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Décisions

Cass. crim., 24 juin 2009, n° 08-87.241

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pelletier

Rapporteur :

Mme Leprieur

Avocat général :

M. Lucazeau

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Versailles, du 2 oct. 2008

2 octobre 2008

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Vincent X... a été placé en garde à vue, pour usurpation d'identité, le 6 janvier 2008 à compter de 21 h 20 et que ses droits lui ont été notifiés ; que le 7 janvier 2008 à 11 h 40, il a été avisé que, soupçonné d'infractions à la législation sur les stupéfiants, sa garde à vue pourrait durer 96 heures, "selon le régime dérogatoire prévu pour ce type d'infraction" ; qu'après prolongations de sa garde à vue, il a été déféré le 10 janvier 2008 devant le tribunal correctionnel, selon la procédure de comparution immédiate ; que le tribunal a décerné mandat de dépôt et renvoyé l'affaire au 13 mars 2008 pour jugement sur le fond ; qu'à cette date, par conclusions régulièrement déposées, l'avocat du prévenu a sollicité la mise en liberté de l'intéressé et l'annulation de la procédure de comparution immédiate au motif que les délais prévus par les articles 397-1 et 397-3 du code de procédure pénale avaient été dépassés, ainsi que la constatation, sur le fondement de l'article 6 § 1 du même code, du caractère illégal de la détention provisoire ; qu'il a, en outre, conclu à l'annulation de scellés et excipé de la nullité de la mesure de garde à vue ; que le tribunal a rejeté l'ensemble de ces moyens et exceptions de nullité, déclaré le prévenu coupable des infractions susvisées, prononcé sur la peine et ordonné le maintien en détention ; que par arrêt du 16 avril 2008, la cour d'appel a ordonné la mise en liberté immédiate du détenu aux motifs que les délais prévus par l'article 397-1, alinéa 2, du code de procédure pénale étaient inapplicables en l'espèce, le prévenu ayant de manière explicite sollicité un délai moins long, et que le tribunal correctionnel avait statué au fond dans un délai supérieur à deux mois suivant la première comparution, et ce en violation de l'article 397-3, alinéa 3, du même code ; que la cour d'appel, statuant au fond par arrêt du 2 octobre 2008, a rejeté l'ensemble des exceptions de nullité de la procédure et condamné le prévenu ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 397-1, 802, 171, 520, 591 du code de procédure pénale et de l'article préliminaire, dernier alinéa, du même code, violation de la loi, violation du principe du double degré de juridiction ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de nullité de la procédure de comparution immédiate et au premier chef du procès-verbal de comparution immédiate devant le tribunal de Vincent X..., de même que de l'ensemble des actes dont il constitue le support nécessaire ;

"aux motifs qu'au vu des pièces et éléments versés, la cour ne peut que constater la validité de la procédure, la juridiction ayant été valablement saisie ; que, dès lors que l'article 397-4 du code de procédure pénale n'a prévu, en cas de dépassement du délai qu'il fixe, d'autre conséquence que la mise en liberté, le demandeur ne saurait soutenir que la méconnaissance de ce texte aurait pour effet d'entacher de nullité la procédure et de mettre fin aux poursuites engagées ; que la cour souligne au surplus qu'aucune atteinte n'a été portée aux droits de la défense qui a eu un délai important pour faire valoir son argumentation ;

"alors, d'une part, que le dépassement du délai imposé par l'article 397-1 du code de procédure pénale pour la comparution du prévenu est sanctionné par la nullité du jugement rendu selon la procédure de comparution immédiate ; qu'en refusant d'annuler la procédure de comparution immédiate mise en oeuvre contre Vincent X..., qui a comparu après le délai maximum de six semaines fixé par la loi, la cour d'appel a violé l'article 397-1 du code de procédure pénale ;

"alors, d'autre part, que si les dispositions de l'article 520 du code de procédure pénale font obligation à la cour d'appel d'évoquer le fond lorsque le jugement est annulé pour violation ou omission des formes prescrites par la loi, il en va différemment lorsque le prévenu n'a pas été régulièrement cité et que le jugement lui est ainsi inopposable ; que la cour d'appel, qui devait annuler le jugement déféré rendu sur saisine irrégulière, ne pouvait en tout état de cause évoquer le dossier ; qu'en rejetant néanmoins la demande de nullité invoquée, la cour d'appel a violé le dernier alinéa de l'article préliminaire du code de procédure pénale et l'article 520 du même code ;

