notification des droits, qui doit intervenir, selon l'article 63-1 du Code de procédure pénale, "immédiatement" lorsque la personne est placée en garde à vue, ne pouvait être légalement retardée plus de 2 heures après le début de la garde à vue, sans porter nécessairement atteinte aux droits de la défense ; que l'arrêt attaqué ne pouvait, par suite, refuser d'annuler les actes susvisés " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu' X..., qui s'était présenté, sans contrainte, au commissariat de police, le 5 avril 1994, a été placé en garde à vue à 20 h 15, après avoir été entendu par un officier de police judiciaire, de 18 heures à 20 heures, le point de départ de cette mesure étant rétroactivement fixé à 17 h 30, heure de son arrivée dans les services de police ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'X... tendant à obtenir l'annulation de sa garde à vue et des actes subséquents, au motif qu'il avait été entendu auparavant sans avoir eu connaissance des accusations de viols portées contre lui par sa fille mineure, la chambre d'accusation se prononce par les motifs repris au moyen ; qu'en constatant ainsi l'absence d'atteinte aux droits du demandeur, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Attendu que, par ailleurs, X... soutient, à tort, que les droits prévus par l'article 63-1 du Code de procédure pénale lui ont été notifiés tardivement, dès lors que cette notification, ainsi que le relève la chambre d'accusation, est intervenue dès son placement effectif en garde à vue ; qu'il n'importe, à cet égard, que, dans son intérêt même, le délai de garde à vue ait été calculé à compter, non pas de ce placement, mais de son arrivée dans les services de police ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 78, 171, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :

" en ce que l'arrêt rendu le 13 février 1996 par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris a refusé d'annuler les actes d'instruction cotés D 9, D 39, D 45, D 51, D 52, D 77, D 83, D 89, D 101 ;

" aux motifs que le demandeur qui se dit journaliste de profession, ne saurait prétendre avoir passé des aveux pour éviter l'incarcération, et ce, sur les conseils de l'officier de police judiciaire, allégations démenties par ce dernier ;

" alors, d'une part, que, dans ses écritures en appel, le demandeur faisait valoir qu'il résultait des déclarations de l'officier de police judiciaire, que le juge d'instruction avait estimé nécessaire de confronter avec X..., qu'il y avait eu réellement de la part du policier une sorte de marchandage susceptible d'influer sur les déclarations d'X... ; que, faute de s'être expliqué sur ce point, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale ;

" alors, d'autre part, que la qualité de journaliste n'est pas juridiquement de nature à exclure que des pressions puissent avoir quelque effet sur l'intéressé ou que celui-ci puisse se prévaloir de pressions ; qu'en se prononçant pourtant de la sorte, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Attendu que, les juges ayant souverainement estimé que les aveux passés par X... au cours de l'enquête, et réitérés devant le magistrat instructeur, en présence de son avocat, n'avaient été viciés par aucune pression, la chambre d'accusation n'encourt pas les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

II. Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 5 juin 1996 :

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la présomption d'innocence, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, par un arrêt du 5 juin 1996, a prononcé la mise en accusation d'X... du chef de viol sur mineure de 15 ans par ascendant légitime ;

" aux motifs que, ainsi que l'a relevé la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris dans l'arrêt du 13 février 1996, X..., qui exerce la profession de journaliste, ne saurait prétendre avoir passé des aveux pour éviter l'incarcération et ce, sur les conseils de l'officier de police judiciaire ; que les explications fournies par X... pour justifier ses aveux pourtant circonstanciés n'apparaissent pas crédibles ; que, selon l'expert, si les accusations précédemment exprimées par B... sont fondées, les dénégations secondaires peuvent s'expliquer par la volonté de protéger son père et sa famille ; que les rétractations de B... laissent très sérieusement penser qu'elles sont le fait d'un fort sentiment de culpabilité de la jeune fille à l'égard de son père ;

" alors que le respect de la présomption d'innocence interdit qu'une juridiction d'instruction puisse se prononcer, de quelque façon que ce soit, sur la culpabilité d'une personne mise en examen ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, qui ne s'est pas borné à examiner s'il existait à l'encontre d'X... des charges suffisantes mais a en outre préjugé de sa culpabilité, devra être annulé " ;

Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief des motifs de l'arrêt attaqué reproduits au moyen, en alléguant qu'ils préjugeraient de sa culpabilité, dès lors que ces motifs, auxquels l'article 485 du Code de procédure pénale n'est pas applicable, sont dépourvus de l'autorité de la chose jugée et que la cour d'assises conserve son entière liberté, après débat contradictoire, pour apprécier la valeur des charges retenues par la chambre d'accusation en application de l'article 214 du même Code ;

Qu'en effet la présomption d'innocence dont l'accusé continue de bénéficier en vertu, notamment, des dispositions conventionnelles invoquées ne cessera qu'en cas de déclaration de culpabilité, prononcée par la juridiction de jugement et devenue irrévocable ;

Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que la chambre d'accusation était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle l'accusé est renvoyé ; que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;

REJETTE les pourvois.