"et alors que le non-respect des formalités imposées par l'article 397-1 du code de procédure pénale ayant permis la détention de Vincent X... pour une durée supérieure à six semaines, la cour d'appel ne pouvait, en conséquence, juger que l'irrégularité de la procédure n'avait causé aucun grief au prévenu sans violer l'article 802 du code de procédure pénale" ;

Attendu que le prévenu ne saurait faire grief à l'arrêt de ne pas avoir prononcé la nullité du jugement dès lors que les dispositions de l'article 520 du code de procédure pénale ne sont pas limitatives et s'étendent au cas où, comme en l'espèce, la cour d'appel relève que les premiers juges n'ont pas respecté le délai de renvoi de l'affaire qui leur était soumise selon la procédure de comparution immédiate, lequel délai ne pouvait dépasser six semaines ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-1, 397-1 et 391 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de faire application des dispositions de l'article 6-1 du code de procédure pénale et de constater le caractère illégal de la détention de Vincent X... du 11 mars 2008 au 16 avril 2008, date de sa mise en liberté par la cour ;

"aux motifs que, dans son arrêt du 16 avril 2008, la cour, après avoir relevé une erreur procédurale imputable au tribunal, a seulement ordonné la mise en liberté de Vincent X... en répondant positivement à une demande du prévenu ; que la détention de ce dernier, pour la période considérée, ne pouvait être qualifiée d'illégale puisqu'elle avait un titre régulier décerné par une juridiction compétente en la matière ; que la cour avait d'ailleurs répondu en droit dans son arrêt la même argumentation ; que le ministère public n'était pas qualifié pour ordonner une mise en liberté d'office et qu'il y a lieu au surplus de remarquer que cette période de détention sera naturellement décomptée en cas de prononcé d'une peine ferme ; que l'illégalité alléguée est inopérante, en l'espèce ;

"alors que, dans son arrêt du 16 avril 2008, la cour d'appel de Versailles avait ordonné la mise en liberté d'office de Vincent X... au motif déterminant que le tribunal correctionnel de Nanterre avait commis une erreur procédurale tirée de la violation de l'article 397-1 du code de procédure pénale ; que cet arrêt définitif a constaté le caractère illégal de la décision de renvoi du tribunal correctionnel de Nanterre en date du 10 janvier 2008 ; qu'en décidant, néanmoins, que l'illégalité de la détention de Vincent X..., fondée sur cette décision de renvoi, n'avait pas été constatée dans l'arrêt du 16 avril 2008 et en refusant de constater le caractère illégal de la détention, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 397-1 du code de procédure pénale" ;


Attendu que le prévenu ne saurait contester à nouveau la régularité d'une détention sur laquelle il a été statué par l'arrêt du 16 avril 2008 devenu définitif ;

D'où il suit que le moyen est inopérant ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 56, 170, 706-30-1, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de nullité des scellés n° 1, 2, 3 et 11, ainsi que de chacun des actes dont ils constituent le support nécessaire ;

"aux motifs que les dispositions réglementaires dont Vincent X... sollicite l'application au visa de l'article 56-4 du code de procédure pénale concernent les perquisitions domiciliaires et non le cas d'espèce ; qu'au surplus le tribunal a justement considéré, par des motifs que la cour adopte, qu'à la supposer établie, l'inobservation des formalités prévues par le code pénal ne saurait entraîner la nullité lorsque aucune atteinte n'a été portée aux intérêts de la personne gardée à vue, le prévenu ne justifiant pas d'un grief lié à la tardiveté de la mise sous scellé ;

"alors, d'une part, que le régime des perquisitions et saisies domiciliaires s'applique aux perquisitions et saisies effectuées lors de l'enquête préliminaire et notamment aux fouilles de sécurité réalisées sur la personne du suspect ; qu'en refusant d'annuler les scellés n° 1, 2, 3 et 11 confectionnés hors la présence de Vincent X..., et plusieurs heures après la saisie des objets lors de la fouille du suspect au moment de son interpellation puis lors de sa garde à vue, la cour d'appel a violé les articles 56 et 706-30-1 du code de procédure pénale ;

"alors, d'autre part, que l'illégalité de la mise sous scellés de produits stupéfiants cause nécessairement grief au suspect lorsque celui-ci nie avoir eu en sa possession les produits litigieux et lorsque ces scellés ont déterminé son placement en garde à vue puis sa condamnation pour trafic de stupéfiants ; qu'en jugeant néanmoins que Vincent X... ne justifiait d'aucun grief lié à la tardiveté de la mise sous scellés des pièces qui ont déterminé son placement en garde à vue puis sa condamnation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, enfin, que Vincent X... soutenait dans ses conclusions que son absence lors la mise sous scellés des produits stupéfiants lui avait causé préjudice ; qu'en se bornant à relever que le prévenu ne justifiait pas d'un grief lié à la tardiveté de la mise sous scellé, sans rechercher si l'absence de Vincent X... lors de cette opération avait pu lui préjudicier, la cour d'appel a violé l'article 593 du code de procédure pénale" ;

Attendu que le moyen, qui, en sa troisième branche, manque en fait, et qui, pour le surplus, se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;

Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 63-1, 63-4, 171, 802 et 591 du code de procédure pénale, violation des droits de la défense :

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la garde à vue décidée contre le prévenu à compter du 7 janvier 2008 à 11 h 40, ainsi que de chacun des actes dont cette mesure constitue le support nécessaire ;

"aux motifs que Vincent X... a été placé en garde à vue le 6 janvier 2008 à 22 h 10 au commissariat, sous la fausse identité qu'il avait donnée ; qu'il lui a bien été notifié ses droits, notamment la possibilité de s'entretenir avec un avocat ; que Vincent X... a, dans ces conditions, pu normalement s'entretenir avec un avocat du barreau des Hauts-de-Seine, commis d'office ; que l'entretien avec l'avocat a donc eu lieu dans le délai légal prévu par l'article 63-4 du code de procédure pénale ; que plus généralement, le rappel de ses droits de gardé à vue a été effectué tout au long des premières 24 heures de garde à vue que lors de la notification de sa prolongation le 7 janvier 2008 à 21 h 20 autorisée par le parquet et que lors de celle intervenue sur autorisation du juge des libertés et de la détention auprès duquel il a déclaré "ma garde à vue se passe bien" ; qu'il y a lieu en conséquence de rejeter l'ensemble des exceptions soulevées par le prévenu ;

"alors, d'une part, qu'en cas de placement en garde à vue pour un crime mentionné à l'article 706-73 3° du code de procédure pénale, le gardé à vue doit être informé de la possibilité de s'entretenir avec un avocat à l'issue d'un délai spécial de 72 heures ; que cette règle s'impose même lorsque ce placement fait suite à une première garde à vue décidée pour une autre infraction et lors de laquelle le suspect a été informé du droit de s'entretenir avec son avocat dans le délai de droit commun ; qu'en rejetant l'exception de nullité de la deuxième période de garde à vue au motif que le suspect s'était vu correctement notifier ses droits lors de son premier placement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que toute personne placée en garde à vue doit être immédiatement informée de ses droits ; que tout manquement à cette obligation porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ; qu'en rejetant l'exception de nullité soulevée par Vincent X..., fondée sur l'absence de notification du droit de s'entretenir avec un avocat à l'issue de la 72e heure de sa garde à vue, aux motifs qu'il s'était entretenu avec un avocat commis d'office au cours de sa première garde à vue, et qu'il avait affirmé devant le juge des libertés et de la détention que sa garde à vue se passait bien, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Vu les articles 63-1 et 63-4 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que l'officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, I'agent de police judiciaire, a le devoir de notifier immédiatement les droits attachés au placement en garde à vue ; que tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la garde à vue à compter du 7 janvier 2008 à 11 h 40, exception tirée de l'absence de notification du droit de s'entretenir avec un avocat à l'issue d'un délai de 72 heures, l'arrêt retient qu'il a été notifié à l'intéressé ses droits, notamment celui de s'entretenir avec un avocat, lors de son placement en garde à vue, le 6 janvier 2008 à 22 h 10, et que l'entretien avec l'avocat a bien eu lieu dans le délai légal prévu par l'article 63-4 du code de procédure pénale ; que les juges ajoutent que le rappel des droits a été effectué tout au long des premières 24 heures de garde à vue et lors de la notification des prolongations ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la notification du droit de s'entretenir avec un avocat à l'issue d'un délai de 72 heures n'avait pas été effectuée le 7 janvier 2008 à 11 h 40, lors de la notification de l'application du régime de garde à vue spécifique aux infractions de trafic de stupéfiants, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes précités et du principe énoncé ci-dessus ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 2 octobre 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.